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Citations à l'affiche
Les animaux avaient refait leur apparition en même temps que le soleil et la mer, dans le ciel comme dans les eaux. Durant les longues journées de l'été arctique, où l‘astre du jour demeurait au-dessus de l'horizon presque jusqu'à minuit et où les températures montaient parfois au-dessus de zéro, les cieux s'emplissaient d'oiseaux migrateurs. Franklin lui-même parvenait à distinguer les pétrels des sarcelles, les eiders des mergules et les petits macareux des autres oiseaux. Autour de l'Erebus et du Terror, les chenaux de plus en plus larges grouillaient  de baleines franches qui auraient pu faire saliver un baleinier yankee, sans parler des morues, harengs, et autre menu fretin (...).
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Ma grand-tante, sa voisine, avait un jardin vivrier sous la vigne ombrageant sa cour, ainsi que des poulets et des chèvres dans sa grange. Ah, le frisson matinal de dénicher des oeufs bien cachés, l'odeur de la grange et des roses ! Chez elle, il y avait une pièce où l'on stockait et transformait la nourriture. Des bocaux de yaourt fermentaient pendant la nuit, emballés dans du papier journal, du fromage frais s'égouttait dans des torchons, des cagettes de pomme reposaient en prévision de l'hiver, du sirop de sureau pétillait en bouteille, et des rayons de miel dégoulinaient sur des plateaux. Elle était toujours affairée près d'une casserole bouillonnante ou d'un plan de travail où elle étalait la pâte, montait la mayonnaise avec des oeufs chauds et épluchait des légumes encore terreux pour les rôtir au four. Nous la regardions, subjugués, métamorphoser les machins peu ragoutants arrachés au sol en autre chose, telle une laborantine. Et les mixtures devaient sans cesse être goûtées, bien sûr. Puis venait la préparation des conserves, en début d'automne, un rite saisonnier lors duquel elle trônait, majestueuse, sur une chaise grinçante près d'un chaudron, à faire bouillir les bocaux pleins de bonnes choses avant de les fermer hermétiquement. Elle était comptable en semaine, gardienne des trésors de la terre le week-end. Nourrir était son talent, et bien qu'elle n'ait pas eu d'enfants, elle était une vraie mère pour nous tous.

Ainsi naquit mon enchantement pour la terre comestible.
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Les fibres organiques s'entremêlaient avec les paillettes industrielles. Des tabliers en laine peints par des aïeules avec des pigments de mousse se superposaient avec des tissus colorés à la teinture chimique achetés 2 dollars dans un bazar. Leurs visages étaient ceux de couturières. Des femmes qui avaient rapiécé les vies qu'on leur avait volées, un fragment après l'autre.

Et à présent elles cousaient en plus les vêtements de tout le monde, ici même aux Bouleaux, afin que le reste du continent puisse les acheter le samedi - jour de labeur pour la couturière - dans les rues branchées des grandes villes, ornés d'étiquettes destinées à justifier leur prix exorbitant, enveloppés dans du papier de soie, puis déposés dans des sacs ornés de lettres dorées en relief que les acheteurs rapportaient à la maison tels des chasseurs-cueilleurs fous ayant oublié depuis belle lurette l'art de la chasse et de la cueillette et ne sachant plus que consommer.

Chaque fois que je vois une étiquette de vêtement "Fabriqué en UE", le visage d'une femme des Bouleaux m'apparaît.
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Nous quittions la maison de bon matin, sacs en bandoulière, et passions la journée à glaner des orties, dont elle se frottait ensuite les doigts pour soulager son arthrite, avant de les préparer en beignets. Nous mangions à même les branches les mûres et les griottes qui tachaient nos habits, nous récoltions des fleurs de tilleul et de sureau qui me faisaient éternuer, et elle s’asseyait pour tricoter des napperons informes, dans une forêt de pins, tandis que je ramassais les glands de la saison passée pour réaliser des figurines informes, à l'aide de colle. Chez elle, il y avait un lit où des herbes séchaient sur du papier journal, et elle était toujours en train de mâcher quelque chose tout juste sorti du sol.
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Le Wager et le reste de l'escadre étaient en mer depuis à peine deux semaines, et il ne s'était pas encore acclimaté à son nouvel environnement. Il devait baisser la tête s'il ne voulait pas se cogner au plafond du second faux-pont et partageait ce caveau de chêne avec d'autres jeunes enseignes. Chacun avait droit à un espace d'à peine plus de cinquante centimètres de large pour attacher son hamac, de sorte que leurs coudes et leurs genoux s'entrechoquaient parfois avec ceux de leurs voisins. C'était quand même royal : presque vingt centimètres de place supplémentaire qu'il n'en était alloué aux simples matelots, [...]
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Il avait été envoyé en patrouille dans les Antilles, une mission souvent considérée comme la pire de la Navy à cause du spectre de la maladie. Le fléau safran (la fièvre jaune). Le flux sanglant (la dysenterie). La fièvre des os brisés (la dengue). La mort bleue (le choléra).
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Ich versteh nit. Mini Frau je meh Sie ihri Zehn verliert, je bissiger wird Sie.

(Je ne comprends pas. Plus mon épouse perd ses dents et plus elle devient mordante.)
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Sang sang ô sang noir de mes frères, vous tachez l'innocence de mes draps

Vous êtes la sueur où baigne mon angoisse, vous êtes la souffrance qui enroue ma voix

Wôi ! entendez ma voix aveugle, génies sourds-muets de la nuit.

Pluie de sang rouge sauterelles ! Et mon cœur crie à l'azur et à la merci.



Non, vous n'êtes pas morts gratuits ô Morts ! Ce sang n'est pas de l'eau tépide.

Il arrose épais notre espoir, qui fleurira au crépuscule.

Il est notre soif notre faim d'honneur, ces grandes reines absolues

Non, vous n'êtes pas morts gratuits. Vous êtes les témoins de l'Afrique immortelle

Vous êtes les témoins du monde nouveau qui sera demain.



Dormez ô Morts ! et que ma voix vous berce, ma voix de courroux que berce l'espoir.



(Extrait d'un poème de Léopold Sedar Senghor versé à la partie des documents et témoignages)
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Je serais heureux, moi, d'entrer dans des églises, d'y trouver des prêtres "mystiques", quitte à partir dans la connerie, mais, au moins, des gens qui vous soulèvent. C'est comme les poètes... Peu importe qu'ils aient tort ou raison, on s'en fout. Ce qu'on souhaite, ce sont des gens qui vous soulèvent.



(Extrait des entretiens avec Pierre Drachline)
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Léopold Sédar Senghor
Nous n'héritons pas de la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants.
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Quand un espace se mêle au pouvoir, il devient un territoire.
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par deux fois le soleil a touché les Poissons

il a bouclé deux fois sa révolution

et deux fois le soleil est revenu vers moi

après les glaces et le froid de deux hivers



et pendant tout ce temps pas une fois tu ne m'auras écrit



j'ai eu des amitiés plus brèves

ces amis-là m'écrivent encore



quand je brisais le cachet d'une lettre

j'attendais toujours ton nom



peut-être que tu m'as écrit

mais que toutes se sont perdues



j'essaie d'y croire



autant croire à Méduse aux cheveux de serpents

autant croire à la vierge à la tête de chien

autant croire au dragon moitié lion moitié chèvre

autant croire aux centaures au Sphinx et aux Harpyes

autant croire aux géants aux jambes de reptiles

autant croire à Gygès l'homme aux cent mille mains

et autant croire au Minotaure



j'aimerais mieux croire à ces mythes

qu'à la fin de ton amitié



combien de montagnes se dressent entre nous

combien de plaines combien de mers

combien de fleuves et de chemins



des milliers d'obstacles

expliquent aisément que tes lettres se perdent

et que je n'ai pas eu la joie d'en ouvrir une



mais pour franchir ces milles obstacles

écris donc plus souvent

que je n'aie pas à te trouver mille excuses
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Ce jeu mystérieux qui va de l'amour d'un corps à l'amour d'une personne m'a semblé assez beau pour lui consacrer une part de ma vie.



(p.21)
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— Qu'est-ce qu'il fait ?

— Il pense !

— On aura tout vu !
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Je tente de penser à quelque chose. Ma tête est un désert. Je n'ai que vingt-sept ans, et en ce mois de juin 1937, tandis que la canicule m'initie à l'enfer qui m'attend, je me sens aussi vieux qu'une ruine. J'aimerais avoir peur, trembler comme une feuille, redouter les minutes qui s'égouttent dans l'abîme, bref me prouver que je ne suis pas encore bon pour le fossoyeur – pas une zébrure d'émotion ! Mon corps est de bois, mon souffle est une diversion. De toutes mes forces, je presse ma mémoire dans l'espoir d'en faire jaillir une silhouette, un visage ou une voix qui me tiendrait compagnie. Peine perdue. Mon passé s'est rétracté, mon parcours me largue, mon histoire me renie.
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Ils parlaient de moi comme si j’étais mort.



j’étais plus vivant que jamais. je me sentais bien.

je pouvais même toucher ma poitrine. même pas

mal. pas mal du tout.

de sorte que mon jour c’était tous les jours. juste les bras

remplis de fleurs me serraient dans les bras comme mes bons amis.

et tout le monde parlait en bien de moi. que j’aurais été un homme

bien. magnanime. je n’avais aucune idée d’où ils tenaient ça. ces propos

sur moi. ils les tenaient.



comme si j’étais mort c’est ainsi qu’ils parlaient de moi



je suis plus vivant que jamais. j’explose de vitalité et d’amour.

que j’ai envie de me battre avec mes propres bras

ces tendres fleurs dans ma poitrine

je me sens bien et de plus en plus aromatique.

et tout le monde parlait en bien de moi. que j’aurais été un homme

bien. magnanime.
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Mais j’ai peur qu’on n’ait pas de quoi vivre et payer l’appartement… que je devienne clochard… Ici, on se gênerait à trois. Je ne quitterai pas Paris pour la banlieue ! Et puis toi qui parles toujours de liberté, c’en serait fini s’il y avait un enfant…
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A l'âge où j'étais alors, ce courage ivre persistait sans cesse. Un être grisé de vie ne prévoit pas la mort; elle n'est pas; il la nie par chacun de ses gestes. S'il la reçoit, c'est probablement sans le savoir; elle n'est pour lui qu'un choc ou qu'un spasme.



(p.65)
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Les récifs, les courants, les tempêtes. On ne s'évade pas d'une île. On longe ses côtes à perte de vue en maudissant la mer.
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L'extinction des espèces ne résultera que de la mort douloureuse d'un nombre incalculable d'individus. Ce ne sont pas alors des statistiques qui diminueront, mais des vivants qui expireront.

La souffrance peut-elle ne pas être prise en compte ? Derrière la vie, il y a les vivants. Tout est là. Ce ne sont pas des idées qui vont devoir - par nos choix - tenter de survivre à l'effondrement : ce sont des personnes.
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