C'est qu'il y a bien des façons d'être prisonnier,
me dis-je en arpentant la lande.
En général ma mère après le déjeuner fait une sieste
et je pars en promenade.
Les arbres bleus et nus, le ciel pâle et dur d'avril
Me sculptent en dedans avec des ciseaux de lumière.
Quelque chose dans cette lumière me rappelle l'enfance
c'est la lumière du temps arrêté après le déjeuner quand les horloges tictaquent,
que les cœurs se ferment,
quand les pères s'en vont reprendre leur travail et les mères restent devant l'évier à méditer
ce dont elles ne parleront jamais.
Tu te rappelles trop de choses, m'a dit ma mère il n'y a pas longtemps.
Pourquoi t'accrocher à tout ça ? Et j'ai répondu :
Où le déposer?
( Extrait de L'essai de verre )
Qu'est-ce qui fait la sainteté du citoyen?
C'est d'ouvrir
un jour
à l'étranger,
qui n'a pas de jour
à lui.
( Extrait de "La chute de Rome" )
Dieu est une grande déchirure dans le cœur.
Sur la route où l'homme avance ballotté Il peut,
comme le dit le prophète,
tarder.
( Extrait de "La vérité sur Dieu" )
Il pleuvait sur son visage. Un moment il oublia qu'il avait le cœur brisé et puis il s'en souvint. Embardée nauséeuse aux tréfonds de Géryon coincé dans sa pauvre pomme pourrie. Chaque matin le choc de revenir à l'âme incisée.
Il se traîna jusqu'au rebord du lit et fixa l'amplitude sourde de la pluie.
L'eau balancée par seaux entiers du ciel sur les toits les gouttières les rebords de fenêtre. Il la regardait tomber sur ses pieds et former des flaques au sol.
Il entendait des bribes de voix humaine couler dans les canalisations - "Je crois en la gentillesse" –
Il referma d'un coup la fenêtre.
Les noms nomment le monde. Les verbes activent les noms. Les adjectifs viennent d'ailleurs.
Ces petits mécanismes importés ont pour fonction d'attacher toute chose dans le monde à sa place. Ils sont les verrous de l'être.
ANTIGONE certains pensent que le monde est fait de
corps certains pensent qu'il est fait de force
je pense qu'un homme ne connait rien d'autre
que ses propres pieds à l'instant où il les brûle
dans les feux brûlants
ELLE
Elle habite dans une lande au nord.
Habite seule.
Le printemps là-bas s’ouvre comme un rasoir.
Je voyage en train toute la journée, emportant un tas de livres —
certains pour ma mère, d’autres pour moi,
dont Les Œuvres complètes d’Emily Brontë.
C’est mon écrivain favori.
Aussi mon plus grand sujet d’angoisse, que je veux affronter.
Chaque fois que je vais voir ma mère
je sens que je me change en Emily Brontë,
ma vie solitaire autour de moi comme une lande,
mon corps gauche arpentant la plaine boueuse avec une apparence de transformation
qui s’efface quand je franchis le seuil de la cuisine.
Quel est ce viatique, Emily, dont nous avons besoin ?
C'est une arnaque. Je lui dis toujours :
baisse les yeux,
compte jusqu'à quatre,
lève les yeux,
dis ta réplique.
C'est comme ça que tu pérennises une arnaque.
Donne-leur le sentiment qu'ils regardent Norma Jeane complètement nue
même si tu es devant eux avec tous tes vêtements sur toi.
JE
J’entends un léger plic ploc dans mon rêve.
Le robinet argent de la nuit goutte
le long de mon dos.
4 H. Je me réveille. Pensant
à l’homme qui
est parti en septembre.
Law était son nom.
Mon visage dans la glace de la salle de bains
montre des traînées blanches.
Je le baigne et regagne mon lit.
Demain je vais rendre visite à ma mère.
Observer un vent du nord broyer la lande
qui entourait la maison de son père de tous côtés,
constituée d'une sorte de roche appelée grès de meule
a appris à Emily tout ce qu'elle savait de l'amour et de ses nécessités -
une éducation violente qui façonne la façon dont ses personnages
S'usent l'un l'autre. " Mon amour pour Heathcliff, dit Catherine,
est pareil à la roche éternelle sous la surface -
source de peu de joie visible, mais nécessaire."
Nécessaire ? Je constate que le soleil a baissé
et que le vent est plus âpre.