Laurent Degos. Peut-on vaincre le cancer? Cloner est-il immoral?
Candide, chassé du paradis terrestre, erra longtemps sans savoir où, allant de chasseur de têtes en chasseur de têtes, levant les yeux au ciel, les tournant souvent vers les plus belles sociétés qui enfermaient les plus belles directrices de ressources humaines, et, sans domicile, se coucha au milieu des champs entre deux sillons ; la neige tombait à gros flocons
Ces règles déduites des incidents antérieurs, et édictées en pensant que des catastrophes surviendront en raison de circonstances identiques et de combinaisons de circuits similaires, ne suffisent pas. Deux situations ne sont jamais identiques.Regarder en arrière est nécessaire mais pas suffisant. La conduite d'une voiture ne peut se faire sur les seules informations du rétroviseur
A l'instar des Lumières qui annoncèrent la Révolution de 1789, peut-on déceler aujourd'hui les lueurs d'une nouvelle société?
Une solidarité forte - qui se désolidarise parfois des règles de la société - est un premier axe de réflexion. Des associations défendant le droit au logement, à la nourriture pour tous, à la prise en charge des "sans-papiers", des migrants bloqués à Calais, les initiatives fleurissent. Une solidarité qui s'adresse à autrui connu par rencontre réelle ou virtuelle est préférée à la solidarité organisée, collective et anonyme de l'État. Apparaît parallèlement une économie collaborative favorisée par le numérique, qui vient perturber l'économie traditionnelle.
C'est une lapalissade que d'affirmer que le malade est celui qui est le plus concerné par la politique de santé. Qu'on l'appelle également citoyen, bénéficiaire, usager...c'est lui qui devrait exprimer ses besoins et donner son avis, non seulement sur son traitement mais aussi sur le système de santé.
La première réaction au moment de la découverte d'une erreur, est de réparer le défaut. Cependant la réparation risque de favoriser une fragilité encore plus dangereuse dans un système complexe : un maillon rendu rigide devient alors un point de rupture
Ces "centres anticancéreux" (nom inapproprié car il s'agit de centres anticancer et non anticancéreux!) voient le diagnostic se modifier avec la séquence du génome de la tumeur, le suivi des marqueurs par des prises de sang [...].
Cela fait déjà un certain temps que l'on clone des gènes ou des cellules pour en faire des médicaments, des animaux pour faire renaître des espèces disparues, en sauvegarder d'autres en voie d'extinction, ou améliorer les performances de certaines races, sans que ces pratiques posent problèmes. Mais dès lors qu'il s'agirait de cloner l'homme... il n'est pas un responsable politique ou scientifique qui ne donne de la voix et le monde bruit d'avis divergent... tous bien argumentés.
La personne qui subit un dommage est en effet victime du système et de sa complexité. Pour contrecarrer les risques, des protocoles et des normes (check-lists, procédures) sont exigés ou recommandés, comme des barrières. On compare chacune de ces barrières à des tranches de gruyère. La flèche peut passer de l'une à l'autre par les trous du "fromage" et aboutir à un accident.
Un geste malencontreux provoque un accident. "L'erreur est humaine", dit l'adage populaire. Les enquêteurs d'une catastrophe déclarent que certains "facteurs humains" en sont partiellement responsables, cherchant toujours une cause et une conséquence. Mais l'erreur est inhérent au fait d'avancer, d'aller plus loin, d'évoluer. L'erreur est le fruit de la vie.
Au centre de l'évolution se trouve un moteur, l'erreur -prise dans le sens d'errer, d'aller ça et là. L'homme ne serait pas apparu sans les erreurs et les chaos qui fondent l'évolution du monde vivant