Jermaine Jackson

Il a fait une chute chez lui en sortant de la douche, et cette fois, la souffrance le frappe au moment où il a le plus besoin de ses forces vitales. Mais c'est un pédophile n'est-ce pas ? Il le mérite, non ? La police doit certainement avoir des preuves incontournables sinon on ne lui ferait pas un procès, n'est-ce pas ? Il faut que les gens sachent à quel point ce procès est injuste.
Maman et Joseph sont les seules personnes autorisées ici, ils sont assis le long du mur à ma droite; ils sont comme moi et ils ne savent pas quoi faire, à part être présents et avoir l'air fort. Michael grimace sous la douleur qui tenaille sa cage thoracique et le bas de son dos, mais je sens que sa souffrance mentale est encore plus grande.
La semaine précédente, j'ai vu sa désintégration physique. A quarante-six ans, son corps mince de danseur s'est ratatiné d'un seul coup, et il marche comme un petit vieux; son énergie est concentré seulement dans ce sourire forcé; il a l'air défait, hagard, brisé. Je déteste tout ce qui est en train de lui arriver et je veux que ça s'arrête. Je veux hurler pour insuffler à Michael le cri de révolte qu'il n'a jamais eu en lui.
(...)
- Tout ce qu'on dit de moi est faux. Pourquoi racontent-ils toutes ces horreurs ?
- Oh ! mon chéri..., se lamente maman.
Mais Michael lève la main, il veut parler :
- Ils disent des choses abominables sur mon compte. Je suis ceci, je suis cela, je me suis fait blanchir la peau, j'ai fait du mal à des enfants... Mais jamais je ne ferais une chose pareille. C'est fou, tout ça est fou, dit-il d'une voix à peine audible.
Il tire sur sa veste, comme un petit enfant qui veut retirer un costume, et il passe d'un pied sur l'autre, ignorant la douleur dans son dos.
- Michael ! s'exclame maman.
Les larmes jaillissent.
- Ils peuvent m'accuser autant qu'ils veulent et faire croire au monde entier qu'ils ont raison, mais ils se trompent tellement, tellement...
Joseph est paralysé par cette manifestation d'émotions.
Maman se cache le visage dans ses mains. Michael tire sur les boutons de sa veste et il essaie d'enlever ses manches. Son torse nu apparait. Il est en sanglots.
- Regardez-moi ! Regardez-moi ! Je suis la personne la plus mal comprise de la Terre !
Il s'effondre. Il est là devant nous, la tête au sol comme s'il avait honte. C'est la première fois que je suis témoin de la souffrance de mon frère. C'est un choc pour moi de voir l'état de sa peau. Il a toujours été tellement pudique que personne dans la famille n'a jamais vu son corps. De grandes plaques claires recouvrent ses côtes, son ventre, le haut de son torse; il y a davantage de blanc que de brun, sa couleur de peau naturelle. En réalité, il a l'air d'un Blanc couvert de taches de café; il a cette maladie de peau, le vitiligo, à laquelle le monde cynique refuse de croire, préférant dire qu'il se fait blanchir.
- J'ai essayé d'inspirer les gens... de leur donner des modèles, de leur monter le chemin...
Sa voix se brise tandis que maman essaie de le réconforter.
- Dieu connait la vérité. Dieu connait la vérité, répète-t-elle.
Nous l'entourons, sans pouvoir le prendre dans nos bras, à cause de son dos, mais c'est quand même un peu de réconfort pour lui. Je l'aide à remettre sa veste.
- Sois fort, Michael, lui dis-je. Tout va bien se passer.
Il reprend ses esprits et se confond en excuses :
- Je suis fort. Je vais bien.