Les jours maudits d’Ivan Bounine
C’est le journal qu’a tenu Ivan Bounine entre janvier 1918 et juin 1919. Il habite Moscou. Ce sont des notes quasi quotidiennes sur les sujets les plus divers au gré de ses déplacements dans la ville, de ses discussions familiales, de la lecture des journaux et évidemment des rumeurs qui fleurissent d’autant plus que la censure bolchevique est active. Discours politiques des grands noms de l’époque et évolution de la guerre avec l’Allemagne. En février 18 on est persuadés de l’entrée des allemands dans Moscou, on a miné le Kremlin. Les socialistes révolutionnaires prépareraient une insurrection. Les journaux bourgeois paraissent avec des colonnes blanches. Ce même mois on manque de pain. Dans la Pravda on lit que Trotski est un espion allemand. D. a reçu des nouvelles de Rostov, les bolcheviques auraient fusille six cents sœurs de charité. Moscou devrait tomber le 17 mars. Discours de Lénine le 2 mars. Rumeur en ville, »ils vont égorger tout le monde de plus de sept ans », plutôt les diables que Lénine. Les maisons sont réquisitionnées les unes après les autres. La femme de l’architecte Malinovski est commissaire des théâtres, elle n’y a aucun lien mais est amie avec Gorki! Froid terrible, pas de chauffage.
Odessa, avril 1919. Les français quittent le pays, les plus farouches opposants aux bolcheviques retournent leur veste contre un travail. Les commissaires rentrent dans les maisons pour les mesurer et voir combien de personnes en plus on peut loger. On menace du tribunal révolutionnaire. On coupe les arbres en ville pour avoir du bois et chauffer les samovars. La haine est à tous les coins de rue. Le 2 mai pogrom à Bolchoï Fontan, 30 juifs tués. Le 3 mai on fusille le comité d’Odessa de l’union populaire, 16 personnes.
En addition aux événements qu’il vit, Bounine évoque le passé et particulièrement 1917.
Il écrivit jusqu’en 1920 mais perdit toutes ses notes.
Un livre témoignage sur des instants de vie d’un homme, d’une famille au milieu d’une période troublé de l’histoire russe. Passionnant.
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Qui est-il donc ? Un petit officier dont le caractère oscille entre une certaine élégance de corps et d’âme qui suscite l’admiration, et une vanité certaine qui risque bien de le mener tout droit dans le mur…
Son histoire nous est contée par l’un de ses camarades, qui assiste comme nous (d’abord avec une certaine perplexité, puis avec une inquiétude croissante) à l’évolution de son amour, supposément réciproque et tenu secret, pour une femme de la plus haute aristocratie. Jusqu’où l’entraînera donc ce qui semble bien être une pure chimère ?
L’écriture de Ferdinand von Saar est un modèle, dans son genre, de finesse et de fluidité. Nul besoin pour lui d’entrer dans des analyses psychologiques pour nous faire comprendre les comportements et les situations : tout est dans les gestes, l’animation des décors, les dialogues, les attitudes. Et quoique l’on puisse qualifier de pessimiste la littérature de Saar, sa plume subtile n’est pas étrangère à quelques touches d’humour : comme certains personnages de Dostoïevski qui allient le ridicule au tragique, le lieutenant Burda a quelque chose d’à la fois touchant et impayable…
C’est enfin un beau tableau, sans illusions, d’une société de castes dans laquelle une aristocratie hautement convaincue de sa supériorité garde jalousement, même au milieu des guerres, les portes de son entre-soi.
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« Bien des choses naissent de la répétition, qui fait de chacun de nous une histoire pour celui qui les écoute toujours. »
Et c’est bien là le souci !
Car chez moi, cette utilisation à outrance de la répétition dans Américains d’Amérique de Gertrude Stein (traduite par J. Seillère et Bernard Fraÿ) ne fait naître rien d’autre que de la lassitude, puis de l’agacement avant de devenir un repoussoir.
Fidèle à mes principes, je suis allé au bout de cette saga familiale un peu particulière des Hersland et des Dehning, dont les ascendants et descendants forment un scope assez représentatif de ces parcours qui formèrent l’Amérique.
Mais sans accrocher au style, l’exercice trouve rapidement ses limites : après Le Sang sur le sol de la salle à manger, ce deuxième essai prouve que Gertrude Stein n’est pas pour moi.
Pas grave, elle a tellement d’autres adeptes !
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