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3.93/5 (sur 83 notes)

Nationalité : Yougoslavie
Né(e) à : Subotica,Voïvodine , le 22/02/1935
Mort(e) à : Paris , le 15/10/1989
Biographie :

Danilo Kiš (Данило Киш) est un écrivain yougoslave.

Né en Voïvodine, de mère monténégrine et de père juif, il est marqué très jeune par la mort à Auschwitz d'une partie de sa famille, après laquelle il se réfugie à Cetinje.

Après des études de lettres à Belgrade, il s'installe en France en 1962, enseignant le serbo-croate à Strasbourg où il écrit son roman Jardin, cendre, puis à Bordeaux et Lille.

En 1979, il s'installe à Paris où il vivra jusqu'à sa mort prématurée, des suites d'un cancer.

Son chef-d'œuvre en la matière est sans doute Sablier (1971), précédé de Chagrins précoces (1969) et de Jardin-cendre (1965), trilogie familiale qu'il intitula lui-même Le Cirque de famille.
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Source : Wikipédia
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Le vendredi 13 juillet 2018, la librairie Charybde (129 rue de Charenton 75012 Paris - www.charybde.fr ) avait la joie de recevoir Emmanuel Ruben pour évoquer les récentes publications de "Le coeur de l'Europe" (éditions La Contre Allée) et de "Terminus Schengen" (éditions le Réalgar), et pour effectuer un parcours au sein de la littérature d'ex-Yougoslavie. Il évoquait Milos Crnjanski, Ivo Andric, Aleksandar Tisma, Danilo Kis, Milorad Pavic et David Albahari, tandis que le librairie Charybde 2 évoquait Faruk Sehic, Miljenko Jergovic et Goran Petrovic. Ceci est l'enregistrement de la première heure de la rencontre.

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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
En appuyant bien sa tête contre le sol, au moment propice, un homme doté d'une ouïe de chien pourrait entendre une faible rumeur, à peine audible, comme lorsque l'on transvase de l'eau d'un récipient dans un autre ou comme le sable qui glisse dans le sablier – c'est ce qu'il pourrait entendre, c'est ce qu'on entend lorsqu'on appuie bien sa tête contre terre, l'oreille collée au sol, et que les pensées s'enfoncent dans la profondeur de la terre, pénétrant les couches géologiques, jusqu'au mésozoïque, jusqu'au paléozoïque, pénétrant les couches de sable et d'argile épaisse, lorsque les pensées s'enfoncent comme les racines d'un arbre géant, dans les couches de limon et de roche, les couches de quartz et de gypse, les couches de coquillages vides et de coquilles d'escargots, les couches tourbeuses d'écailles et d'arêtes de poissons, de carcasses de tortues et d'étoiles de mer, et d'hippocampes et de monstres marins, les couches d'ambre et de sable fin, les couches d'herbes marines et d'humus, la masse épaisse des algues et des coquillages nacrés, les couches de calcaire, des couches de charbon, les couches de sel et de lignite, d'étain et de cuivre, les couches de squelettes humains et animaux, les couches de crânes et d'omoplates, les couches d'argent et d'or, de zinc et de pyrite ; car là quelque part, à quelques centaines de mètres de profondeur, gît le cadavre de la mer Pannonienne, pas tout à fait morte encore, seulement étouffée, écrasée par les nouvelles couches de terre et de pierre, de sable, de glaise et de fange, de cadavres animaux et de cadavres humains, de cadavres humains et de cadavres d’œuvres humaines, seulement coincée, car, tiens, elle respire encore, depuis plusieurs millénaires, par les tiges de blés ondoyants, par les roseaux des marais, par les racines de pomme de terre, pas tout à fait morte encore, mais seulement écrasée par les couches du mésozoïque et du paléozoïque, car, tiens, elle respire depuis quelques heures, quelques minutes (à l'échelle du temps de la Terre), elle respire avec peine comme un asthmatique, comme un mineur coincé sous les poutres et les étais, et les blocs lourds de charbon gras ; lorsque l'homme appuie bien sa tête contre le sol, lorsqu'il colle son oreille à la glaise humide, surtout au sortir de nuits calmes comme celle-ci, il peut entendre son halètement, le râle de son agonie interminable (pp. 35-6, « Carnets d'un fou (I) »).
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Soucieux de ne point nous ecarter de la realite ni des faits, de ne point trahir la verite, nous devons reconnaitre que nous ne pouvons rien affirmer avec certitude, pas meme le fait essentiel: nous ne savons pas si c'est de la mere ou de la fille que notre heros etait amoureux. [...] une infinite de solutions possibles, dont voici quelques unes: il n'etait amoureux que de la fille, car la fille etait chaude et parfumee comme le pain frais; il etait amoureux de la mere, car la mere etait dodue et opulente, et en meme temps tres souple, comme la pate dans le petrin; il etait amoureux a moitie de la mere, a moitie de la fille (profusion parfumee); il fut d'abord amoureux de la mere, puis, quand la fille eut grandi (elle devait recevoir en dot la moitie de la boulangerie et des revenus de sa mere), il s'eprit aussi de la fille, sans d'ailleurs cesse d'aimer la mere; ou encore il fut amoureux de la fille seule, puis il se ravisa car il s'etait avere que la fille etait une becasse qui ne savait pas garder un secret amoureux, et, tout naturellement, il s'eprit de la mere; et enfin, pour cesser de jouer avec la theorie serieuse de la relativite, [...] signalons encore cette possibilite, la plus simple de toutes: peut-etre n'etait-il amoureux ni de la mere ni de la fille? Mais n'exagerons pas! Ne doutons pas de tout! Car le mythe de l'amour de M. Sam pour la fille ou la mere, pour Mlle Horgoch ou Mme veuve Horgoch, n'est-il pas tout aussi reel que le mythe de Tristan et Iseult, par exemple?
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J’avais dans mon enfance une sorte de hypersensibilité maladive et mon imagination transformait tout en souvenir avec une rapidité excessive : il suffisait parfois d’un jour, d’un intervalle de quelques heures, d’un simple changement de lieu, pour qu’un fait quotidien, dont je ne sentais pas la valeur tant que je le vivais, fût soudain couronné de l’écho lumineux qui n’environne d’ordinaire que les souvenirs ayant séjourné de longues années dans le puissant fixateur lyrique de l’oubli. Chez moi, donc, ce processus de galvanoplastie qui revêt les choses et les visages d’une fine couche de dorure et d’un noble dépôt de patine, se déroulait avec une intensité maladive, et l’excursion de la veille, pour autant qu’une circonstance extérieure montrât qu’elle était achevée, qu’elle ne se répéterait pas, qu’elle ne pouvait pas se renouveler, devenait pour moi, dès le lendemain, une source de méditations mélancoliques et encore confuses.

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La grisaille provinciale des petites villes d'Europe centrale du debut du siecle tranche nettement sur la nuit des temps: les maisons grises sans etage avec leurs cours que le soleil, dans sa lente revolution, decoupe avec precision en carres de lumiere aveuglante et d'ombre humide aux moisissures de tenebres; les allees d'acacias exhalant au printemps leur fade senteur, qui rappelle l'odeur des maladie infantiles, les sirops epais et les pates pectorales; l'eclat froid et baroque de la pharmacie ou brillent les contours gothiques des vases de porcelaine blanche; le morne gimnazium avec sa cour dallee (les bancs verts tout ecailles, les balancoires cassees aux allures de gibets et les cabinets en bois badigeonnes de blanc); la mairie peinte en jaune Marie-Therese, la couleur feuille morte et rose d'automne des romances jouees le soir par l'orchestre tsigane dans les jardins du Grand Hotel.
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Ce recit, ne dans le doute et l'incertitude, a le seul malheur (que certains nomment chance) d'etre vrai: il a ete consigne par des mains honnetes et d'apres des temoignages surs. Mais pour atteindre a la verite dont reve l'auteur, il devrait etre raconte en roumain, hongrois, ukrainien ou en yiddish; ou plutot un melange de toutes ces langues. Alors, issus du hasard et des profondeurs troubles de l'inconscient, jailliraient de l'ame du conteur quelques mots russes, tantot doux comme teliatina, tantot durs comme kindjal. Si le narrateur pouvait donc atteindre a cet instant de bouleversement babylonien, inaccessible et terrifiant, on pourrait meme entendre les humbles prieres de Hana Krzyzewska et ses horribles supplications, dites en roumain, en polonais, puis en ukrainien (comme si la question de sa mort n'etait que la consequence d'une tragique meprise), comme on pourrait entendre son delire se transformer, a l'instant du dernier spasme et de l'apaisement, en priere pour les morts, dite en hebreu, langue des commencements et de la mort.
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Carnets d’un Fou (II)

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Je l’avoue carrément : mon cœur a des menstruations. Tardives, douloureuses règles de ma judéité…Le monsieur que vous voyez passer, honorables Dames et Messieurs, ce monsieur de cinquante ans environ, en costume gris, avec des lunettes en monture d’acier, une canne et une étoile jaune (que vous ne voyez pourtant pas car il la cache derrière son porte-documents), ce monsieur, eh bien, il a des règles. Messieurs les juges, mon cœur a des règles. Déviation biologique, incarnation du principe juif, féminin. (…) Règles masculines ? Non. Principe féminin porté à ses conséquences extrêmes. Fleur mensuelle du cœur. Semence de la mort. Weltschmerz.


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Depuis le soir où ma mère avait allumé une lampe où brûlait un mélange de pétrole et de graisse de voiture, notre cuisine était soudain devenue le territoire tout à fait légal de la nuit ; mais la lampe, faite d’une simple boîte de conserve, donnant une lueur vacillante et sifflant comme une théière, perçait comme un ver l’écorce épaisse des ténèbres et donnait à notre cuisine une place d’honneur dans cette nuit tout à fait dépourvue d’étoiles. Cette lampe était la seule étoile de ces nuits sans espoir où la pluie impudente faisait disparaître la notion du haut et du bas, confondait en longues lignes le ciel et la terre et effaçait le dessin d’enfant que le jour d’automne avait dessiné en gris, en ocre et en jaune, avec des taches rouges dans les coins. Par ces nuits-là, notre cuisine se changeait en une petite chapelle, en un autel, au point le plus oriental des ténèbres.
Ces soirs-là étaient enfantés par le silence d’où tout procède.
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L'histoire est écrite par les vainqueurs. Le peuple tisse les légendes. Les écrivains imaginent. Seul la mort est indéniable.
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Un soir, après m’avoir embrassé et avoir allumé la lampe de chevet pour que je n’aie pas peur, ma mère m’annonça que dans quelques jours nous prendrions le train. (...) Ensuite, j’entendis dans un demi-sommeil ma mère entrer doucement ; voyant que je ne dormais pas, elle me chuchota : «Pense que tu es déjà en voyage.» Alors soudain, quand la présence de ma mère eut éloigné de moi toute autre pensée et chassé la peur de la mort, mon lit, ma mère et moi, le vase de fleurs, la table de nuit avec sa plaque de marbre et le verre d’eau, les cigarettes de mon père, l’ange qui veillait sur les enfants, la machine à coudre de ma mère, la lampe de chevet, les armoires et les rideaux, en un mot toute notre chambre se mit à voyager à travers la nuit comme un wagon de première classe et je m’endormis bientôt dans cette illusion magnétique.
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À l’hôpital de Kolyma, le vieux Rabinovitch, atteint de scorbut et déjà à moitié aveugle, raconta la veille de sa mort au docteur Taubé sa rencontre avec Novski dans les couloirs du tribunal, après la clôture du procès. « Boris Davidovitch, lui dit-il, j’ai bien peur que vous ne soyez devenu fou. Vous allez tous nous enterrer avec votre plaidoyer. » Novski lui répondit avec une étrange expression sur le visage, qui ressemblait à l’ombre d’un sourire : « Isaac Illitch, vous devriez connaître les rites de l’enterrement juif : à l’instant où l’on se prépare à transporter le mort de la synagogue au cimetière, un des serviteurs de Jahvé se penche sur le défunt, l’appelle par son nom et lui dit à voix haute : Sache que tu es mort ! » Puis il se tut un instant et ajouta : « Excellente coutume. »
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