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3.79/5 (sur 49 notes)

Nationalité : Nigeria
Né(e) à : Nigeria , le 15/03/1959
Biographie :

Poète et romancier nigérian. Il a un peu vécu au Nigéria et beaucoup en Angleterre où il a étudié dans plusieurs universités (Essex, Westminster).
Ben Okri n'a jamais cessé de dénoncer la corruption, le pouvoir militaire et le tribalisme qui minent son pays.
Son expérience vécue de la guerre civile au Nigéria a inspiré plusieurs de ses livres. Il a obtenu plusieurs prix : 1991 Booker Prize, Commonwealth Writers Prize for Africa, Aga Khan Prize for Fiction. Il est traduit en vingt langues.



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Ben Okri
La lecture est un acte de civilisation ; c'est parce qu'elle prend la matière première de l'esprit et construit des châteaux de possibilités...
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Elle remarqua pour la première fois la douceur de ses traits et l'acuité de son regard. Ce n'est que lorsqu'elle revint avec son seau rempli d'eau et qu'elle en renversa un peu devant lui qu'il leva les yeux. Il sourit. Par la suite, elle remarqua qu'à chaque fois qu'il la regardait, il avait dans les yeux la flamme d'un intérêt secret.
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L'enfant-esprit est un aventurier involontaire, projeté dans le chaos et la lumière du soleil, dans les rêves des vivants et des morts. Les choses qui ne sont pas prêtes, qui ne veulent pas naître ou advenir, les choses qui ne bénéficient pas des préparatifs nécessaires à leur éclosion, les choses qui ne sont pas résolues, celles qui sont étroitement liées à l'échec et à la peur d'exister, toutes ne cessent de revenir et de se reproduire, et toutes participent de la condition de l’enfant-esprit.

Nombreux sont ceux qui appartiennent à cette condition et qui ne le savent pas. Nombreuses sont les nations, les civilisations, les idées, les découvertes partielles, les révolutions, les amours, les formes d’art, les expériences et les événements historiques qui participent de cette condition et qui l’ignorent. Un grand nombre de gens sont ainsi. Ils ne portent pas tous les signes de leur réincarnation. Ils paraissent souvent normaux. On les tient fréquemment pour de nouveaux venus sur la terre. Ils se montrent souvent sereins face à la familiarité de l’étreinte de la mort. Ils portent tous d’étranges présents dans leurs âmes et passent une grande partie de leur temps dans leur jardin secret. Ils aspirent tous à faire un beau sacrifice de leur personne, un sacrifice difficile. Ils souhaitent tous être des artisans d’une grande transformation. Enflammés part l’étrange extase de leur foi en une volonté toujours plus forte qui dit oui au destin et à la lumière, ils désirent ardemment mourir en faisant la lumière au sein de cette vie et en y semant tout ce qui présidera à leur véritable entrée dans l’existence.

J’étais un enfant-esprit en révolte contre les esprits, désireux de vivre la vie qui règne sur la Terre et ses contradictions. Ade voulait quitter la Terre et redevenir un esprit, un esprit libre dans la captivité de la liberté. Je voulais la liberté au sein des limites, je voulais avoir à trouver ou à créer de nouvelles routes à partir de cette route qui est si affamée, cette route de notre refus d’exister. En faisant ce choix, je ne me suis pas forcément montré le plus fort. Il peut être plus facile de vivre avec les contraintes terrestres que d’être libre dans l’infini.

Et comme l’on sait que les esprits sont immortels, se peut-il que j’aie souhaité naître pour toutes ces raisons que sont les paradoxes des choses: les changements éternels, l’énigme que pose la vie lorsque l’on est vivant, le mystère de l’existence, des naissances au sein des naissances, de la mort au sein des naissances et des naissances au sein de la mort ? Était-ce par défi de donner naissance à mon véritable moi, à mon nouvel esprit, jusqu’à ce que toutes les conditions soient réunies pour qu’une nouvelle étoile inaltérable advienne à l’existence au cœur de mon propre univers ? Était-ce par défi de grandir, d’apprendre et d’aimer, par défi de maîtriser mon propre moi ? Était-ce parque je croyais possible de signer un nouveau pacte avec mon propre esprit ? Ou bien parce qu’il est probable qu’aucune injustice ne dure éternellement, aucun amour ne meurt jamais, aucune lumière ne s’éteint vraiment, aucune route n’est jamais terminée, aucune vérité, aucun état n’est jamais définitif et qu’il n’y a jamais vraiment de commencements ni de fins ? Mais il se peut aussi que, dans le pays des origines, où beaucoup d’entre nous étaient des oiseaux, toutes ces raisons n’aient eu rien à voir avec celle qui m’a poussé à vouloir vivre.

Tout est possible, d’une manière ou d’une autre. Nous sommes confrontés à de multiples énigmes que ni les vivants, ni les morts, ne peuvent élucider.
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Il se dit : Si on peut être surpris par sa propre œuvre, alors on a commencé quelque chose qui en vaut la peine.
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Puis, de façon tout à fait imperceptible, les choses commencèrent à changer. Les toits, qui, au premier abord, semblaient uniformes dans la lumière bleutée de l'obscurité devinrent plus distincts. Et cependant, autour de lui, la ville abandonnait ses formes. Les maisons semblaient devenir liquides et s'écouler avant qu'il les eût atteintes. Un cheval au loin se transforma en brume quand il s'en approcha. Des fontaines se dissolvaient en parfums.
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J'observais les foules de gens qui se déversaient sur la place du marché. Je vis les mouvements désordonnés et les violentes disputes, je vis les porteurs qui titubaient sous le poids des sacs. Il semblait que le monde entier était réuni à cet endroit. Je vis des gens de toutes tailles et d'aspects les plus divers, des femmes gigantesques au visage marbré comme du bois d'iroko, des nains au visage de pierre, des femmes à la voix flûtée portant sur leur dos des jumeaux attachés avec des étoffes, des hommes robustes dont les muscles des épaules saillaient. Au bout d'un moment, j'éprouvai une sorte de vertige à la seule vue de tout ce qui bougeait. Le spectacle des chiens errants, des poulets battant des ailes dans leurs cages et des chèvres au regard indolent me rendait mal à l'aise. Je fermai les yeux et, quand je les rouvris, je vis des gens qui marchaient à reculons, un nain qui se déplaçait sur deux doigts, des hommes qui marchaient sur les mains avec des bourriches de poissons sur les pieds, des femmes qui avaient des seins dans le dos et portaient des bébés attachés sur la poitrine, et de beaux enfants qui avaient trois bras. J'aperçus parmi eux une fille qui avait des yeux sur le côté du visage, le cou orné de bracelets de cuivre bleu, et qui était plus ravissante que les fleurs de la forêt. Je fus si effrayé que je descendis de la barrique sur laquelle j'étais juché. Je faisais mine de partir lorsque la fille me désigna du doigt et s'écria :

« Ce garçon est capable de nous voir ! »

Ils regardèrent dans ma direction. Je détournai les yeux et quittai précipitamment la place du marché, de plus en plus bondée, pour regagner la rue. Ils me suivirent. L'un des hommes avait des ailes rouges aux pieds et une fille avait au cou des branchies de poisson. Je les entendais chuchoter d'une voix nasale. Ils me talonnèrent pour savoir si j'étais réellement capable de les voir. Et quand je refusai de regarder dans leur direction, en concentrant mon regard sur les piles de poivrons rouges séchés au soleil, ils se pressèrent autour de moi et me barrèrent la route. Je fendis l'attroupement comme s'ils n'étaient pas. Je fixai avec insistance les crabes qui agrippaient de leurs pinces les bords des cuvettes en forme de fleurs. Mes poursuivants finirent par me laisser tranquille. Ce fut la première fois que je pris conscience que les places de marché de ce monde ne sont pas uniquement peuplées d'êtres humains. Les esprits et d'autres créatures les fréquentent aussi. Ils achètent et ils vendent, ils parcourent les lieux et les examinent. Ils flânent au milieu des fruits de la terre et de la mer.
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Au commencement était une rivière. La rivière devint une route, et la route sillonna le monde entier. Et comme la route avait été autrefois une rivière, elle avait toujours faim.
Dans ce pays des commencements, les esprits se confondaient avec les enfants à naître. Nous pouvions revêtir de multiples formes. Un grand nombre d'entre nous étaient des oiseaux. Nous ne connaissions aucune limite. Il y avait beaucoup de festins, de jeux et de lamentations. Nous festoyions beaucoup à cause des belles terreurs de l'éternité. Nous jouions beaucoup parce que nous étions libres. Et nous pleurions beaucoup parce que nombre d'entre nous venaient juste de revenir du monde des vivants. Ils étaient rentrés inconsolables à l'idée de tout l'amour qu'ils avaient laissé derrière eux, de toutes les souffrances qu'ils n'avaient pas réparées, de tout ce qu'ils n'avaient pas compris et de tout ce qu'ils avaient à peine commencé à apprendre avant d'être retirés du monde des vivants pour être ramenés au pays des origines.
Aucun d'entre nous ne se réjouissait de naître. Nous détestions les rigueurs de l'existence, les désirs insatisfaits, les injustices enracinées dans le monde, les labyrinthes de l'amour, l'ignorance des parents, l'existence de la mort, et l'indifférence stupéfiante des vivants à l'égard des simples beautés de l'univers. Nous craignions l'insensibilité des êtres humains, car ils naissent tous aveugles. Rares sont ceux qui, parmi eux, apprennent jamais à voir.
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Un jour, un homme vint me trouver au bureau et me demanda mon nom. Curieusement, je fus incapable de lui répondre sur-le-champ et, sans me laisser le temps d'y arriver, il partit. A l'heure du déjeuner, j'allai manger au troquet. A mon retour, quelqu'un vint m'annoncer qu'on avait renvoyé la moitié des employés du service. Dont moi.
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Dans l'obscurité profonde, la pluie se mit à tomber. Elle ne cessa de se déverser en trombes tandis que les habitants du ghetto se déchaînaient. Elle ne dura pas longtemps, mais a transformé tousles chemins en boue. La pluie abreuvait notre fureur. Entonannt d'anciens chants de guerre et brandissant des piques et des machettes, des bandes se formaient dans la nuit. Les hommes tapaient du pied dans la boue. Arrivés sur la grand-route, ils attaquèrent des cars et des autobus. Ils assaillirent des véhicules de police. Ils dévalisèrent des magasins. Alors, chacun se mit à piller, à brûler et à renverser tout ce qui se trouvait sur son passage. Maman, qui me portait dans ses bras, fut entraînée par la foule frénétique. Se préparant au pire, elle s'arrêta le long de la grand-route pour rajuster son pagne, lorsqu'une foule de gens arriva sur nous en braillant et en martelant le sol. Ils passèrent au milieu de nous en courant et me séparèrent de ma mère.
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Si tu as quelque chose, garde-le, veille dessus, conserve-le précieusement, enrichis-le. Parce que, ici, si tu perds quelque chose, c'est qu'au départ tu ne l'avais pas. Tu ne l'as pas gardé. Tu ne lui as pas donné la vie. Cela n'était pas réel pour toi. Ici, les choses perdent leur réalité si tu n'as pas conscience d'elles."
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