Vous, humains modernes, ceux en particulier qui connaissent la vie trépidante des grandes villes, vous fatiguez les fonctions de votre cerveau même en plein jour ; toutes sortes d'activités psychiques ou de sensations, de jugements ou autres se déconnectent et mettent en branle la fonction sympathique-réflexe des terminaisons nerveuses des cellules, et vous voilà en pleine crise de somnambulisme vacillant titubant...... C'est pour cela que quand vous passez au pied d'une cheminée d'usine, vous croirez quelle va s'effondrer sur vous et vous hâterez le pas...... En dormant, vous croirez entendre des trains qui vont et viennent au point que vous serez pris de l'envie d'allumer votre lampe de chevet...... Une autre fois, que le poêle vient de bâiller, que le jaune de l'œuf dans votre assiette est en train de vous regarder d'un air mauvais, qu'hier quand vous êtes rentrés la boîte aux lettres dans la rue d'en face n'était pas à la même place, que la marmite pousse des soupirs la nuit, que cette photographie transpire, que du tiroir de votre bureau une main blanche apparaît et vous fait signe "viens par ici viens par ici", que le pistolet s'est tourné vers vous et à fait "pan"...... et bien d'autres phénomènes étranges qui ne sont que le résultat de dysfonctionnements de l'activité sympathique-réflexe, autrement dit un somnambulisme de la conscience.
Dogra Magra est un roman policier où la victime est le lecteur. Ce qui est une bonne définition du roman policier finalement : l'auteur défie le lecteur, et gagne. Dans Dogra Magra, il gagne. Dans tous les cas il gagne (Extrait de la préface de P. Malpa)
Alors, les yeux fixés de toutes mes forces sur le Dr Masaki, je sentis qu'il me fallait à tout prix attendre, fût-ce au péril de ma vie, jusqu'à ce que ces lèvres noires et difformes s'ouvrent et s'expliquent...... sans doute parce que mon âme avait été entièrement aspirée par les deux docteurs au nom de la beauté d'une expérience de psychiatrie au comble de l'étrange qu'ils cherchaient à se voler mutuellement et pour laquelle ils épuisaient, non pas leurs forces vitales, mais bien leurs forces de mort
La vraie nature de l'âme humaine. Quelle est sa forme, son apparence ? Pourquoi se détraque-t-elle ? Comme dirait le père Hanshichi le marchand de saké. Et pourquoi et où et comment ? On n'en comprend toujours pas le début du commencement. Vous voulez une preuve, c'est simple. Prenez un manuel de psychiatrie d'aujourd'hui. Ces longues listes de noms de maladies. Ces savants qui ont écrit ces manuels. Sans rien comprendre à rien. Ils jettent un coup d'œil sur le patient. Sa façon de se mouvoir et ses regards hagards. Et hop je t'embobine les naïfs. Celle qui est folle de séduction, c'est parce qu'elle est nymphomane. Celui qui a commis un meurtre, c'est de la folie meurtrière. Le psychopathe danseur. Eh bien il danse. Le pyromane, c'est celui qui met le feu. Quelle sorte de science est-ce là ? Mettre un nom sur ce qu'on savait déjà. Pas besoin d'être médecin pour ça. Les gens ont le vin coléreux ou le vin triste. Le vin gai ou le vin qui en veut un autre. La cuite à répétition. Il suffit de les regarder quand ils sont saouls. Voilà comment je te mets un nom dessus. Et on appelle ça faire un diagnostic......
J'étais toujours un inconnu dans un monde inconnu. J'étais moi et je ne savais pas qui j’étais.
...... Ça n'a rien de drôle. Qu'est-ce que vous trouvez de si drôle à vous rouler par terre ?
...... Qu'est-ce qui vous fait vous gondoler comme ça dans tous les sens ?
Pourquoi rampez-vous dans le poste de police ?...... pourquoi prenez-vous les poteaux électriques dans vos bras ?...... pourquoi embrassez-vous la boîte aux lettres ?...... Est-ce que vous n'auriez pas l'esprit un peu dérangé tout d'un coup ?
...... De quoi de quoi...... ? ? ? ? ?......
...... Vous me demandez : "Avec quoi est-ce qu'on pense si ce n'est pas avec le cerveau ?"......
...... Vous me demandez : "Par où est-ce qu'on ressent si ce n'est pas par le cerveau ?"......
Vous me demandez : "Où est le siège de notre conscience ?"...... "Pourquoi vivons-nous ?"......
...... Ah, c'est donc ça......
Je ne vois pas ce que ces questions ont de drôle. Pas plus étranges que bizarres. Ces questions sont tout ce qu'il y a de normal.
...... Nettoyez la fange au fond de votre culotte.
...... Remettez votre chapeau d'aplomb.
Rajustez votre cravate et écoutez-moi bien......
Cela leur provoque une émotion imbécile intense, une fierté et un sentiment de sécurité, puis, quand cette émotion vient à déborder, ils deviennent fanatiques et s'en vont donner leurs vies pour rien, dans une émeute ou une révolution où ils se jettent tête baissée, tels des spermatozoïdes dans une goutte de vinaigre de cidre.
Le « cerveau-qui-pense-les-choses », en chassant Dieu hors du monde des hommes et en expulsant la Nature, déroba également toutes les manifestations de cœur naturelles à l'homme qui permettent son accroissement, son progrès et son évolution, la paix et le bonheur. Autrement dit, il lui fit refuser en bloc l'amour paternel et maternel, l'amour fraternel, l'amour conjugal, la chasteté, la confiance, la pudeur, la reconnaissance, la compassion, l'honnêteté, la bonté, sous couvert de la raison spécieuse que « ces émotions ne sont pas logiques au regard de la science matérialiste, donc ne sont pas naturelles ». Puis il fit advenir un monde individualiste reposant uniquement sur la matière et les instincts bestiaux. Puis il rendit l'homme progressivement éperdument amoureux de cette civilisation, le fit s'adonner à la masturbation intellectuelle, le rendit neurasthénique, dérangé mental, et finalement condamna toute l'humanité à errer dans l'onanisme mental des fantômes absurdes qui recherchent les lanternes rouges et bleues d'un monde de néant morbide. Et maintenant, le « cerveau-qui-pense-les-choses », sans que personne s'en doute, entreprend d'exterminer l'humanité.
Le roman policier , c'est le sport du cerveau.
En un mot, poussez pas poussez pas, cette planète est pleine à craquer d'infirmes mentaux à l'esprit boiteux, tordu, trop grand, trop petit, trop pourvu d'intelligence ou de pulsions, ou pas assez, c'est indéniable.