Pour se remettre à la lecture lorsqu'on ne se sent pas la force et que rien ne nous fait envie, rien de tel que choisir un livre de l'un de nos auteurs préférés. Pour moi, Édward ABBEY est de ceux-là (avec Grisham, Austen, Pessoa et bien d'autres).
.
J'avais déjà succombé avec son magnifique Désert Solitaire, récit autobiographique qui se lit comme un roman, et introduit utilement le lecteur à la pensée de l'auteur. Il m'avait ensuite subjugué avec son fameux Gang de la clé à molette (récemment sous-titré "Ne moeurs pas, ô mon désert"), application romanesque et partiellement autobiographique de sa pensée. Et puis étrangement, j'avais fini de tomber amoureuse de cet univers littéraire en lisant le récit autobiographique d'un autre auteur, Doug Peacock, qui était très ami avec Edward ABBEY ; son livre s'appelait Une guerre dans la tête (je vous mets le lien en fin de critique) : il m'avait énormément marquée car j'y avais appris que, pour écrire son Gang de la clé a molette, Abbey s'était inspiré de Peacock pour son personnage de George Hayduck, le plus marquant pour moi.
.
Dans le gang de la clé à molette, j'avais aimé l'idée du scénario basé sur la désobéissance civile, où une poignée de personnages décidait de saboter les machines et les chantiers qui menaçaient de détruire les canyons pour construire des routes et des hôtels. J'avais aimé aussi les personnages hauts en couleur, qui faisaient le sel du récit, ainsi que la langue utilisée pour les dialogues et les descriptions, même si je me souviens d'avoir ressenti quelques longueurs dans ces dernières.
.
Dans mon souvenir, j'avais trouvé la plume d'Abbey ultra précise et imagée, pleine d'humour et de métaphores improbables et cocasses. Dès les premières pages du Retour du gang de la clé à molette, j'ai retrouvé cette signature mais avec l'impression que, cette fois, elle était plus détendue, que l'auteur écrivait pour s'amuser ou en s'amusant. Et c'est certainement le cas lorsque l'on manie que de tels personnages, même si l'auteur n'en oublie pas pour autant de transmettre ses messages. Cela étant, tout le monde en prend pour son grade dans ce livre, la plume acérée de l'auteur n'oublie personne, pas même son camp, pas même lui-même. L'autodérision dont il fait preuve me rallie définitivement à sa cause, sérieuse et digne d'être défendue.
.
Dans cet opus, les membres du gang qui, depuis la dernière fois, sont soit en cavale, soit en conditionnelle, soit passés pour mort, se retrouvent néanmoins secrètement pour un nouveau sabotage de taille : la destruction d'une nouvelle machine de destruction massive de la nature qui a coûté des millions de dollars. Entre parties de poker et d'espionnage, grand raout d'amoureux de la nature un peu perchés, actions d'éco-terrorisme… on ne s'ennuie jamais avec les membres du gang même si, pour ne pas se faire attraper par les autorités, on ne les voit pas souvent tous ensemble.
.
Pas de longueurs ici pour moi, tout est passé trop vite et je suis triste de quitter ce petit monde en sachant, du moins à ma connaissance, qu'il n'existe pas de tome trois. Si l'auteur semblait pourtant s'en ménager habilement l'éventuelle possibilité, il écrivait aussi avec humour dans ce même roman qu'on ne sait jamais ce qu'on pourra écrire avant de mourir.
.
Alors merci, Monsieur Abbey : J'ai passé de très beaux moments avec les personnages attachants qui m'ont émue, j'ai profité de ces retrouvailles au maximum. À titre tout à fait personnel, j'aurais souhaité encore plus de George : de descriptions de son physique velu qui me font à chaque fois mourir de rire (je me suis amusée à mettre des post-it à chaque fois que l'auteur le décrivait différemment : un régal), de foutus putains de dialogues empreints de son bordel de vocabulaire bien particulier, de ses frasques de survivant de la guerre du Vietnam à l'air indestructible mais bourré de vitalité autant que de sensibilité. Voilà, je suis triste aujourd'hui de les quitter tous, de savoir que l'auteur n'est plus et, comme d'habitude, de ne pas être capable de vous parler beaucoup mieux un univers littéraire qui me touche énormément et auquel je me suis attachée.
.
Il ne plaira pas à tout le monde, mais en grande fan qui se respecte je ne peux que vous recommander de l'essayer !
Lien :
https://www.babelio.com/livr..