Livres hors classes: Fellag "L'allumeur de rêves berbères"
Le pays ne fonctionne qu'avec des circulaires, c'est pour cela qu'il tourne en rond.
(à propos des islamistes)
Ils devraient s'en remettre à la justice divine. S'ils nous jugent avec leur esprit d'humains, ils risquent de condamner des innocents. Ils commettent une hérésie à vouloir se mettre à la place de Dieu !
Après la nuit coloniale est venue la nuit des colonels. Ces hommes sont en train d'installer un système effroyable qui va saper la mémoire et l'avenir de la société.
-Je ne sais pas pourquoi chez nous, en Algérie, aucune mayonnaise ne prend. Rien ne marche, rien ne tient, rien ne dure ! Tout coule !
Dans le monde eniter on dit – et c'est devenu proverbial – quand un peuple coule, quand il arrive au fond, il remonte. Nous, quand on arrive au fond, on creuse ! (page 11)
Il est aujourd'hui acquis, (...), et tout le monde le sait, inutile de nous enfoncer la tête dans le sable comme une autruche, ou de vouloir cacher le soleil avec un tamis, comme dit le proverbe, que notre pays, s'il n'a pas avancé d'un iota, recule à vue d'œil tous les jours. Et quand je dis "recule", ça ne signifie pas qu'il remonte vers un quelconque passé... Non, il recule vers des impasses. L'inconnu. Vers un temps qui n'a jamais existé... En fait nous sommes tout simplement arrêtés. Figés dans un no man's time qui n'est ni le présent, ni le passé, et encore moins le futur... Nous sommes hors-temps. Les dirigeants de ce pays nous ont tracé un chemin qui petit à petit nous a menés vers une galaxie coupée de toutes les autres. Le trou noir...
(dans "Alger-New York")
Vous, les hommes, vous vous croyez si forts, alors que vous êtes si fragiles. Non, mon chéri... Attends! C'est différent. Ca n'a rien à voir. Vous avez été éduqués à posséder le pouvoir, mais à résister. Vous êtes comme des princes à qui on a préparé une place toute chaude sur le trône. C'est pour ça que vous perdez tous vos moyens au moindre séisme. Nous, les femmes, subissons deux jougs et nous battons sur deux fronts à la fois. Nous sortons nos griffes dès que le danger montre son nez et nous passons à l'attaque parce que nous avons appris à affûter nos armes. Et quand je dis attaque, je veux dire défense, naturellement. Attaquer, c'est se défendre contre l'envahissement de la folie. Cette folie que vous avez fabriquée avec votre orgueil mal placé, votre fierté exhibitionniste. Vous manipulez la morale et la religion comme des illettrés manipuleraient de l'uranium.
(dans "Allô!")
Le malheur est moins evanescent, plus présent. Il colle mieux à la peau. Au fond, le meilleur ami de l'homme, ce n'est pas le chien, c'est le malheur [...].
(dans "Le Syndrome de la page 12")
Mon nom est Zakaria, j'ai cinquante ans et je suis écrivain. Ecrivain dans un pays où ne sont éditées que des oeuvres asexuées, gommées de toutes les aspérités caractérisant la pensée individuelle.
Dans les années soixante, à Tizi-Ouzou, comme dans tout le reste de l'Algérie, c'est au cinéma que nous faisions notre apprentissage de la vie : Comment se débrouiller pour se sortir des situations difficiles ? Comment se venger ? Comment échapper à la police ? Faire un noeud de cravate ? Comment se brosser les dents sans tacher le col de sa chemise ? Comment réussir un hold-up proprement ? Comment résister à un interrogatoire… Chaque film était une occasion de nous instruire. Mais, quelquefois, certaines situations nous posaient des problèmes insolubles.
(incipit de la nouvelle "Le dernier chameau")
J'étais si timide que la seule langue que je maîtrisais c'était...le silence.