Citations les plus appréciées
Le but de la vie ce n'est pas l'espoir d'être parfait, c'est la volonté d'être toujours meilleur !
Quand je mets de côté mes artifices et range dans un coin, avec un soin amoureux et l'envie de les embrasser, mes jouets à moi - mots, images ou phrases -, alors je me sens si petit, si inoffensif et si seul, perdu dans une pièce immense, et si triste, si profondément triste !
En fin de compte, qui suis-je, lorsque je ne joue pas ? Un pauvre orphelin abandonné dans les rues des Sensations, grelottant de froid aux coins venteux de la Réalité, obligé de dormir sur les marches de la Tristesse et de mendier le pain de l'Imaginaire.
–Qu’est-ce que tu fais dans la vie ?
–Moi ? Rien. Je réfléchis sur ce qu’est un sourire, un vrai sourire.
–C’est tout, rien d’autre ?
–Non, rien d’autre, mais ça me prend tout mon temps.
LE CHŒUR : Ce n'est qu'à celui qui a souffert que la Justice accorde de comprendre.
Vois la plante !
Elle est un papillon
Enchaîné par la Terre.
Vois le papillon !
Il est la plante
Libérée par le Cosmos.
(Rudolph Steiner)
Quand nous prendrons conscience de notre rôle, même le plus effacé, alors seulement nous serons heureux. Alors seulement nous pourrons vivre en paix et mourir en paix, car ce qui donne un sens à la vie donne un sens à la mort.
Elle est si douce quand elle est dans l’ordre des choses, quand le vieux paysan de Provence, au terme de son règne, remet en dépôt à ses fils son lot de chèvres et d'oliviers, afin qu'ils le transmettent, à leur tour, aux fils de leurs fils. On ne meurt qu'à demi dans une lignée paysanne. Chaque existence craque à son tour comme une cosse et livre ses graines.
La force de la meute est dans le loup.
La force du loup est dans la meute.
Malgré quelques aménagements récents, le vieux quartier chinois de la Havane était toujours un endroit sordide et oppressant où pendant des décennies s'étaient entassés les Asiatiques arrivés dans l'île avec le vain espoir d'une vie meilleure et même le rêve, vite assassiné, de s'enrichir. Même si au cours des dernières années les anciennes sociétés chinoises, de plus en plus obsolètes, avaient retardé leur prévisible mort naturelle en se transformant en restaurants - leurs plats gras étaient à des prix de moins en moins modiques - qui avaient donné une vie et une ambiance au quartier, la géographie de la zone continuait à exhiber, presque avec cynisme, une furieuse détérioration...Ces vieux édifices du début du XXe siècle, dont beaucoup transformés en solares où s'entassaient plusieurs familles, avaient oublié depuis longtemps l'éventuel charme qu'ils avaient sans doute eu un jour et, dans leur décadence irréversible, ils offraient un panorama de pauvreté compacte, Noirs, Blancs, Chinois et métis de tout sang et de toute croyance cohabitaient là dans une misère qui ne faisait aucune distinction entre les nuances de couleur et les origines géographiques, les rendant tous égaux et les poussant à une lutte pour la survie qui les rendait généralement agressifs et cyniques, comme des êtres désormais étrangers à toute forme d'espoir.
Enfant, vous êtes l'aube et mon âme est la plaine
Qui des plus douces fleurs embaume son haleine
Quand vous la respirez ;
Mon âme est la forêt dont les sombres ramures
S'emplissent pour vous seul de suaves murmures
Et de rayons dorés !
Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies,
Car vos petites mains, joyeuses et bénies,
N'ont point mal fait encor ;
Jamais vos jeunes pas n'ont touché notre fange,
Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds ! bel ange
À l'auréole d'or !
Vous êtes parmi nous la colombe de l'arche.
Vos pieds tendres et purs n'ont point l'âge où l'on marche.
Vos ailes sont d'azur.
Sans le comprendre encor vous regardez le monde.
Double virginité ! corps où rien n'est immonde,
Âme où rien n'est impur !
L'Europe est une construction à allure technocratique et progressant sous l'égide d'une sorte de despotisme doux et éclairé.
Le Figaro, 27 juin 2016.
Un être humain, c'est une lumière libre qui se fait braise quand elle tombe, et incendie quand elle se relève.
Et sans doute n'étaient-ce pas seulement les rues qui semblaient "puantes et malsaines" à Haussmann, mais aussi leurs noms: une rue hausmannienne, ça porte un nom de Préfet, ou de victoire, ça ne s'appelle pas rue du Grand Hurleur, que fit disparaître le boulevard de Sebastopol, ou rue des Frondeurs, où Vautrin, sous l'apparence de Carlos Herrera, donne rendez-vous à Esther la Torpille au début de Splendeurs et misères... Que les rues ne soient plus un poème mais une proclamation officielle, un ordre du jour, tel était le programme d'Haussmann.
(page 101)
Douleur muette
À Victor Lalotte.
Pas de larmes extérieures !
Sois le martyr mystérieux ;
Cache ton âme aux curieux
Chaque fois que tu les effleures.
Au fond des musiques mineures
Épanche ton rêve anxieux.
Pas de larmes extérieures !
Sois le martyr mystérieux ;
Tais-toi, jusqu'à ce que tu meures !
Le vrai spleen est silencieux
Et la Conscience a des yeux
Pour pleurer à toutes les heures !
Pas de larmes extérieures ! —
(« Les Névroses », 1883)
Je n'ai jamais rien fait que rêver. Cela, et seulement cela, a toujours été le sens de ma vie. Je n'ai jamais eu d'autre souci véritable que celui de ma vie intérieure. Les plus grands chagrins de mon existence se sont estompés dès lors que j'ai pu, ouvrant la fenêtre qui donne sur moi-même, m'oublier en contemplant son perpétuel mouvement.
Je n'ai jamais voulu être rien d'autre qu'un rêveur. Si on me parlait de vivre, j'écoutais à peine. J'ai toujours appartenu à ce qui n'est pas là où je me trouve, et à ce que je n'ai jamais pu être.
(...) Je n'ai jamais demandé à la vie que de m'effleurer, sans que je la sente passer. (...)
Cette manie de me créer un monde factice ne m'a jamais quitté, et ne me quittera que le jour de ma mort. Je n'aligne plus, aujourd'hui, au fond de mes tiroirs, de bobines de fils aux tons multicolores, ou de pièces de jeu d'échecs - où parfois se détachaient un fou ou un cavalier -, mais je le regrette... et ce que j'aligne maintenant dans mon imagination, tout à mon aise, comme on se chauffe en hiver au coin de la cheminée, ce sont des créatures qui habitent, de façon constante et parfaitement vivante, ma vie intérieure. J'ai tout un monde d'amis au fond de moi, dotés d'existences personnelles, réelles, bien définies et imparfaites.
L’ennemi, ce n’est pas la mort, mais le fait de passer sa vie à en avoir peur. Tu te souviens des vers du vieux Thoreau : je veux sucer la moelle de la vie et ne pas, au soir de mon existence, découvrir que je n’ai pas vécu…
On n’avait jamais vu un saint chatouilleux, encore moins souriant. En tout cas pas en statuaire, où tous les saints arboraient en général des mines de fonctionnaires divins harcelés de demandes d’intercession.
(page 398)
Ma vieille tante faisait des patiences pendant l'infini des soirées. Ces confessions de mes sensations, ce sont mes patiences à moi. Je ne les interprète pas, comme quelqu'un qui tirerait les cartes pour connaître l'avenir. Je ne les ausculte pas, parce que dans les jeux de patience, les cartes, à proprement parler, n'ont aucune valeur. Je me déroule comme un écheveau multicolore, ou bien je fais de moi-même un de ces jeux de ficelle que les enfants tissent, sur leurs doigts écartés, et qu'ils se passent de main en main. Je prends soin seulement que le pouce ne lâche pas le brin qui lui revient. Puis je retourne mes mains, et une nouvelle figure apparaît. Et je recommence.
Les débits de bière se touchaient. Il en était de même des auberges et des hôtels.
Un veilleur allait et venait en criant qu'il savait où il fallait habiter. Il nomma quelques noms, d'une voix profonde et impérative, accompagnée de grands gestes. Il était clair qu'il était payé pour cela.
Le marché aux poissons était une véritable fourmilière. Là, l'odeur était plus forte que devant la fosse à purin, quand on ouvrait les portes au soleil de printemps. Les poissonnières criaient leurs prix. Des voix aiguës et des visages rougies. De fortes poitrines sur lesquelles un châle était croisé malgré la chaleur.
La différence de condition sociale était plus visible ici qu'à l'église le dimanche au pays. Les costumes bigarrés des poissonnières et des filles de joie avaient le dessus. Ici et là, on pouvait cependant voir une robe de dentelle blanche sous un large chapeau de paille. Décorée de noeuds, de rosettes et autres fioritures. De petits souliers de soie ou de cuir se mêlant au claquement des sabots.
Les Filles du Dieu
À André Walckenaer.
Elles avaient piqué des lotus dans leurs boucles
Et mouillé leurs cheveux avec des parfums lourds
Leurs flancs souples roulaient des houles de velours
Leurs longs yeux palpitaient comme des escarboucles.
Des couleuvres d’argent tournaient sur leurs bras nus
Des colliers descendaient sur leurs mamelles grises
Leurs souffles délicats erraient comme des brises
Dans leurs voix tristes et leurs rires ingénus.
Et les rougeurs des fleurs sur leurs bouches nocturnes
Tremblaient avec des somnolences taciturnes
Au bout de leurs doigts blancs ongulés de carmin
Et les sourds tapis bleus déroulaient le chemin
Où les filles du dieu, sur des fleurs de verveines,
Se charmaient l’une l’autre au cours des heures vaines.
Novembre 1890.
(« Astarté », 1891)
LE DERNIER HOMME AU DÔME
Où est la splendide ivresse? Où le grand ivrogne?
Cet impondérable petit mystère
M'empêche de dormir constamment à minuit:
-Où est-il parti, de quelle table lève-t-il sa chope?
Où sont-ils disparus, mes amis, les grands désancrés?
Ils ne gémissent plus aux bars, ils ne prennent plus la mer;
D'un simple tremblement de volonté, ils rêvent sans contrainte,
Viveurs de vies dont ils avaient l'ardent désir
Couloirs interminables de bottes à lécher,
Avec, tout au fond, le gros orteil du pape.
Où sont tes amis, pauvre idiot? tu n'en as plus qu'un,
Qui d'ailleurs te donne la nausée
Quoique bien moins que les autres; je le connais
Car je suis le dernier ivrogne : je bois seul.