« Le chevalier de Maison-Rouge » fut écrit en 1845-1846, en collaboration, comme souvent chez DUMAS, avec Auguste MAQUET, et relate des évènements se déroulant à Paris en 1793, alors que la reine de France, Marie-Antoinette, est recherchée. Le roi Louis XVI vient d’être raccourci (concernant la guillotine, DUMAS emploie la belle expression « éternuer dans le sac ») et il faut pour le nouveau régime politique faire payer tous les acteurs principaux de la vieille monarchie française.
Pendant ce temps-là, le citoyen Maurice Lindey, lieutenant de la garde nationale, républicain actif et respecté, sauve une femme en pleine nuit alors qu’elle allait être arrêtée. Il en devient vite amoureux, elle se nomme Geneviève Dixmer, femme d’un monarchiste qui décide de profiter de la vénération de Lindey pour Geneviève pour l’introduire dans la famille. Alors commence véritablement l’intrigue à tiroirs, dont DUMAS est un spécialiste.
En effet, tout l’univers de DUMAS est dans ce roman : complots, trahisons, personnages mystère, ambivalents, déguisés ou non, pseudonymes, amants dans le placard, vaudevilles, Cielmonmari, atmosphère touchant à son apogée avec l’entrée en scène (le livre est très théâtral) de ce chevalier de Maison-Rouge, énigmatique idolâtre de la reine. Le style est enlevé, typique du XIXe siècle, sans grande recherche esthétique, plutôt là pour conter une histoire qui se tient malgré quelques grosses ficelles.
DUMAS semble aimer son personnage de Lindey. D’ailleurs, ce qui est rare dans un roman, il n’emploie que son prénom, Maurice, alors qu’il nomme les autres personnages par leurs patronymes. Il paraît aussi apprécier le comparse de Maurice, Lorin, qu’il fait en partie parler en vers. Tout le paradoxe de DUMAS réside dans cette attraction pour Maurice, et donc pour la République pourrait-on croire. Pourtant, sans que ce soit explicite, il regrette le bon temps de la monarchie et veut, c’est évident, réhabiliter la figure de Marie–Antoinette, personnage peut-être le plus intelligent, le plus posé du roman. Quant à son Maurice, nouveau paradoxe, et alors qu’il veut en faire un protagoniste proche de la perfection et de la probité absolue, il nous le rend irritant, en partie par son attitude envers Geneviève – une monarchiste - qu’à force d’aimer et de vouloir sauver, il finit par étouffer psychologiquement, c’est du moins mon impression. Mais Geneviève, un peu mièvre, un peu caricaturale, n’en tiendra pas rigueur à Maurice. En trame de fond, c’est l’expertise plus ou moins réelle de la justice française révolutionnaire, expéditive.
En effet, les personnages sont un brin caricaturaux. La lecture est plaisante mais s’avère un peu longue. Car comme à son habitude, DUMAS en tartine des pages et ce roman est un pavé, un de plus dans son œuvre. Dieu est aboli, pourtant les révolutionnaires le vénèrent encore en cachette. Car il y a une posture publique et une privée pour ces révolutionnaires en (sans) culottes courtes. Quant au chevalier de Maison-Rouge, il joue en quelque sorte le rôle de l’Arlésienne, on en parle beaucoup mais on le voit peu.
Quoiqu’écrit avec emphase, « Le chevalier de Maison-Rouge » est un roman parfait pour se vider la tête en période estivale. Vous n’y apprendrez pas grand-chose sur la révolution française ni sur la monarchie déchue. Mais il se laisse déguster par petits bouts, il est cohérent quoique fort grandiloquent (on est chez DUMAS, ne l’oubliez pas !), et sans être un grand livre il est agréable à suivre, un peu comme un vieux feuilleton que l’on regarderait d’un œil distrait. De plus, et ce n’est pas le moindre attrait, la fin dantesque est particulièrement bien amenée et soignée, même si je lui préfèrerai à vie « Le comte de Monte-Cristo ». J’ai pour ma part trouvé un certain climat plus tard propre à Gaston LEROUX pour les énigmes, les personnages mystérieux et les scènes impossibles, dans un style pourtant fort différent. DUMAS possède l’une des œuvres les plus imposantes de toute la littérature française, il ne faut bien sûr pas projeter une lecture dans son intégralité, mais un roman toutes les décennies (dose homéopathique) peut être un régime apaisant.
À l’origine, suite à cette chronique, je devais en rédiger une autre pour lui faire écho, à partir de l’essai de Pierre BAYARD « Aurais-je sauvé Geneviève Dixmer ? » de 2015, où l’auteur tente d’épargner l’héroïne du roman (elle meurt dans la version originale, mais ceci vous le savez déjà) dont il était tombé amoureux dans sa jeunesse. Mais le tout ne m’a pas paru convaincant. BAYARD peut être impressionnant par sa vision déformée et très originale d’œuvres littéraires, y agrémentant psychanalyse et philosophie dans une lecture exigeante mais toujours amusante. Mais ici il s’embourbe, tournant en rond avant de proposer une fin alternative un brin « facile » du roman de DUMAS et MAQUET (et puis j’exècre les redondances répétées du « D’autant plus », bref).
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