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Candide

Il faut "cultiver son jardin", encore faut-il avoir les bons outils et le bon engrais !...

Incontournable de l'analyse littéraire au lycée (valable encore aujourd'hui), il n'est pas si aisé de lire entre les lignes, notamment de déceler et saisir toute l'ironie du discours. Le lecteur devient Candide, pris à parti dans ces réflexions philosophiques sur les libertés, générales et individuelles. (Dès la seconde)
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Candide

Candide ou l’optimisme est l’un des textes les plus célèbres de Voltaire, toujours très étudié, en particulier dans le secondaire. Le texte a été publié pour la première fois en 1759 à Genève, une version augmentée est parue en 1761. L’ouvrage est donné comme une traduction de l’allemand, l’original aurait été écrit par un certain docteur Ralph, sans que cela ait semblé tromper qui que ce soit.



La visée philosophique apparaît dès le titre : l’optimisme était en effet à l’époque un terme philosophique. Il se réfère à l’idée d’un optimum, ce qui arrive est ce qui peut arriver de mieux. Cette vision de l’existence s’inspire de la philosophie de Leibnitz, et tout particulièrement son Théodicée, dans lequel il tente de résoudre le problème de l’existence du mal, en admettant l’existence d’un Dieu bon et tout puissant. Il en arrive à la conclusion que le monde que nous connaissons est le meilleur possible. C’est une conception que Voltaire va attaquer dans son conte, en simplifiant beaucoup la pensée de Leibnitz. Il va mettre la théorie à l’épreuve des faits, pour conclure apparemment à son insuffisance.



Le personnage principal, Candide, est un bâtard, ce qui le met d’emblée en dehors de la société. Il coule toutefois des jours heureux dans le château de son oncle le baron en Westphalie. Il y reçoit l’éducation de Pangloss, précepteur et philosophe qui professe l’opinion que notre monde est le meilleur des mondes possibles, ce à quoi adhère pleinement et avec enthousiasme son élève. Mais Candide est chassé de ce paradis, car son oncle le surprend en train d’embrasser sa cousine, Cunégonde. Il va aller de vicissitude en vicissitude, être enrôlé de force, maltraité, mis en prison etc. Et surtout, il va assister au tremblement de terre de Lisbonne, pendant lequel des dizaines de milliers de personnes sont mortes. Après la violence de la nature, il va constater la violence des hommes : des autodafés se multiplient, il pense y lasser la vie, et croit voir la mort de Pangloss qu’il a retrouvé. Il fuit en Amérique avec Cunégonde, qu’il va perdre en route. Il découvrira Eldorado, mais le quittera pour tenter de retrouver sa bien-aimée. Tous les personnages finiront par se retrouver en Turquie, où Candide, revenu de l’enseignement philosophique qui lui a été donné, prône « qu’il faut cultiver son jardin ».



C’est donc un récit d’apprentissage : Candide devra confronter les leçons de son maître à l’expérience du monde, ce qui remettra complètement en cause sa vision des choses. Le récit, comme en général chez Voltaire, est rapide, léger, l’auteur passe d’une péripétie à une autre sans s’appesantir. Il n’y a ni analyses psychologiques, ni digressions. Malgré cette légèreté apparente, Candide va d’horreur en horreur : la guerre et ses cruauté, les persécutions religieuses, la malhonnêteté, la violence. Le summum étant le tremblement de terre dévastateur, mal qui ne rend pas les hommes meilleurs, car ils s’empressent d’aller condamner et brûler leurs congénères. Toutes ces expériences qu’il traversent ne sont pas vraiment compatibles avec l’idée que le monde tel qu’il est est le meilleur des mondes possibles : il serait même difficile d’en imaginer un qui soit pire. Comme dans Zadig, le héros est confronté au scandale du mal qui sévit dans le monde, et à la question de savoir comment trouver sa place et être heureux dans tout cet immense gâchis.



La réponse que semble donner Voltaire (il faut cultiver son jardin) a été diversement interprétée. Certains y ont vu un repli sur soi, d’autant plus que Voltaire à l’époque de la parution de Candide s’était réfugié en Suisse, où il coulait des jours confortables de propriétaire terrien. Mais on peut aussi, d’une manière plus optimiste, si je puis dire, y voir l’idée que chacun à son niveau peut transformer le monde par son travail, par son action, même si ces derniers peuvent paraître modestes et peu spectaculaires. Plutôt que de donner des explications théoriques brillantes, mais qui ne servent au final à pas grand-chose dans la vraie vie, autant consacrer ses jours à un labeur à sa mesure, qui permet de donner un certain confort à soi-même, à ses proches, voire à d’autres personnes, et à transformer le monde en quelque chose d’un tout petit peu meilleur.



La vision très caricaturale de la philosophie de Leibnitz n’est pas non plus forcément à prendre au premier degré : c’est la vision de Pangloss, personnage de prétendu philosophe ridicule. Sa manière d’exprimer la satisfaction devant le vie qu’il mène au château du baron en Westphalie (« le meilleur des châteaux possibles ») peut s’interpréter comme une approbation du monde existant, sans surtout vouloir questionner ni remettre en cause quoi que ce soit, dans une manière de conformisme béat. Voltaire semble poser,qu’à l’inverse, il faut questionner ce qui existe, ne pas accepter trop facilement les choses telles qu’elles sont, mais garder une force d’indignation et de refus de l’inacceptable, sinon rien ne changera jamais. Mais au-delà, il faut aussi essayer de construire, aussi modestement que ce soit.



Relire Voltaire est toujours une bonne idée.

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