En faveur d'une origine égyptienne de l'alchimie du Proche-Orient et de l'Occident, s'inscrit le fait que toutes une série de procédés artisanaux en relation avec l'alchimie et lui fournissant nombre d'expressions symboliques, surgit comme un groupe cohérent qui se développe depuis les derniers temps de l'Egypte pour apparaître finalement dans des livres de recettes artisanales d'époque médiévale. (....)
On se demandera sans doute, comment l'alchimie, avec son fondement mythologique, a pu s'intégrer aux religions monothéistes : Judaïsme, Christianisme et Islam. C'est que la perspective cosmologique propre à l'alchimie était organiquement liée à l'ancienne métallurgie, de sorte qu'elle fut adoptée avec le métier, simplement comme une science de la nature au sens le plus large du terme, (...)
Lorsque le Prophète eut conquis La Mecque, il se rendit d’abord dans l’aire sacrée et accomplit, monté sur sa chamelle, la circumambulation autour de la Kaaba. Les Arabes païens avaient entouré le parvis d’une couronne de 360 idoles, nombre qui correspond aux jours de l’année lunaire. Le Prophète frappa ces idoles de sa canne et les abattit l’une après l’autre, tout en récitant le verset coranique : « La vérité est venue ; la vanité s’est évanouie ; certes, la vanité est évanescente » (XVII, 33). Puis, il se fit donner la clef de la Kaaba et y entra. Les parois intérieures étaient ornées de peintures exécutées par un artiste byzantin sur commande des seigneurs païens de La Mecque ; elles représentaient des scènes de la vie d’Abraham combinées à des coutumes idolâtres ; s’y trouvait aussi une image de la Sainte Vierge à l’Enfant. Le Prophète recouvrit cette image de ses deux mains et ordonna d’effacer toutes les autres. L’icône de la Vierge fut détruite plus tard par un incendie(1).
Le récit traditionnel indique le sens et la mesure de ce qu’on appelle, à tort, « l’iconoclasme musulman » et que nous préférons désigner par le terme d’« ani-conisme » : si la Kaaba est le cœur de l’homme, les idoles qui la peuplaient représentent les passions qui obsèdent le cœur et l’empêchent de se souvenir de Dieu. Dès lors, la destruction des idoles — et par extension le rejet de toute image susceptible de devenir une idole — est pour l’Islam la parabole la plus évidente de la « seule chose nécessaire », à savoir la purification du cœur en vue du tawhîd, du témoignage ou de la conscience qu’« il n’y a pas de divinité hormis Dieu ».
Une iconographie musulmane se superposerait à cet exemple et le rendrait inefficace. Ce qui prend la place de l’icône, en Islam, c’est l’écriture sacrée : elle est, pour ainsi dire, le corps visible du Verbe divin.
(1) D'après AI-Azraqi, auteur de la plus ancienne histoire de La Mecque. L’icône représentait la Sainte Vierge tenant l’Enfant sur les genoux. (pp. 22-23)
Du point de vue chrétien, l'alchimie était une sorte de miroir naturel offert aux vérités révélées : la pierre philosophale qui change les métaux viles en argent ou en or, est un symbole du Christ (...) Par son intégration à la foi chrétienne l'alchimie se trouvait spirituellement fécondée tandis qu'elle apportait à la Chrétienté une voie conduisant à la "gnose" à travers la contemplation de la nature.
L'art hermétique pénétra encore plus aisément dans l'univers spirituel de l'Islam. Celui-ci fut toujours disposé, en principe, à reconnaître tout art pré-islamique qui, sous l'aspect de "sagesse", apparaissait comme un héritage des prophètes antérieurs. Ainsi, dans le monde islamique, Hermès Trismégiste est souvent identifié à Enoch (Idris). Ce fut la doctrine de l'"unicité de l'être" - interprétation ésotérique de la profession de foi islamique - qui donna à l'Hermétisme un nouvel axe spirituel, ou en d'autres termes, qui lui rendit toute l'ampleur de son horizon spirituel. (...)
Tout d'abord, l'alchimie pénétra dans le Christianisme occidental par Byzance, ensuite et plus amplement par l'Espagne soumise à la domination arabe. Ce fut dans le monde islamique que l'alchimie atteignit son plus complet épanouissement. (...) Lorsque se produisit, avec la Renaissance, la grande irruption de la littérature grecque, une nouvelle vague de l'alchimie byzantine s'étendit sur l'Occident. Au seizième et dix-septième siècle furent imprimés de nombreux ouvrages alchimiques qui n'existaient jusqu'alors qu'en manuscrit et circulaient plus ou moins secrètement. Grâce à cela l’étude de l'Hermétisme atteignit un nouveau sommet, mais ce fut pour entrer bientôt en décadence. (p.17-19)
Les quatre éléments - terre, eau, air, feu - constituant les modes fondamentaux de la manifestation sensible sont presque partout - excepté dans le monde moderne et rationaliste - empreints d'une pureté inviolable (...)
Quelques remarques s'imposent en ce qui concerne les quatre éléments : ces derniers n'ont évidemment rien à voir avec ce que l'on désigne par le même terme dans la chimie moderne ; comme nous l'avons déjà dit, les « éléments » au sens traditionnel représentent les modes de manifestation sous lesquels la substance dont le monde est créé se communique à nos cinq sens : ce sont respectivement les modes solide, liquide, volatile et igné (...) les quatre éléments sont donc les modes les plus simples dans l'ordre cosmique. Transposés dans le microcosme humain, ils sont aussi l'image la plus simple de notre âme qui, en tant que telle, est insaisissables, mais dont les caractéristiques fondamentales peuvent être comparées aux quatre éléments.
C'est bien dans cette perspective que Saint François d'Assise glorifie Dieu pour les quatre éléments, l'un après l'autre, dans son fameux « Cantique du Soleil ».
En ce qui concerne l'eau, il écrit : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour Sœur Eau, qui est fort utile et humble, et précieuse et chaste » (Laudato si, o Signore, per sor acqua, la quale é molto utile ed umile e preziosa e casta).
On pourrait prendre ce verset pour une simple allégorie poétique, mais en fait le sens en est beaucoup plus profond : l'humilité et la chasteté décrivent la qualité de l'eau, qui, dans une rivière, épouse n'importe quelle forme, sans rien perdre pour autant de sa pureté, Là aussi se trouve une image de l'âme, qui peut recevoir toutes sortes d'impressions et se plier à toutes les formes, tout en demeurant fidèle à son essence propre et indivise. « L'âme humaine ressemble à l'eau », a pu dire Goethe, reprenant ainsi une analogie que l'on rencontre aussi bien dans les Écritures sacrées du Proche-Orient que dans celle de l'Extrême-Orient. L'âme ressemble à l'eau, tout comme l'esprit est comparable au vent ou à l'air
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Les mythes selon lesquels toute chose fut créée à partir d'une mer originelle trouvent un écho dans ce verset coranique : « Nous (Dieu) avons créé toute chose vivant à partir de l'eau. » L'allégorie biblique de l'Esprit de Dieu planant sur les eaux trouve son équivalent dans le symbole hindou de Hamsa, le cygne divin qui fait éclore l’œuf d'or du cosmos en nageant sur l'océan primordial. En définitive, chacune de ces représentations allégoriques se retrouve dans le Coran, lorsqu'il est dit qu'au commencement le Trône de Dieu reposait sur les eaux.
La fleur de lotus ouverte, siège des divinités de l'Inde, est elle aussi un « trône de Dieu » flottant sur l'eau de la materia prima, ou sur l'eau des possibilités principielles. Ce symbole, que l'Inde a transmis à la mythologie et à l'art bouddhiques, nous ramène de l'eau en tant qu'image de la substance primordiale du monde, à l'eau en tant que reflet de l'âme. Le lotus du Bouddha ou du Boddhisatwa, en effet, s’élève au dessus des eaux de l'âme, tout comme l'esprit illuminé par la connaissance se libère de l'existence passive. L'eau représente ici quelque chose qui doit être bénéfique, car en elle se trouve enracinée la fleur dont le calice renferme le « précieux joyau » de Boddhi, l'Esprit divin. Le Bouddha est lui-même cet Esprit, étant le « Joyau dans le Lotus » (pp. 46-49)
Dans la perspective scientifique moderne, le sujet humain dans sa totalité, à la fois sensibilité, pensée et esprit pur, est remplacé par cet artifice qu’est la pensée mathématique. On en arrive à évacuer toute vision du monde, voire à émettre des doutes à son propos : “Tout vrai progrès de la science, a écrit un théoricien contemporain(1), consiste en ce qu’elle se dégage de plus en plus de la pure subjectivité, qu’elle fait ressortir de plus en plus clairement ce qui existe indépendamment de la pensée humaine, quand bien même le résultat n’aurait plus qu’une très lointaine ressemblance avec ce que la perception originelle avait pris pour réel”. Il ne s’agit donc pas seulement d’éliminer la fragilité des observations individuelles, conditionnée par les interférences sensorielles ou affectives; il faut également se défaire de tout ce qui, à titre “subjectif’, est inhérent à la perception humaine, à savoir la synthèse des impressions multiples en une image. Tandis que, pour la cosmologie traditionnelle, la dimension métaphorique constitue la vraie valeur du monde visible, son caractère en tant que signe et symbole, au contraire, pour la science moderne, seul la schéma conceptuel auquel peuvent se ramener certains processus spatio-temporels possède une valeur cognitive. Cela vient du fait que la formule mathématique permet la plus grande généralisation possible sans abandonner la loi du nombre ; on peut donc toujours en faire la preuve sur le plan quantitatif. Mais c’est justement pourquoi elle ne saisit pas toute la réalité telle qu’elle s’offre à nos sens. Elle effectue une sorte de tri, et tout ce que ce tri élimine est considéré comme non-réel par la science moderne. Font naturellement partie de cette exclusion tous les aspects purement qualitatifs des choses, c’est-à-dire leurs propriétés qui, tout en étant perceptibles par les sens, ne sont pas strictement mesurables, qualités qui, pour la cosmologie traditionnelle, sont les traces les plus authentiques des réalités cosmiques, lesquelles recoupent la dimension quantitative et la transcendent.
La science moderne ne fait pas seulement une impasse sur le caractère cosmique des qualités pures, elle va jusqu’à mettre en doute l’existence même de ces propriétés, dans la mesure où elles se manifestent sur le plan physique. A ses yeux, par exemple, les couleurs n’existent pas comme telles, mais sont seulement les impressions “subjectives” des différents degrés d’oscillation de la lumière. “Une fois admis le principe — écrit un représentant de cette science(2) — selon lequel les qualités perçues ne peuvent être conçues comme propriétés des choses elles-mêmes, dès lors la physique offre un système entièrement homogène et sûr de réponses aux questions concernant ce qui est réellement sous-jacent aux couleurs, aux sons, aux chaleurs, etc.”. L’homogénéité de ce système, qu’est-elle sinon le résultat d’une réduction des aspects qualitatifs de la nature à leur expression quantitative ?
La science moderne nous invite donc à sacrifier une bonne partie de ce qui fait, pour nous, la réalité du monde, et elle nous offre en contrepartie des schémas mathématiques dont le seul avantage consiste à nous aider à manipuler la matière sur son propre plan, celui de la stricte quantité.
(1) James Jeans, Die neuen Grundlagen der Naturerkenntnis, Stuttgart 1935.
(2) B. Bavink, Hauptfragen der heutigen Naturphilosophie, Berlin 1928. (pp. 40-42)
Par sa duperie marxiste, anti-traditionnelle et pseudo-mystique, la théorie moderne de l’évolution des espèces se révèle comme la Grande Tromperie. Jamais auparavant une doctrine aussi incertaine sur le plan scientifique n’avait été prise aussi inconditionnellement comme fondement de décisions spirituelles graves, et c’est à se demander si le singe n’a pas été promu d’emblée comme ancêtre de l’homme pour que l’homme puisse être substitué à Dieu. (p. 86)
“Titus Burckhardt is an authority whose works are a constant source of inspiration.”
—Martin Lings, author of Muhammad: His Life Based on the Earliest Sources
Dans la traduction conventionnelle de la basmalah, que nous venons de citer, l’interprétation des deux noms ar-Rahmân et ar-Rahîm par « le Clément » et « le Miséricordieux » n’est qu’approximative, à défaut de synonymes français. Les deux noms impliquent l’idée de la Miséricorde (ar-Rahmah) ; ar-Rahmân correspond à la Miséricorde qui « englobe toutes choses », suivant une expression coranique ; il exprime la plénitude de l’Être, Sa béatitude essentielle, et la nature universelle de Son rayonnement ; ar-Rahîm correspond à la Grâce. Comme Rahmân, Dieu Se manifeste sous l’apparence du monde ; comme Rahîm, Il Se manifeste divinement à l’intérieur du monde.
Les trois noms divins mentionnés dans la basmalah reflètent trois « dimensions » ou trois « phases » de l’Infinité divine, s’il est permis de s’exprimer ainsi : le nom Allâh symbolise, par son caractère indéterminé, l’Infini dans Sa transcendence absolue ; Dieu, par Son infinité, est « riche en Lui-même ». Le nom ar-Rahmân exprime « l’Infinité surabondante » : par là-même que l’Infini n’exclut aucune réalité possible, serait-elle Son apparente limitation, Il est la cause du monde ; la manifestation du monde est une pure « miséricorde », car par elle Dieu s’épanche sur les possibilités limitatives, qui n’ajoutent rien à Sa plénitude essentielle. Le nom ar-Rahîm exprime l’ « Infinité immanente » : le monde, qui semble limiter l’Infini, ne se limite en réalité que lui-même ; il ne saurait exclure l’Infini, qui descend mystérieusement en lui et le résorbe virtuellement dans Sa plénitude. L’Infinité divine comporte nécessairement ce ternaire d’aspects.
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L’aspiration de l’homme vers Dieu comporte les deux aspects qu’exprime le verset : « C’est toi que nous adorons [ou servons], et c’est auprès de Toi que nous cherchons refuge [ou aide] » ; l’adoration, c’est l’effacement de la volonté individuelle devant la Volonté divine, qui se révèle extérieurement par la Loi sacrée et intérieurement par les mouvements de la Grâce ; le recours à l’aide divine, c’est la participation à la Réalité divine par la Grâce et, plus directement, par la Connaissance. En dernière analyse, les mots : « C’est toi que nous adorons » correspondent à l’ « extinction » (al-fanâ) et les mots « c’est auprès de Toi que nous cherchons refuge » à la « substance » (al-baqâ) dans l’Être pur. Le verset que nous venons de mentionner est ainsi l’ « isthme » (al-barzakh) entre les deux « océans » de l’Être (absolu) et de l’existence (relative). (pp. 65-66 & 70-71)
La forme cubique est connexe de l’idée de centre, car elle est comme la synthèse cristalline de la totalité de l’espace, chacune des faces du cube correspondant à une des directions principales : le zénith, le nadir et les quatre points cardinaux (...) le centre du monde terrestre est le point que traverse l’« axe » du ciel : le rite de la circumambulation (tawâf), dont la Kaaba est l’objet et qui se retrouve, sous une forme ou sous une autre, dans la plupart des sanctuaires anciens, reproduit alors le mouvement circulaire autour de son axe polaire.
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Le caractère « axial » de la Kaaba est toutefois affirmé par une légende musulmane bien connue, selon laquelle l’« ancienne maison », d’abord bâtie par Adam, puis détruite par le déluge et rebâtie par Abraham, se situe à l’extrémité inférieure d’un axe qui traverse tous les cieux; au niveau de chaque monde céleste un autre sanctuaire, visité par des anges, marque le même axe, le prototype suprême de tous ces sanctuaires étant le trône divin autour duquel évoluent les esprits célestes. Mais il serait plus juste de dire qu’ils évoluent à l’intérieur de celui-ci puisque le trône divin englobe toute la création.
Cette légende met en évidence le rapport qui existe entre « l’orientation » rituelle et l’Islam en tant que soumission ou abandon (islam) à la Volonté divine : le fait de s’orienter en priant vers un point unique, insaisissable comme tel mais situé sur terre et analogue, dans son unicité, au centre de tous les autres mondes, exprime bien l’intégration du vouloir humain dans le vouloir universel : « Et c’est vers Dieu que retournent les esprits » (Coran, III, 108) (...) la convergence de tous les gestes d’adoration en un seul point, cependant, ne devient apparente que dans la proximité de la Kaaba, lorsque la foule des croyants dans la prière commune se plie de tous côtés vers le centre unique; et il n’y a peut-être pas d’expression plus immédiatement perceptible de l’islâm(1).
(1) A l’intérieur de la Kaaba il n’y a plus d’« orientation » rituelle : la différence des directions convergentes est abolie et la tradition prophétique veut que l’on y récite quatre brèves oraisons en se dirigeant tour à tour vers les quatre côtés du sanctuaire. Ainsi, au centre spirituel du monde, les contrastes ou oppositions qui caractérisent ce dernier ne sont plus subis mais librement assumés. Selon une interprétation soufie, la Kaaba correspond au coeur, en tant que siège de la « Présence » divine, et le mouvement circulaire des pèlerins autour de la Kaaba rappelle le mouvement des pensées ou méditations qui évoluent sans cesse autour de l’insaisissable centre de l’âme. (pp. 19-20)
La relation, dans l’homme spirituellement parfait, entre la Réalité divine (Haqîqah) et l’individualité encore subsistante, est ce qu’il y a de plus difficile à saisir(1) ; pour l’homme parvenu à cette perfection, en effet, la Réalité divine n’est désormais « voilée » par rien, alors que la conscience individuelle est par définition un « voile » (hijâb) et n’existe que pour autant qu’elle « brise » la lumière aveuglante de l’Intellect divin.
Ibn ‘Arabî compare l’individualité de l’homme ayant « réalisé » Dieu à un écran qui colore la lumière pure en la filtrant, et qui est chez lui plus transparent que chez les autres hommes :
« Il en est comme de la lumière se projetant à travers l’ombre, car l’écran est de la nature de l’ombre qui, elle, est lumineuse par transparence. Tel est aussi l’homme ayant réalisé Dieu : en lui, la ‘’forme de Dieu’’ (c’est-à-dire l’ensemble des Qualités divines)(2) se manifeste plus directement qu’elle ne se manifeste en d’autres… » (ibid. chapitre sur Joseph)
L’Union avec Dieu est aussi concue sous l’aspect de l’ « assimilation des Qualités divines » (al-ittisâf bis-Sîfât il-ilâhiyah), assimilation qui doit s’entendre en un sens purement intellectif, comme connaissance des Qualités ou Présence (Hadarât)(3) divines. Cette « assimilation des Qualités divines », d’autre part, a son reflet symbolique dans l’âme, à savoir les vertus spirituelles, et son modèle n’est autre que l’Homme Universel.
(1) C’est pour cela d’ailleurs que le dogme chrétien des deux natures du Christ – de même que celui de la Trinité, dont le premier est rigoureusement solidaire – est un « mystère », c’est-à-dire qu’il est insondable pour la raison discursive.
(2) L’ensemble des Qualités divines constitue ce que le Soufisme appelle la « Forme divine » (as-Sûrat al-ilâhiyah) par allusion à la parole du Prophète : « Dieu créa Adam dans Sa forme » ; le terme de « forme » (sûrah) a donc ici le sens de « synthèse qualitative » et non celui de délimitation ; il est analogue à la notion péripatéticienne de forma (εἶδος) qui s’oppose à celle de materia (ὕλη).
(3) Par « Présences » divines, on entend les degrés de la Réalité divine en tant qu’états contemplatifs ; on parle de cinq Présences principales qui sont respectivement : an-Nasût, rapportée à la forme corporelle humaine, al-Malakût, rapportée au monde des Lumières subtiles, al-Jabarût, analogue à l’existence supra-formelle, al-Lahût, la Présence de la Nature divine se révélant dans les Qualités parfaites, et al-Hâhût, l’Essence pure. Il existe encore d’autres distinctions des « Présences ». (pp. 112-114)