Le retour sur soi est donc thérapeutique : dès le moment où je m’avoue à moi-même que je ne suis pas d’une autre espèce, dès le moment où je m’accueille plus complexe, plus traversé-e de contradictions que je ne l’avais cru, autrui m’apparaît moins noir et je commence à m’ouvrir à sa propre complexité.
(page 17)
Ce sentiment étrange de ne pas appartenir à ce monde ne me quitte pas, il déferle par vagues sur moi jusqu'à presque me noyer.
La musique, c'est quelque chose que je comprends, je manie les notes comme personne.
Mes joues commencent à brûler. Je ne sais pas trip pourquoi cela me fait si bizarre que les gens sachent que nous interprétons quelque chose que j'ai aidé à créer. Mais c'est le cas. C'est comme si cette partie de moi n'allait plus m'appartenir.
J'ai envie d'aller la respirer.
Un mec normal, avec les idées et les neurones bien en place, n'agirait pas comme ça. Il ne foutrait pas un vent à la fille qu'il veut en secret pour ensuite vouloir la sniffer comme un camé dès le réveil.
Je ne suis pas net.
Me fondre dans la masse a toujours été la meilleur option à mes yeux, parce que j'ai constamment l'impression de détonner.
Ma cage thoracique semble se comprimer, c'est une sensation que je connais bien. Je vais avoir une crise de panique. Je dois partir d'ici avant de perdre mes moyens devant mon prof, avant de lui lâcher que toute son aide, tout son soutien, n'ont servi à rien. Je n'était pas à la hauteur, ni de lui, ni de tous ceux qui comptaient sur moi.
On bosse dur, plus dur que pas mal de gens autour de nous, et ça fonctionne. On réussit en dépit de tous ce qui a pu nous arriver. C'est la méthode Lighty.
J'aurai réussi à survivre à une enfance pauvre en étant noire dans un compté très blanc. C'est ça aussi la méthode Lighty.
Rappelle-toi : à la guerre, il n'y a pas d'amis, seulement des gens qui sont trop utiles pour que tu abrèges leur vie tout de suite.
Pennigton, c'est mon étoile du Berger et ça l'a toujours été. C'est l'endroit où tous les morceaux qui me composent se mettront enfin en place. Où je pourrais la musique qui m'a permis de tenir le coup, toutes ses années, avec des gens qui prennent cela autant au sérieux que moi. C'est la seule école de tout l'état où je pourrai choisir des cours qui me placeraient dans la meilleure position possible pour intégrer une faculté de médecine. La rampe de lancement de ma carrière. Du reste de ma vie.
Mais si revivre le traumatisme est dramatique, effrayant et potentiellement autodestructeur, un manque de présence peur devenir encore plus nocif. C'est particulièrement un problème avec les enfants traumatisés. Ceux qui extériorisent leur souffrance ont tendance à se faire remarquer; les enfants absents, eux, ne dérangent personne et continuent à démolir peu à peu leur avenir.
Tous ces plans et ces stratégies pour que des gens m'apprécient... pour me rendre à la hauteur de l'attention des autres... ça me fait me sentir toute petite.
Par un curieux effet de hasard, ou bien plus vraisemblablement de manipulation de hasard, ce fut au lieutenant Charles Becker que fut confiée l’enquête concernant l’assassinat. Les enquêteurs placés sous son autorité déployèrent toute leur énergie à gagner le concours de sur-place et d’inefficacité qui avait été lancé.
Je lui répond par une grimace qui ressemble à un sourire forcé autant qu'à un "Va te faire voir".
Puis pour me donner une contenance, je saisi mon thermos de café, oublie qu'il est brûlant, me crame un peu la langue, m'étouffe à moitié avec ce que j'essaie de ne pas recracher, tousse en éclaboussant le tableau de bord devant moi et finis par rigoler toute seule en mourant de honte. Et en essuyant les gouttelettes de café mouchetées un peu partout avec la manche de mon pull noir étiré sur ma main.
- T'es vraiment une fille distinguée, Constance.
- Lâche-moi un peu, Robinson. Va moudre tes grains de café avec les pieds.
Garder le silence et avoir honte, ça n'a rien à voir. Rien à voir du tout. Et parfois, le silence est plus simple.
Le problème avec l'anxiété, c'est qu'elle se manifeste de manière différente pour chaque personne. Oui, il y a des points communs chez tous les gens qui en souffrent. La tension, l'agitation, l'épuisement... mais les nuances changent tout. Perso, c'est le fait que mon estomac se tord et danse gracieusement comme un gazelle dans mon abdomen qui m'ennuie le plus.
Après la mort de ma mère, mon anxiété est devenue incontrôlable. Un rien me rendait malade : un contrôle surprise, choisir un partenaire pour un travail de groupe quand je ne connaissais personne... Mon cœur s'emballait si fort qu'on aurait dit qu'il allait s'échapper de ma poitrine. C'est là que l'assistante sociale que je voyais a trouvé un truc.
Placer deux doigts sur mon poignet pour tenter de sentir mon pouls, et, si j'en étais capable, compter le nombre de battements par minute. Je gardais le rythme avec le pied, comme quand je joue avec l'orchestre. Cela me permettais de retrouver mon calme, de me recentrer. Et jusqu'à maintenant, ça a toujours fonctionné. Mais c'était quand même gênant... avoir à trouver des trucs pour m'aider à ne pas perdre le contrôle...
Mais elle refuse de faire son coming out ou de confirmer ce que les gens ont pris pour acquis sur son identité sexuelle. Comme elle l'exprime dans sa ballade My life, my story : qui elle est et ce qu'elle fait n'appartient qu'à elle et les proches avec qui elle choisit de partager cela. Elle ne doit rie à personne.
Parfois j'ai l'impression que rien ne sera jamais assez bien : les bonnes notes, les fringues passe-partout, les coiffures et l'attitude bien sages. Je ne serai jamais le genre de fille que les autres acceptent facilement. Je ne serai jamais capable de m'assumer pleinement.