À l'occasion de la 33ème édition du festival "Étonnants Voyageurs" à Saint-Malo, Christine Jordis vous présente son ouvrage "Le nuage fou : Ikkyu, moine zen et poète rebelle" aux éditions de l'Observatoire.
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Ressentir n'était d'ailleurs pas réservé aux seuls lettrés chinois : les signes créés, vivants, parlaient tout aussi bien aux centaines de millions d'illettrés chinois; ainsi que le nota le poète Henri Michaux lors du voyage en Chine qu'il effectua en 1930, lui qui ne connaissait pas non plus la langue: "Ces caractères , illisibles à des centaines de millions de chinois, ne leur étaient pourtant pas lettre morte. Tenus hors du cercle des lettrés, les paysans, il est vrai, les regardaient sans les comprendre, mais non sans ressentir" ( p.42 : cf. Idéogrammes en Chine, Fata Morgana, 1975)
Partir. Rupture. Et tout recommence. Fin des habitudes d'être et de penser, la vie à réinventer. Tel est le grand mérite du voyage. Créer la rupture. Laisser derrière soi le fatras des vieux papiers, idées, connaissances, problèmes, ennuis et autre quincaillerie dont nous entendons à chaque pas le tintamarre. Se sortir de la routine où l'on se débat, déplacer l'horizon mental qui nous enferme, en repousser au plus loin les limites, gagner une vision nouvelle, une perspective différente, une plus grande ouverture, en un mot: le large- et obtenir d'autres réponses, peut-être.(p. 12)
En Inde, Gandhi n'était pas le seul à dénoncer cette "vaste entreprise de pourvoyeurs" qu'est devenue la civilisation, tout entière occupée à maintenir "des festins permanents à une population de gloutons" qui, pour mieux s'empiffrer, sèment la mort autour d'eux. "Une civilisation animée d'un appétit anormal doit faire d'innombrables victimes pour subsister, et ces victimes se trouveront dans les parties du monde où la chair humaine ne vaut pas lourd. Le bonheur des populations en Afrique et en Asie est sacrifié pour fournir aux caprices de la mode une suite sans fin de respectables déchets." Dans sa critique de l'égoïsme des peuples riches, Tagore, par la même occasion, fait le procès du fonctionnement même des sociétés occidentales où la cupidité se développe sans contrôle, encouragée, voire admirée, tandis que le système laisse ses nombreuses victimes sur les bas-côtés de la route : "Ce qui en Occident se nomme démocratie... ressemble à quelque éléphant, destiné uniquement aux promenades et aux amusements des plus habiles et des plus riches." Encore une fois, c'est l'esprit de profit qui est accusé. Pas plus que Gandhi, il ne croyait l'Occident en possession de la "vraie" civilisation ("Je ne m'oppose pas au progrès, mais si, par amour pour lui, la civilisation doit vendre son âme, je préfère demeurer dans l'état primitif").
Il y a son exemple, incarnant des idées fortes qui contrastaient avec les valeurs du colonisateur - celles de la "civilisation moderne" fondée sur la domination (de l'argent, entre autres). La puissance des idées liée à celle de l'exemple. Une conception de l'homme, élevée, exigeante - première raison de son combat, avant même l'indépendance de l'Inde - qui puise ainsi une partie de son impact dans l'opposition de l'ennemi. Sa vision offrait une autre moyen d'appréhender le monde en renouant avec une tradition religieuse millénaire. Pour cette raison, elle trouva un écho profond auprès du peuple. "L'estime du public, écrit Nehru, allait aux qualités plutôt qu'au statut officiel. La tradition était de respecter l'instruction et la bonté chez quiconque les possédait". Le pouvoir inspirait de la crainte - du respect, non. Le respect était réservé à ce qu'on admirait.
Mais les livres que nous aimons le plus ne font que réveiller, ou exprimer, des pensées qui sont déjà en nous...
Le bouddhisme approche l'homme sous le prisme de la souffrance dans ses multiples formes, morale, mentale, physique. Et la souffrance a sa source dans l'ignorance - c'est l'illusion de l'ego - comme dans l'avidité de posséder, nécessairement frustrée. Ces vérités là, Kukai les acceptait pleinement.
A certains moment, on n'est plus que regard, mais ce regard, quittant tout support désigné et les bornes étroites de notre personne est devenu présence au monde. A ce moment-là, celui où assise dans le jardin du Korin-in je regardais tomber la pluie, il m'a été donné de "voir". (...) Il s'agit de "ressentir", de pénétrer au cœur des choses. En ce moment particulier, j'étais sortie du temps linéaire, celui qui nous enferme et nous entraîne, fait de minutes en minutes courant vers une fin, j'étais dans un temps arrêté, emplie seulement de la vision de l'érable et du bruit de la pluie qui tambourinait sur le toit.
Ce moment de plénitude fut, je crois, le plus intense et le plus fort, celui qui émerge entre tous les autres quand je repense à ce séjour au Japon. Moment de présence, quand les barrières intérieures sont repoussées et que le grand large est atteint - le monde est en nous.
Qu'Est-ce donc que la vérité ?
"D'ordinaire, cette question (celle de la vérité) ne préoccupe pas les gens. Ils isolent la vérité dans un coin de leur esprit... et adoptent les expédients pour mesure de l'action. En politique, c'est la règle générale, non seulement parce que les politiciens sont, hélas, une espèce particulière d'opportunistes, mais parce qu'ils ne peuvent agir sur un plan strictement personnel". Le compromis est de règle, la vérité lui est adaptée. "La tendance à ignorer et délaisser la vérité se répand, et l'expédient devient l'unique critère de l'action."
Souffrir pour mieux détruire le moi et ses résistances, de sorte que la place soit laissée vide et nette. l'ascèse vise à s'ouvrir sans réserve à l'autre.
Mais "qu'est-ce que la vérité ?", interrogeait Nehru, "il est possible que nos vérités soient relatives, que la vérité absolue nous dépasse... La vérité, au moins, pour un individu, c'est ce que lui-même sent et sait âtre vrai.[...] Ce que l'on sent et sait être vrai. Avec un élément de subjectivité, donc, que reconnaît Gandhi.