Que lisent les écrivains ? (X/11) José Carlos Somoza .
Réalité, songe, visions, le roman de Caitlin Kiernan ose aborder le thème de la schizophrénie et joue avec le doute en prenant le lecteur à témoin. Un choix évident pour l?auteur espagnol José Carlos Somoza.
Le Dr Ogilvy désapprouve l'emploi du mot "folle" et n'aime pas non plus le terme "aliéné". Elle se réjouit probablement du changement de nom de l'hôpital Butler. Mais je lui ai déjà dit que ce sont des mots honnêtes. On s'en fout du politiquement correct ou des connotations négatives, ce sont des mots honnêtes, et j'en ai besoin.
Plus tard, j'ai compris grâce à un livre et à un documentaire du National Geographic que ma représentation du loup n'avait fait que rendre l'histoire plus vraie, parce que les hommes sont beaucoup plus dangereux que les loups.
A mon avis, la sainteté n'est parfois pas très éloignée de la folie.
Le film débute par la mort d'une jeune femme. Contrairement aux victimes suivantes, elle n'est pas tuée par un requin. Non, elle est dévorée par une chose qu'on ne voit jamais. Elle quitte ses amis et la chaleur d'un feu de camp, la sécurité du rivage, pour la mer froide. Le soleil se lève alors qu'elle retire ses vêtements et entre dans l'eau noire. Rien de ce qui se trouve en dessous n'est visible. Quelque chose la saisit sous la surface, et la projette violemment en tous sens. Elle hurle et se cramponne désespérément à une bouée en cloche, comme si ça pouvait la sauver. Nous l'entendons crier "ça fait mal". ça, un mot aussi terrible et vague que chose. L'attaque ne dure pas bien longtemps. Moins d'une minute. Puis la nageuse est entraînée dans l'abysse au large de Long Island, et nous ne pouvons qu'imaginer ce qui la tient. La mer est complice de son agresseur, elle le cache, même si cette force invisible ne doit se trouver qu'à quelques centimètres sous la surface.
Nous autres humains sommes des animaux curieux.
- [...] Oui, ils sont faibles, ces hommes. Cependant, ils abattent des dragons, tuent des trolls et mènent des guerres. Ils tiennent entre leurs mains fragiles le destin du monde [...].
- Pourquoi tuent-ils des dragons ?
- Parce qu'ils ne sont pas eux-mêmes des dragons, soupire-t-elle [...].
- Et c'est pour cela qu'ils tuent des aussi les trolls ?
- Ce ne sont pas non plus des trolls. Ils n'ont ni le souffle ardent ni les ailes d'un dragon, ni la force des trolls. Et ils les envient comme ils les craignent. Ils détruisent, Grendel. Ils détruisent par désir de gloire, par envie et par crainte, pour rendre le monde plus sûr pour eux [...].
Au bout du compte, il faut comprendre qu’une réponse n’est pas la même chose qu’une solution, et qu’une intrigue n’est parfois qu’un prétexte.
Nic Pizzolato.
Les fantômes sont ces souvenirs trop forts pour être définitivement oubliés; ils résonnent à travers les années et refusent de se laisser effacer par le temps.
- Tu peux cracher ton vœu dans une main, Wulfgar, grommelle le roi, et chier dans l'autre. Tu verras laquelle est pleine le plus vite.
Le Signaleur allume une nouvelle cigarette. Du haut de ses cinquante-cinq ans, il se rappelle l'époque où il n'était pas nécessaire de neutraliser le détecteur de fumée des chambres d'hôtel. Trop souvent, l'idée le traverse qu'il est juste assez vieux pour avoir entièrement vu disparaître le monde qui avait un sens à ses yeux, celui où il était à sa place. Il n'est pratiquement plus qu'une saleté de dinosaure.