"Les hasards de notre vie nous ressemblent." - Elsa Triolet
Quelle riche idée que de lâcher dans le chaos de l'exode (nous sommes en juin 1940), une constellation de fugitifs qu'un destin impérieux et facétieux va finalement réunir ! D'autant que, dans cet ultime volet d'une trilogie enthousiasmante, les personnages forment une pléiade d'étoiles a priori de première grandeur.
Dépouillés de leurs oripeaux -tous d'une aimable trivialité-, les héros de Lemaître se diaprent d'ombres et de soleil et devraient se métamorphoser qui en amoureux absolu, qui en justicier pourfendeur, qui en apprenti célicole, qui en démerdard véhément mais...
Est-ce son historicité trop prégnante ou son tempo languissant, Miroir de nos peines m'a vaguement ennuyé : je n'y ai retrouvé ni la féerie poétique d'Au revoir là-haut, ni le suspense jubilatoire de Couleurs de l'incendie. Pierre Lemaître m'a perdu sur les routes poudreuses de cette débandade nationale. Sa mise en place, prolixe, musarde et ses protagonistes -potentiellement séduisants- ne se transmuent jamais complètement en héros inoubliables : pas assez flamboyants, trop prosaïques. A part l'insaisissable Désiré Migault, trouvaille miraculeuse, ils manquent tous singulièrement de relief et l'on ne s'y attache que par à-coups (il sera beaucoup pardonné à Pierre Lemaître qui a su inventer ce mirifique et fantasque mythomane !).
Rien de déshonorant bien entendu ! Lemaître est un bon faiseur, son talent de raconteur est intact, son imagination bouillonne toujours et sa narration est diablement planifiée. Avec ses excellents ingrédients et son savoir-faire manifeste, le romancier a concocté un plat insuffisamment relevé à mon goût : question de palais. J'y retournerai c'est certain.
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