Citations les plus appréciées
Dès son arrivée à Buchenwald, Jacques comprend qu'on lui vole son pain, son malheureux quignon de pain sec. Il ne tarde pas à trouver le coupable.
« C'est un coquin, un voyou, un fainéant, un mauvais sujet», persiflent les autres prisonniers du Block. Louis Onillon a vingt-cinq ans, une tête brûlée, une jambe de bois, une petite cervelle, un langage limité (« son moignon parlait il disait tout ce que l'homme ne savait plus dire ») et il n’a en effet aucun scrupule. Après chaque distribution, il dérobe la maigre pitance de l'aveugle. Un jour, Jacques lui fait savoir qu'il sait. Mais, au lieu de le lui reprocher il propose de devenir son ami. En guise de réponse, Louis partage aussitôt sa couverture avec celui qui était sa victime, et dont il décide dorénavant d'être le garde du corps. Les deux garçons se découvrent en Anjou, des origines communes. Ce sont des pays. Louis est cordonnier.
La voici, déjà à l’orée du bois. A grandes enjambées de garçon, dirait sa mère – sa mère ! De rage, elle donne un grand coup dans la terre détrempée qui éclate en mille gouttelettes noires. Elle reprend sa marche, violente. Les galoches s’enfoncent, lourdes dans la terre collante, humide. Cette grosse terre qu’elle pétrit de ses foulées d’adolescente – jeune insolente sans brides – sa crinière brun-rouge glisse peu à peu sur ses épaules encore frêles. Un désir soudain de saisir à pleins doigts la boue. La terre sent une odeur âcre, brûlante. Elle lui enserre les mains, l’étreint. La jeune fille la respire, s’en barbouille le visage. Le vent s’est levé, l’orage là-bas qui rage par-delà Reims, la terre amère, fumante, comme les crottins que laissent derrière eux les gros chevaux du père Jacquin. Elle se met à crier, l’envie de crier sans fin, d’expulser un désir incommensurable, l’envie d’être sans retenue, indécente.
"Je voulais noyer mes chagrins dans l'alcool,
mais les salauds ont appris à nager."

Le journal d’hier matin m’a fait chaud au coeur. La journaliste culturelle suédoise Ulrika Knutson y donnait une longue interview sous le titre « L’éducation peut se passer de livres ». Elle y rappelait la coexistence, au début du XXe siècle, de l’éducation pratique et de l’éducation livresque. La méthode n’était pas réservée aux plus aisés, elle a même permis à la classe dite »inférieure » de développer ses compétences pratiques et esthétiques. Ce sont les mêmes compétences que beaucoup souhaiteraient aujourd’hui supprimer des programmes scolaires. Je suis convaincue que l’éducation devrait être plus rationnelle, plus rapide, et mieux prendre en compte les besoins du marché. Ulrika Knutson formule ainsi sa défense d’une éducation non livresque : « Nous ne sommes pas tous des lecteurs, mais nous pouvons tous nous former. On rencontre d’autres personnes, on écoute, on vit. Pour cette raison, je suis fascinée par ceux qui, au début du siècle dernier, ont mis l’accent sur le pouvoir du cerveau, du coeur et de la main. »
Tout est dit. C’est ainsi ce que je voudrais répliquer aux sociologues qui nous parlaient des analphabètes, de ceux qui ignorent les théorèmes, les noms des plantes ou des animaux. Bien sûr, on peut apprendre toutes sortes de choses dans les livres, et c’est tant mieux. Mais la vie à laquelle j’aspire, c’est une union du cerveau, du coeur et de la main. C’est pour eux que je fais des recherches sur les neurosciences et que je me passionne pour tout et n’importe quoi. Pour eux que je vis intensément, entourée de nombreux amis. Pour eux que je tricote, nettoie, brode. Le cerveau, le coeur et la main.

Ma soeur,
je ne suis plus poète
je ne suis pas digne d'être poète.
Je suis une fourmi meurtrie
qui a perdu son chemin
dans la nuit infinie.
Je remue la cendre
des Avrils embrasés
et je ne trouve pas une étincelle
pour allumer l'antique poêle.
C'est toi qui a soupesé
les trésors des siècles
dans ta paume délicate.
C'est toi qui a renversé les cimes
où reposaient les poètes.
Et moi je ne suis plus poète.
Je le sais,
les poètes
ne souillent pas de leurs larmes
les cités de cristal.
Ils veillent
avec leur regard égal et sans trouble
afin de mesurer
les effrois de la lumière
et les pulsations de l'univers.
Pourtant moi,
ma soeur, je veille
mesurant tes pulsations
et ton souffle.
Je me fortifie, tour nocturne,
dans l'impénétrable fracas
des tonnerres entrecroisés
et je touche résolu les foudres.
Les arcades de la lumière se sont effondrées
sous tes paupières.
Rien d'autre ne vit
en dehors du cycle funèbre
que tes yeux incisent dans la création.
Je ne veux pas
que les tambours des triomphes
annoncent ma gloire
dans les forêts du printemps.
Ton sourire le tien
me suffit.
La fontaine de tes yeux
peut abreuver ma soif
et faire éclore ma vie.
Une fois que nous aurons définitivement fait abstraction de toutes les recompositions contemporaines et postérieures à son règne, très souvent synonymes de panégyriques, nous nous trouverons enfin devant un homme qui, confronté au réel, à montré qu'il savait prendre exactement le pouls de son époque et répondre correctement aux exigences de l'heure, mais que, plus attentif au présent que visionnaire, et enfermé qu'il était dans les affaires courantes, il n'a pas su entrevoir et relever correctement les défis du lendemain. Il a cru l'avoir fait, par les décisions qu'il a prises et qui auraient pu être suffisantes, si ceux qui ont poursuivi la tâche après lui, durant la minorité de Charles VI et puis au long des périodes de folie traversées par ce dernier, n'avaient pas été des requins ou des fauves.
(Page 14)
Que ne pensons-nous pas et que ne disons-nous pas, et nous croyons être compétents et ne le sommes tout de même pas, c'est là la comédie, et quand nous demandons, comment cela va-t-il continuer, c'est la tragédie.
dans Maîtres Anciens - Comédie -
Je regardais les bateaux blancs frôler le château d'If et filer vers la Corse. Ils s'évaporaient au loin dans les premières brumes de chaleur.
Lundi, le perfide printemps fit un brusque retour vers l'hiver avec une pluie froide et d'âpres bourrasques qui déchiquetèrent les feuilles tendres des arbres trop confiants. Sur les pelouses, pleins d'ardeur sensuelle, les moineaux audacieux et concupiscents roulaient en tous sens comme des chiffons ; déviés de leur trajectoire et de leurs cibles, ils pépiaient furieusement contre le temps capricieux.
Selon une idée gobée par tout le monde, au fond de chacun de nous se cache une bête sauvage, un animal fantasque et dangereux que la civilisation parvient tout juste à juguler. C’est l’excuse dont se servent les gouvernements pour justifier leur contrôle, prétextant qu’il faut nous régenter à cause de la créature sauvage, du loup intérieur. Rien n’est plus faux. Comme toujours, on retourne la vérité sens dessus dessous. Le monstre, c’est notre enveloppe extérieure qui se promène dans un rêve, oublieuse de sa vraie nature. C’est notre animal intérieur qui nous sauve, conclut-elle en portant une main à sa poitrine.
La cour est vide ; à cette heure les poules sont dans le pré, derrière la maison, et les chiens sont descendus à l’étable avec lui ; ils le suivent quand il se lève de sa sieste, ils lui obéissent, ils filent. Quand elle voit revenir les chiens, qui restent dans la cour et n’entrent pas dans la maison, quand les chiens passent devant le portail du jardin où se couchent derrière l’érable, elle sait qu’il n’est pas loin.
(pages 23-24)
Vous avez élevé une enfant qui pensait que haïr des gens parce que Dieu leur a donné une couleur de peau différente était quelque chose de normal. Vous avez autorisé cette haine. Vous l'avez probablement engendrée. Et votre gamine et ses amis racistes tels que vous, ont été lâchés dans le monde pareils à des putains de grenades bourrées de haine et de stupidité...
Lorsque j'ai découvert Belle-Isle en mer, je l'ai ressentie comme un havre de quiétude, un paradis pittoresque dont je pourrais goûter le charme de sa beauté sauvage sous un ciel vivifiant. J'ai déniché sur une falaise venteuse spécialement inaccessible, spécialement inconfortable, un fort abandonné qui par son isolement, ne peut que m'enchanter !
monologue tiré et librement inspiré de "Ma double vie"
selon "Divine- Vie(s) de Sarah Bernhardt " un récit de Eddy Simon Dessin et couleur de Marie Avril - Ed Futuropolis - p-149-
J’ai grandi entre les livres, en me faisant des amis invisibles dans les pages qui tombaient en poussière et dont je porte encore l’odeur sur les mains ...
Mon histoire est celle de gens ordinaires en des temps qui furent extraordinairement durs. Des temps qui, je l'espère du fond de mon cœur, ne reviendront jamais plus. C'est à nous tous, gens ordinaires de par le monde entier, d'y veiller.

(Coïncidence, Emma Goldman, l'intellectuelle et anarchiste russe née en 1869 à Kowno est morte un 14 mai (1940 à Toronto).
L'orateur prévu n'était autre qu'Emma Goldman. Tateth expliqua avec soin que, en dépit de son opposition totale à Goldman - elle était anarchiste et lui socialiste- il éprouvait le plus grand respect pour son courage et sa sincérité personnels; il avait donc admis l'opportunité d'un accord provisoire entre socialistes et anarchistes, ne fût-ce que pour la soirée, car les fonds recueillis à cette occasion serviraient à aider les ouvriers d'une fabrique de chemisiers, alors en grève, et ceux d'une scierie de McKeesport, en Pennsylvanie, également en grève, et l'anarchiste Francisco Ferrer, qui allait être condamné à mort et exécuté par le gouvernement espagnol pour avoir fomenté une grève générale en Espagne. En seulement cinq minutes, Evelyn fut submergée par la tonifiante terminologie de l'idéalisme révolutionnaire. Elle n'osa pas avouer à Tateh qu'elle avait toujours ignoré qu'il y eût une différence entre le socialisme et l'anarchisme ou que l'idée de rencontrer la scandaleusement célèbre Emma Goldman la terrifiait.
Les raisons pour lesquelles nous avons les enfants que nous avons ont toujours été pour moi une énigme : qui aurait pu me dire que, quand il était encore bébé, Clemen emprunterait si peu de traits de caractère à moi, à Pericles ou à ses grands-parents, et qu’il hériterait plutôt de tous les bons et mauvais côtés d’oncle Lalo, le plus jeune frère de mon père, sympathique et tête en l’air, noceur et coureur de jupons ? J’ai accepté la volonté divine et je me suis adaptée ; pour Pericles, cela a été plus difficile. Mon père dit que, comme oncle Lalo a été tué quelques semaines avant la naissance de Clemen, il a hérité de son esprit.
Lorsqu'on le lui demandait, la fille - une femme, désormais - retirait son gant de fauconnier, prenait la main des gens pendant quelques instants et pinçait leur chair entre le pouce et l'index, là où toute l'énergie de la main se concentre, avant de leur faire part de ce qu'elle ressentait. Ce geste, disaient certains, vous étourdissait, vous vidait, comme si la fille absorbait toute l'énergie contenue en vous ; d'autres le disaient revigorant, revivifiant, telle une pluie qui vous tombe dessus. Tout se déroulait sous les cercles que son oiseau décrivait dans le ciel, les ailes déployées, poussant des cris comme des avertissements.
Les gens disaient qu'elle se prénommait Agnes.
P68.
"Le vrai pouvoir derrière le succès que j'ai maintenant est quelque chose que j'ai trouvé en moi - quelque chose qui est en chacun de nous, je pense, un petit morceau de Dieu qui n'attend que d'être découvert.
The real power behind whatever success I have now was something I found within myself - something that`s in all of us, I think, a little piece of God just waiting to be discovered."
pourras-tu
tenir le silence
quand je toucherai ta main
chaude dans ton lit
dans sept ans
dix, et savoir me consoler?