Combien de temps restai-je ainsi? je l'ignore. Mes premières impressions, après cet accident, furent la présence d'une lumière brillante autour de moi, et une courbature générale avec le bruissement de la cataracte dans mes oreilles. Il me sembla être éveillé d'un sommeil profond, et je m'efforçai, mais inutilement, de rappeler mes souvenirs; puis peu à peu je sentis queje me rendormais. De ce sommeil je fus réveillé par une voix que je croyais m'être connue en quelque sorte, et mes regards se fixèrent sur l'oeil clair et la belle physionomie de mon Inconnu.
Les entretiens philosophiques qui commencent ici ont pour origine un voyage en Italie et un séjour à Home. L'époque de ce voyage n'intéresse en rien les questions générales qui vont être discutées; je dirai cependant que mon séjour à Home date des années 1814 et 1818. J'y résidai pendant l'automne et l'hiver de ces deux périodes. La Ville éternelle était alors animée par une société nombreuse et variée, ce qui, du reste, est depuis longtemps le caractère habituel de cette métropole du vieux monde chrétien.
Dans les couches secondaires les plus anciennes, il n'y a pas de restes d'animaux analogues à ceux qui appartiennent à la vie actuelle; et dans les roches qu'on peut regarder comme les plus récentes, ces restes commencent à se montrer, ayant pour compagnons les fossiles d'un grand nombre d'années éteintes. Il semblerait, pour ainsi dire, qu'il y eût eu une marche graduelle vers le système actuel des choses, et toute une série de créations et de destructions préparatoires. à l'existence de l'homme.
A mesure que nous avançons dans cette vaste et silencieuse caverne, je sens mon âme plus impressicnnée devant ces constructions géologiques si longtemps cachées au regard de l'homme. Ces piliers naturels, ces voûtes qui se soutiennent d'elles-mêmes prennent . maintenant - voyez! - des proportions gigantesques. Je n'ai vu aucune caverne souterraine réunissant de pareils traits de beauté et de magnificence.