Nous sommes tous prisonniers, esclaves de la nécessité d’avoir chaque jour de quoi manger. Pour la majorité des gens, il n’y a aucune échappatoire, aucun espoir. Il n’y a que la pauvreté d’un côté, et de l’autre l’État, qui réclame une obéissance fidèle à son projet d’expansion et de conquête. Voilà ce que nous sommes. Voilà ce qu’est la Turquie. Voilà ce qu’est notre nation. C’est à prendre ou à laisser : il n’y a pas et il ne peut y avoir de troisième voie. C’est du moins ce que nous pensons tous.
La misère est totale et universelle. Le seul luxe que l’on puisse se permettre, c’est le désir ou le rêve de fuir ce monde-là. Fuir, mais où ? Il n’y a d’espoir ni ici ni aux alentours. Il n’y a que pauvreté, faim et misère.
J’ai grandi en croyant que la seule chose qui comptait était de s’imposer et de s’affirmer, au besoin en détruisant et en supprimant ses ennemis. Personne ne m’a jamais dit qu’il y avait une autre possibilité. Laquelle ? Celle de tendre l’autre joue et de répondre par l’amour à la soif de pouvoir, d’affirmation de soi, de destruction et de haine.
Souvent, dans la vie, ce sont de grandes souffrances qui nous poussent à de grandes entreprises. Subir des injustices, une douleur injustifiée, imméritée, nous fait accomplir de grandes choses qu’autrement nous n’aurions même pas eu le courage d’imaginer.
Un homme peut mettre des années à comprendre qu’il s’est trompé. La conversion – appelons-la ainsi – peut être lente, comme une goutte d’eau qui tombe toujours au même endroit et finit par entamer l’écorce la plus dure.
On ne naît pas assassin. On naît homme libre de choisir le bien ou le mal. Mais ce choix est toujours conditionné par ceux qui nous entourent, par les gens que nous fréquentons, par les lieux où nous grandissons.
La vraie religion, la religion d’Allah, n’existe pas dans notre pays. Existe seulement la loi de Darwin, la loi de la jungle humaine. Nous sommes dans une jungle, et c’est le plus fort qui gagne.
Notre guide, c'est moins Allah que Nietzsche, pour qui la vie consiste à faire la guerre, une guerre qui est une fin en soi.
Pour combattre, il faut du courage et du dévouement. Mais aussi de l’argent, beaucoup d’argent.