À soixante-huit ans, il considérait sa tache comme mission accomplie : il avait fini de massacrer les derniers de ses meilleurs et plus fidèles généraux, les derniers mandarins qui avaient osé émettre des idées, les dernières familles qui n’avaient jamais obtenu grâce à ses yeux, les derniers intellectuels à avoir encore eu l’audace de manipuler les mots. Il était satisfait : il avait bien vécu.
(p. 177)
En fait, tout Chinois n’avait que deux droits fondamentaux : celui de respecter l’empereur et de lui obéir aveuglément ; celui de payer des impôts
(p. 158)
« Sans un orfèvre pour la façonner, disait l’empereur, la pépite la plus pure ne sera jamais un bijou. Nos enfants sont un bien plus précieux que l’or et le jade. On les rend encore plus précieux en les confiant à un maître éclairé. »
(p. 221)
P.178 : Au début de son règne le marquage du visage, le transpercement, l'amputation des pieds, la section du nez, la castration et l'écorchement étaient de bien doux tourments au regard d'autres supplices beaucoup plus cruels, comme celui des 3 357 coups de couteau, pour ne citer que celui-là. Tous les dis coups, le bourreau se reposait pour faire durer le martyre au condamné. Puis, avec des hurlements, il replongeait dix fois sa lame dans la chair de la victime. [...] Il y avait aussi le supplice du brossage : après avoir étendu le condamné dénudé sur un sommier métallique, on l'aspergeait d'eau bouillante et on l'étrillait avec une brosse de fer ; sa peau ébouillantée partait en lambeaux. lorsqu'il était complètement écorché, le bourreau continuait à brosser sa chair à vif. Il y avait encore l'empalement abdominal : on suspendait la victime à l'horizontal au dessus d'un pal, en la retenant au moyen d'un crochet de fer passé dans une vertèbre lombaire ; la vertèbre finissait par céder sous le poids du corps et la pointe du pal transperçait l'abdomen.
P.179 : Citons encore le supplice de la balançoire : on suspendait le condamné, le maintenant dans cette position grâce à une grosse pierre que le bourreau retirait de temps en temps ; le supplicié, alors, retombait lourdement sur le sol; au bout de quelques heures, il avait les os brisés et la crâne fracassé.
P.177 : Le meurtre avait été le but de son existence. Tuer, toujours tuer : jamais il ne s'en était lassé. C'était son idée fixe, sa manie, son obsession et celle de son entourage, car il avait tellement assassiné, exterminé, écrasé, égorgé, décapité, éventré, que nul à ses côtés, n'osait plus respiré. Derrière le beau vieillard à la tête chenue se dressait le spectre du boucher aux mains poisseuses de sang frais ; il en était fier. Il avait construit son empire sur une montagne de cadavres, montagne qui pour lui constituait la base la plus solide, la plus inébranlable.