Pierre Savidan, sorte de gourou écolo vient d’accéder aux plus hautes fonctions de l’État. Il a profité d’un trou de souris, de mouvements de colère désordonnés et d’une experte en communication politique pour se faire élire président de la République face à l’extrême droite. Jusque-là, il cultivait son jardin, à la manière de Pierre Rabhi. Désormais, c’est lui qui décide.
Conscient de l’urgence à juguler les dérèglements climatiques, il impose petit à petit des règles de plus en plus contraignantes : scoring écologique individualisé prenant la forme d’un permis à points, régulation des naissances, centres de rééducation basés plus ou moins sur le volontariat, réduction de la consommation de viande ; toutes les solutions sont bonnes pour retarder la catastrophe qui s’annonce.
Pierre Savidan est suivi par quelques activistes, ragaillardis par son arrivée au pouvoir et qui font feu de tout bois, mais la résistance s’organise, avec à sa tête Olivier Fleurance, patron d’un des fleurons de l’industrie agroalimentaire, cible privilégiée du nouveau programme et victime collatérale des manifestations des soutiens du président. L’impopularité grandit, la colère gronde face aux mesures drastiques, pourtant il faut agir. Porté par de bonnes intentions, mais engagé dans une spirale infernale face aux réticences, Pierre Savidan glisse petit à petit vers l’autocratie, voire la dictature.
Collapsus : syndrome aigu caractérisé par un malaise soudain et intense (…) généralement causé par une brusque défaillance (…)
Bien sûr cette définition est tronquée ; j’en ai volontairement gommé les aspects médicaux, mais elle colle parfaitement à mon propre ressenti après avoir terminé la lecture de ce roman de Thomas Bronnec et confirme la trouvaille que constitue le choix de ce titre.
Certains trouveront dans Collapsus un certain nombre d’incohérences, un manque de précision et quelques raccourcis audacieux, oubliant que si Thomas Bronnec exerce également le métier de journaliste, c’est en tant qu’auteur de fiction qu’il s’adresse ici à nous et que le principe fondamental de cette « distraction » qui nous est chère est de se laisser guider, berner, bercer par celui qui la propose. Au final, s’il a bien fait son travail, on termine avec des points d’interrogation supplémentaires dans la tête.
C’est justement le cas avec cette dystopie qui prend à rebrousse-poil le discours habituel en mettant en scène une dictature écologique. Certes, la cause est noble, l’urgence palpable, et l’inaction des acteurs politiques traditionnels flagrante, mais vaut-elle d’en arriver à ces extrémités ? La certitude de bien faire, voire de faire le bien de la population, autorise-t-elle tous les excès ?
Thomas Bronnec s’empare de ces questions et les triture dans un roman dérangeant qui fait froid dans le dos. L’inversion des « rôles » est en elle-même troublante. Arrivé gagnant face à l’extrême droite, le « bon » écolo, fort de ses convictions et face à l’évidence du risque climatique se fait dictateur. L’urgence pourrait lui donner raison d’agir ainsi pour la survie du plus grand nombre. Mais alors, si on réinverse les positions, un climatosceptique convaincu, voire un populiste notoire, s’il croit vraiment à ce qu’il propose…
Assurément, avec Collapsus, Thomas Bronnec a bien fait son travail. Et vous savez quoi ? Le prochain vendredi 30 avril (premiers mots du roman), c’est en 2027…
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