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Marchialy [corriger]

Les éditions Marchialy, fondées en 2016 par Clémence Billault et Cyril Gay, publient au rythme d`une dizaine de titres par an des histoires vraies portées par une exigence littéraire : grands reportages aux limites du roman d’aventures, enquêtes romancées, épopées gonzo, récits d’exploration. Du désert aux mégalopoles, Marchialy combine l’acuité du journaliste et le talent du bonimenteur.

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Élixir

C'est une sensation étrange que celle de se retourner sur ses dernières années de lectures, de repenser à toutes les émotions ressenties, les épreuves traversées et les difficultés stylistiques ou thématiques rencontrées, la plupart du temps surmontées avec une immense satisfaction. C'est un peu comme se retrouver en haut d'une montagne qu'on vient de gravir, ayant cheminé à travers une forêt de livres, de lignes, de personnages, de mots parfois denses et touffus, parfois plus légèrement clairsemés ou carrément purs et limpides, coulant comme une eau vive et cristalline ; arriver en haut, donc, contempler les sommets qui nous restent à gravir certes, mais avoir envie de faire une pause pour savourer là où l'on en est au moment présent. L'équivalent de l'intégration après une bonne séance de yoga. S'arrêter, détendre ses épaules, lever la tête vers le ciel, yeux fermés pour laisser la caresse du soleil nous effleurer le visage, puis se retourner pour contempler le chemin déjà parcouru, un léger sourire aux lèvres.

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Penser que, au début de cette ascension, il s'agissait simplement d'une mini-envie d'évasion, d'une petite randonnée d'une heure ou deux sans difficulté majeure, afin de se dégourdir les neurones. Et puis un pas après l'autre, un livre en amenant un autre, on a pu se sentir guidé, appelé par l'expérience suivante, le personnage suivant. Une fois ce bagage acquis, l'envie d'explorer plus intensément et plus profondément cette forêt littéraire est rapidement devenue irrésistible, vitale, évidente. Marcher toujours plus loin sur les pas des auteurs ou lecteurs précédents, s'enfoncer plus loin encore dans les émotions, les expériences de vie ou de style, monter plus haut et plus vite jusqu'à s'essouffler, chercher à s'explorer soi-même ce faisant, tester ses propres capacités de résistance à l'effort littéraire, devenir plus exigent avec soi-même et dans le choix des chemins que nous décidons d'emprunter désormais. Bannir les sentiers tout publics, ou se les réserver pour les pauses et les moments de faiblesse, de détente ; mais se ménager toujours plus de temps et d'espace pour la découverte, l'exploration sauvage de contrées que nous ne n'aurions même jamais pensé avoir un jour envie de découvrir.

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C'est cela, l'aventure littéraire. C'est la mienne en tout cas. Et j'ai la sensation aujourd'hui, quand je regarde ma sente littéraire parcourue, ses nombreux rallongis mais surtout ses exquis passages secrets et dérobés empruntés parfois par ce qui semblait être un hasard balisé, autant dire le destin, d'avoir parcouru l'un des nombreux chemins de Saint-Jacques littéraires, d'en être heureuse mais d'autant plus curieuse tant les choix que j'ai fait ont laissé autant de chemins inexplorés encore, d'en avoir un peu le tournis, mais surtout une furieuse motivation pour repartir dès maintenant gravir tous les autres et même, pourquoi pas, réexplorer certains pans particulièrement appréciés pour bifurquer vers les chemins précédemment laissés de côté !

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Ce n'est pas par hasard que m'est venue cette métaphore entre littérature et nature. J'ai toujours eu un grand lien avec cette dernière avant d'aimer la lecture ; j'ai eu la chance de pouvoir toujours, jusqu'à l'âge adulte, la vivre et l'expérimenter. A tel point que je ne voyais pas du tout l'intérêt de lire un livre sur la nature, qui reflétait de toute façon l'expérience de quelqu'un d'autre et n'était jamais totalement la vivre, la ressentir… Et puis la vie nous a un peu écarté, mère nature et moi. Sans que ce ne soit une volonté de mon fait, je me trouve limitée à de nombreux points de vue pour y avoir autant accès qu'avant. Et ça me manque. Alors j'ai commencé à apprécier les romans de nature writing… Puis ce livre, Elixir, est sorti. le chant des sirènes, vous connaissez ? Il m'appelait, mais je le pensais inaccessible à mon endurance littéraire, à ma capacité à écouter quelqu'un d'autre me parler de nature. Un jour n'y tenant plus - envie de nature, curiosité littéraire, challenge, appelez ça comme vous voulez - je n'ai plus pu résister. Et je l'ai ouverte, cette édition magnifique. Touché ses feuilles, son tronc, me suis abreuvée à la sève de ses mots. J'ai cherché, dans le récit de voyage de cette auteure Bulgare habitant en Ecosse, qui revient sur ses terres d'origine, l'Elixir qui me ferait du bien et rendrait mes sensations immortelles.

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Et finalement c'est cela, que j'y ai trouvé comme dans l'Intranquillité de Pessoa : une auteure qui me rend à mes sensations délicieuses avec pourtant ses mots à elle, clairs, lavés à l'eau de source et à l'air pur de ces forêts de montagne, ces forêts de pins mais aussi de fleurs, de simples que les habitants connaissent encore, savent non-seulement prélever à la nature lors de cérémonies rituelles, mais aussi utiliser pour leur bien-être ou leur guérison, et pas uniquement pour la vente en gros à nos pays d'Europe. Dès l'incipit je me suis laissée promener à la rencontre de ces peuples, de leur histoire, de leur culture et connaissance, de leurs rites, légendes et recettes qui mijotent avant de s'infuser en nous pour diffuser leurs bienfaits. de leur respect de la nature, notre mère nourricière à tous. J'ai adoré l'humilité de l'auteure autant que sa curiosité, qui servent toutes les deux notre découverte via son émerveillement, les questions qu'elle pose, ses recherches, les anecdotes et les mots qu'elle choisit et emploie.

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Je n'ai pas de recette miracle pour mon actuel manque de nature, mais j'ai trouvé dans cette lecture formidable des recettes d'infusions de feuilles de figuier pour lisser ma glycémie, de sirop de sureau pour fortifier mes défenses naturelles. J'y ai trouvé de l'évasion par procuration tellement je me suis crue avec l'auteure dans ses échappées en bord de rivière ou dans les fêtes de village traditionnelles. J'y ai trouvé du rêve parce que c'est bien un endroit que je n'aurais jamais envisagé pour des vacances, alors que j'ai désormais une furieuse envie d'y passer quelques temps en retraite. J'y ai trouvé des amis aussi, car si c'est ainsi que nous lecteur qualifions souvent nos livres, leurs personnages peuvent aussi vite le devenir et c'est ce qui s'est passé avec les villageois de ce peuple aussi bigarré que torturé, qui demeure accueillant malgré son passé violent et sa situation économique actuelle peu enviable.

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Mais alors même que la douceur de plume nous ferait facilement croire à la douceur de vivre dans ces montagnes parmi les simples, les pins et les sources d'eau pure, puisqu'on a envie de croire, après ces moments de lecture délicieux, que le pouvoir des plantes soigne tout, Kapka KASSABOVA sait également nous émouvoir et nous surprendre avec un réalisme désespérant que nous faisait oublier ses récits de fées, d'elfes, de miracles de guérisseurs et de sorcières, de potions et de cueillettes, de sieste à l'ombre de grands chênes… Ici presque toutes les femmes sont sous anti-dépresseurs et les hommes n'osent plus sourire à la vie, les enfants doivent partir travailler dans les pays limitrophes et rapportent, avec leur maigre salaire saisonnier, une modernité et des envies incongrues dans ce pays où les rêves et les populations ont été décimés par les luttes politiques successives.

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Si je me suis égarée dans mes pensées naturelles et livresques, à travers cette critique, c'est que je n'étais pas encore tout à fait réveillée de ce récit de voyage, de ce rêve éveillé, de cette réalité féérique qui nous fait nous exclamer « Ca existe encore ça ?! Mais où je signe pour en faire l'expérience, même de courte durée ?! ». Une lecture enrichissante mais, quand je pense à ce que l'auteure a vécu réellement durant ses voyages là-bas, je me dis qu'elle en sort encore plus riche et, revenant à mes pensées premières, je me dis que ce livre m'est presque insuffisant : j'en veux plus, et il se pourrait que ce livre me pousse à explorer des possibilités que je m'occultais jusqu'alors… Je suis très peu sûre de vous avoir donné envie avec cette critique, mais je n'ai pas de regret car, comme tout livre qui nous laisse tout chose, je n'aurais pas su bien en parler de quelque manière que je m'y prenne.

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A chaque lecteur de choisir ses chemins dans la forêt dense et touffue de livres en tout genre qui nous enserrent, nous appellent, nous repoussent - nous griffent et nous mordent parfois aussi. Comme vous le recommanderait l'herboriste du village, glanez les livres qui vous tentent, testez-en quelques un, celui-ci peut-être ? Voyez l'effet qu'ils ont sur vous, s'ils vous échauffent recrachez-les, s'ils vous font du bien, mâchonnez-en quelques feuilles chaque jour au lever et au coucher du soleil. Couchez-vous à l'ombre de votre PAL et, pour y prélever un livre, n'oubliez surtout pas de reboucher le trou que son absence provoque par un autre, en susurrant un poème de remerciement pour les heures de plaisir que tout cela vous procure ;-) Que votre chemin soit long et beau comme ce récit, qui cheminera encore longtemps en moi, m'exhortant à explorer toutes les portes qu'il m'a entrouvertes… Certains livres devraient faire l'objet de prescription parce qu'ils ont le pouvoir de soigner ; Et quel livre pourrait s'y prendre aussi bien que cet Elixir, ce retour aux « sources » pures et vives, aux « racines » culturelles de cette auteure, ce récit sur le lien entre les humains et les plantes, cette couronne de fleurs séchées tissées de feuillages et de racines coupées en dés, émaillée de réflexions sur la médecine scientifique occidentale et la médecine traditionnelle ou magique ? Ca lui vaut, et ce n'est pas si souvent, mes plus belles 5 étoiles du berger de montagne se détachant dans le ciel bleu mille et une nuits de Babelio, luisantes comme du beurre fondu à la poêle, qui me guideront encore longtemps dans l'exploration de ma montagne de livres.

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Un Elixir littéraire au goût de reviens-y, à consommer sans modération, pour cultiver sa forêt intérieure. « Ce qui compte le plus selon moi c'est l'amour. L'amour est le seul Elixir ».
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Les fossoyeuses

Une lecture débutée par le hasard; travaillant en bibliothèque, je me retrouve à devoir réorganiser un rayonnage et parmi les livres déjà présents celui-ci retient mon attention. La couverture est originale et sort de l'ordinaire pour un ouvrage classé "adulte". J'ai été transportée par cette lecture, qui m'a ouvert les yeux sur un conflit que je ne connaissais que de nom, car jamais ou presque évoqué pendant mes études. La plume de l'auteur est agréable, le sujet est très dur mais néanmoins passionnante. C'est une lecture renversante, qui parle de meurtre, de massacres et de la guerre, dans une période contemporaine à la nôtre et pourtant méconnue par beaucoup.
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Le Prince de Kalmoukie : Un étonnant voyage d..

La couverture, le titre, le résumé … Franchement, on penserait presque une blague à la Groland qui aurait imaginé un pays appelé Kalmoukie avec un président actuel ancien champion du monde de kickboxing et le précédent obsédé par le jeu des échecs au point de vouloir transformer sa capitale en Chess city.



Sauf que la Kalmoukie existe vraiment, c’est une petite et lointaine république fédérale russe à mi-chemin entre le Caucase et la mer Caspienne. Que son président actuel, Batou Khasikov, a été nommé par Poutine. Et que le palais dédié aux échecs existe réellement, désormais décrépi.



Bienvenue en Kalmoukie, donc, pour de vrai ! Et Marine Dumeurger, journaliste indépendante grande connaisseuse de la Russie, en est le guide parfait. Grâce à une narration très visuelle et précise, on parcourt à ses côtés, comme si on y était, cette république autonome méconnue, une des plus pauvres de la fédération russe. Et on est frappé de la découvrir si singulière avec son architecture soviétique qui côtoie d’immenses steppes peuplées d’antilopes saïgas et des temples bouddhistes ( c’est le seul territoire européen à majorité bouddhiste ).



Le portrait qu’elle dresse de la Kalmoukie est fascinant car il résonne de toute l’histoire heurtée du XXème siècle. Peuplée de descendants de nomades mongols, la Kalmoukie a subi les conséquences les plus lourdes des violences de l’URSS, entre répression et déportation.



Et c’est dans ce décor assez dingue qu’évolue Serge Toundountoff, le prince du titre. Le premier chapitre nous le présentant est très intrigant. Cet ingénieur français a débarqué à Elista suite à une invitation. On le voit chevauchant en conquérant dans les steppes acclamé par une foule en liesse au cri de « notre prince est revenu », « vous êtes notre histoire, le gardien de la tradition kalmouke ». Une scène quasi prophétique qui révèle à Serge ce qu'il est devenu et qu'il a toujours attendu alors qu’il s’ennuyait en France.



Il est le descendant d'une illustre famille de Russes blancs qui ont fui l'URSS de Lenine après la guerre civile de 117-1921, ayant migré en France. Par son père, il descend du poète Alexandre Pouchkine, Dieu de la littérature en Russie ; par sa mère, d’une lignée princière de prestigieux cavaliers oïrats proche du dernier tsar Nicolas II.



J’ai regretté que la journaliste n’ait pas exploité au maximum le potentiel de cet incroyable personnage. On sent qu’elle hésite entre strict documentaire sur la Kalmoukie et portrait de ce Français qui se découvre prince adulé. Le résultat est que le récit manque de folie alors que tout est fou dans l’histoire de Serge. Cela crée de la frustration car j’aurais vraiment aimé que sa personnalité soit plus creusée.



D’autant que la quête de Serge résonne avec l’actualité la plus chaude. L’Ukraine est toute proche de la Kalmoukie et on ne comprend pas l’acharnement obsessionnel de Serge à vouloir obtenir à tout prix le passeport russe, alors que l’administration russe lui en fait voir de toutes les couleurs. Oui, j’aurais vraiment aimé que le récit se débride et aille à l’os des enjeux effleurés dans les derniers chapitres.



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