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Critiques les plus appréciées

Après minuit

L'auteure nous livre une histoire hors norme avec des personnages haut en couleurs. La couverture assez énigmatique et le résumé intéressant, m'ont donné envie de découvrir ce livre, et j'ai eu une excellente intuition Jen vivait une vie idéale avec son fils et son mari,. Il a suffit un moment pour que tout part en vrille. Elle assiste impuissante à un meurtre commis par son fils. Une histoire qui peut paraître du déjà vue du déjà lue, c'est mal connaître l’auteure et son coté diabolique , elle est trés forte. Un récit qui remonte dans le passé laissant le présent de coté. Nous sommes le 30 octobre date du crime, le 29 , elle trouve son fils dans son lit, le jour juste avant le drame, Jen va découvrir, des choses, des non dits, des éléments qui vont s'imbriquent au fur et à mesure au fil de la lecture Elle va découvrir que son mari est impliqué dans cette histoire,20 ans de vie commune remise en cause . Elle s'aperçoit , que son passé est un leurre , et non une réalité, Elle fera tout son possible, pour éviter ce drame cet assassinat . Un histoire difficile à démêler un véritable sac de nœuds. Jen arrivera t-elle à trouver les bonnes réponses à ses questions? Une thématique originale, menée par des mains de maître. L'auteur ne laisse rien hasard , tout à son importance, Elle a disséquée avec minutie la psychologie des personnages, c'est totalement essentielle et existentielle pour la compréhension de l'histoire. Le suspens et l'intrigue sont menés tambour battant , multiples rebondissements, des indices qui s'imbriquent tel un puzzle, pour nous conduire vers un final explosif. Un thriller psychologique, un thriller comme je les aime, une histoire captivante, addictive, percutante qui mérite d’être lue.
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Au service surnaturel de sa majesté, tome 1 :..

Un roman truffé de surprises, mélangeant l’espionnage à la James Bond, le fantastique à la Neil Gaiman ou à la Terry Pratchett, une petite touche de Men in Black et une ambiance à la X-men. Voilà pour une tentative de référence, parce qu’en vérité, c’est surtout très original, bourré d’action et d’humour.
Dans notre monde, nous ne connaissons pas tout. Des créatures aux pouvoirs extraordinaires (des mutants ?) existent, mais contrairement aux X-Men, nous ne savons pas qu’ils sont parmi nous. Seuls, les chefs d’État et de gouvernement (et encore !) apprennent la vérité.
Pour les gérer, les canaliser, les utiliser aussi, des agences ont été créés dans chaque pays. Dans le Royaume-Uni, cette sorte de MI5 surnaturel, se nomme l’Échiquier (ou Checquy). Il rassemble des êtres aux pouvoirs surhumains pour combattre les forces surnaturelles menaçant sa très gracieuse majesté.
Myfanwy Thomas est l’un de ses dirigeant, une Tour (elle ne doit des comptes qu’à la Dame et au Roi). Or, elle se réveille un matin en ayant totalement perdu la mémoire, entourée de cadavres. Dans sa poche, une lettre, écrite de sa propre main qui essaye de la guider. Son moi d’avant avait semble-t-il prévu cette situation.
La jeune femme va donc devoir retourner au boulot en essayant de faire croire qu’elle est toujours elle-même alors qu’elle découvre en même temps que nous le fonctionnement de l’Échiquier. Cela provoque des situations parfois très drôle et ajoute aussi, s’il en était besoin, de la tension.
Myfanwy va devoir de plus rechercher qui est responsable de son effacement de mémoire et, pour couronner le tout, si j’ose dire, elle va se retrouver, en tant que Tour, confrontée à une conspiration aux ramifications proprement gigantesques.
Le livre est un petit pavé de plus de 650 pages en format poche, mais, il n’y a pas une once de gras. Aucune longueur. Un pur régal du début à la fin pour peu qu’on accepte de rentrer dans ce genre d’histoire fantastique, d’espionnage, d’action et d’humour.
Le style de Daniel O’Malley est vif et dynamique et on tourne les pages encore et encore pour connaître la suite. L’amnésie de Myfanwy va-t-elle être découverte ? Ce qui aurait des conséquences tragiques pour lutter contre ce complot qui se dévoile page après page. Le suspense est crescendo comme dans un excellent thriller.
Mais l’atout maître de ce roman, c’est sa légèreté. Il fourmille de trouvailles et de surprises, mais l’amnésie de l’héroïne principale nous permet de tout comprendre en même temps qu’elle. Et cette légèreté, cet humour parfois très anglais, parfois second degré est un délice.
Une œuvre qui se doit de figurer chez les admirateurs de Gaiman et Pratchett, mais aussi chez tous ceux qui aiment le fantastique mâtiné de thriller et d’humour.
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Baumgartner

Egalement scénariste et réalisateur, Paul Auster s’est imposé comme un auteur majeur du post-modernisme. A 77 ans et atteint d’un cancer, il publie ce qu’il annonce comme probablement son dernier livre, un ouvrage dense et court, où la marée des souvenirs assaille un écrivain vieillissant, tourmenté par la perte de sa femme et par les premières défaillances de l’âge.


Dans ce récit, où est le vrai, où est le faux ? Alter ego de l’auteur, Sy Baumgartner est un éminent professeur d’université en même temps qu’un auteur respecté. Mais, à plus de soixante-dix ans, le terme du voyage se fait pressentir. Même si, et pas seulement en esprit, l’homme n’a toujours rien lâché de ses activités, oeuvrant son relâche à son dernier ouvrage, il lui faut bien reconnaître que des détails commencent à le trahir. Veuf depuis dix ans, il a de soudaines absences, se brûle avec une casserole oubliée sur le feu, tombe dans l’escalier de la cave et ne se souvient plus de ses rendez-vous. Le mari de sa femme de ménage s’étant accidentellement sectionné plusieurs doigts, le « syndrome du membre fantôme » lui inspire une « métaphore de la souffrance humaine et de la perte ». Ayant perdu la moitié de lui-même, il se voit en « moignon humain », souffrant de tous ses membres manquants.


Alors, irrépressiblement et de plus en plus souvent, les souvenirs éparpillés telles les pièces d’un puzzle envahissent le présent comme dans une tentative de recomposer sa vie : son enfance, l’histoire de ses parents entre Europe et Amérique, et, toujours et surtout, son coup de foudre pour Anna – Blume, comme la narratrice de l’un des premiers romans d’Auster –, leur long mariage heureux mais sans enfant, son admiration pour celle qui, poétesse et traductrice, ne s’est jamais souciée de publier son œuvre, restée à l’état de manuscrits épars. Tout à son deuil impossible, en même temps qu’il continue inlassablement à plier les vêtements de l’aimée disparue, il rêve, à défaut de pouvoir lui redonner chair, de la faire revivre par l’esprit en faisant connaître ses écrits. Et le miracle se produit : éblouie par le recueil de poèmes qu’il a soigneusement choisis dans les tiroirs d’Anna pour une édition posthume, surgit une étudiante et son projet de thèse, une fille brillante, intellectuellement la copie de la morte, qui pourrait bien devenir une fille spirituelle, celle par qui la mémoire se transmet au lieu de se perdre.


Mettant, comme il sait si bien le faire, son style dépouillé au service d’un enchâssement d’histoires pleines d’incidents et de détails riches de sens, Paul Auster tisse les fils d’un récit poignant, non dénué d’humour, où amour, vieillesse et deuil trouvent, dans l’exploration de la mémoire et dans sa transmission, une continuité pleine de vitalité et d’espérance. Un dernier livre qui s’achève sur une épiphanie : la littérature ne meurt jamais et, à travers elle, ses auteurs non plus.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Solak

Un roman glaçant dans tous les sens du terme. Solak ; presqu'il située au milieu du cercle polaire, où se trouve implanté une zone militaire. 4 hommes vivent , survivent au quotidien. Suite au décès d'un des leurs, un nouveau vient d'être hélitreuillé. Un personnage, discret, mystérieux, taiseux, qui avoue être muet. Nous sommes à la vielle du fameux hiver arctique, où la nuit va s'installer pour un moment. Les descriptions sont époustouflantes . Ce huit clos, d'une noirceur extrême, cette tension qui s'installent entre les protagonistes, font peur, une sorte de folie se fait ressentir. L'écriture est tout en longueur, certains pourraient se lasser rapidement de la lecture, mais c'est existentielle dans cet univers. Nous sentons les tensions qui se multiplient, un mal être, une violence, une cohabitation qui par en vrille. L'auteure nous livre un premier roman remarquable. Un suspens qui nous suivra tout au long de la lecture, avec une fin totalement inattendue.
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Évelina ou L'entrée d'une jeune personne dans ..

Dans l'histoire de la littérature, ou, plus exactement, de l'évolution littéraire, cette Évelina de Frances Burney, surnommée Fanny, constitue certainement le lien entre les générations et les styles des Richardson et Fielding, d'une part, et Jane Austen, d'autre part. C'est épistolaire et enlevé comme Samuel Richardson, c'est alerte et volontiers drôle ou caustique comme Jane Austen.

Mais, mais, mais, car il y a un mais, selon moi, Évelina accuse des faiblesses que ne possèdent ni ses devanciers, ni ses successeurs. J'ai beaucoup lu, dans les commentaires des autres lecteurs, que ce que l'on reprochait au roman de Fanny Burney était le côté "un peu nunuche " de son héroïne.

Pour ma part, ce n'est pas tellement cela que je reproche à l'ouvrage, car je crois que l'auteure retranscrit réellement ce qu'étaient les sentiments et les réflexions d'une jeune fille des années 1770 dans ce milieu. Certes, ça peut nous paraître un brin couilluchon (terme non genré issu de la fusion des adjectifs épithètes couillon et nunuche) de nos jours, mais c'était comme ça, j'ai l'impression, à l'époque, et, en cela, cette oeuvre nous restitue bien quelque chose de son temps.

Non, ce qui me dérange plus, en ce qui me concerne, ce sont des lourdeurs, des insistances vraiment très insistantes quant au caractère de tel ou telle. le capitaine Mirvan est lourdingue à souhait, idem pour la grand-mère Madame Duval, idem encore pour toute la famille Branghton.

Les caractères très appuyés, très monolithiques, et donc, toujours selon moi, très lourdingues également, des autres personnages vont dans le même sens ; lord Orville, toujours preux chevalier, Willoughby, toujours goujat (un nom auquel Jane Austen donnera une descendance en le reprenant tel quel dans Raison et Sentiments), Mrs. Selwyn, toujours mordante, le révérend Villars, toujours sage, honnête et droit, etc., etc.

Et la nuance, ma chère Fanny Burney, et la nuance ? Alors certes, certes, vous étiez une toute jeune auteure de 26 ans lors de la publication du livre. Certes, certes, votre plume est combien enlevée, certes, certes, vous réussissez à merveille ce que Richardson avait inauguré avec succès, à savoir, donner à chaque personnage une expression qui lui soit propre et reconnaissable.

À cet égard, j'aimerais saluer la performance de traduction de Florence Bruzel Vercaemer pour les éditions Corti, qui parvient à restituer cela magistralement. le phrasé altéré de Mme Duval, les grossièretés du capitaine Mirvan, les tics de langage de lady Louisa, le ton compassé d'Arthur Villars, les fulgurances de la vieille Selwyn, etc. Tout cela est très réussi.

Au chapitre des faiblesses, j'ai encore à mentionner une construction méga téléphonée et des révélations de filiation opportunes, le tout, selon moi, un peu trop nombreuses et à propos pour être crédibles. Tout cela me gâche une impression de lecture qui n'était, pourtant, pas désagréable.

Bon, voilà, c'est dit, alors, qu'en est-il du synopsis ? On nous apprend qu'une orpheline, Évelina en l'espèce, fut élevée depuis sa naissance par le brave révérend Villars, qui fut pour elle mieux qu'un père. On apprend que l'infortunée maman de ladite Évelina, une lady première classe, soyez-en sûrs, est morte alors que cette dernière était toute marmotte.

On apprend encore que le père biologique, un infâme assurément, de la toute belle, toute tendre, toute naïve Évelina, l'aurait abandonnée bien que jouissant de titre et fortune. La mamie frenchie de la demoiselle, sorte de demi-mondaine sur le retour, s'en vient sur le continent afin que le sus-mentionné papa largueur finisse par reconnaître sa progéniture, dans le but de pouvoir faire entrer notre brave Évelina dans le monde.

Ce faisant, Mrs Mirvan et sa fille, copies carbone l'une de l'autre — au même titre d'ailleurs qu'Évelina et sa défunte mère —, bonnes et secourables à souhait, se proposent de dégrossir un peu la jeune campagnarde en lui faisant découvrir Londres à l'occasion du retour du capitaine Mirvan, après plusieurs années d'absence en mer.

Ce faisant toujours, enchaînant bals et soirées diverses, la petite Évelina ne laisse pas la gent masculine indifférente, car très vite, par dizaines, tous les individus mâles du royaume se massent et lui reniflent le derrière, tels des bataillons de chiens errants derrière une caniche en chaleur.

Et va pour un lord Ceci, un baronnet Cela, un Mister Truc, un autre lord Bidule et un Monsieur Chose, qui lubrique, qui élégant, qui goujat, qui insistant, qui malséant, qui dandy, qui cavalier ou qui la grande classe s'enchaînent à vouloir toucher la main de la demoiselle.

Et c'est pile là qu'arrive, en plein bal, ... mais vous n'imaginez tout de même pas que je vais vous en révéler davantage ? D'ailleurs, ce que j'exprime ici bas n'est rien moins qu'une vulgaire interprétation subjective (doublée d'un trou en plein bal), c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Sulak

Philippe Jaenada m’a déjà passionné avec La petite femelle, La serpe, Au printemps des monstres et, plus récemment, Sans preuve & sans aveu.
Au hasard d’un désherbage de ma médiathèque, voilà que j’aperçois un livre du même auteur : Sulak. Comme je ne l’ai encore pas lu, je me dépêche de le prendre tout en râlant devant cette élimination d’un tel bouquin des collections…
Je me suis donc lancé goulument dans la lecture de cette autre enquête menée par Philippe Jaenada, un livre publié en 2013. Comme d’habitude, c’est fouillé, émaillé de rencontres, de recherches et, bien sûr, d’anecdotes concertant l’auteur lui-même, en lien avec ses recherches ou avec les dates des faits qu’il relate.
Si Bruno Sulak est né à Sidi Bel Abbès (Algérie), le 6 mars 1955, l’essentiel du livre, le plus palpitant, se passe dans les années 1980. L’auteur n’oublie rien, présente les parents de Bruno et surtout sa fille, Amélie Sulak, qui lui a apporté quantité de détails, d’éléments précieux pour son récit.
Je ne suis jamais déçu par le style Jaenada, sérieux, efficace et souvent teinté d’humour. C’est passionnant et de plus en plus addictif. Avant de plonger dans l’action et de suivre pas à pas Bruno, j’apprends que la famille Sulak est originaire de Pologne. Stanislas, le père de Bruno, a été légionnaire comme son fils le sera plus tard. Par moments, l’auteur délaisse la famille Sulak pour quelques Yougoslaves qui interviendront dans la vie de Bruno… patience.
Au passage, Philippe Jaenada glisse sa date de naissance, le 25 mai 1964, la même année où Krsta Zivkovic arrive à Levallois-Perret, depuis Belgrade. Il deviendra un des plus fidèles amis de Bruno.
Il n’a pas 20 ans quand, à Marseille, il vole une voiture avec trois autres comparses et ça lui vaut quatre mois de prison. Ce n’est donc pas très bien parti et commencent les changements de nom, de métier, de lieu de vie et… la légion étrangère.
C’est un événement malheureux qui l’oblige à déserter et le pousse dans la délinquance. Avec Yves, mari de sa belle-sœur, à court de fric, ils se lancent dans le braquage du Mammouth (hypermarché de l’époque), à Albi, et réussissent. Cela se passe sans faire la moindre victime et ce sera la marque de fabrique de Bruno Sulak, que ce soit dans les supermarchés ou, plus tard, dans les bijouteries, sa grande passion.
Sa vie est très mouvementée. Philippe Jaenada nous le rend très sympathique tout en démontrant l’engrenage fou, une fois lancé, impossible à arrêter. Beau gosse, notre homme séduit les femmes, à commencer par Patricia qu’il épouse et Amélie naît le 23 avril 1979. Il y aura aussi et surtout Thalie et bien d’autres pour lesquelles il n’hésite pas à dépenser sans compter l’argent volé.
L’auteur n’oublie pas les flics et surtout Georges Moréas (OCRB) qui veut absolument l’arrêter, s’attache au personnage mais se retrouve coincé par la rivalité entre les services de police. Par exemple, la BRB (Brigade de Répression du Banditisme) n’informe pas l’OCRB (Office Central pour la Répression du Banditisme) de Georges Moréas sur ce qu’elle vient d’apprendre à propos de Sulak qui en profite pour disparaître... et me fait voyager un peu partout en France et même en Amérique du Nord et au Brésil avant que Philippe Jaenada me fasse vivre ses évasions, en apnée. Je note aussi que la presse, pour aguicher le lecteur, n’hésite pas à titrer, à son sujet « Ennemi public et superstar ».
Comme l’auteur aime la précision, il détaille les conditions de détention inhumaines imposées à Bruno Sulak mais je vous laisse le plaisir de plonger dans ce gros livre afin de vivre jusqu’au bout cette histoire grâce à l’énorme et minutieux travail de Philippe Jaenada qui raconte tout cela si bien.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Le droit du sol

Certains pensent que le droit du sol est l'absurdité qui consiste à dire qu'un cheval est une vache parce qu'il est né dans une étable. On sait très bien où ils veulent en venir. En fait, le sol composant la planète terre appartient à tout le monde depuis l'Homme de Neandertal. Si seulement, il n'y avait pas de frontière...

Evidemment, l'auteur se garde bien de nous indiquer qu'il s'agit d'une fausse piste. Il ne sera point question d'immigration sauf sans doute les déplacements des différents genres humains durant la Préhistoire.

L'objectif de l'auteur est de nous montrer qu'il faut respecter Dame Nature et ne pas enfouir sous la terre des déchets nucléaires et notamment à Bure. Non, il faut trouver d'autres solutions quitte à les garder en surface avec le maximum de précaution. Le droit du sol est conçu comme une protection des sols face à la pollution humaine.

Bon, il y a clairement un discours anti-nucléaire qui pourrait nous entraîner à la merci du dictateur Poutine à moins de couper toute l'électricité dans le pays ou de ne le réserver qu'aux riches avec des tarifs prohibitifs. Là encore, les choses ne sont pas aussi simples.

La France jetait dans l'océan les déchets avant d'arrêter cette pratique honteuse. Il était question de les envoyer dans l'espace mais cela pouvait très bien retomber sur nos têtes. Une idée serait de les envoyer s'écraser contre le soleil et le problème serait réglé définitivement mais il s'agit alors d'avoir des lanceurs qui soient sûrs à 100%.

Ce n'est pas vraiment évoqué dans cette BD qui laisse néanmoins la porte ouverte à toutes les solutions possibles pourvu qu'on ne les enterre pas sous notre sol. Il est question de responsabilité pour les générations futures.

Evidemment, l'auteur s'inscrit dans la mouvance actuelle de protection de la planète avec son côté marcheur goûtant l'air de la campagne à travers un joli périple. La lecture fut longue mais assez intéressante car ponctué par différentes réflexions assez utiles sur le fonctionnement de notre monde. Divers sujets seront d'ailleurs traités comme par exemple le temps de conservation d'un papier ou d'une BD.

J'ai bien aimé pour une fois. Il est vrai que j'avais trouvé un peu ennuyeuse pas mal de ses dernières œuvres ce qui n'est pas le cas ici. C'est une lecture qui pousse à la réflexion. On n'est pas obligé non plus d'adhérer totalement mais cela a le mérite de poser de bonnes questions.
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Les pouvoirs extraordinaires du rein

Non rein de rein, non je ne regrette rein
Car mon coeur, car mon foie
Tout ça, ça dépend de toi"

C'est l'histoire de Valentin le rein, et de tous ses copains ( Colin l'intestin, Sauveur le coeur, Matteo le cerveau, Benoît le foie...)
Le rein est en communication avec tous les organes, mine de rien!

"Alors que mes amis - le cerveau et le coeur - sont des organes "nobles", moi, on m'appelle le "haricot", le "rognon", au mieux une "légumineuse". Depuis des siècles, cette réputation m'afflige. Il est temps de sauver mon honneur, et surtout de rétablir la vérité.
Non, je ne suis pas un simple filtre passif qui fabrique de l'urine !"
C'est un organe connecté ( plus encore qu'un ado à son portable!)

Pensez à moi, afin de rester ...serein!
"Les plantes et légumes intéressants ne sont pas dans des boîtes, mais dans les arbres et le sol."

"Je vous conseille aussi, tout simplement de regarder et de sentir vos urines ! Eh oui, aucune honte à ça, et puis ça restera entre vous et moi."
Ayez un peu de pipi-tié, pour vos reins.

Ne rognons pas sur l'importance de nos rognons!
"Me garder en bonne santé est vital, sans moi pas de vie possible !"

"D'après l'OMS, les réseaux internationaux de trafic d'organes fourniraient jusqu'à 10 000 des 100 000 transplantations annuelles réalisées dans le monde, dont 60 % de greffe de rein. Sur le marché noir, je peux valoir plus de 200 000 dollars. Les donneurs humains les plus désespérés, les pauvres, peuvent accepter de subir un prélèvement de rein contre seulement 2 000 dollars tout en risquant leur vie durant l'opération, souvent faite dans de mauvaises conditions."

On aura une longue colon-versation sur le bon fonctionnement de vos reins, avec la prévention, les maladies en lien avec les reins, les dialyses, la greffe...
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Le Prince de Kalmoukie : Un étonnant voyage d..

La couverture, le titre, le résumé … Franchement, on penserait presque une blague à la Groland qui aurait imaginé un pays appelé Kalmoukie avec un président actuel ancien champion du monde de kickboxing et le précédent obsédé par le jeu des échecs au point de vouloir transformer sa capitale en Chess city.

Sauf que la Kalmoukie existe vraiment, c’est une petite et lointaine république fédérale russe à mi-chemin entre le Caucase et la mer Caspienne. Que son président actuel, Batou Khasikov, a été nommé par Poutine. Et que le palais dédié aux échecs existe réellement, désormais décrépi.

Bienvenue en Kalmoukie, donc, pour de vrai ! Et Marine Dumeurger, journaliste indépendante grande connaisseuse de la Russie, en est le guide parfait. Grâce à une narration très visuelle et précise, on parcourt à ses côtés, comme si on y était, cette république autonome méconnue, une des plus pauvres de la fédération russe. Et on est frappé de la découvrir si singulière avec son architecture soviétique qui côtoie d’immenses steppes peuplées d’antilopes saïgas et des temples bouddhistes ( c’est le seul territoire européen à majorité bouddhiste ).

Le portrait qu’elle dresse de la Kalmoukie est fascinant car il résonne de toute l’histoire heurtée du XXème siècle. Peuplée de descendants de nomades mongols, la Kalmoukie a subi les conséquences les plus lourdes des violences de l’URSS, entre répression et déportation.

Et c’est dans ce décor assez dingue qu’évolue Serge Toundountoff, le prince du titre. Le premier chapitre nous le présentant est très intrigant. Cet ingénieur français a débarqué à Elista suite à une invitation. On le voit chevauchant en conquérant dans les steppes acclamé par une foule en liesse au cri de « notre prince est revenu », « vous êtes notre histoire, le gardien de la tradition kalmouke ». Une scène quasi prophétique qui révèle à Serge ce qu'il est devenu et qu'il a toujours attendu alors qu’il s’ennuyait en France.

Il est le descendant d'une illustre famille de Russes blancs qui ont fui l'URSS de Lenine après la guerre civile de 117-1921, ayant migré en France. Par son père, il descend du poète Alexandre Pouchkine, Dieu de la littérature en Russie ; par sa mère, d’une lignée princière de prestigieux cavaliers oïrats proche du dernier tsar Nicolas II.

J’ai regretté que la journaliste n’ait pas exploité au maximum le potentiel de cet incroyable personnage. On sent qu’elle hésite entre strict documentaire sur la Kalmoukie et portrait de ce Français qui se découvre prince adulé. Le résultat est que le récit manque de folie alors que tout est fou dans l’histoire de Serge. Cela crée de la frustration car j’aurais vraiment aimé que sa personnalité soit plus creusée.

D’autant que la quête de Serge résonne avec l’actualité la plus chaude. L’Ukraine est toute proche de la Kalmoukie et on ne comprend pas l’acharnement obsessionnel de Serge à vouloir obtenir à tout prix le passeport russe, alors que l’administration russe lui en fait voir de toutes les couleurs. Oui, j’aurais vraiment aimé que le récit se débride et aille à l’os des enjeux effleurés dans les derniers chapitres.

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Une histoire des loups

Pas de loup dans ce beau roman noir, du moins peut-être seulement en référence au fameux vers de Plaute, et alors on peut voir plusieurs loups, des louves, louvettes et même un louveteau. Le mieux est de lire le livre pour intégrer ce début de critique sans doute hasardeux.

L'héroïne s'appelle Madeline, elle est comparable à bien d'autres de ses semblables dans les meilleurs romans de nature writing, elle est tourmentée, aime les bois, la vie même difficile et complexe, l'eau du lac dans lequel elle va nager, et, surtout, ici, un enfant Paul, dont elle s'occupe pour un peu d'argent de poche. Il finit par occuper une grande place dans sa vie, il est sans aucun doute le deuxième héros du livre.

Il y a aussi un professeur vis-à-vis duquel elle ressent des sentiments mitigés, il est accusé de détention d'images pornographiques et surtout de tentatives d'attouchements sur une autre élève Lily. Et sur ce thème, la beauté du roman réside dans le fait qu'un homme qui a finalement résisté à la tentation se voit tout de même accusé et condamné. Madeline sent bien qu'il est à demi innocent. Comme dit le texte d'Emily Fridlund, il y a pensé, pensé, pensé mais il ne l'a pas fait. C'est un autre thème du roman qui apparaît bien plus qu'en filigrane, comme une histoire parallèle revêtant une grande importance pour Madeline.

Le roman est écrit au passé simple et cette forme littéraire peu usitée dans les traductions lui donne aussi une dimension particulière. Les trop rares descriptions des forêts, lacs, oiseaux, intempéries viennent porter la touche nécessaire pour ajouter à l'ambiance nature de ce roman finalement assez complexe car Madeline fait aussi référence au présent dans sa narration et même à l'avenir, aussi improbable soit-il.

Au final, on a une héroïne très attachante qui voudrait bien faire, hésite, perdue dans ses atermoiements, puis prend des décisions pour conduire sa vie, partir, devenir.
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Ric Hochet, tome 6 : Rapt sur le France

Sixième album des aventures de Ric Hochet et le dernier en 60 planches. Les autres en feront désormais tous 44.
Cet épisode est encore une fois une belle réussite. L’histoire tient la route et nous tient en haleine, les rebondissements sont nombreux et l’action omniprésente. Pas de temps mort pour nous permettre de réfléchir un peu aux solutions possibles. Pas de temps mort non plus pour se rendre compte en cours de lecture des invraisemblances du scénario !
Si l’on ajoute à cela que les trois quart de l’histoire se déroule sur un paquebot transatlantique, pour les amoureux de ce genre d’histoire, c’est une aubaine. Et quel paquebot, le mythique France, le plus beau du monde à l’époque et dont la fin peu glorieuse a inspiré la célèbre chanson !
Le commissaire Bourdon accompagné, évidemment, de Ric Hochet, doit escorter une sommité scientifique française, le professeur Hermelin, pour son voyage aux États-Unis. Le savant est un personnage irascible, susceptible, imbue de sa personne et donc terriblement drôle dans ses répliques. Mais pour le coup, très difficile à protéger. D’autant plus que Ric et Bourdon ont déjà déjoué une tentative d’enlèvement en France, alors que va-t-il se passer sur Le France.
Cela ne manque pas, les seconds couteaux d’un énigmatique personnage tentent soit d’enlever le professeur, soit de mettre hors d’état de nuire le journaliste de la Rafale. Jusqu’à ce que leur plan connaissent enfin le succès. Mais alors, dans ce lieu fermé qu’est le paquebot, Où est séquestré Hermelin ?
L’intrigue est une réussite magistrale pour le genre et pour l’époque (1966). De l’action, du suspense, un gentil mystère et beaucoup plus d’humour que d’habitude avec les piques du professeur Hermelin et le commissaire Bourdon qui n’arrête pas de se perdre sur le navire. Après tout, c’est un bateau gigantesque, capable de croiser mille ans ! (je sais c’est trop facile, mais très difficile d’y résister !)
Ric Hochet est égal à lui même et nous donne à la fin une explication qui m’avait plutôt impressionné enfant. Maintenant, elle fait sourire, mais je reste impressionné par l’imagination des auteurs !
Le commissaire Bourdon joue plus que dans les autres albums le rôle du faire-valoir, lui manquant la capacité de mobiliser les forces de police du continent.
Les dessins sont du même niveau que dans l’album précédent, c’est-à-dire excellents, dans la veine ligne claire du magazine Tintin. Les décors réalisés par Mittéï mettent en valeur le paquebot. C’est en presque une publicité pour le célèbre navire.
Pas de morceaux de bravoure comme dans l’album précédent, mais les scènes d’action et de bagarre sont encore une fois très immersives comme celle qui a lieu autour des lettres France, près des cheminées du transatlantique.
Si ce n’est pas le meilleur album de la série, il se dégage un charme désuet et presque nostalgique de ces pages et un plaisir certain à sa lecture.
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On m'appelle Demon Copperhead

De David Copperfield à Demon Copperhead… C’est après avoir visité la maison de Charles Dickens que Barbara Kingsolver s’est décidée à écrire sur ce sujet qui la hante : la pauvreté endémique qui, combinée aux ravages des opioïdes, décime la population rurale de sa région des Appalaches, laissant sur le carreau, comme le garçon au coeur de ce roman, des ribambelles d’orphelins promis à l’enfer sur terre.


« Tout le monde vous le dira, les enfants de ce monde sont marqués dès la sortie, tu gagnes ou tu perds. » Pour Demon Copperhead, le jeune narrateur contraint « de se mettre au monde tout seul » par une mère junkie gisant inconsciente sur le sol de son mobil-home, la naissance devait en effet s’avérer la prémonition de toute une vie à se battre seul contre le sort d’un monde méprisé et incompris : celui des « rednecks » ou culs-terreux, ces Américains pauvres et blancs des zones rurales, en particulier du Sud et des Appalaches, caricaturés par l’Amérique des métropoles en dégénérés ignares, alcooliques et violemment intolérants, dans les faits abandonnés par les pouvoirs publics à l’existence invisible de laissés-pour-compte de l’Histoire.


« Tout ce qui pouvait être pris a disparu. Les montagnes avec leurs sommets explosés, les rivières qui coulent noires. » Depuis que l’exploitation forestière, la culture du tabac et l’industrie du charbon ont entamé leur déclin, laissant derrière elles chômage, absence de perspectives et pauvreté, la région des Appalaches est exsangue. « Il n’y a plus de sang à donner ici, juste des blessures de guerre. La folie. Un monde de douleur, qui attend qu’on l’achève. » Alors, au marasme socio-économique est venu s’ajouter une catastrophe sanitaire. Attirés comme des vautours par la vulnérabilité d’une population, marquée dans sa chair par des emplois souvent usants et accidentogènes, mais sans guère d’accès aux soins médicaux, les fabricants d’opioïdes ont inondé la région d’« inoffensifs » anti-douleur, usant, comme les procès récents ont commencé à le révéler, de tous les stratagèmes pour promouvoir des produits éminemment addictifs, portes d’entrée aux drogues dures. Aujourd’hui, la Virginie occidentale bat le record des morts par overdose aux Etats-Unis. Environ un enfant sur quatre doit y grandir sans ses parents détruits par les stupéfiants.


Ces gens qui sont ses voisins, Barbara Kingsolver nous fait pénétrer dans leur tête et dans leur peau. Crédible et réaliste jusque dans la langue gouailleuse oscillant entre la naïveté et la trop grande lucidité d’un jeune garçon privé d’enfance, la narration de son parcours par Demon Copperhead nous confronte de l’intérieur au rouleau compresseur de l’injustice, de la souffrance et du désespoir. Laissé orphelin par la violence et la drogue, il va devoir se battre pour tenter de se construire malgré les défaillances du système de placement familial et les pièges de l’addiction. Heureusement, entre ses mauvaises rencontres et fréquentations d’une part, ses propres béances intérieures d’autre part, il trouvera aussi sur son chemin suffisamment de personnages magnifiques de force et de générosité pour contrer les préjugés et changer le regard sur ceux que l’on présente habituellement en bloc comme un affreux ramassis d’indécrottables arriérés.


Un grand, riche et très long roman, couronné du prix Pulitzer, qui fait comprendre l’humiliation de cette Amérique-là, emmurée dans ses difficultés au point de voir en sa peau blanche le seul dernier vestige de sa fierté et, en un certain Trump, l’espoir d’être enfin compris.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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La place

♫Qui sait où c'est sa 𝓹𝓵𝓪𝓬𝓮 !?
Un camping, un palace
Un perrier en terrasse
Au comptoir un blanc-cass'
Faut-il rester de glace !? ♫
- François Morel - 2016 -
----♪---♫---🐄---🛒---🐄---♫---♪----
Elle regarde la mère
Sous les yeux de son père
Et l'enfant en elle se terre...
Sois heureuse avec ce que tu as
Faut pas péter plus haut qu'on l'a
A table, mieux valait se taire
Peur indicible du mot de travers
Ou commettre des impairs
Alors elle a recopié des phrases, des vers
Dans son vieux pardessus râpé
Il s'en allait l'hiver, l'été
Là où restait quelque humanité
Là où les gens savent encore parler
De l'avenir même s'ils sont fatigués
Il ignorait qu'un jour, elle en parlerait...
Et Juliette avait encore son nez
Aragon n'était pas un minet
Sartre était déjà bien engagé
Au Café de Flore,
y avait déjà des folles
Tous ces mots et ces phrases disent les limites et la couleur du monde où vécut son père, où Annie a vécu aussi,
Il lui fallait revoir sa Normandie...
Mais quand on a juste quinze ans
On n'a pas le coeur assez grand...
C'est fou c'qu'un crépuscule de printemps
Elle a connu des marées hautes et des marées basses,
Elle a rencontré des tempêtes et des bourrasques,
Chaque amour morte à une nouvelle a fait 𝓹𝓵𝓪𝓬𝓮
Décrire la vision d'un monde où tout coûte cher
Allo Papa Ernaux Annie et à 𝙉𝙊𝘽𝙀𝙇 manières...
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Autres rivages

Dans « Autres rivages », récit autobiographique , Nabokov dit partir à la recherche de pistes où les courants thématiques du début de sa vie, notamment les puzzles, les échecs, les couleurs, les randonnées, l’exil…. qui structurèrent sa vie , et , qui, lui ouvrant des nouvelles voies lui permirent d’atteindre sa maturité créative. Selon lui l’objet d’un récit de mémoires est précisément ce point de rencontre, “ d'une forme d'art impersonnel et d'un récit de vie très personnel”. Mais le bonhomme est compliqué et ses dessins thématiques se perdent dans les digressions. L’abordant pour la première fois avec son « autobiographie », je m’y fraie comme dans un champs miné.
Déjà dans les premières pages il se lance dans un discours d’enfant gâté et arrogant. La Musique, Niet, «  une succession arbitraire de sons plus ou moins agaçants », La Peinture, Niet, enfin presque , vu que la mère s’y acharnera à le stimuler visuellement. Il grandit avec précepteurs et autres dans une maison avec cinquante domestiques que personne ne dirige ni ne surveille, car le père s’en fiche et la mère est occupée ailleurs à cueillir des champignons et lui offrir des crayons gigantesques avec lesquels il lui est impossible d’écrire. Toutes sortes d’articles de confort et d’agréments arrivent en procession régulière du magasin anglais de l’Avenue Nevski, à Saint-Petersbourg , la famille ne se lavant qu’au savon Pears, et ne mangeant au petit déjeuner que de la nourriture importée de Londres…. Et tout cela exprimé sur un ton désinvolte , trop désinvolte vu la personne intelligente , voir génie qu’il prétend être dans le contexte d’une enfance dans la Russie des Tzars , d’une pauvreté extrême. Et puis arrivent ses aïeules. Il semble en avoir plusieurs dans toutes les têtes couronnées de l’Europe, avec descriptions généalogiques fastidieuses. Enfant prodige il se souvient même des détails infimes de ses quatre ans, comme le grand-père qui avale des cailloux 😊…. nous sommes à la page 72 et l’ego du bonhomme est déjà au firmament , Dieu sait ce qui m’attend sur les 350 pages restantes, avec un sens de l’humour ( qu’il pense avoir) aussi douteux que le personnage 😊….

Ce livre dont le titre original est « Speak, Memory » regroupe en faites une série d’articles de magazines écrits à l'origine pour Harper's et le New Yorker, lorsque Nabokov avait besoin d'argent pour compléter ses maigres revenus d'enseignant. Quel paradoxe , n’est-ce-pas ? De plus l’arrogant Nabokov même avec ce genre, l’autobiographie, a voulu se distinguer , “ Ce sera un nouveau genre d'autobiographie, ou plutôt un nouvel hybride entre autobiographie et roman. Elle se rapprochera de ce dernier car elle aura une intrigue précise. Diverses strates de mon passé formeront, en somme, les rives entre lesquelles s'écoulera un torrent d'aventure physique et mentale. Ceci impliquera la peinture de pays, personnes et modes de vie nombreux et variés….Ce sera une succession de brefs extraits, du genre essai, qui, avec un élan soudain, formeront quelque chose de très bizarre et dynamique: les ingrédients apparemment innocents d'un breuvage tout à fait inattendu .” Inattendu ? Franchement je préfère de loin les autobiographies « Non inattendues  » mais passionnantes, d’écrivains comme Elias Canetti, Doris Lessing , deux auteurs nobelisés, écrites sans prétention avec humilité. De plus ici , Nabokov avec son dernier chapitre XVI qu’il a éliminé dans sa dernière version mais présent dans mon édition, scie la branche sur laquelle il reste assis tout au long des 15 chapitres, faisant basculer l’ouvrage du côté de la pure fiction . Décidément à force de sophistications, faisant constamment hésiter le lecteur sur le statut des chapitres qui constituent le livre , entre nouvelles, donc fiction, ou anecdotes autobiographiques , donc véridiques , il perd finalement de sa crédibilité de ses propres soins. Mais, mais….j’ai trouvé que ce chapitre XVI était en faites le chapitre le plus passionnant du livre, et là j’ai un peu raboté de mon antipathie pour le personnage, qui effectivement est très complexe.

Cette lecture je le dois à mon ami babeliote Creisi ( @creisifiction) , dont l’excellent billet a fini par me convaincre à lire un auteur à vrai dire dont je n’ai rien lu dû à mon aversion à ses différents propos mégalo et sa critique acerbe de Dostoievski qui perso j’aime beaucoup. Et finalement je ne suis pas déçue vu que le bonhomme s’est révélé comme je le pressentais 😊. Il a écrit un livre qui s’intitule « La vraie vie de Sebastian Knight » , que je n’ai pas lu, mais vu le titre je pense qu’il aurait mieux fait d’écrire aussi par la suite le sien «  La vraie vie de Vladimir Nabokov », pour récupérer et sauver Sa Vraie Vie de la fiction 😁. Une première rencontre en demi-teinte avec un romancier lépidoptériste ou plus simplement dit, assassin de papillons 😁! Et quand je pense qu’on a même donné son nom à un papillon et qu’il s’en vante dans le livre, j’enrage. C’est peut-être pour cela qu’il abhorre Freud , car si ce dernier avait pu un peu creuser cette passion ou plutôt obsession du sieur pour les papillons que , à ce qu’il dit, personne à part ses parents n’a jamais compris , Dieu sait ce qu’il en aurait révélé sur son moi profond 😁??? De plus il ambitionne être le précurseur d’ espèces nouvelles et quand il apprend que tel papillon a déjà été répertorié par un Tel, il se venge de ce un Tel en lui donnant le rôle d’un aveugle dans un de ses romans. Je ne sais vraiment pas s’il faut en rire ou en pleurer , en tout cas toute cette arrogance et mépris envers autrui n’ont sûrement pas facilité sa vie.

Un livre quand même interessant vu son parcours de vie de la Russie aux États Unis, passant par Londres et Berlin, et le nombre d’anecdotes infinies qu’il enguirlande d’une prose élaborée , même si je pense qu’elles ont été largement abreuvées de son imagination fertile, du moins dans les détails 😊( p.243 il n’a que 12 ans mais apparemment il a déjà ingurgité tout Pouchkine, Lermontov et Tolstoi …., petit génie.)

« Stendhal , Balzac et Zola trois détestables médiocrités de mon point de vue. » 😁 Nabokov
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Les aventures de Henner, Philomène, Charele e..

Voilà un ouvrage que j'ai sélectionné pour ma mère (alsacienne) en supposant que l'humour dont il fait la promesse la ferait rire ou tout au moins sourire, ou encore que les lignes écrites en alsacien convoqueraient un petit soupçon de mémoire et de plaisir car elle souffre de la "maladie de l'oubli".
Le livre enchaine des petites séquences de vie écrites comme des blagues, en langue française mais émaillé de passages en alsacien (toujours traduits en français entre parenthèses) et de quelques illustrations monochromes de forme caricaturale.

Mais ce livre ne l'a pas faire rire. Elle n'y a, semble-t-il, trouvé que peu de plaisir à la lecture. Elle peine à formuler son ressenti mais son visage l'exprime parfaitement :
- Bof !
- Pourquoi bof ?
- Je n'ai pas trop aimé !
Voilà, vous n'en saurez pas plus de ce côté :)

Voici donc mon retour de lecture :
Cet ouvrage se lit aussi vite que facilement, on peut n'en lire que quelques parties, le laisser puis le reprendre à tout moment. On s'y plonge immédiatement, les personnages sont bien croqués, j'ai souri aux premières blagues mais j'ai rapidement déchanté pour finir par en rire jaune.
Je suppose que je n'ai pas compris cet ouvrage qui se veut une caricature des alsaciens à travers l'humour, mais que j'ai trouvé parfois désobligeant.

"L'humour est un art délicat". Je n'ai que peu goûté celui-ci, mais sans doute me suis-je trop arrêtée au premier degré ?
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Le puits des mémoires, tome 1 : La traque

Gabriel Katz est un très bon auteur, raison pour laquelle quand il m'a fallu lire un livre de fantasy, j'ai choisi le puits des mémoires; qui mêle fantasy, fantastique, thriller, etc.
De plus, j'avais adoré Conte de fées de Stephen King, donc pourquoi pas.

Tout d'abord, l'incipit est sublime :

"Au commencement étaient les ténèbres. Un monde où n'existaient ni le temps, ni la faim, ni la soif. Peut-être était-ce cela, la mort, une éternité dans un néant si étroit que l'on ne pouvait s'y tenir que recroquevillé, comme un enfant à naître...
... Mais un jour une faille s'était ouverte dans le bois. Une infime percée de lumière, comme un coup de couteau dans l'obscurité..."

Ça accroche, pas vrai ?

Le chariot transportant trois caisses dans lesquelles des hommes étaient enfermés recroquevillés dans le noir s'est renversé.

Le premier dont nous faisons la connaissance s'appelle Nils, prénom dont il vient de se doter après avoir réussi à ouvrir ses yeux aveuglés par la soudaine luminosité.

Ses deux compagnons d'infortune firent de même.
Le point commun qui frappe d'emblée les trois hommes : ils n'ont aucun souvenir de qui ils étaient avant de se retrouver sur ce chariot.

Qu'ont-ils bien pu faire pour subir le supplice de cet enfermement, auquel a succédé une traque implacable par des armées entières pour les retrouver ?

J'ai mis un certain temps à lire ce roman, bien qu'emportée par la belle plume de Gabriel Katz. J'avoue m'être ennuyée parce que j'étais à des années-lumière de ma zone de confort.
Malheureusement, la magie n'a pas opéré sur moi et j'en suis désolée.

La fantasy et moi devrons dorénavant continuer à suivre des routes parallèles, mais sans rancune.

Mais il séduira sans nul doute les amateurs du genre que j'invite à découvrir cette trilogie.

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Ça va aller


Voici une BD que j'ai emprunté dans le coin jeunesse de ma médiathèque et qui traite d'un sujet difficile à savoir la dépression. Encore une fois, ce n'était pas un ouvrage mal rangé mais classifié à tort pour une lecture jeunesse. Erreur de casting, je dirai.

L'auteur Alice Colin va raconter toute son histoire qui est finalement assez classique mais qui peut concerner beaucoup de gens tant cette affection semble être répandue.

Il est question d'une séparation amoureuse mais également d'expérience avec la drogue prise entre amis lors de soirées festives.

Il y a un côté assez didactique pour nous expliquer ce qu'est la dépression et ce qu'il convient de faire pour ne pas aggraver la situation. Pour autant, c'est d'abord un témoignage assez touchant et sincère. On est pris dans le flot des émotions avec notre héroïne auteure.

On peut dire qu'il s'agit d'une œuvre à visée thérapeutique pour son auteure mais qui peut en même temps aider d'autres lecteurs à voir la vie du bon côté. Je n'ai rien contre ce genre de lecture qui fait du bien tout en dévoilant des choses assez déplaisantes. L'humour est omniprésent pour mieux nous faire intégrer à cette problématique.

Par ailleurs, je dois relever un dessin clair et aéré qui concourt à une lecture assez agréable de l'ensemble. On retient finalement beaucoup de douceur ce qui est assez marquant avec un thème concernant la dépression et la solitude.

Au final, j'ai bien aimé ce traitement dans la légèreté d'un tel sujet. Oui, ça va aller !
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Dégâts des eaux

Après avoir plongé aux origines du polar russe, avec le Voleur de Leonid Leonov, il apparait naturel de faire un tour vers son pendant américain, avec quelque chose de beaucoup plus léger, restant du côté truand, et le célèbre héros récurant de Donald Westlake, son cambrioleur neurasthénique Dortmunder.

Parmi les quinze tomes de ses aventures, celui-ci est régulièrement cité comme son meilleur, son plus rocambolesque, une véritable référence du genre à tendance burlesque.

Sans avoir besoin d'introduction, ni de résumé des épisodes précédents, on entre tout de suite dans cet univers criminelo-loufoque constitué avant tout de dialogue à la sauce absurde.
On incarnera différents personnages, tous restant dit en tierce personne, procédé visant à introduire chaque nouvelle péripétie de notre héros avant sa mise en orbite.

Bien dosé, de bout en bout, l'intrigue ayant beau trainer sérieusement en longueur, usant d'un savoureux comique de répétition, on demeure embarqué avec le même plaisir jusqu'au dénouement, réussi sans être éclatant.

Vraiment divertissant. Une réussite, assurément.
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Une histoire de la Guerre 14-18 en BD

Une histoire de La Guerre 14 -18, docu – BD publié par les éditions petit à petit et le Ministère des armées, est une réussite, un bel album infiniment précieux, à mettre en valeur pour que les plus jeunes prennent conscience de ce que ces années terribles ont causé à l’humanité ainsi que ses conséquences.
L’idée d’associer l’histoire de ces six copains d’un village des Alpes à des pages documentaires riches en illustrations et en enseignements, est une excellente idée.
Quinze chapitres m’ont permis de suivre Lucien et Jean (jumeaux), Joseph, leur plus jeune frère, Justin, Cyprien et Pierre, le fils du châtelain. Nous sommes en 1902 et le débat qui anime ce groupe de garçons est de savoir s’ils peuvent admettre des filles dans leur bande. Finalement, ils acceptent pour Lili, Lucie et Charlotte qui est un vrai aimant, comme ils disent…
Frédéric Chabaud a réussi un scénario convainquant pour conduire ces gars et Charlotte jusqu’à l’Armistice du 11 Novembre 1918. Enfin, pas tous, hélas.
Les dessins de Julien Monier sont, bien sûr, souvent sombres avec un tracé un peu simpliste, sans fioritures, suffisamment éloquent lorsque ces hommes vivent les affres des tranchées et des combats.
Chaque fin de chapitre est relayée par deux ou trois pages documentaires qui permettent de rappeler ou d’apprendre les principaux événements, le rôle des décideurs et les conséquences sur ceux qui ont été mobilisés à partir de 1914. D’autres hommes viendront du monde entier combattre pour un pays qu’ils ne connaissent pas, les indigènes, comme on les nommait.
J’ai particulièrement apprécié les pages « Les lieux de mémoire à visiter ». Certains sont connus, d’autres pas du tout. C’est précis avec l’adresse et un court texte permettant de savoir ce que chaque lieu présente.
Enfin, discrètement, au coin de beaucoup de pages, sont inscrites des suggestions de films à voir et de livres à lire. Bravo !
Une histoire de La Guerre 14 – 18, en faisant vivre ou mourir quelques personnages tout au long de la BD a maintenu mon intérêt jusqu’au bout tout en apportant quantité d’informations distillées au cours des longs mois de ce qu’on a appelé « La Grande guerre », sans oublier le rôle des femmes à l’arrière.
Si le récit est complet, j’ai été particulièrement scandalisé, à nouveau, par l’exécution de ceux qu’on a appelé les mutins, en 1917. Ils refusaient de continuer à se battre et on a obligé des camarades à les tuer !
Les lettres de Poilus, la censure, les poèmes, les chansons – inoubliable « Chanson de Craonne » à écouter interprétée par Marc Ogeret, - les morts, les mutilés, etc… cette Docu – BD brosse un tableau large et le plus complet possible d’une page d’Histoire qui a concerné 72 pays, causé dix millions de morts et dont 36 000 monuments jalonnent notre territoire.
Voilà un livre précieux et important pour ne jamais oublier et un grand merci à Vincent qui m’a permis cette très instructive découverte.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Vallée du silicium

Cybercé, cyberné, entre transhumanisme déshumanisé et in-humanisation désincarné…Une réflexion passionnante et hybride sur l'IA au cours d'un pèlerinage techno en Silicon Valley en sept escales californiennes. Brillant !!

Quel étonnement en recevant ce beau livre… il ne s'agit pas d'un livre de la Volte, maison d'édition habituelle et fidèle d'Alain Damasio, mais d'un livre des éditions du Seuil, de la collection Albertine très précisément, apercevons-nous en tout petit au bas de la couverture grise striée d'un orange fluo qui capte immédiatement le regard. En collaboration avec la Volte, l'auteur a en effet été mis entre les mains des éditions du seuil car, une fois n'est pas coutume, l'auteur de SF a écrit un essai. Quant à la collection Albertine, ses livres ont tous en commun d'être « des textes d'exploration littéraire, intime ou sociale, du monde contemporain, publiés en partenariat avec la Villa Albertine qui orchestre plus de 50 résidences sur l'ensemble du territoire des Etats-Unis. Elle oeuvre à la diffusion de la culture et de la langue française outre-Atlantique ». Voilà la première chose que nous apprenons en ouvrant ce beau livre.
Et, en effet, tout est parti de la villa Albertine avec cette idée intéressante de confronter un auteur de SF français à la Silicon Valley, l'endroit même où se pensent et se conçoivent dans la « vraie » vie les scénarios que la SF a parfois anticipés. le voilà parti avec femme et enfant. Là-bas, Alain Damasio y a rencontré des cadres et des chercheurs qui travaillent pour Amazon, Facebook, Twitter (qu'il refuse d'appeler X) et Meta, des « techies », pour se désaxer de sa « ligne technocritique de Français narquois », accompagné de deux historiens et sociologues, Lisa Ruth et Fred Turner, parfois échangeant, objectant, souvent observant, quelque fois testant machines et appareils, toujours marchant dans les pas de Baudrillard, son ainé de quarante ans, qu'il cite généreusement avec une certaine admiration tant il le considère, à juste titre, totalement visionnaire.

Alain Damasio s'est penché sur ce qui le taraudait déjà dans les Furtifs ou la Zone du dehors : notre assujettissement aux technologies, au numérique tout particulièrement. Cela donne un essai. Et un essai écrit par Damasio n'est pas un essai aride, ardu, tordu, abscons ou soporifique mais un essai fluide, brillant, passionnant, subtile, hybride (à l'image de l'auteur d'ailleurs) entrelaçant observations, théories, récits et passages romancés, un essai techno-poétique pétillant avec lequel tout lecteur ou toute lectrice va forcément s'enthousiasmer, frémir et sourire. Si, avec les Furtifs, on trouvait de nombreuses analyses faisant penser à l'essai inséré dans le roman, dans ce dernier livre, l'essai devient passionnant grâce à des éléments normalement présents dans le roman, depuis la poésie, en passant par l'humour et jusqu'au suspense.

« Je reste un romancier. M'intéresse suprêmement le sentier plutôt que la carte ; l'enfrichement de la forêt plutôt que son quadrillage ; le récit et ses arcs plutôt que la flèche de la thèse ».

Et pour mieux expliquer, la voie de l'imaginaire est en effet parfois empruntée ; pour mieux appréhender les concepts, un vocabulaire est parfois inventée ; pour mieux faire ressentir sa propre émotion, la poésie est là, en tapinois, et, élément important à souligner, une façon d'aborder l'écriture inclusive est proposée de façon originale : « la féminisation assumée des pluriels neutres” un chapitre sur deux. Voilà, même dans un essai, on retrouve notre Damasio, celui bien entendu de la Horde du Contrevent, percutant, sensible, humble, poétique et inventif.
Mon livre fini tout corné, chaque page comporte des éléments amoureusement soulignés, d'un trait léger, parfois de plusieurs traits appuyés, précieux passages que je lis et relis comme j'admirerais les différentes facettes d'un diamant. Cette façon de nous offrir ses pensées en les mêlant à la poésie, en y insérant des passages fictionnels est percutante. Elle permet d'en faire un essai humain, sensible, loin de tout intellectualisme, qui touche profondément et fait réfléchir. Vraiment et simplement.


Malgré la poésie, malgré l'humour aussi, ce texte, composé de sept chroniques, est terrible. Terrible car il parle de ce que nous sommes en train de devenir du fait de l'influence des technologies et de ses conséquences sur nos corps, sur nos émotions, sur notre psychisme, sur notre façon d'être, sur notre rapport au monde, notre manière d'être vivant qui n'a rien de neutre. de ce qui nous isole, nous délie alors que nous sommes hyperconnectés. Sur notre façon de faire société non plus à l'échelle d'une commune, d'une région, d'un pays mais à l'échelle du monde. Sur nos nouvelles croyances et nos nouvelles religions comme l'explique avec intelligence la première des chroniques qui se déroule à la Mecque du Mac.

« A l'orée de ce siècle, le numérique a inauguré un panthéisme de l'information, une religion de la matière-lumière. Elle s'incarne par un ensemble de pratiques qui nous soudent dans des cérémonies minuscules et pourtant communes à des milliards de personnes sur la planète. Safari, FaceTime, Keynote, iTunes, Siri sont des icônes, oui, si l'on veut jouer sur les mots. Ils sont en vérité beaucoup plus que ça, des portes psychosociales que nous franchissons trente fois par jour pour organiser nos expériences et manager nos vies, pour présenter nos parcours et acquérir nos savoirs, pour parler en direct à IAvhé et écouter les chants du monde dans la plus profonde bibliothèque musicale jamais offerte à l'humanité ».

Réflexion truculente sur les voitures autonomes et les risques engendrés, sur la matérialité du monde devenue désormais mélancolie, sur le métavers, la deuxième chronique m'a régalée de son humour et de son cynisme. L'auteur, en voulant nous donner à voir les effets induits de ce type de déplacement, en désirant nous les faire ressentir de manière sensorielle (comme souvent avec Damasio), reprend, sur deux pages, sa plume de romancier pour nous proposer un bref récit d'anticipation qui fait froid dans le dos.

« de l'univers de la voiture, nous n'aurons même plus l'ivresse de la vitesse, la coulée cinétique, cette sensation de vent chaud qui entre par la vitre baissée et vient balayer nos soucis et nos cheveux avant de ressortir en tourbillon – ce sillage. On pilotera des Hummer dans le métavers tandis que les rires de nos potes, à l'arrière, bruisseront dans le casque Oculus, merveilleusement spatialisé. Sans doute même qu'ils t'offriront le souvenir du vent chaud avec des ventilateurs enkystés dans les murs de ta chambre. Et tu trouveras ça génial. Tellement réaliste ».

Troisième escale avec l'effacement des corps, l'illusion du mouvement en ces nouveaux lieux de sociabilité sans la gêne du corps via le metavers. le réseau nous promettait l'effacement des frontières mais ce sont de nouvelles frontières, des sas, des bulles, qui nous fragmentent en réalité désormais et dans lesquels identifiants et mots de passe sont les nouveaux mots d'ordre. La touche damasienne dans cette chronique : la forme épouse le fond, la frontière s'immisçant dans le texte même…du Damasio, quoi, à l'image des personnages de la Horde qui avaient tous un sigle caractéristique et que l'auteur pouvait, en une image, disposer selon certains regroupements avant le Contre…
Cet ensemble, de bulles et d'espaces de vie, forment ce que l'auteur nomme le technococon, « machine sociale à dilater mes égocentres et à me permettre de terraformer numériquement un chez-moi. Ces chez-moi ont la forme d'une bulle, d'une bille, d'une île de taille variable, à la membrane épaisse et translucide, à travers laquelle les pas-comme-moi s'agitent dans une brume volumétrique ».

« Noli me tangere : nous irons au concert ensemble dans telle bulle métaversée qui ne puera pas la sueur / nous nous retrouverons au bowling virtuel pour lancer des boules sans poids dans un décor vintage / on se séduira à coups d'avatars animaux pour se toucher par gants interposés / et on criera au harcèlement quand la distance intime sera abstraitement franchie / comme le racontait un cadre d'Oculus qui hallucinait de voir que ces enjeux qui n'ont de sens que dans un réel de chair puisse hanter déjà nos virtualités. Que signifie en effet une intrusion physique dans un espace de pixels ? ».

Grande émotion avec la quatrième chronique. Elle porte sur Tenderloin, ce quartier le plus pauvre de San Francisco, très proche du centre névralgique de la Silicon valley, quartier des sans domicile fixe. Alors Alain Damasio de s'interroger : comment une telle pauvreté est-elle possible à proximité immédiate de milliardaires qui, s'ils ne donnaient même que 1% de leurs revenus, pourraient l'éradiquer ? C'est l'absence de liens qui explique cette indifférence selon l'auteur, l'absence de liens physiques, la dématérialisation…

« Sans doute touche-t-on là le coeur de ma technocritique : la Tech, ontologiquement, conjure l'altérité ».

La cinquième chronique est sans doute la plus ambitieuse. de façon facétieuse elle reprend le titre de Cixin Liu, le problème à trois corps pour l'intituler : le problème à quatre corps, dans laquelle l'auteur revisite la notion du corps, depuis le corps organique, en passant par le corps monitoré (que de réflexions passionnantes sur notre façon d'observer et de surveiller toutes nos constantes au moyen de pléthores d'objets connectés afin d'être plus performants…cela donne vraiment à réfléchir), le décorps qui fait que nous nous déconnectons à nos sensations, jusqu'à l'élément vital en nous, notre vif, qui est là quoi que nous fassions. Nous avons l'impression de voir Damasio réfléchir devant nous, faire parfois marche arrière, se perdre dans son raisonnement et inverser sa pensée. Corps, décorps, raccord. C'est un chapitre complexe mais passionnant qui m'a fait grandement réfléchir à ma connexion avec mon corps, moi qui cours quasi quotidiennement avec une montre connectée dont les résultats font ma pluie et mon beau temps…Laissons cette fois Baudrillard s'exprimer :

« Partout le mirage du corps est extraordinaire. C'est le seul objet sur lequel se concentrer, non comme source de plaisir, mais comme objet de sollicitude éperdue, dans la hantise de la défaillance et de la contre-performance, signe et anticipation de la mort, à laquelle personne ne sait plus donner d'autres sens que celui de sa prévention perpétuelle… ».

La sixième chronique évoque la rencontre avec un codeur, Grégory Renard, qui a contribué à créer ChatGPT. En faisant allusion à Yvan Illich, cette réflexion montre comment il est possible de transformer l'Intelligence Artificielle en Intelligence Amie. Et là encore, c'est passionnant !

Enfin la dernière chronique est d'une grande richesse, c'est celle qui donne quelques clés et qui termine ainsi cet essai par des notes d'espoir, des chemins, une méditation. Alain Damasio appelle de ses voeux un art de vivre avec les technologies, une faculté d'accueil et de filtre, de prise de conscience, de déconnexion assumée, pour dépasser l'addiction et la perte de contrôle de nos vies, de nos corps, de notre altérité. Une relation aux IA qui ne soit « ni brute ni soumise ».

Quant à la nouvelle qui clôt le livre, fiction intitulée « Lavée en silicium », motus et bouche cousue, c'est la cerise damasienne sur le gâteau par excellence, gâteau constitué par cet essai, exercice réussi haut la main par l'auteur français !!


Vous l'aurez compris, j'ai profondément aimé cet essai qui me semble être une lecture nécessaire car éclairée et pourvoyeuse d'une autre façon d'être au monde face à ces technologies à côté desquelles nous ne pouvons passer, auxquelles nous ne pouvons échapper. Une lecture salvatrice qui vaut tous les essais intellectuels austères en la matière. Une lecture hybride. Une lecture moderne. Une lecture profondément humaniste !

« Nous n'avons pas besoin de devenir plus qu'humain : nous avons juste besoin de devenir plus humain. Vous en appelez au transhumain ? J'en appelle au très-humain. Ce qu'un Nietzsche bien compris appelait, lui, le surhumain ».

Merci infiniment aux éditions du Seuil et à Babélio pour ce cadeau merveilleux !


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