LE COMTE D'ORGAZ : N'est-ce pas folie de ne point voir qu'en fin de compte je rapiécerai son honneur pour un lambeau arraché au mien ? Et après cela, nous nous retrouverions, lui avec un honneur rapiécé, moi avec un honneur perdu. Et cette pièce d'une autre couleur sera pour lui un plus grand préjudice, car l'honneur ne se peut restaurer que par un morceau de même étoffe.
Acte I.
{N. B. : voici le passage qui inspira à Corneille le lumineux " Vas, je ne te hais point. " }
RODRIGUE : Exauce mon légitime espoir : tue-moi !
CHIMÈNE : Laisse-moi !
RODRIGUE : Attends... Songe bien que c'est en m'épargnant que tu exécutes ta vengeance, et que me tuer n'en serait pas une !
CHIMÈNE : Et c'est pourquoi je choisis ce moyen.
RODRIGUE : Je perds le sens ! Tu te montres si cruelle... Tu me hais donc ?
CHIMÈNE : Je ne peux te haïr, toi qui est le maître de mon destin.
RODRIGUE : À quoi bon alors tant de rigueur ?
CHIMÈNE : Je ne suis qu'une femme, mais mon honneur exige que je fasse contre toi tout ce que je pourrai... tout en souhaitant ne rien pouvoir.
RODRIGUE : Hélas ! Chimène ! Qui eût dit...
CHIMÈNE : Hélas ! Rodrigue ! Qui eût cru...
(RODRIGO : Logra mi justa esperança.
¡ Mátame !
XIMENA : ¡ Déxame !
RODRIGO : ¡ Espera !
¡ Considera
que el dexarme es la vengança,
que el matarme no lo fuera !
XIMENA : Y aun por esso quiero hazella.
RODRIGO : ¡ Loco estoy ! Estás terrible...
¿ Me aborreces ?
XIMENA : No es posible,
que predominas mi estrella.
RODRIGO : Pues tu rigor ¿ qué hazer quiere ?
XIMENA : Por mi honor, aunque muger,
he de hazer
contra ti quanto pudiere...
deseando no poder.
RODRIGO : ¡ Ay, Ximena ! ¿ Quién dixera...
XIMENA : ¡ Ay, Rodrigo ! ¿ Quién pensara...)
Acte II, (v. 321-336).
LE LÉPREUX : Qu'un de mes frères en Jésus-Christ me tende la main pour sortir d'ici !...
LE BERGER : Pas moi ! Sa main est lépreuse est répugnante.
PREMIER SOLDAT : Je ne m'y risque pas.
LE LÉPREUX : Écoutez un peu, au nom du Christ !
SECOND SOLDAT : Ni moi non plus !
RODRIGUE : Moi si, car c'est une œuvre de miséricorde. Et même je te baiserai la main.
Acte III.
MARTÍN GONZÁLEZ : Ainsi, Rodrigue, tu es assez audacieux non seulement pour ne pas trembler devant moi, mais pour te battre, et qui plus est contre moi ? Penses-tu exercer ta force non pas contre des harnois et des boucliers, mais contre des poitrines nues, contre des hommes à demi femmes, contre les Maures aux cimeterres de clinquant, aux rondades de papier et aux bras de coton ? Ne vois-tu pas que tu perdras d'un coup tout le courage qui t'anime, si je laisse seulement tomber sur toi un gantelet ? Va donc vaincre là-bas tes moricauds et fuis où ma rigueur ne pourra pas t'atteindre !
RODRIGUE : Les chiens qui aboient n'ont jamais de crocs vaillants !
Acte III.
LE COMTE D'ORGAZ : Le devoir de l'homme d'honneur et de haut rang est de prendre de bonnes résolutions ; mais s'il en prend de mauvaises, son devoir est de les maintenir et de ne jamais se dédire.
Acte I.
RODRIGUE : Et si tu doutes du succès de cette entreprise que je prends sur moi d'assumer, qu'importe ! Rodrigue ira au combat, même si don Martín doit l'emporter ! N'est-il pas sûr et avéré qu'il est pire de ne pas combattre pour vaincre que d'être vaincu en combattant ?
(RODRiGO : Si es que dudas en el fin
de esta empresa, a que me obligo,
¡ salga al campo don Rodrigo
aunque vença don Martín !
Pues es tan cierto y sabido
quánto peor viene a ser
el no salir a vencer,
que saliendo, el ser vencido.)
Acte III, (719-726).
{N. B. : vous avez sûrement reconnu le passage qui inspira à Pierre Corneille son fameux " À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire " du Cid, qui elle-même est un remake de cette pièce de Guillén de Castro.}
CHIMÈNE : Ah ! mon ennemi adoré !
RODRIGUE : Ô amour, ton soleil me glace !
L'INFANTE URRACA : Ô amour, la jalousie m'embrase !
Acte II.