Notre société tue tout ce qui tente de se développer de manière naturelle et spontanée. Chaque secteur de la vie est le théâtre d'une lutte sans merci, d'ou seul émerge notre petit ego. Mériter le respect uniquement pour son argent est le nouveau racisme. Je ne suis pas sociologue, mais j'ai une bonne mémoire. Je ne voudrais pas pour autant paraître nostalgique, mais je me souviens bien qu'il y a vingt-cinq ans, l'égoïsme n'était pas aussi généralisé, les gens étaient plus généreux et surtout bien moins stressés.
Je m'ennuie dans un monde qui pense en série, ou tout le monde doit être performant et vivre au même rythme. L'humanité me plaisait beaucoup plus quand, d'homme à homme, chacun pouvait se distinguer par sa singularité.
J'ai tenté d'inculquer à Lorenzo comme à Leonardo que tout a un prix, qu'il faut travailler, savoir faire des sacrifices et, surtout, qu'il faut savoir la valeur de ces sacrifices.(...)
Depuis que j'ai des enfants, je vis beaucoup plus dans la journée qu'avant. Je ne dors que cinq ou six heures. Parfois, je me réveille en pleine nuit, je reste dans mon lit, en silence, et je me mets à réfléchir. Je me pose des questions existentielles, je songe à mes enfants. Du jour ou ils sont nés, je me suis inquiété pour eux, notamment pour le premier. Un premier enfant vous prend toujours par surprise, on n'a pas encore l'habitude. Je me levais toutes les nuits pour le regarder dormir et vérifier qu'il respirait. En le contemplant, je réalisais quel miracle c'était d'avoir un enfant ! Il est à la fois une part de soi et quelqu'un d'autre. Je me reconnaissais dans une expression, dans un détail particulier des traits, dans l'ébauche d'un sourire. Je n'aurai jamais imaginé le trip hallucinant, l'émotion violente que représente l'acte de donner la vie. Tous les plaisirs ont une fin mais les enfants, c'est pour toujours !
Un jour, il s'est produit à la maison un événement terrible. Dans ma famille. Une émotion violente, un tremblement de terre qui a bouleversé tout notre équilibre.
Mon frère aîné Claudio, tout juste âgé de douze ans, est mort. Moi j'avais six ans. Ce fut le drame de toute mon enfance.
Mes parents ont tout fait pour le sauver. Ils auraient donné leur vie. Pendant six ou sept ans, ils l'ont amené voir tous les spécialistes susceptibles de lui offrir une planche de salut. Mais il était atteint d'une maladie incurable. Un après-midi, il est allé faire la sieste comme d'habitude et il ne s'est pas réveillé.
Avant l'âge de six ans, je n'ai aucun souvenir, excepté celui-ci. Ce jour-là, j'avais dans ma chambre des ballons ramenés d'une fête et de rage, je les ai tous crevés. Ce fut mon premier vrai chagrin.
Ma mère s'est effondrée de douleur ; elle subissait la pire des malédictions, celle de survivre à son enfant. J'ai été envoyé pendant quelques mois à Milan chez une tante. Cinq ou six mois plus tard, le calme était à peu près revenu et j'ai pu rentrer à Ortona. Mais quand j'ai vu ma mère mettre le couvert pour tout le monde, y compris Claudio, comme s'il était encore parmi nous, ça m'a fait un choc.
Mon père a essayé par tous les moyens de la ramener à la réalité, mais ma mère s'est obstinée jour après jour à remplir cette assiette devant une place vouée à rester vide...
Je suis né en 1964, le 4 mai, à Ortona, un petit bourg de la côte adriatique dans les Abruzzes. Mon père était cantonnier et ma mère, comme la plupart des femmes de cette époque, était épouse et mère de cinq garçons et une fille.
Comment fut mon enfance? Normale.
Maintenant que je suis un adulte, je sais ce que veut dire être père, et je mesure tous les sacrifices qu'ont dû faire mes parents pour nous donner une vie digne. Et ils faisaient bien plus que cela. Je suis encore ému par le souvenir de leur délicatesse et la générosité de leur attitude vis-à-vis de leurs enfants. Ils s'arrangeaient toujours pour que nous ne nous apercevions pas que l'argent était épuisé ou qu'ils mangeaient tout autre chose que ce qui se trouvait dans nos assiettes.
L'hypocrisie de nos moyens de communication est immense, la fausseté de leurs questions mal posées est de plus en plus criante. Dans la plupart des quelques émissions auxquelles j'ai assisté, la question qui revient le plus souvent est toujours la même.
- Rocco, de quelle taille est ton pénis?
Les mensurations de ma queue sont toujours les mêmes, elles ne vont pas augmenter à force de me le demander. En revanche, l'audimat s'élève chaque fois qu'on pose une question de cet ordre !
Jusqu'à il y a quelques années, la télévision était un merveilleux moyen de distraction familial. C'est à présent devenu un instrument de pouvoir, de guerre. Elle a modifié les comportements naturels des gens, elle a homologué les goûts, les désirs, les ambitions. Elle a gommé les particularités individuelles, ne permettant aux aspects singuliers de ne se défouler qu'à travers l'agressivité.
Dans notre milieu, on dit "intelligence is not requested !" pour devenir acteur de film hard, mais ça n'implique pas qu'on soit forcé d'être bête ! J'ai rencontré des acteurs pornos qui étaient aussi intelligents qu'honnêtes et dignes. De même qu'en dehors de mon secteur, j'ai croisé des gens réputés être d'honnêtes travailleurs, mais qui se sont avérés de parfaites canailles et des escrocs. L'habit ne fait pas le moine et je me suis imposé depuis belle lurette de ne pas me faire d'opinion sur les gens par ouï-dire, mais en les rencontrant et en apprenant à les connaître.
Mes parents étaient croyants et pratiquants. Je suis allé à la messe tous les dimanches matin jusqu'à l'âge de 15 ans. Non seulement j'allais à l'église, mais j'étais enfant de choeur. Ma mère aurait souhaité que je devienne le prêtre de la paroisse de San Giuseppe. Elle en rêvait. J'étais le plus grand de ses fils, j'avais fière allure et ç'aurait été pour elle une immense satisfaction que de me voir vêtu d'une longue soutane noire. Mais mon destin n'était apparemment pas d'entrer dans les ordres !
Aujourd'hui, mon sentiment religieux est bien plus réfléchi qu'alors. Mais il s'agit là d'un choix personnel, intérieur, qui me mène à une spiritualité intime et m'empêche de me reconnaître dans les diktats des représentants de l'Eglise.
On ne peut changer les gens, c'est impossible. Et on ne saurait renoncer à ce qui est fondamental pour l'épanouissement de notre vie.
Depuis la nuit des temps, l'humanité consacre une bonne partie de ses réflexions à la pornographie. Qu'est-ce qui est pornographique et qu'est-ce qui ne l'est pas? Qu'est-ce qui est pervers et qu'est-ce qui ne l'est pas? Or, ces questions suscitent en général pas mal de controverses et d'empoignades.
Et cela m'a toujours intrigué.
La façon dont certains s'échauffent sur ce sujet et dont ils défendent des affirmations partiales avec une conviction absolue m'a toujours fait soupçonner qu'au fond de chacun de nous, ces questions vont se nicher dans un amas nébuleux de contradictions et de grands conflits intimes.
Quand vous êtes une star du porno, vous êtes constamment bombardé par des sollicitations médiatiques en tout genre. Mais attention! Le porno fait monter l’audimat. Exactement comme la violence. Et comme toute forme d’exaltation de n’importe quel aspect instinctif de notre nature si l’on s’en sert à des fins morbides. La télé nie pourtant sans vergogne ce qu’elle montre, tout en le montrant, et adopte une attitude qui l’absout préventivement de tout soupçon de complicité avec son contenu. Je ne considère même pas ce comportement comme lamentable, c’est pour moi la pire forme de vulgarité.