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Critiques à l'affiche

Magasin général, tome 7 : Charleston

Depuis le retour de Marie et Jacinthe, une atmosphère de fête règne à Notre-Dame-des-Lacs, on danse le charleston, on coud des robes "comme à Montréal", on se maquille, bref, la vie n'est plus tout à fait la même, et tant pis si ce n'est pas du goût de tout le monde.
Quant à Marie, quelle transformation ! Marie est désormais une femme libérée, qu'on se le dise, une femme qui assume son désir de liberté et ses besoins. Ernest Latulipe rencontré dans le tome précédent entre donc dans sa vie, et comme Marie ne sait toujours pas vraiment dire non, Mathurin le frère d'Ernest aussi...
Cela dit, le désordre qui règne désormais inquiète tout de même un peu les habitants qui décident d'élire un nouveau maire, la place est vacante depuis le décès du dernier titulaire et le curé est missionné pour trouver le candidat idéal. Les réunions se déroulent "entre hommes" le soir au magasin et se succèdent sans succès, mais pas sans "lever le coude", la grogne monte chez les femmes...
Il faut pourtant régler le problème, car les hommes vont de nouveau devoir partir dans les bois, la vie continue !
J'ai bien aimé ce tome 7 même si tout part un peu en vrille, j'ai pourtant, là encore été moins passionné que dans les cinq premiers tomes, avis très personnel.
A noter un nouveau "cliff hanger" en fin de tome, même si de vous à moi, ce n'est pas vraiment une surprise.
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Du passé faisons table rase

J'ai pris énormément de plaisir à cette lecture. Si j'aime les romans noirs, c'est qu'ils sont plus crédibles et anxiogènes que les polars dans la mesure où le contexte est fréquemment sociétal, les acteurs du drame sont le plus souvent des gens comme vous et moi.
J'ai apprécié le dépaysement, ici il sera question d'Histoire, de politique, celle d'un parti (le PCF pour ne pas le nommer) et du passé trouble de son secrétaire général pendant l'occupation, un personnage bien connu des gens de ma génération et qui portera dans ce roman le nom de René Castel.
Le scénario s'appuie sur des faits avérés et sur d'autres dont on peut supposer qu'ils ne sont pas très éloignés de la vérité historique, il s'agit néanmoins d'une fiction romancée.
Ce récit est sans conteste "à charge" contre le parti, expliquant sans fard les collusions avec "Moscou" et un fonctionnement interne aux méthodes dictatoriales et basées sur l'intimidation et la violence.
"Le passé n'oublie rien. Il y aura toujours un ancien pour se souvenir. Une femme pour témoigner. Un enfant qui racontera… Dix ans après les faits, en France, dans les années quatre-vingt, le seul homme à « savoir » voit ressurgir le risque que la vérité n'éclate. Cette vérité concerne le Parti. Elle vise le leader, l'homme charismatique à la jeunesse méconnue. Quels furent ses positions et ses actes dans les années de guerre avant qu'il ne milite ? Comment faire taire l'inacceptable alors qu'un corbeau semble à nouveau déterminé à rouvrir les plaies ?"
J'ai trouvé le parti pris narratif excellent, avec trois récits parallèles. D'une part, nous suivrons la jeunesse et le passé de René Castel durant la seconde guerre mondiale, des chapitres en italique précédés de vers d'Aragon bien choisis. Ensuite nous suivrons des cadres importants du parti au moment de prendre des décisions cruciales ainsi que quelques militants convaincus dont Madeleine, très investie. Et enfin, nous suivrons des responsables des services secrets français, qui eux aussi ne seront pas présentés sous leur meilleur jour.
Ce roman m'a captivé sans peine, le scénario est brillant et, fiction ou pas, il est évident que l'on s'instruit sur une période de notre Histoire, ensuite le contexte et les personnages ont une densité très forte, il s'agit d'un roman vraiment très noir, l'intrigue est complexe à souhait et maintient un réel suspense tout du long.
Ce qui rend ce roman remarquable tient aussi et surtout à la personnalité de l'auteur, Thierry Jonquet, qui a eu un passé très engagé au niveau politique en tant que militant à Lutte ouvrière (trotskiste donc), puis à la Ligue communiste révolutionnaire et Ras l'Front.
Il publiera ce roman, non sans une certaine ironie sous le pseudonyme de Ramón Mercader, le nom de l'assassin de Léon Trotski. Ce roman fera couler beaucoup d'encre à sa sortie et pendant de nombreuses années, il ne sera jamais commenté par le parti.
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Les Maîtres de la manipulation

Un ouvrage très instructif qui décrypte un siècle de manipulations de masse, ce titre nous propose vingt portraits de personnages qui ont durablement modifié notre perception du réel, notre faculté de discernement ou encore l'exercice de notre libre arbitre.
Un siècle durant lequel les "puissants", grâce à la science et à la psychologie, et ce à travers les supports des médias en constante évolution, vont faire de nous à peu près ce qu'ils veulent dans tous les domaines concernant le pouvoir et toutes ses déclinaisons (guerre, politique, publicité).
De 1914 à 2016, ce sont donc vingt exemples édifiants qui vont nous être présentés, vingt personnalités qui ont marqué à jamais de leur empreinte le monde de la communication, vingt personnalités aux intentions et aux motifs très discutables.
C'est fou le chemin parcouru depuis les premiers tracts imprimés ou les premiers spots radiophoniques, aujourd'hui, et à l'heure d'internet, cela paraît même désuet de se retourner sur les méthodes des précurseurs en la matière, pourtant, on se rend compte d'une vérité, tous les outils de communication de masse ont toujours, et ce dès les premiers jours, été détournés au profit d'un petit nombre avide de domination sur le plus grand nombre.
Je ne vais pas entrer dans le détail de toutes les innovations engendrées au cours du siècle et décrites dans ce livre, certaines sont aujourd'hui évidentes, beaucoup vous étonneront par la marque indélébile laissée dans le subconscient, tels certains slogans.
Il sera aussi question des élections aux USA depuis... Un moment déjà, et notamment de l'élection d'un certain Donald Trump.
Ce qui fait un peu peur, et notamment avec internet et les réseaux, c'est l'omniprésence et l'aspect tentaculaire de la menace qui plane sur notre discernement aujourd'hui et ce dans tous les domaines.
J'ai particulièrement été intéressé par les chapitres consacrés à Edward Bernays, Ernest Ditcher, Walt Disney, Marcel Bleustein-Blanchet, Richard Taler (l'inventeur du nudge) et surtout Mark Zuckerberg et Face Book.
Le décryptage des méthodes pour créer l'addiction sur internet est tout simplement fascinant ; difficile, même pour les plus avertis, de ne pas se laisser avoir, les likes et les "récompenses", les "médailles" et les statuts d'experts, ça ne vous rappelle rien ? ;)
Ma conclusion est que nous avons là un ouvrage très utile pour comprendre certains mécanismes de persuasion qui impactent notre vie au quotidien dans tous les domaines, même les plus anodins.

Ce petit extrait pour conclure (source Wikipédia).
"La théorie du nudge est un concept des sciences du comportement, de la théorie politique et d'économie issu des pratiques de design industriel qui fait valoir que des suggestions indirectes peuvent, sans forcer, influencer les motivations et inciter à la prise de décision des groupes et des individus, de manière au moins aussi efficace que l'instruction directe, la législation ou l'exécution. De telles suggestions se trouvent dans les pratiques courantes de marketing visant à influencer un comportement d'achat jusqu'à mener à l'acte d'achat (susciter, suggérer, proposer, imposer)."
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Chambre 1408

Histoire de me rafraîchir la mémoire sans relire les recueils en entier, je me suis mise à lire les nouvelles de Stephen King sorties individuellement.

Aujourd'hui, c'était le tour de 1408, parue dans le recueil Tout est fatal.

Pour l'occasion; son titre a été transformé en Chambre 1408.
En fait, c'est une suite, salon et chambre, mais on ne va pas chiipoter.

Mike, auteur de romans d'épouvante qui l'amènent à passer la nuit dans les endroits réputés hantés, décide de descendre à l'hôtel Dolphin, New York, construit il y a environ un siècle.

Arrivé dans le hall, il se trouve devant le directeur qui l'attend pour le dissuader de mener son projet à bien.

D'argument en argument, M. Olin se voit contraint à remettre la clé de la fameuse suite, l'auteur ne voulant rien entendre.

Il faut dire que c'est un grand sceptique, qui ne croit pas une seconde aux histoires qu'il raconte...
Une de plus, une de moins, la belle affaire.

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Destinée aux ados, cette nouvelle ne fait pas vraiment peur, pour ne pas dire pas du tout me concernant.
Un petit côté too much...

Mais c'est Stephen-Chou, alors on passe un bon moment quand même.

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Les Brontë


“Étrange destin que celui de Patrick Brontë : fils d'un fermier illettré, il va donner la vie à trois des plus grandes plumes de la littérature anglaise.”

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Charlotte,  Emily et Anne ont traversé le XIXème siècle telles des étoiles filantes et ont chacune marqué de leur empreinte le monde des lettres. Toutes trois ont légué à la postérité de véritables chefs-d'œuvre qui, encore aujourd'hui, continuent à ravir le cœur de nombreux lecteurs. 

De Jane Eyre, lu adolescente, je garde un souvenir éblouissant et depuis quelque temps, l'envie d’y plonger à nouveau grandit en moi, tout comme l’envie de goûter aux écrits des plus jeunes sœurs, notamment ceux d’Anne qui est la moins connue.

De leur parcours, de leur personnalité singulière, de leur environnement, je n'avais qu'une vision parcellaire, des bribes d'informations glanées ici ou là au fil des ans. Aussi ai-je voulu au préalable m'attaquer à cette biographie, dernière biographie en date parue sur les Brontë,  en espérant y trouver des clés de compréhension pour éclairer mes futures lectures. Bien m'en a pris car j'en ressors enrichie, pleine d'enthousiasme, de motivation et de projets.

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Il est important de préciser que le présent ouvrage est un ouvrage de synthèse : passionnant, clair, concis et solidement documenté mais non exhaustif. Comment pourrait-il l'être en moins de 300 pages?! Pour une première approche, il s'avère idéal. S'appuyant sur les travaux de ses prédécesseures - en particulier ceux d’Elizabeth Gaskell, de Daphné du Maurier et de Laura El Makki - mais aussi sur l'abondante correspondance des Brontë, Jean-Pierre Ohl retrace l'histoire de cette fratrie de prodiges qui a connu une destinée tragique. Inscrit dans une démarche critique, il s'attache à démêler le vrai du faux, la réalité du mythe. Si le traitement n'est pas égal et privilégie Charlotte (elle a survécu à ses soeurs et les échanges épistolaires entretenus avec son amie Ellen constituent la principale source biographique sur les Brontë), j'ai apprécié que chacun des membres soit mis en lumière y compris l’indissociable frère Branwell. Avec Charlotte, Emily, Anne, ils forment  en effet un bloc. Malgré d’inévitables tensions, des liens très forts les unissent et Haworth est leur refuge. Un refuge qu'il sera toujours déchirant de devoir quitter.

Comment expliquer le génie créateur et  l'avant-gardisme des sœurs Brontë, où ont-elles puisé leur inspiration alors que l'essentiel de leur courte vie s'est déroulée en vase-clos derrière les portes de l'austère presbytère où leur père vicaire officiait? L'éducation qu'elles ont reçu (peu commune pour l'époque) encourageant à la fois la liberté et la curiosité intellectuelle, l'année passée au sinistre pensionnat de Cowan Bridge synonyme de mauvais traitements, leur expérience en tant qu'institutrice et gouvernante, les malheurs successifs qui se sont abattus sur la famille (mère et enfants emportés un à un par la maladie) ou encore le goût déjà jeune de créer des mondes imaginaires complexes lesquels fonderont plus tard leurs premiers écrits, sont autant d’éléments de réponse.

Je m'arrête ici pour ne pas altérer  le plaisir de (re)découvrir ces parcours de vie ô combien fascinants, touchants aussi. Je gage qu'en tournant la dernière page, vous aurez comme moi l'ardent désir de poursuivre le voyage. Au loin, je vois Jane Eyre qui me tend la main, comprenez que je ne puisse lui résister …

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Terrible jeudi : Le jour de l'innocence per..

Vous reprendrez bien un petit NIcci French pour la route...
J'ai cédé à la tentation et j'ai bien fait.

On voit très peu nos flics préférés dans ce tome, mais je les avais presque oubliés, l'intensité du roman faisant qu'ils ne manquaient pas.

Frieda est chez elle avec son amie Sasha et Ethan, son fils, quand une vieille connaissance fait irruption dans son salon, la suppliant d'aider sa fille.

Une certaine Maddie qui prétend qu'elles étaient proches au lycée.

De fil en aiguille, Frieda doit retourner dans le village où elle a grandi, qu'elle a fui à seize ans, laissant tout derrière elle sans prévenir.

Sa mère, ses amis, ses ex-petits copains...
Tout, j'vous dis !

Son fidèle Joseph l'accompagne le plus souvent, comme de bien entendu.

Un tome très agréable où l'on fait la connaissance de tous ceux qui entouraient notre psy.
Agréable pour nous, parce que Frieda le vit assez mal.

Le récit est fluide, prenant, émouvant parfois. Le présent; l'enquête, qui nous fait voyager dans le passé, nous embarque facilement.

Je n'en dirai pas plus. J'ai beaucoup aimé. Les personnages me manquent déjà.
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L'Horloger

A la poursuite du temps qui fuit.

Il est Monk. Thelonious Monk. Jacob ne veut plus être Cyril. Trop de malheur à supporter depuis qu'il est victime d'une chasse à l'homme d'une férocité sans nom.
Jacob Dreyfus a été exfiltré des Etats-Unis dix ans plus tôt pour avoir activement participé au démantèlement d'une milice suprémaciste au rayonnement tentaculaire.
La vengeance est-elle un plat qui se mange froid ?
Après avoir coulé des jours tranquilles dans un petit village de Provence sous une nouvelle identité et sous la protection bienveillante de Bernard Solane, un vieux flic lui-même protégé par le Saint Patron des gastronomes et des alcoolos, le châtiment déferle soudainement dans sa vie comme une armée furieuse et assoiffée de sang.
La tempête fait rage. C'est Thelonious Monk, un pianiste de légende du jazz américain, et ses improvisations singulièrement géniales qui prend alors le relais dans sa tête.
Mais vous vous doutez bien que cette fois-ci trouver refuge dans la musique de l'un des fondateur du jazz moderne ne suffira pas. L'horloger et sa mécanique destructice menacent l'humanité toute entière...

Jérémie Claes est-il lui aussi Thelonious Monk ? Un rythme qui swingue, un style dissonant, des pistes surprenantes qu'on croirait presque improvisées, ce thriller détonne de singularité.
On a parfois l'impression de se retrouver au beau milieu d'un jardin anglais avec des perspectives inédites et des cheminements sinueux.
Les personnages sont particulièrement truculents et attachants. Ils évoluent au fil d'un scénario ahurissant, truffé de scènes d'action, qui prend sur la fin une tournure plutôt fantastique.
Un roman qui dénonce également les dérives radicalistes qui gangrènent notre planète dont seul un élan d'humanisme pourra venir à bout.
Alors vive le pinard, vive le polar, vive la bonne musique ! Un mariage parfaitement réussi.








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Pierre,

« Penser qu’un homme a passé sa vie à chercher quelque chose dans sa nuit, a fait de sa nuit — par brisures, fractures, féroces patiences — de la lumière. »

Penser qu’un peintre a fait de sa nuit hachée, laquée, striée, brisée, de la lumière. Penser qu’avec une féroce patience, une farouche douceur, Pierre Soulages a fait de sa vie éphémère et solitaire comme l’est toute vie, une oeuvre impérissable qui nous émeut jusqu’à l’os, une oeuvre méditative qui, nous arrachant au prosaïsme du réel, nous envoie d’un bond dans le « coeur du dieu et des humains qui le gardent dans la niche de leur poitrine ».
« Tout amour file vers Dieu, que celui-ci existe ou non. Tes peintures, leur grosse main noire plaquée sur ma poitrine pour sentir mon cœur battre — c’est pareil. »
 
Qui mieux qu’un poète pour dire, pour donner à voir, à sentir ce que la rencontre avec l’oeuvre de Soulages provoque en nous ? Ses peintures, ses estampes, ses vitraux ne représentent aucune chose, ils ne cherchent pas à faire sens ni à délivrer un message, et pourtant, il est impossible de passer devant l’un d’eux sans entendre leur appel muet et irrésistible. Ils nous convient, non pas à les contempler car ils ne sont pas narcissiques, mais à une méditation contemplative loin du tumulte du monde, dans le silence, la concentration et le recueillement.
« Ils reposent en eux-mêmes. Ce sont des spirituels avancés, loin dans la pensée. Ils n’ont pas besoin de notre secours pour exister. Ils sont face à un mur depuis des siècles et ils méditent. »

Qui mieux que Christian Bobin, poète de l’ineffable se moquant de la peinture, de la musique, de la poésie, de tout ce qui appartient à un genre et s’étiole dans cette appartenance, pour évoquer la somptueuse sobriété de l’oeuvre de Soulages, qui, précisément, ne représente rien, si ce n’est l’essentiel?
« Je cherche le surgissement d’une présence, l’excès du réel qui ruine toutes les définitions. »

Qui mieux qu’un arpenteur de mots écrivant « à l’oreille et au coeur » pour suggérer, par petites touches infiniment délicates et subtiles, en quoi les outrenoirs de Soulages et leur « je ne sais quoi de laqué, de sculpté, de noir avec des échappées de silence », leur surprenante faculté à transmuter le noir en lumière, nous enchantent?
« Heureux le monde où déborde la nuit
Dans le jour, et ruisselle sous la lumière. »
Yves Bonnefoy

Serait-ce, comme le suggère l’ami et fin connaisseur de l’oeuvre, Bruno Duborgel, parce que le peintre parvient à réunir dans son art le rien et le tout? Est-ce ce mariage paradoxal du rien et de la plénitude qui nous émeut tant?
« Je t’interroge, plénitude!
Et c’est un tel mutisme… »
Saint-John Perse

Est-ce parce que la peinture de Soulages est intensément, profondément organique, comme surgie de terre, à l’image de cette brique gravée qu’il transfigura en tableau? À moins que ce ne soient ses tableaux qu’il transfigure en briques, en blocs de matière denses, dotés d’une épaisseur, d’une pâte laquée et sillonnée?
« La dernière fois que j’ai vu une de tes œuvres c’était sur un chemin de campagne couvert de goudron moucheté de cailloux argentés. Par endroits le goudron, accentuant son noir, se séparait de lui-même, comme une veste trempée abandonnée sur la route. »

Est-ce parce que sa peinture est avant tout une écriture avec ses stries, ses hachures qui, obliques, verticales, horizontales, donnent son rythme à la pâte noire du tableau, mettant la lumière en mouvement?
« Cette main charbonneuse, le choc de lumière qu’elle provoque, je sais, pour l’éprouver aussi devant les manuscrits des grands poètes, qu’il s’agit d’écriture, non de peinture. »

Je ne saurais dire au juste pourquoi les tableaux de Soulages produisent sur moi un tel effet, pourquoi je ressens, en leur présence, ce mélange de surprise joyeuse et de jubilation sereine. Certains paysages, quelques artistes et une poignée d’auteurs ont le don de me mettre dans un semblable état d’émerveillement. Christian Bobin, dont j’ai découvert l’oeuvre grâce à ceux de mes amis qui, sur Babelio, s’en font les inlassables passeurs, est de ceux-là. Aussi, j’adresse un chaleureux merci à Géraldine, Philippe, Florence, Nathalie, Jean-Daniel, Louis, Christina, Thierry N et Bernard.

« Et si on ouvrait un livre avec l’espoir non conscient de mourir de joie ? Et si on ne regardait un tableau que dans l’attente de voir une porte s’ouvrir en nous, sur nous ? »

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Sur scène

Après des mois à lire des romans noirs, j’ai tenté le dernier livre de Carène Ponte et j’ai passé un agréable moment au soleil aux côtés de Lola et Ginger, les amies inséparables.

Ginger en pleine récidive d’un cancer du sein choisit de tenter de réaliser le rêve américain de sa mère qui s’est suicidée lorsqu’elle avait 18 ans. Elle veut consacrer ses derniers mois loin des hôpitaux et convainc sa meilleure amie Lola de l’accompagner.

Lola est certainement le personnage qui m’a le plus touchée. Elle a peur de tout, des avions, des gens, des vélos, c’est une femme anxieuse qui préfère vivre seule et travailler de chez elle que de prendre n’importe quel risque qui ferait monter son baromètre angoisse. Je suis moi un peu comme Lola, tiraillée par les angoisses du quotidien et une peur qui ne me quitte jamais.

Carène Ponte joue les fines psychologues dans ce livre en donnant de nombreux outils pour aider les personnes comme Lola ou moi anxieuses. L’échelle de Lola est un outil par exemple très intéressant qui permet de mesurer chaque source d’angoisse afin de se préparer.

A New York, les deux amies vont faire preuve d’une grande solidarité mutuelle et tout faire pour que le rêve de Ginger de fouler la scène de Broadway se concrétise.

Même si ce roman regorge de clichés faciles, il apporte du baume au cœur et nous fait souvent sourire ou rêver.

Un livre plaisant pour se détendre.
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Les Rougon-Macquart, tome 4 : La conquête de ..

Ce tome est aussi noir qu’une soutane de curé.

Zola m’a surprise en changeant totalement de style, en devenant l’auteur d’un thriller psychologique de plus en plus oppressant. On va être servis en prêtraille, cagots, soutanes, calotins.

Nous voilà de retour à Plassans où Marthe a épousé son cousin germain François Mouret dans le premier tome : Marthe est la fille de Pierre Rougon, François est le fils d’Ursule Macquart.
Ils ont maintenant la quarantaine et vivent dans une relative félicité avec leurs trois enfants, dans une grande demeure confortable agrémentée d’un beau jardin.

Avide de gagner encore plus d’argent malgré son aisance , Mouret accueille au premier étage, au désarroi de Marthe, deux locataires aux mines patibulaires : l’abbé Faujas et sa mère.

Et c’est le ver qui entre dans la pomme pour semer la discorde dans ce couple Rougon-Macquart.
Tandis que Mouret épie ses locataires et bouffe du curé, Marthe va sombrer dans une dévotion mortifère.
Zola va scanner avec une extrême précision ce couple consanguin sous l’angle de la folie, ce qui était un de ses objectifs lorsqu’il a commencé la saga : démontrer la part d’hérédité dans certains comportements.

La montée en tension et le suspense sont admirablement maîtrisés. Zola nous livre une fable politico-religieuse cynique, anticléricale, avec son lot de commérages, manipulations, calomnies, hypocrisie.

J’ai été une fois de plus embarquée.


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Le Rêve du jaguar

Je suis une inconditionnelle des romans de Miguel Bonnefoy et, une fois de plus, j’ai été embarquée et séduite par cette épopée familiale aux personnages hauts en couleur que je ne suis pas prête à oublier.
Miguel Bonnefoy jongle subtilement avec l’histoire du Venezuela et sa propre légende familiale. Il entremêle avec talent réalisme magique, vérités familiales, histoire, le tout saupoudré d’une pincée d’autobiographie.
Au tout début, il y a cet aïeul, Antonio Borjas Romero, orphelin recueilli par une mendiante, et qui va exercer toutes sortes de métiers, dont celui d’homme à tout faire dans une maison close.

« Tous les matins, Lucrecia Montilla lui administrait une boisson à base de bromure et de nénuphars blancs, dont on disait que les vertus réduisaient les appétits sexuels. »

Contre toute attente, le jeune Antonio quitte Maracaibo pour aller étudier la médecine à l’université de Caracas. C’est là qu’il rencontre Ana Maria, jeune fille intelligente et obstinée, qui a décidé de devenir la première femme médecin de l’état de Zulia. Leur amour va sceller leur destin fabuleux.
Installé à Maracaibo, ce couple d’exception pratique la médecine, Antonio devient chirurgien tandis qu’Ana Maria se consacre aux femmes. Gynécologue, elle leur facilite l’avortement malgré la loi répressive.
Ils vivent dans une grande maison, baptisée Quinta Ana Maria.

« Au fond, une arrière-cour tropicale, aux sols dallés de tomettes peintes en bleu, entourées de caoutchouc et d e monsteras, donnait sur la rue où Ana Maria, le soir, fumait une pipe de tabac brun en fredonnant des chansons d’amour. »

Alors qu’Antonio croupit dans les geôles de la dictature, Ana Maria met au monde une fille. Ce jour-là, le peuple crie « Viva Venezuela » car le dictateur vient de tomber. C’est décidé, leur fille se nommera Venezuela.
La fresque familiale se termine avec Cristobal qui reviendra dans le berceau des origines et qui écrira l’histoire familiale
Le rêve du jaguar, c’est un mythe, celui de l’enfant refoulé hors de la portée et qui se forge un destin hors du commun.
L’auteur, qui a une véritable empathie pour ses personnages, sait communiquer son enthousiasme au lecteur. Outre les héros épiques de la famille, on croise des personnages
tout aussi fascinants et fantaisistes comme la prostituée à la luxuriante chevelure rousse, ou l’orphelin Pedro Clavel qui fit la révolution.
Avec leur destin hors du commun et leur personnalité singulière, tous ces personnages nous font chavirer et nous émeuvent.
Porté par une langue foisonnante à la puissance évocatrice unique, ce roman est tout simplement merveilleux.





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Le retour du gang

Pour se remettre à la lecture lorsqu'on ne se sent pas la force et que rien ne nous fait envie, rien de tel que choisir un livre de l'un de nos auteurs préférés. Pour moi, Édward ABBEY est de ceux-là (avec Grisham, Austen, Pessoa et bien d'autres).
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J'avais déjà succombé avec son magnifique Désert Solitaire, récit autobiographique qui se lit comme un roman, et introduit utilement le lecteur à la pensée de l'auteur. Il m'avait ensuite subjugué avec son fameux Gang de la clé à molette (récemment sous-titré "Ne moeurs pas, ô mon désert"), application romanesque et partiellement autobiographique de sa pensée. Et puis étrangement, j'avais fini de tomber amoureuse de cet univers littéraire en lisant le récit autobiographique d'un autre auteur, Doug Peacock, qui était très ami avec Edward ABBEY ; son livre s'appelait Une guerre dans la tête (je vous mets le lien en fin de critique) : il m'avait énormément marquée car j'y avais appris que, pour écrire son Gang de la clé a molette, Abbey s'était inspiré de Peacock pour son personnage de George Hayduck, le plus marquant pour moi.
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Dans le gang de la clé à molette, j'avais aimé l'idée du scénario basé sur la désobéissance civile, où une poignée de personnages décidait de saboter les machines et les chantiers qui menaçaient de détruire les canyons pour construire des routes et des hôtels. J'avais aimé aussi les personnages hauts en couleur, qui faisaient le sel du récit, ainsi que la langue utilisée pour les dialogues et les descriptions, même si je me souviens d'avoir ressenti quelques longueurs dans ces dernières.
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Dans mon souvenir, j'avais trouvé la plume d'Abbey ultra précise et imagée, pleine d'humour et de métaphores improbables et cocasses. Dès les premières pages du Retour du gang de la clé à molette, j'ai retrouvé cette signature mais avec l'impression que, cette fois, elle était plus détendue, que l'auteur écrivait pour s'amuser ou en s'amusant. Et c'est certainement le cas lorsque l'on manie que de tels personnages, même si l'auteur n'en oublie pas pour autant de transmettre ses messages. Cela étant, tout le monde en prend pour son grade dans ce livre, la plume acérée de l'auteur n'oublie personne, pas même son camp, pas même lui-même. L'autodérision dont il fait preuve me rallie définitivement à sa cause, sérieuse et digne d'être défendue.
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Dans cet opus, les membres du gang qui, depuis la dernière fois, sont soit en cavale, soit en conditionnelle, soit passés pour mort, se retrouvent néanmoins secrètement pour un nouveau sabotage de taille : la destruction d'une nouvelle machine de destruction massive de la nature qui a coûté des millions de dollars. Entre parties de poker et d'espionnage, grand raout d'amoureux de la nature un peu perchés, actions d'éco-terrorisme… on ne s'ennuie jamais avec les membres du gang même si, pour ne pas se faire attraper par les autorités, on ne les voit pas souvent tous ensemble.
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Pas de longueurs ici pour moi, tout est passé trop vite et je suis triste de quitter ce petit monde en sachant, du moins à ma connaissance, qu'il n'existe pas de tome trois. Si l'auteur semblait pourtant s'en ménager habilement l'éventuelle possibilité, il écrivait aussi avec humour dans ce même roman qu'on ne sait jamais ce qu'on pourra écrire avant de mourir.
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Alors merci, Monsieur Abbey : J'ai passé de très beaux moments avec les personnages attachants qui m'ont émue, j'ai profité de ces retrouvailles au maximum. À titre tout à fait personnel, j'aurais souhaité encore plus de George : de descriptions de son physique velu qui me font à chaque fois mourir de rire (je me suis amusée à mettre des post-it à chaque fois que l'auteur le décrivait différemment : un régal), de foutus putains de dialogues empreints de son bordel de vocabulaire bien particulier, de ses frasques de survivant de la guerre du Vietnam à l'air indestructible mais bourré de vitalité autant que de sensibilité. Voilà, je suis triste aujourd'hui de les quitter tous, de savoir que l'auteur n'est plus et, comme d'habitude, de ne pas être capable de vous parler beaucoup mieux un univers littéraire qui me touche énormément et auquel je me suis attachée.
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Il ne plaira pas à tout le monde, mais en grande fan qui se respecte je ne peux que vous recommander de l'essayer !
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Le Jardin des Finzi-Contini

Dès le début du roman, on s'éprend de cette atmosphère, des réminiscences et souvenirs évoqués dans cet amour de jeunesse.
Bien sûr, le monde de Proust côtoie celui de Bassani avec l'amour fou, l'amour douloureux, l'amour non partagé que vit le narrateur pour Micol comme le narrateur de la Recherche pour Gilberte, cette petite fille mystérieuse aperçue dans son jardin à travers les aubépines.
Là aussi, l'histoire se déroule dans un jardin, un immense parc délimité par le rempart des anges de la petite ville italienne de Ferrare.
L'heure est grave, nous sommes à l'été 1938, le monde commence déjà à gronder depuis quelques années en Allemagne avec Hitler mais aussi avec Mussolini en Italie et la promulgation des lois raciales qui contraint des jeunes gens juifs à ne pouvoir jouer au tennis qu'à l'abri du jardin , dans un court désuet.
Les deux protagonistes sont juifs, le narrateur issu de la bourgeoisie moyenne de Ferrare tandis que les Finzi -Contini sont de grands propriétaires terriens avec deux enfants, un frère et une sœur: la belle Micol.
Mais qu'importe, l'amour n'a pas de loi.
Le narrateur tombe amoureux de Micol lors de ce dernier été où plane encore un peu d'insouciance malgré l'épée de Damoclès qui pèse sur eux.
Giorgio Bassani nous décrit avec minutie tout ce qui va faire germer cet amour.
Les promenades à vélo dans le bois à la découverte d'essences rares, les premiers balbutiements d'un amour naissant.
C'est beau, admirablement écrit , le narrateur ne sait pas encore qu'il aime. Il le découvre lorsque la jeune fille fuit à Venise pour finir ses études, mais en réalité parce qu'elle même est troublée.
Une belle part du roman est faite aussi à l'amitié avec le frère de Micol atteint d'une maladie qui l'emporte rapidement.
J'ai été profondément touchée par l'entretien avec le père du narrateur et le narrateur lui-même, une nuit où il rentre si tard. Son père inquiet l'attend.
Dans une grande tendresse, il lui avoue qu'il connaît l'amour malheureux et le secret de son fils
"Je le sais, ce sont de gros chagrins.."
Ces mots et ses paroles apaisent le narrateur.
" Je me levai et me penchai pour l'embrasser mais le baiser que nous échangeâmes se transforma en une longue étreinte, silencieuse et très tendre"
Un des moments les plus intenses de ce roman.
On quitte à regret ces deux familles qui n'échappent pas à leur destin funeste.
" Tous déportés en Allemagne au cours de l'automne 43, qui pourrait dire s'ils ont trouvé une sépulture quelconque ?"

Heureusement, il y a le film de Vittorio Di Sica que je vais m'empresser de voir pour replonger dans ce monde perdu
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Les Règles du Mikado

Le Mikado, un jeu d'adresse et de sang-froid, a été choisi par Erri De Lucca comme thème central de ce roman émouvant mettant en scène une jeune fille gitane en fuite de sa communauté et un vieil homme.

Toute la première partie consiste en un dialogue entre les deux protagonistes, la jeune fille posant beaucoup de questions et recevant peut-être sans s'en rendre vraiment compte une belle initiation à la vie de la part de l'ancien. Celui-ci, présenté comme le vieil homme, n'est peut-être pas si âgé que cela, il l'est aux yeux de l'adolescente de quinze ans, néanmoins il a vécu, possède une expérience, une maîtrise, développée entre autres à travers la pratique du Mikado. Il devient donc peu à peu son mentor, au-delà de sa position de protecteur, l'enrichissant de son savoir de la vie tout en apprenant également d'elle.

La deuxième partie, peut-être un peu déséquilibrée par rapport à la première du fait de sa brièveté, est un échange de correspondance entre la fille devenue femme et l'homme de plus en plus âgé. Ces lettres vont peu à peu révéler comment chacun a pris soin de l'autre, avec un beau sens du sacrifice mutuel qui les sauve. L'introduction d'une histoire d'espionnage ne m'a pas paru incohérente malgré les invraisemblances qui sont souvent l'essence d'un contexte où chacun trompe l'autre. Entre eux, pas de tromperie, mais une amitié qui s'est fortifiée dans la confiance réciproque, jusque dans l'absence, avec un beau dénouement empli de sentiments profonds et d'émotions tues.

Un vrai plaisir de jouer au Mikado avec Erri De Lucca.
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Veiller sur elle

La lecture la plus jubilatoire depuis des mois. Un coup de poing. Une force inouïe dans l’écriture et la fiction. Comme beaucoup de lecteurs j’imagine, j’aurais aimé être Mimo et vivre ses aventures rocambolesque à travers le XXème siècle. Mimo, c’est la quintessence du personnage de roman. Je ne suis pas prêt d’oublier Veiller sur Elle.
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Le mage du Kremlin

Si cet ouvrage est assurément un sympathique roman, il est aussi et surtout une remarquable méthode pour nous éclairer sur la politique russe et "la résistible ascension" de Vladimir Poutine. L'auteur y déroule la stratégie des "ingénieurs du chaos" (essai du même auteur), concepteurs d'une propagande remise au goût du jour, un peu comme si après la théorie et il nous en racontait la mise en application.
Eclairant !
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Zulu

Depuis le temps que je dis que je vais bientôt le lire – environ un an ? –, voilà qui est désormais fait ! Après « Paz », puis « Mapuche », je pensais savoir à quoi m'attendre : un roman noir dans lequel l'auteur n'est pas tendre avec ses personnages, dans un pays au vécu dur et violent. Et là pour le coup, j'ai été servie, trop peut-être, certains passages étant à la limite du supportable.

L'intrigue se déroule en Afrique du Sud post-apartheid, alors dirigée par Nelson Mandela depuis peu. Tout commence avec deux événements : le meurtre sauvage d'une jeune fille blanche et l'agression d'une vieille dame noire. Leur point commun ? Ali Neuman. Chef de la police de Cape Town, Neuman est chargé de l'enquête du meurtre, alors qu'il cherche parallèlement l'agresseur de sa mère. Avec ses deux collègues, Dan Fletcher et Brian Epkeen, Ali va mettre les pieds là où il ne faut pas. Nous-mêmes, lecteurs, irons de surprises en horreurs au fil des pages...

Sida, corruptions industrielles, trafic de drogue, violences en tout genre ne nous épargnent pas...

À commencer par les personnages, qui portent déjà un passé et/ou une histoire douloureuse : famille torturée et exécutée sous ses propres yeux, séparation et haine familiales, mère de ses enfants atteinte d'un cancer. Chacun traîne son lot de souffrances et avance dans un monde où la violence est quotidienne. Ajoutez à cela des événements scabreux, avec ou sans hémoglobine, de la violence, de la méchanceté, du racisme, et vous vous retrouvez dans un roman pour lequel il faut avoir l'estomac et le cœur bien accrochés.

Et heureusement que je les ai, sans quoi je n'aurais pu aller jusqu'au bout et ça aurait été dommage. Mes tripes ont failli m'abandonner à plusieurs reprises mais j'étais tellement prise par le feu de l'action que je ne m'en suis guère préoccupée.

Car hormis cette surcharge de violences, tout m'a plu dans ce roman : les personnages torturés ; le contexte social, sanitaire, politique et économique bien dépeint et réaliste (là encore, on perçoit le travail de recherche et de documentation de l'auteur pour être au plus proche de la réalité de l'époque) ; l'intrigue menée tambour battant avec différents points de vue et surtout bien ficelée ; l'ambiance très sombre et féroce qui en découle ; et son dénouement cruel, en totale corrélation avec le reste de l'histoire.

Caryl Férey ne ménage ni ses personnages, ni ses lecteurs. Je l'ai trouvé parfois un peu trop cruel et sadique, et je lui en veux un peu d'ailleurs, particulièrement sur un passage bien précis au milieu du livre (dont je ne peux évidemment pas parler). Pourtant j'étais à fond dedans et n'avais pas envie que ça se termine.

C'est pas le roman noir le plus facile qu'il m'ait été donné de lire, je n'en lirai clairement pas tous les jours, mais j'ai adoré !
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Le Bruit et la Fureur

Embrouille phénoménale et questionnements
Pourquoi Faulkner nous parle-t-il sur ce ton (dans un style expérimental à faire perdre la boule) des noirs, du Sud, des aristos fauchés, ruinés par la guerre de Sécession, devenus pour certains des petits blancs haineux alcooliques dégénérés et leurs filles des putains ?

Et le bruit et la fureur (titre emprunté au Macbeth de Shakespeare) est-il vraiment un chef d'oeuvre, au même titre que l'Ulysse de James Joyce que Faulkner admirait ?

Oui, sûrement par les images mentales qu'il fait naître, avec un mélange de poésie intense et de banalité de la médiocrité et de la haine humaines. Les images d'une certaine Amérique bien réelle, raciste et sexiste, qui est encore celle d'aujourd'hui, celle des suprémacistes blancs qui votent pour Trump. Mais aussi et surtout grâce à cette sorte de jeu intellectuel qui consiste à brouiller les pistes, qui s'il n'existait pas retirerait beaucoup au génie de ce roman…
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Faites vos jeux

Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu de Martha Grimes.
Il ne me restait pourtant que deux romans mettant en scène Jury et Melrose à lire.

Si j'avais été un peu déçue par le précédent opus, dans lequel on ne voyait pas les amis de Melrose, celui-ci m'a régalée en remédiant à cette lacune.
Ils sont tous très attachants, et vu qu'on arrive probablement à la fin de la bibliographie de l'autrice, j'ai beaucoup aimé les retrouver.

De surcroît, j'ai apprécié les voyages, tout d'abord dans Londres, embarquée par des chauffeurs de taxi de haute voltige... une vraie visite guidée.
On fait aussi la connaissance d'une bande de gamins qui traînent dans les gares et dont je ne vous confierai pas la mission.

Si Jury reste en Angleterre, à écumer casinos et galeries d'art, Melrose se rend en Afrique, très vite rejoint par une jeune compagne espiègle et dégourdie.

Avec eux et quelques autres touristes, nous parcourons le Kenya, plus particulièrement Nairobi.
Les descriptions sont savoureuses, on s'y croirait.

Il est aussi question d'un endroit secret, encore à Londres, sorte de pub appelé le Knowledge, introuvable. Vous saurez pourquoi si vous lisez le roman.

Jistement, ledit pub : The Knowledge est le titre du roman en version originale, et il est bien meilleur que le titre français, pour ne pas changer...

Tout ça pour dire que j'ai beaucoup aimé ce tome, avant-dernier à ce jour de la saga Jury et Melrose.
Je regretterai tous les personnages, quand j'aurai lu le suivant.

Comme vous avez pu le constater, je me penche à nouveau sur mes auteurs chouchoux d'avant Babelio.
Tout comme pour Stephen-Chou, il m'en reste très peu à lire. :)

Faites vos jeux peut être lu indépendamment des 23 romans qui le précèdent, pour qui voudrait se contenter de celui-ci.

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Stella et l'Amérique

Stella et l'Amérique
Une sainte orgasmique
Une Amérique excentrique
Deux héroïnes !

Une histoire de dingues dans une Amérique déjantée !
Ce roman jubilatoire se lit d'une traite.
On plonge tout de suite, avec ses personnages loufoques, dans des situations absurdes, improbables. Une ambiance de film noir, c'est du cinéma…
Moteur !
Et c'est parti pour un road trip débridé dans l'Amérique des petites gens et des grands intérêts, des fêtes foraines, des cirques minables et des mobil homes déglingués.
Dans son van, Stella 19 ans, belle, sensuelle mais pas femme fatale, pleine de grâce mais pas vierge, exerce son métier : donner du plaisir, en prime des miracles.
Pas d'imposition des mains mais elle fait lever…
des paralytiques, guérit avec sincérité, heureuse d'apporter le bonheur à son prochain.
Très vite elle se fait une « bonne » réputation .
L'Eglise Catholique en manque d'ouailles pour les avoir trop « corsetées », voulant redorer son blason, s'enthousiasme et veut la sanctifier.
Sauf que Stella est une prostituée et ses miracles elle les réalise en couchant.
Une vierge à l'envers !
Et puis excepté Marie-Madeleine la prostituée repentante, l'Eglise et le sexe ne font pas bon ménage. Alors pas de sanctification mais le désir de la transformer en martyre :
19 ans une aubaine !
La Mission est confiée, par le cardinal Carter, aux frères Bronski jumeaux sans état d'âme, sans âme du tout : des tueurs à gages.

Le père James Brown (si, si) (sex machine) un ancien Navy Seal reconverti en curé, décide de lui venir en aide.
Luis Molina, journaliste en quête de prix Pulitzer, sera son deuxième ange gardien.
Et tout s'enchaine !

Joseph Incartona égratigne capitalisme, religion, puritanisme : personne n'est épargné surtout pas l'Eglise, sa cible privilégiée.
Mais s'il y a beaucoup de délires, de bastons et du sexe on y trouve également de la poésie.
Le rire aux lèvres on le suit car c'est aussi un sentimental et la tendresse je l'ai trouvée dans ce couple qui m'a émue :
Santa Muerte la vieille mexicaine, voyante dans sa caravane, fumant et buvant son mezcal . Elle prodigue des conseils à Stella, la protège.
Son grand amour se nomme Tarzan (si, si) âgé de 92 ans, maigre et chauve
Quand Santa et son homme s'enlacent, « on entend leurs os s'entrechoquer. »
Tarzan a perdu son pagne léopard, ses muscles, ne sauve plus une jeune fille entourée de lions…
A présent il nettoie la cage aux fauves qui le regardent d'un air indifférent
"c'est un des privilèges de la vieillesse de ne plus susciter aucun type d'appétit"
« La vieillesse est un nem, le passé tendre à l'intérieur de cette croûte qui est la peau »
Tous les deux s'aiment et trouvent que c'est toujours bon… peu importe les années.

Merci à mes amis Egatrap, Piwai, Mareteint, Pancrace
Isabelle et Christine …pour leurs critiques enthousiastes qui m'ont donnée envie de lire ce roman hilarant avec tous ces personnages hauts en couleur.

Stella by starlight
That's Stella by starlight and not a dream
My heart and I agree
She's everything on earth to me
Miles Davis

Cette lecture comme un spritz coloré, léger, un peu amer, pétillant et rafraîchissant...
Un régal !


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