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    colinebabelio le 01 juillet 2019
    C’est une vieille légende qui semble avoir trouvé un second souffle ces dernières années : et si des extraterrestres s’étaient rendus sur Terre dans un lointain passé pour transmettre aux premiers êtres humains, la graine de l’intelligence et de la connaissance ? Les auteurs de littérature fantastique sont férus de ces folles spéculations, comme H.P. Lovecraft, qui met en scène dans ses écrits les « Grands Anciens », des divinités extraterrestres venues du Cosmos qui descendent parfois sur Terre, pour le plus grand malheur de ses habitants.

    A la façon de Lovecraft, nous vous invitons à mettre en scène, sous forme d’un journal, une rencontre avec une entité extraterrestre mystérieuse et effrayante. Cortège d’horreurs cosmiques, grimoires interdits, reliques maudites, cauchemars des profondeurs… Nous nous invitons à vous inspirer du Maître de Providence pour créer un récit qui fera frissonner notre jury dans notre défi : « N’est pas mort ce qui à jamais dort » !



    Comme à l'accoutumée, la taille de votre contribution est libre, et vous avez jusqu'au 30 juillet, minuit, pour nous envoyer votre texte en répondant directement ci-dessous. Le gagnant remportera un livre à ajouter à sa bibliothèque de grimoires !
    le_nouvel_homme_invisible le 02 juillet 2019
    Le survivant

    Jour n°9341831: Avec les fossoyeurs militaires, les autres maçons et quelques officiels, nous venons d’arriver dans la clairière choisie pour recevoir la sépulture. Autour de nous, une forêt de végétaux ligneux bardés d’épines. De petits animaux munis de quatre pattes, ou d’ailes, semblent être les hôtes du lieu. Ils ont un aspect peu conventionnel : leur peau n’est pas nue, comme la nôtre : elles ont des excroissances soyeuses que je n’ai encore vues nulle part. Il faut que je parvienne à attraper une de ces bestioles pour en savoir plus !

    Jour n°9341837 : Tout semble aller plus vite ici. J’ai vu une planète jaune, chaude et lumineuse monter rapidement au-dessus de nous au moins trente fois depuis que nous sommes arrivés! Elle éclaire vivement la flore des alentours puis elle est à chaque fois remplacée par un autre astre, plus petit et blanc. Et le ciel devient noir et parsemé d’étoiles. Et cela recommence, toujours aussi vite.

    Jour n°9341842 : Entre deux mises en place de blocs, avec mon frère, nous avons capturé un petit animal. A peine ramené au dortoir, on l’a mis dans une caisse étanche. Dès le début de son observation, il se comporte d’une manière particulière. Tremblements et frissons. Mort en quelques instants. Faible créature ! J’y retourne : la construction du mausolée a besoin de chacun ! 

    Jour n°9341852 : Les lourdes pierres ont été dressées selon les plans exologiques de nos ingénieurs. Journée fatigante. L’alternance de lumière et d’obscurité, due à cette précipitation dans la course périphérique des astres, ralentit nos travaux. Il me faut une autre bestiole.

    Jour n°9341864 : Le cercle sépulcral achève de prendre forme. La tombe sera bientôt prête. Pendant un moment libre, j’ai réussi à piéger un autre petit animal. Il tient tout entier au creux de ma main. Deux pattes atrophiées sont stupidement rattachées à sa tête, une de chaque côté. Il ne les utilise pas pour se déplacer, préférant deux autres paires plus puissantes. Un accident génétique sans doute… Je l’examinerai demain.

    Jour n°9341877 : La seconde créature m’a blessé ce matin. Il résiste mieux que la première : on a changé le mélange gazeux de son vivarium. Durant la manipulation, j’ai été pincé à la main par une structure coupante que ce monstre cache dans le bas de sa tête. À noter ! Bref, la tombe s’achèvera sans moi : avec le cataplasme que m’a posée le toubib, il m’est impossible de continuer à aligner les blocs !

    Jour n°9341890 : C’est le grand jour ! On va déplacer la dépouille de notre valeureux général dans sa tombe. Ma blessure empire. Ma main est toute sèche et a pris une bizarre teinte grise. La créature doit m’avoir injecté une sorte de venin toxique. Je me sens nettement affaibli. Ma respiration est rauque. Pas certain que j’assiste à la cérémonie.

    Jour n°9341893 : Très faible. Le général a été transporté dans sa tombe. Comme je suis malade, on va d’abord essayer de me soigner avant de repartir. Je suis trop faible pour résister aux fortes pressions du voyage. La sale créature qui m’a fait ça a été tuée. Ma paupière pèse si lourd ...

    Jour n°9341898 : Je laisse cette dernière note dans le journal de mon frère. Il est mort de sa blessure à la main. Nous n’avons pas pu le sauver. On va le déposer, avec ce cahier inachevé, dans la tombe du général. Il sera son serviteur à jamais. Nous repartons dès que ce sera fait. Puissent nos dieux les accueillir au grand royaume !



    Second âge, jour n°1 : Après ce qui me parait être un long sommeil, j’ouvre mon œil, mais je ne vois rien. Couché sur une dalle rocheuse, je n’ai devant moi qu’une obscurité putride. Ma main malade n’est plus qu’un moignon cicatrisé depuis des millénaires. Ma peau est toute sèche et me gratte. Je touche quelque chose déposé son mon thorax cartilagineux : mon vieux journal ! Je me redresse. Le plafond est bas comme dans un caveau : je peux juste me tenir assis pour écrire en laissant pendre mes tentacules crâniens derrière moi. Un corps verdâtre git non loin de moi ; je reconnaitrais les longs replis de peau du dos du vieux général n'importe où... J’ai peur de comprendre…

    Second âge, jour n°4 : En me mettant debout, j’ai fait s’écrouler une grande partie des deux cercles de blocs de pierre dressés verticalement comme les barreaux d’une cage. La tombe n’est plus qu’une demi-ruine ! L’horrible étoile jaune est toujours suspendue dans son atroce univers bleu. La forêt, par contre, n’est plus là : elle a fait place à une plaine recouverte d’une méchante végétation. J’ai repris la rédaction de mon journal. L’astre blanc revient vite, dans cet aspect de griffe que j’avais déjà vu : quelque chose n’a pas complètement changé ici. 

    Second âge, jour n°7 : La petite planète blafarde change de forme. Tel un poumon globuleux, elle enfle en respirant puis se vide. Je l’apprécie pour la douceur qu’elle procure durant les brefs instants de sa surveillance céleste. La planète jaune me fait trop souffrir : quand elle flotte au-dessus de moi, je me cache et dors dans la tombe détruite.

    Second âge, jour n°11 : J’ai découvert qu’en étalant mes ailes sur le sol pendant que le petit astre laiteux est là, je parviens à humidifier un peu mon épiderme craquelé. Cela me procure un grand plaisir. Je suis justement en train de m’installer dans la pénombre pour me rafraichir dans l’herbe quand un rayon lumineux balaye en sursautant l’espace de la prairie. On dirait un double rostre brillant planté sur un encéphale primitif. Il est émis par une sorte de boîte en métal qui s’avance vers moi. Je ne vois pas les pattes de cet étrange insecte géant. Pourtant, il se déplace en rugissant ! La chose s’arrête à bonne distance et dépose soudain une grossière et insignifiante créature verticale, au physique osseux, sur son flanc droit. Cette chétive forme vivante, que je suppose être le pilote d’une machine bien primitive (puisqu’elle ne transplane pas), articule un galimatias incompréhensible en agitant entre ses pattes d’arthropode un engin de métal qui me parait fort complexe. Serait-elle tout de même douée d’une quelconque intelligence ? Lentement, je me redresse et fais face cette brindille animée et stridulante. Mon œil scanne cet être inférieur avec intérêt. Il me craint ! Ha ! Il tremble comme ce petit animal qu’on avait capturé avec mon frère. Je vais lui parler. Je lève mon bras intact, lui présentant ma paume. Les deux rangées de huit doigts bien écartés les uns des autres montrent que je n’ai pas de velléités guerrières à son égard. Soudain, dans un crépitement acide, je sens ma peau squameuse être chatouillée de toute part !

     
    [LNHI - 02.07.2019]
    Salome20s le 02 juillet 2019
    26 juin 2026 – Mont Graussfer


    Si je m'attendais à ça. Depuis le temps que je passe à sillonner les hameaux pourris de villes fantômes, je n'aurais jamais imaginé que leur folie pouvait atteindre de telles proportions. Pour qui me prennent-ils... avec ce tout se qu'il se passe de nos jours, comment pouvaient-ils penser que j'allais marcher dans leur petit numéro d'opérette ?
    Une pauvre fille endormie, sûrement shootée par je ne sais quoi par intraveineuse mais une pauvre fille endormie tout de même.
    Il faut que le monde soit devenu bien minable pour que certains se permettent de solliciter mes services pour une telle connerie. Si j'y retourne demain, c'est uniquement pour mettre un terme à tout ça. Je n'ai pas de temps à perdre et l'odeur du goudron fondu qui plane dans les rues de leur trou à rats me donne clairement envie de gerber.


    28 juin 2026 – Hôtel Persson

    L'affaire commence à virer, j'ai senti le bon moment pour me rapprocher. Bien que je ne sois pas encore très convaincu, je commence à penser que si cette gamine reste endormie toute la journée alors que les médecins me garantissent de ne plus rien lui donner depuis des jours, c'est qu'il s'agit bien d'un cas spécial. On peut penser qu'un type comme moi se foutrait d'un problème aussi banal mais petit à petit, alors que le monde part totalement en vrille, j'essaye de régler les choses qui se présentent naturellement à moi.

    Hier, on m'a appelé directement sur mon portable pour me demander de rappliquer dans la demie heure qui suivait. Pourquoi pas. Je suis monté dans la voiture avec une impression étrange d'urgence bien que si la fille avait fait le moindre geste, on m'aurait déjà prévenu.
    Quoi qu'il en soit, je suis arrivé au centre trempé de sueur. Plus personne ne semble remarquer ce genre de détail depuis que les températures affichent pas moins de 26 degrés en plein mois de novembre. Les saisons n'existent plus. Le ciel garde sa couleur ocre et terne toute l'année et l'image du Père Noël vêtu d'un grand manteau de fourrure, arrivant par une belle tempête de neige n'est plus qu'un lointain souvenir. J'ai été le témoin du pourrissement progressif du monde et du déclin de ce qu'on appelait jadis « l'équilibre mental ». Il n'y a pas un seul jour sans qu'un illuminé attire l'attention d'autres illuminés sur une découverte paranormale. La plupart de ces faits sont bien évidemment des intoxs, toutes le fruit d'un imaginaire perturbé en quête d'un sens nouveau.
    Cette vague de timbrés m'a pourtant permis de me faire un certain nom, une sorte de place gardée parmi les plus sceptiques. Depuis quelques années, je suis devenue expert en manifestations extraterrestres et moi seul peut juger de la véracité d'un fait.
    Dans la plupart des cas, ils passent tous pour des cons et moi, j'empoche.

    Une fois désinfecté, je suis rentrée dans la chambre 10. J'ignore encore pourquoi ces imbéciles ont donné un chiffre à cette chambre alors qu'à part notre Belle aux Bois Dormant, le centre n'abrite personne d'autre que cette bande de savants fous.
    La chambre 10, donc. Assez glauque comme décor, on dirait presque un film de science fiction dont on connaît déjà la fin rien qu'en regardant la jaquette. Si il y a une chose dont j'ai pris l'habitude, c'est bien que cacher la lassitude inouïe qui me ronge à chaque fois que je feins de m'intéresser à un cas.
    La gamine était toujours là, endormie, immobile. Bien-sûr. C'est seulement en faisant le tour de la table sur laquelle elle est étendue depuis des mois (connaissent-ils l'existence des escarres, ces bouchers?) que j'ai constaté un petit changement. Rien de bien fou, il manquait seulement un énorme carré de peau et de chair à son pied gauche. Posée sur une petite tablette presque mignonne, une pierre noire. Encore une fois, j'étouffais un soupir d'ennui...


    29 juin 2026 – Hôtel Persson

    Une pierre dans le pied, passe encore, mais la capacité de cicatriser aussi vite ! Je dois dire que ça commence à me titiller. Je ne suis pas médecin, ni même légiste mais puisque personne ne semble s’apitoyer sur le sort de la fille, autant en profiter pour me livrer à quelques expériences.
    Après quelques recherches, la pierre s'est révélée être une sorte d'amas organique. Rien de minéral, si ce n'est la texture. Plus dure qu'un diamant, ce truc est beaucoup plus intéressant quand on le chauffe un peu.
    Après plusieurs heures dans le four à micro-onde de l'hôtel subtilisé directement dans la cuisine, je peux dors et déjà affirmer que cette boule noire commence à se ramollir, voir même à transpirer...

    J'ai hâte que ça se finisse. Je commence vraiment à avoir sacrément mal au ventre avec ces odeurs de bitume brûlé.


    02 juin 2026 – Centre 456 234

    La pierre noire n'a plus rien d'une pierre. Je suis moi même surpris d'écrire qu'actuellement, j'observe son métabolisme à travers divers tests. Je crois bien que cette fois-ci, je tiens quelque chose.
    Il faut que je retourne voir la fille, même si je sais qu'il ne reste plus aucune trace de l'incision sur son pied. Il faut pourtant que je m'assure d'un détail.


    06 juin 2026 – Hôtel Persson

    Je suis conscient que la personne qui lira ces quelques lignes portera un jugement sévère sur moi. Admettant le caractère étrange de la situation, cette personne ne sera pourtant pas capable d'affirmer que cela est, ou bien a été, réel.

    Quand je suis retourné voir la fille, je suis arrivé à la fermeture des bureaux de recherche. Me connaissant bien, ils m'ont donné la carte magnétique servant à ouvrir et à fermer toutes les portes du centre, excepté celle de l'unique entrée. Autrement dit, j'étais prêt à passer la nuit ici.
    Ayant apporté avec moi ce qui fut pour nous tous un vulgaire morceau de charbon mais qui commençait alors à prendre la forme d'une sorte d'être en formation, je m'enfermais dans la chambre 10, observant le calme et la résignation de notre objet d'étude.

    Je commençais à piquer du nez quand, m'arrachant une sorte de hurlement avorté, je me suis retrouvé face à face avec la fille, assise sur sa table avec une étrange et douloureuse raideur.
    Appuyant immédiatement sur la télécommande censée donner l'alerte, je me suis rendue compte que le système électrique et électronique de la pièce semblait avoir été désactivé.
    Silencieuse et toujours redressée, la fille regardait droit devant elle et c'est à ce moment là que je remarquais la pâleur extrême de son regard, presque blanc, comme celui d'un aveugle.
    De longues minutes passèrent ainsi sans que je n'osais faire le moindre geste. C'est seulement après avoir tenté de formuler un mot que la fille pivota sur elle-même en faisant craquer ses vertèbres une par une. 1,2,3,4...
    Au début, je n'ai pas compris qu'elle tentait de communiquer quand une voix- ou plutôt un râle caverneux – s'éleva dans la pièce faisant vibrer tous les objets métalliques. Je tentai alors de l'apaiser par quelques paroles douces mais aucun son ne sortait de ma bouche. Elle en profita pour sauter de sa table, le corps dégondé, comme-ci quelque chose tentait de sortir de cette couche de chair et d'épiderme. A vrai dire, c'est exactement ce qui se produisit car en un craquement sinistre, le dos de la fille se brisa et c'est avec une horreur indéfinissable que je vis un être à l'apparence humaine mais cassé en deux, approcher vers moi à une allure rapide. Soulevant sa tête comme-ci aucun os n'assurait sa fonction de maintien, elle sembla fixer son regard sur le bocal qui contenait ce qu'autrefois se trouvait dans son pied. Je compris vite qu'il fallait que je lui remette cette chose.

    Au moment où ses doigts touchèrent le bocal, une gigantesque explosion de lumière me propulsa contre une des parois de la chambre. Un liquide chaud coula le long de mon épaule et bizarrement, cela me rassura.
    Le plafond de la salle, composé de milliers de barres métalliques censées repousser la moindre onde se désintégra en un vacarme formidable, me priva de mon ouïe à tout jamais. La chaleur provoquée par ce métal en fusion me causèrent également des séquelles que je garderai à vie, telle qu'une cicatrice le long de ma tempe droite. Pendant que je tentais de retrouver une vision partielle, je vis cette fille, autrefois si paisible, léviter vers le ciel dans des mouvements saccadés et imprévisibles. Comme l'image d'une télé en perte de réception, la fille disparaissait et réapparaissait tandis qu'elle grimpait encore plus haut. Soudainement, plus rien. Tout redevint calme.

    Avant de perdre connaissance, quelque chose de nouveau poussa en moi. Une sorte de certitude inédite, quelque chose que je savais depuis des années mais que je ne pouvais encore admettre. Je venais d'assister à la fusion involontaire de deux mondes, de deux univers en opposition. A la seconde où cette vérité s'imposa à moi, je compris que depuis toujours, il arrive qu'une chose peut ne pas se trouver à sa place et que le jour de son retour, beaucoup de certitudes voleront en éclats.



    Salomé.
    EVIbout le 04 juillet 2019
    IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
    Nous sommes le... quand sommes nous? 
    Tous les jours je persiste a griffonner le mur de mon repère. Mais je ne sais même plus quel jour, quelle heure, quel mois, ou quelle année. 
    J'écris ces lignes a chaque fois au même moment, quand mon ventre grogne après mon sommeil le plus long.
    Il n'y a plus de jour, il n'y a plus de nuit.

    Il n'y a plus qu'eux.

    Ils sont partout. cela dit ça fait trois sommeils que je n'ai pas eu a me cacher en sortant chasser mon repas.

    Peut être sont-ils partis?
    Comment savoir sans risquer ma vie... je ne peux pas faire 100m sans avoir peur de mon ombre.
    j'aurai préféré mourir le jour où ils sont arrivés. En masse. Pourquoi nous, pourquoi la Terre?

    Il ne reste plus personne. Ou du moins un tiers de ce que nous étions avant. Et pas la meilleure partie. On aurait pu se battre comme dans Indépendance day! Mais non, on choisit de suivre "La route" et de se manger les uns les autres.
    Ma solitude me pèse mais je préfère manger du rat et des insectes plutôt qu'un vieillard ou un enfant.
    J'ai encore cette terrible image en tête, celle ou j'ai vu un homme, conscient qu'il ne s'en servira plus, a couper son sexe pour l'offrir a ses enfants! " mieux vaut s’amputer le sexe que le pied ou la main!" Ce con est mort quelques temps après du à une infection. Ses enfants l'ont vu se faire bouffer par les gens de leur groupe.

    C'est cette nuit que j'ai décidé de partir. Mieux vaut être seule que d'attendre de se faire déguster par le voisin.

    IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

    Encore un long sommeil de plus.

    Je ne sais pas comment je fais pour accepter tout ça.
    Après ces quelques lignes j'ai bien l’intention de parcourir une dizaine de kilomètre de plus. J'espère que je ne rencontrerai aucune ombre. 
    Avoir peur des ombres. Ils sont si noir, si grands, si ... pas la peine de me faire maintenant et risquer de me décourager!

    Je ne sais pas depuis combien de temps je marche. Je n'ai pu faire aucun long sommeil depuis longtemps, je ne sais pas comment je fais pour marcher. J'ai faim... j'ai tellement faim que je me suis demandé si je pouvais me couper un bout de mon cul pour le bouffer. oui vraiment, j'ai pensé a l’éventualité de manger mon postérieur! J'AI FAIM!
    Je viens de me caler dans une sorte de grotte, ici aussi les murs sont bariolés de traits. Tout le monde a le réflexe de compter. Mais le désespoir guette à chaque ligne supplémentaire. Je vais essayer de dormir. Peut être que je me réveillerai.


    IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

    RogerRaynal le 05 juillet 2019
    Le premier pas


    Une fois tous les deux ans, la bibliothèque de l’université de Miskatonic brade les livres dont elle ne veut plus dans ses rayons avant de les renvoyer au recyclage, faisant le bonheur des bibliophiles et des curieux. J’étais ce jour-là à la recherche de gros volumes épais, non pour les lire, mais pour réaliser, en utilisant leur reliure, une décoration qui me permettrait de fabriquer deux petites tables de nuit donnant l’illusion d’être constituées d’un empilement de grimoires. J’ai en effet une boutique de curiosités où, en complément de la vente d’objets anciens, je réalise des meubles sur mesure pour des clients exigeants, dont certains sont d’ailleurs membres de l’université. Je trouvais aisément mon bonheur (du moins, je le pensais  à l’époque) et regagnais mon domicile lesté de plusieurs volumes de belle taille et d’un poids certain. J’étais gêné par ma charge et l’odeur de la mer toute proche, qui jamais ne m’avait incommodé, me sembla, au bout de quelques centaines de mètres, de plus ne plus oppressante. Je parvins toutefois sans encombre dans ma boutique et me déchargeait avec soulagement de mon fardeau littéraire. 

    Je me mis à l’ouvrage immédiatement : je devais évider l’intérieur des livres et coller leur reliure sur des cadres de bois qui, vissés les uns aux autres, assureraient la solidité de cette pile et constituerait le petit meuble que je désirais. Ce n’est qu’à ce moment que je m’intéressais aux sujets dont traitaient les ouvrages : visiblement peu lu par les étudiants modernes, ils avaient un aspect neuf, ce qui était important pour moi, et consistaient principalement en une collection d’articles de revues scientifiques, les annales de paléontologie d’Arkham. 


    Je recherchais rapidement si quelques-uns contenaient quelque belle gravure à encadrer et revendre, mais ce n’était pas le cas. Je feuilletais rapidement un fort volume d’un beau vert lorsqu’un morceau de la reliure se détacha, laissant choir un épais carnet de feuilles manuscrites. Les feuillets jaunis portaient le premier monogramme de l’université de Miskatonic, que l’on peut encore voir au fronton de ses plus anciens bâtiments, ce qui me conduisit à penser qu’il devait se trouver dans ce volume depuis fort longtemps. Le feuilletant, j’aperçus de belles illustrations que je pris pour des bas-reliefs d’animaux fantastiques, aussi je me promis de lui accorder davantage d’attention. Toutefois, je ne pus m’y consacrer avant quelques jours. Au soir fatidique de ce huit novembre de l’an 19.., je pris en main ces feuillets en comptant déchiffrer cette écriture qui, nette et appliquée sur les premiers feuillets, prenait insensiblement une forme plus compacte, signe de l’agitation croissante de son auteur.

    Depuis, j’hésite à sortir la nuit tombée et ma maison, dont les fenêtres supérieures donnent sur l’océan, me semble étrangement bien trop proche du rivage. Le bruit des vagues c’est pour moi mué en une succion perpétuelle qui hante mes rêves et parasite mes journées. J’aurais mieux fait de bruler ce cahier avec les autres pages sans intérêt de ces vieux livres, mais je me dois à présent de prévenir ceux qui me succéderont des horreurs sans nom qui m’y ont été révélées.

    Les feuillets cachés dans la reliure des annales constituent un journal écrit par Samuel Sanderson, étudiant en paléontologie. Il se poursuit sur de nombreuses années, Sanderson étant devenu par la suite un professeur d’université aux thèses controversées avant de disparaitre de façon tragique, ayant été retrouvé noyé dans la baie un fusil à gros calibre encore en bandoulière, ce singulier attirail pour un pêcheur ayant marqué en son temps les mémoires. Il semble avoir noté compulsivement de nombreux événements de sa vie solitaire, de ses repas à ses problèmes de santé. Je ne donne ici qu’une recension partielle de ses écrits, elle sera de nature à éclairer d’un jour nouveau, et combien horrible, les récentes découvertes sur lesquelles je reviendrai par la suite.


    ***

    Journal de S. Sanderson.


    3 Juillet

    Je suis arrivé sur le chantier de fouilles de K, avec trois autres étudiants. C’est un travail répétitif et harassant, nous creusons les couches de schistes déposées voici plus de trois cents millions d’années et, méthodiquement, nous les fendons pour mettre au jour des fossiles datant de cette période que le professeur West nomme « la sortie des eaux des vertébrés ». La plupart du temps, nous ne trouvons que des fragments sans grand intérêt.


    6 Juillet 

    Cet après-midi, le professeur West est venu interrompre notre travail pour nous conduire vers sa dernière trouvaille : un paléosol parfaitement conservé. Il s’agit d’un ancien rivage donc une catastrophe géologique, peut être une coulée de boue ou une pluie de cendres, a assuré une excellente conservation. Nous dégageons avec précautions les lames de schiste qui révèlent cet ancien terrain dont nous ignorons encore la superficie. L’un d’entre nous, Herbert, à mis au jour un poisson fossile parfaitement conservé d’une espèce nouvelle, dont West s’est immédiatement donné la paternité. Pour ma part, j’ai mis au jour les traces laissées dans le sol, voici trois cents millions d’années, par des vers et des crustacés dont je ne retrouve que les carapaces incomplètes. À cette époque, aucun animal à vertèbre ne marchait sur Terre, aussi je ne désespère pas de découvrir les traces de cette transition des poissons aux amphibiens, même si je m’inquiète de West, qui semble vouloir s’approprier tout ce que ses étudiants peuvent découvrir. Fendre le schiste sous la chaleur est harassant. 

    7 Juillet 

    Herbert à mis au jour des traces d’un animal qui a rampé hors de l’eau, avec des fossiles de carapaces d’insecte. Peut être a-t-il pris là son dernier repas, il y a des centaines de millions d’années. West était comme fou, tant la scène est bien conservée. Il a immédiatement rédigé un billet pour la société de paléontologie, décrivant « sa découverte ». Si je trouve quelque chose, contrairement à Herbert, je recouvrirai de terre ma trouvaille et je rédigerai moi même une communication. 


    9 Juillet 
    Herbert et West se sont disputés. Cela devient fréquent. De nombreux poissons fossiles ainsi que des plantes, comme des débris de fougères géantes, ont été mis au jour. Cette campagne s’annonce déjà couronnée de succès.


    15 juillet. 
    J’ai tout recouvert de terre. 
    J’ai dégagé un ancien rivage, on voit même dans la roche les rides que l’eau avait construites sur le fond sablonneux de l’époque, transformé en pierre depuis. J’ai arrosé la roche pour mieux discerner les traces les plus légères. J’ai bu un peu, puis lorsque j’ai posé de nouveau les yeux au sol, j’ai cru que j’avais par erreur marché sur ce rivage fossile. J’ai regardé autour de moi, mais ce n’était pas une farce. West et les autres étudiants étaient en train d’examiner des fossiles de poissons, j’étais seul. Le soleil a vite séché l’eau, et je n’ai plus rien vu. Tremblant, j’ai de nouveau humecté la roche. Une trace de pas. Cela ne pouvait pas être vrai. Avais-je involontairement abimé la roche ? Je regardais de plus près : c’était apparemment la trace d’un pied nu, mais bien plus grand que le mien. On y discernait aisément les traces d’un talon et de six doigts griffus qui, il y a trois cents millions d’années, avaient marqué le sable de cette plage engloutie à présent sous des tonnes de roches. Ce ne pouvait être qu’un artefact, une illusion. 

    J’ai tout recouvert de terre.


    22 Juillet 
    J’ai dégagé la roche et fendu le schiste dans la direction indiquée par mon empreinte. Si ce n’est pas un accident, je pensais en trouver d’autres, priant le ciel pour que, à l’inverse de mes désirs au début du chantier, je ne trouve aucune trace suspecte. Malheureusement, elles sont là. Des « pas ». J’ai dessiné ces derniers, pris quelques photographies le plus discrètement possible. J’ai recouvert de terre les traces, dont certaines, cette fois, sont très nettes, ne laissant pas place au doute.


    26 Juillet 
    La campagne de fouille s’achève dans quatre jours. West a découvert une trace semblable à la mienne. Il l’a regardée en riant, disant que c’était un artefact, une illusion. Comme je lui demandais s’il en avait déjà rencontré, il m’a affirmé qu’il y avait, dans les tiroirs des sous-sols de la section de paléontologie, de nombreux pseudofossiles semblables catalogués comme artefacts. Il m’a aussi demandé de ne pas perdre mon temps avec ces concrétions sans avenir qui n’ont autre intérêt que leurs conditions de formation. Si seulement il avait pu avoir raison !

    7 Aout. 

    Je reviens à l’instant du terrain de fouille. J’ai dégagé ces derniers jours les traces fossiles sur une dizaine de mètres. Elles s’achèvent à la limité d’une grande dépression de la roche, de plusieurs dizaines de yards de diamètre, cerné par des trous de forme géométrique, souvent carrés,  profonds d’un demi-pouce. J’ai prélevé quelques échantillons de roche, avec deux trous complets, dont un qui comporte, au fond, une trace brillante. J’ai aussi prélevé une empreinte. J’ai demandé à effectuer un stage au département de paléontologie ces prochains jours, alors que je pensais partir en vacances à Bangor, dans le Maine. Je veux comparer mes « artefacts » avec ceux que West a dit être communs dans les réserves de la Miskatonic.
    RogerRaynal le 05 juillet 2019

    Le premier pas : SUITE


    15 Aout.

    J’ai examiné les échantillons classés en tant qu’artefacts. Nombreux sont ceux qui ne sont en effet que de simples, mais curieuses, concrétions, mais en ouvrant un des tiroirs de bois vernis des grands meubles datant de la fondation de l’université, j’ai eu le souffle coupé. 


    Une trace identique à la mienne, ou du moins très similaire était visible dans du calcaire âgé de plus de soixante millions d’années. J’ai fouillé rapidement les autres tiroirs, où les artefacts ont été classés par terrains et époques d’origine : j’en ai trouvé trois autres provenant de terrains datés de soixante, quarante et dix millions d’années. Les miens sont les plus anciens. Il faut que ce ne soit que des concrétions minérales à la formation mystérieuse et aux formes surprenantes. Je veux, désespérément, qu’il en soit ainsi, mais l’alignement et la disposition de mes « pas » m’indiquent clairement qu’une créature de plus de trois mètres a, il y a plus de trois cents millions d’années, marché sur une plage alors que nos ancêtres vertébrés étaient à peine plus que des poissons se trainant dans la vase. J’ai dessiné les fossiles trouvés dans les parages, ainsi que les traces aux différentes époques : elles sont similaires. Celui qui a laissé ses traces, ou du moins son espèce, a perduré pendant au moins deux cent quatre-vingt-dix millions d’années. Je dois étudier plus avant ces étranges fossiles ainsi que les fragments de trous carrés auprès desquels elles s’interrompent.


    2 Septembre

    J’ai dû garder la chambre ces derniers jours. En fouillant les réserves du département de paléontologie, j’ai trouvé des fossiles dans un merveilleux état de conservation qui avaient été rejeté sans examen, par erreur. J’ai là de quoi réaliser un article qui m’ouvrira peut-être les portes du professorat. Cela me distraira, du moins, de mes autres découvertes, qui seraient plutôt de nature à me barrer définitivement l’accès à toute activité scientifique digne de ce nom.

    J’ai usé la roche pour libérer la trace brillante visible au fond du trou carré sans la détruire. C’est une feuille de métal. À lui seul, ce fait est incompréhensible. Aucun métal ne résisterait à un ensevelissement de trois cents millions d‘années. Pourtant, devant moi, ce modeste carré d’un demi-pouce de côté et de quelques lignes d’épaisseur, blanc brillant, semble terriblement contemporain. Trop, peut-être.  Je me suis résolu à en détacher un morceau pour en confier l’analyse à un ami du département de métallurgie. 

    Ce que j’ai découvert me donne le vertige. Qui sont ces êtres qui ont parcouru la Terre pendant que la vie y traçait son chemin ? D’où viennent-ils ? Qu’ont-ils vécu? J’espère qu’il y a encore une chance que je me sois trompé. 


    15 Septembre

    J’ai passé ces deux derniers jours dans un état d’agitation extrême. Le département de métallurgie me demande avec insistance la provenance de mon échantillon. Ce métal leur est inconnu. Ses propriétés sont extravagantes. Il semble, par exemple, conduire le courant électrique sans aucune résistance. Cette particularité seule en fait une découverte sans égale. J’ai toutefois pu récupérer l’échantillon, dont l’examen spectroscopique a révélé encore une propriété extravagante : il semble avait été exposé à des rayonnements intenses, à des conditions physiques qui ne sont pas de ce monde. Un fragment minuscule, vaporisé dans une flamme extrêmement chaude, a montré un spectre dont certaines parties, énigmatiques, sont étrangement voisines du spectre d’une étoile des Pléiades, Célaéno. Ces résultats s’enchainent et me conduisent dangereusement près de la folie. Si je révélais mes découvertes, je passerais immédiatement pour mentalement dérangé, et mes preuves ne seraient même pas examinées. 


    7 Octobre

    J’ai voulu suivre les avis de mes proches qui, me trouvant surmené si près de la rentrée universitaire, m’ont conseillé de prendre un peu de repos. Je me suis donc retrouvé avec Herbert et Howard, mes collègues de chantier de l’été dernier, à déambuler sur la plage après avoir vidé quelques bières. Je veux croire que mon discernement en a été altéré. Il le faut pour que mon esprit conserve quelque trace de sérénité.


    Nous nous sommes retrouvés près du rivage, dans le soir tombant. La mer semblait une étendue noire qui s’entêtait à mourir sur les rives, déposant à chacune de ses allée et venue de longues algues brunes entremêlées de créatures marines visqueuses. Howard nous apprit que nous n’étions pas loin d’un entrepôt où, il y a quelques jours, avait eu lieu un meurtre horrible. Le cadavre d’un pécheur y a été retrouvé, complément disloqué et en parti dévoré, probablement par les créatures marines, crabes ou autres crustacés, qui quittent l’abri des eaux à la marée descendante et se sont repus de son cadavre. Howard a voulu nous montrer l’entrepôt en question, mais en nous approchant, une odeur fétide, comme celle exhalée par un marais contenant des restes en putréfaction, nous a dissuadés d’aller plus avant. Nous nous sommes retournés vers cet océan de ténèbres glauques qui venait lécher nos pieds. C’est alors que je l’ai vue.

    Pas longtemps.

    Mais je l’ai vue.


    3 Janvier

    J’ai du cesser de compléter ce journal quelques mois, ayant du prendre quelque repos. J’ai voulu me persuader, lentement, d’avoir été le jouet de mes sens. J’ai occupé mon esprit en redussent une série d’articles sur la zoologie du dévonien, observant un scrupuleux silence sur certains faits qui se doivent de rester ignorés. 

    J’en suis venu à réfléchir à tout ce que nous ignorons dans le gouffre des millions d’années. Nous pensons être les premiers. Et si nous nous trompions ? Si l’humanité demain disparaissait, quelles traces subsisteraient de son existence, et surtout, combien de temps ? En moins d’un million d’années, nul témoignage de notre existence. D’autres formes de vie, d’autres animaux sont-ils parvenus à la conscience ? Ont-ils construit des cités merveilleuses, jetés des ponts au-dessus d’océans depuis longtemps disparus ? Les sauriens géants du mésozoïque ont-ils eu des descendants, ou des contemporains, capables de bâtir des empires, d’écrire des épopées et de bâtir des navires ? Si cela a été le cas, il n’en subsiste rien et, séparées par des milliers de siècles, des civilisations peuvent se succéder sur le globe tout en restant chacune totalement inconnue des suivantes. Peut-être même d’autres entités, d’autres intelligences, ont elles autrefois régné sur ce globe avant d’en disparaitre, ou bien de repartir vers leur origine inconnue, dans les profondeurs de l’espace.


    Et si elles n’étaient pas reparties ? 


    La nuit, l’océan me murmure une chanson venue du fond des âges, et qui me terrifie. Nous connaissons mieux la face de la Lune que le fond de ses gouffres. Quelles immondes terreurs auraient pu s’y réfugier pour y vivre dans ses noires profondeurs, comme les loups sont retournés à l’océan pour devenir des orques ? 

    La nuit, l’océan reflète les étoiles froides qui sont des soleils autour desquels tournent des mondes.

    La nuit, je revois encore cette vague, ourlée d’écume, lécher et faire disparaitre la trace fraiche dans le sable de la plage. La trace fraiche d’un pied à six doigts armé de griffes, la trace d’une créature qui arpentait déjà la Terre alors que nous n’étions que des tritons se débattant dans la fange. Je pourrais parcourir l’océan à la recherche de ces créatures, mais je crains fort que ce ne soit elles qui me cherchent. Qui de nos deux espèces sera la proie, qui sera le chasseur ? Je laisse aux siècles futurs le choix de la réponse.

    RogerRaynal le 05 juillet 2019



    La suite du journal décrivait l’ascension sociale de Sanderson  à l’université, ses repas, ses recherches, mais ne faisait plus référence à cette histoire de traces mystérieuses. 

    Si l’on voulait bien y réfléchir, ce qu’il disait était terrifiant, mais comme le reste de son journal donnait tous les signes d’une personnalité très perturbée, je ne m’en suis guère inquiété. J’ai par contre encadré, et bien vendu, ses dessins au crayon de fossiles, et même les croquis de ses fameuses empreintes m’ont été achetées un bon prix par un voyageur, un type grand et maigre de Providence, qui m’a même demandé si j’avais d’autres documents du même genre. J’ai failli lui parler du carnet, mais ses yeux noirs, comme hallucinés, m’ont dissuadé de le faire.

    J’aurais pu en rester là, mais, ce matin, j’ai vu ce journal. 

    En fait, j’ai surtout voulu emballer un vase qui plaisait à un client avec des vieux journaux. Et je l’ai vue. Sur une photographie, l’empreinte à six doigts griffus. Comme celle des gravures, du moins, dans mon souvenir, puisque je ne les aie pas conservées. 

    L’article de l’Arkham Advertiser traitait de bétail retrouvé mort près de Dunwich après l’attaque de ce que l’on pensait être un ours, ou du moins un gros prédateur, au vu des marques retrouvées sur les dépouilles des animaux. Ce n’était qu’un entrefilet, mais le journaliste avide de sensationnel avait cru bon de l’illustrer de mauvaises photographies montrant les « traces de l’animal » et le fermier posant devant le cadavre mutilé d’une vache, fourche en main. 


    Le client a emporté son vase, j’ai dû m’assoir, transi d’angoisse. Et si Samuelson avait raison ? J’ai relu son carnet, et je me suis promis de passer bientôt à l’université pour essayer d’en savoir plus sur ces fameux fossiles, ces traces qui ne devraient pas être. Du moins, je vais essayer.


    Le soir tombe, la lumière s’enfuit au fond de l’océan, et, depuis l’étage, je contemple la surface des eaux. Les Pléiades vont bientôt se lever ; déjà Aldébaran, l’oeil rouge du Taureau, est nettement visible dans cette nuit presque liquide. Samuelson parlait d’une des étoiles des Pléiades, je crois, que mes yeux ne sauraient distinguer. Ciel et océan, étrangement semblables, qui vont se marier à l’horizon des possibles.

    Qui a-t-il derrière ces deux ciels ? Ont-ils dans le passé consommé leur union ? Des êtres immondes étrangers à la mort même, venus de ciels différents, habitent-ils encore les profondeurs, s’aventurant quelquefois sur Terre  pour des raisons qui ne peuvent qu’échapper à nos esprits limités ? Qu’est-ce qui sommeille dans les profondeurs de l’onde ?

    Les vagues ont un bruit de succion. Je dois éviter de les regarder la nuit, j’ai l’impression d’y voir s’agiter des silhouettes difformes. Jeux de mon imagination, sans aucun doute. 


    Il faudra que je fasse renforcer mes verrous. Mais quelle serrure pourra garantir ma raison contre la terreur qui frappe désormais aux portes de mon âme ?
    thipe5 le 10 juillet 2019
                                                        Dans l'épuisette

    Samedi 6 juillet 2019


    Je ne sais pas pourquoi je me suis mis à tenir un journal. C’est d’un ringard. Pourtant, pas trop le choix. Je ne sais pas ce qui se passe, encore moins ce qui va se passer, alors autant tout consigner par écrit, c’est plus prudent.
    Nous sommes arrivés jeudi soir avec Théo, mon fils de huit ans.
    Ostende, le soleil, la mer, la plage les cuistax, les moules et encore plein d’autres trucs. On avait vraiment de quoi passer deux super semaines de vacances à nous deux. Bon, OK, c’est pas les Seychelles non plus, mais quand on est un père célibataire comme moi, c’est un peu le paradis pour nous deux.

    Rien de particulier à signaler le jeudi. Décharger les bagages, prendre possession de l’appart, avaler chacun un sandwich au fromage puis dormir.

    C’est vendredi matin que ça a commencé. On est allé à la plage. Théo a voulu aller pêcher la crevette avec son épuisette. Il aurait pu se contenter d’attraper des sardines, mais non. Il a fallu que Monsieur fasse encore autrement que tout le monde.
    Il avait un poulpe dans son épuisette. Un drôle de poulpe. Je n’avais encore jamais vu ça. De quoi faire pâlir de jalousie le fantôme du commandant Cousteau. Minuscule, pas plus gros que mon poing, mais d’une couleur vert flash. La bestiole ne bougeait plus. Déjà morte depuis longtemps probablement. Si ça n’avait tenu qu’à moi, on aurait balancé ce truc puant et on en aurait plus parlé. Mais je ne sais toujours pas pourquoi j’ai dit oui quand Théo a voulu le garder. Je suis trop faible pour lui refuser quoi que ce soit à ce gosse, voilà le véritable problème.

    Théo a mis « son » poulpe mort dans un seau rempli d’eau, où il a passé le reste de la journée. C’était le début des emmerdes, j’aurais dû m’en douter plus tôt.

    La nuit de vendredi à samedi, Théo m’a réveillé en hurlant. Il prétendait avoir entendu du bruit sous son lit. Simple cauchemar ? Je n’en suis plus si sûr à présent. Je l’ai rassuré comme j’ai pu et il s’est rendormi assez rapidement. En quittant sa chambre, j’ai jeté un œil au seau avec le poulpe déposé près de la porte, en dépit d’une puanteur de plus en plus insupportable. La bête était toujours là, mais j’aurai juré qu’elle était déjà nettement plus grosse que ce matin quand elle avait été pêchée.

    Une deuxième fois Théo s’est réveillé. De nouveau un mauvais rêve ? Peu importe, j’en ai eu marre. Je l’ai plaqué au mur et je lui ai collé deux bonnes baffes. Ce n’est pas trop mon genre de faire ça, mais quand ma patience atteint ses limites, mon besoin de cogner devient irrépressible.

    Ce matin en tout cas, j’ai dû aller moi-même tirer Théo du lit. Ce n’était pas normal. Il était tellement pressé de retourner à la plage la veille. J’ai eu peur de l’avoir tué. Mais personne n’est jamais mort de deux baffes dans la gueule. Pourtant, mon fils était couché en position fœtale, pâle comme jamais. Il pleurait en silence. Je me suis excusé mais il ne m’a pas répondu. J’ai regardé dans le seau. Le poulpe n’était plus là. Théo l’avait-il bouffé ? Bizarre, mais pas impossible. Mon fils avait toujours été un petit con, comme sa mère après tout. Logique.

    J’ai pris mon GSM pour appeler un médecin. Pas de réseau. J’ai voulu sortir chercher de l’aide, mais la porte de l’appartement était verrouillée. Qui est le connard qui nous a joué un tour pareil ? J’ai gueulé mais personne ne nous a répondu. Idem pour la fenêtre. Bloquée. J'ai eu beau gesticuler, personne ne m'a vu depuis la digue. A croire que je suis devenu invisible.

    Voilà pourquoi j’écris ces lignes. Je sens qu’une saloperie va nous tomber dessus. Ou plutôt je sais qu’une saloperie nous est déjà tombée dessus et qu'elle risque de passer à l'action très bientôt.

    Dimanche 7 juillet 2019

    Nouvelle nuit atroce. Théo est resté sur son lit. Impossible de le faire bouger ou d’aller chercher du secours. Prisonnier d’un appartement en vacances, c’est un comble.
    Vers minuit j’ai entendu un cri. Pas un cri d’enfant mais celui d’une bête sauvage et affamée. J’ai couru voir Théo. Il n’avait pas bougé d’un poil mais ses yeux étaient grand ouverts. Des yeux terrifiés. Deuxième hurlement.

    J’ai jeté un œil au plafond et je l’ai vu. Le monstre était accroché la tête en bas, comme une chauve-souris. Il ne semblait plus mort du tout et il me regardait fixement

    . Deux yeux bleus comme la glace, pleins d’intelligence et de malveillance. La cruauté à l’état pur.

    Troisième hurlement. Je suis sorti en courant de la chambre, épouvanté.

    Désormais, je dois me rendre à l’évidence. C'est un jeu du chat et de la souris. Et je n'ai rien d'un chat.

    Dimanche 7 juillet 2019

    Début de soirée. J’ai tout tenté pour l’écrabouiller, mais ça n’a servi à rien. Il est beaucoup trop rapide et rusé. De plus, il a maintenant la taille d’un poulpe normal et il ne me parait plus inoffensif du tout.

    J’ai besoin de sommeil, mais je sais que si je m’endors, je ne me réveillerai peut être plus jamais. Il n’attend que ça.

    Dimanche 7 juillet 2019

    Réveillé en pleine nuit par des bruits de pas. Nous viendrait-on en aide ? Non, c’est Théo qui se lève enfin.
    Ce n’est plus mon fils. Il est blanc comme la mort, le regard vide, dépourvu de toute volonté. Un vrai zombie. Un pantin manipulé par un marionnettiste sadique.  Le monstre est maintenant perché sur la tête de mon gosse, ses tentacules profondément enfoncés dans son crâne. Je vois une matière blanchâtre couler. Il mange. Doucement, il déguste son plat favori.

    Mais pas seulement.

    Il cherche aussi à me faire peur pour m’affaiblir pendant que lui se nourrit de la matière cérébrale de Théo. Quand je serai à demi- mort de faim et de soif, complétement fou en plus, il s’occupera de moi. Ca l’amuse certainement de me voir écrire ces lignes à toute allure car il ne cesse de ricaner.

    Lundi 8 juillet 2019

    Tout s’éclaire : ce n’est pas un poulpe. C’est une entité venue d’ailleurs. Mais d'où? Je l'ignore, et je m'en fiche pas mal après tout.
    Elle est experte en manipulation mentale. Son truc, c’est le cerveau humain. Elle a fait en sorte que Théo la prenne dans son épuisette. Elle s’est nourrie de notre peur, de ma colère. C’est ça qui la rend plus forte et plus grosse d’heure en heure.

    Elle nous a piégés de telle sorte que nous croyions encore être dans l’appartement alors que nous n’y étions plus vraiment, déjà transportés je ne sais où, dans quelle prison astrale.

    Ca n’a aucun sens, je sais. Vraiment aucun.

    C’est pourtant vrai.

    Mardi 9 juillet 2019

    Plus rien à faire. Théo est mort cette nuit. Cadavre sur le carrelage. Monstre toujours sur sa tête. Il termine son repas. Bruits de succion. Odeur de charogne. A dégueuler.
    Nouveau cri. De moi, cette fois. Je craque.

    Plus d’eau, plus de nourriture. Je n’en peux plus. C'est la fin.

    Il s’est décroché  de la tête de Théo.

    Plus de force. Il arrive.

    Après l’apéro, le plat de résistance. Il recommencera. Et l’été qui débute à peine...



       
    Blakflint le 12 juillet 2019

    EVEIL


    Je ne saurai dire ce qui, en premier, me tira de l’inconscience, le froid mordant de l’eau glacé ou la douleur aiguë que je ressentais, mais cela m’avait sans nul doute évité la noyade.

    De toute évidence j’avais dû me briser le bras à un moment ou un autre. Le déchirement transperçant ma chair, cumulé à cette couleur violasse putride ne laissait que peu de doute à ce sujet. J’étais désorienté, acculé en ce lieu inconnu, à la limite de l’hypothermie. Je devais faire quelque chose.

    J’usais péniblement de mon peu de vigueur, dans l'espoir de pouvoir me redresser à l’aide de mon bras valide, tout en essayant de dégager les gravats me recouvrant. L’énergie déployée à cette épreuve me procura un intense vertige et faillit me faire sombrer de nouveau dans le néant. Je pris une profonde inspiration et perçus quelques étincelles scintiller devant mes yeux.

    Après plusieurs tentatives je pus me libérer de cette prison de détritus mais l’effort engendré m’assaillis de fatigue. Je restais là, un moment infini, vidé, couché sur le sol, tentant de rassembler mes esprits sur les circonstances qui auraient pu me contraindre à cette situation.

    Force fut de constater que rien ne me revint en mémoire, pire, je ne pus me rappeler jusqu’à mon propre nom. J’étais dans l’incapacité d’organiser la moindre pensée cohérente. Je flottais dans un état brumeux, résultat probable de l’accident qui m’avait conduit ici, car manifestement, à en juger par l’état chaotique du rivage, j’avais dû être victime d’un dramatique événement.

    Une vision apocalyptique s’étendait par delà l’horizon, ne laissant le sol découvert qu’à de rares endroits. Je siégeais, esseulé, au centre de cet abîme de désolation, sous ce ciel d’encre, abyssal, lorsqu’un frisson saisissant, me courut le long du dos.

    La nuit était sans lune et semblait éternelle, à cet instant, une peur ancestrale grandie en moi, l’obscurité et les ténèbres ne feraient que croître.

    ****

    Ne pas sombrer dans le désarroi. Je devais trouver un refuge. Patienter.
    Le lendemain serait un jour nouveau, je partirais inspecter les décombres à la recherche de quelques objets utiles à ma survie, un autre survivant peut-être…

    Le froid pénétrant mes os, le désœuvrement, l’inactivité m’ankylosaient et je dû user de mes dernières ressources afin de me mouvoir.
    Un étrange paysage morbide se dessina devant moi, l’exploration de ce site avait quelque chose de fascinant, tant, l’imagination d’un être, n’aurait pu être qu’en deçà de la vérité.
    Au détour d’un pic rocheux je débouchais sur une vaste clairière, quand figé d’effroi, je découvris ce qui, au premier abord me parut être une habitation. Une fortification aux dimensions démesurées gisait sous mes yeux. Cet édifice était assurément une création de main d’homme, si tant bien est que les hommes eurent foulé cette terre un jour.

    Ce n’est qu’en examinant minutieusement le monolithe, une fois à proximité, que je découvris sous son lit de mousse et de lichen, un matériau pour le moins étrange, d’une composition anormale. Je ne sus discerner de suite la nature de l’objet. Aucun dégagement, ni cavité, ne laissait entrevoir une possibilité de franchir ce rempart. Cet endroit répugnant rependait une émanation âcre de putréfaction, il vibra en moi un malaise grandissant…

    Trouver un abri au sein même de cette forteresse fût-il un choix judicieux ?

    La flore locale étant fort déterminée à entraver mon exploration, je mis de longues heures à dénicher une brèche suffisamment spacieuse pour pénétrer ce gouffre sinistre. Je sentais peser sur moi le regard d’ombres malveillantes, une peur enfantine de me heurter à d’horribles créatures occultes me poussa à pénétrer dans la citadelle. C’est alors, au moment où je me glissais à l’intérieur qu’un cri résonna dans ma tête.

    «…Yog’soghoth…n’gha…Asalka…» 

    Ce hurlement, rugit d’une une voix gutturale, cauchemardesque, semblable à des milliers d’âmes torturées me fissura l’esprit.
    Je succombais à la douleur.

    ****

    Combien de temps suis-je resté étendu là ? Gisant, sans connaissance?

    Je ne m’en aperçus pas immédiatement tant le changement fut subtil. Mais un élément insignifiant, insondable, modifiait la nature même de l’éther. Il semblait comme se rétracter. Il semblait comme se replier en un point imperceptible. Le concept de temps lui-même en ce lieu semblait avoir été suspendu.

    Un sentiment d’éternité s’échappait de cet antre.

    La panique, l’incompréhension de ce que je vivais depuis mon réveil fit monter en moi une angoisse indescriptible, une terreur atroce, je profanais le tombeau d’un effroyable monstre millénaire. Je me mis à haleter, suffoquant, sur le point de céder.

    Je pleurais longuement.

    Encore chancelant, je me remis à arpenter lentement ce tunnel lugubre d’où ruisselait une odeur pestilentielle. Continuer à avancer, avoir un but, pour échapper à ce songe horrifique.
    Cette coursive débouchait, sur une vaste ramification de galeries aux dimensions cyclopéennes, comme j’étais dans l’erreur de croire que de simples mortels puisse bâtir un tel édifice, il devenait incontestable, que ce temple maudit n'eut été conçu, par, et pour l'homme, mais par quelques monstrueuses entités sans âge. En progressant le long de ce corridor au sol gélatineux, une sensation m’envahit lentement, j’étais happé, guidé, le long de ces murs aux symboles inconnus.

    Un doute. Et si finalement, ma présence ici, n’étais pas simplement due à une malheureuse conjoncture d’événements.

    De nouveau cette voix abominable me fracassa le crâne. Une puissance invisible arrachait mes pensées. Je me retrouvais projeté a terre, écrasé par cette force vertigineuse. Je luttais contre un tourbillon d’effroi, quand la réalité se voila, commença à se modifier. Les parois, le sol, toute la galerie changea, glissa progressivement vers une géométrie non-euclidienne, chaotique, produisant ainsi des angles impossibles. Et subitement cela cessa.

    J’étais maintenant en dehors de toutes choses. En dehors du temps, de l’espace. Une énergie nouvelle coulait en moi, mes blessures avaient cicatrisé, la faim, la soif avaient disparu, mon corps ressuscité, et c’est là, au milieu du vide cosmique que je le vis.

    Ce qui aurait fait vaciller tout esprit saint dans la démence.

    Dans ce ciel funèbre, dépourvu de toute vie, dans un désert infini de désespoir, un astre prodigieux, flamboyant d’un halo sans lumière, berceau de la mort, trônait en maître du néant.

    Le dévoreur de monde.

    Je l’ai entendu encore, il m’a appelé, moi, celle à qui il murmurait sa destinée depuis la nuit des temps.

    «  …Viens…à moi…Asalka… ».

    ****

    Je me souviens désormais, j'aspirai à cette chose sans âge, innommable, à cette créature antique, plus ancienne que l'univers, cet incube intemporel.

    Bientôt sera le jour de la Bête. Le Voyageur renaît en moi, il s’éveillera à nouveau par-delà les dimensions.

    Mon Enfant… Mon Bébé.

    Je porte ce présent à vos peuples. Priez pour vos péchés pauvres êtres pervertis.

    Azathoth le destructeur, Azathoth le damné, consumera vos âmes dans les profondeurs du Vuldronaï.

    Mon voyage prend fin. Car je suis, ici, et maintenant, le temple de son dieu. Après tant de vies, je demeure à jamais.




    Asalka Al-Hazred

    armand7000 le 17 juillet 2019
    Salome20s a dit :

    26 juin 2026 – Mont Graussfer


    Si je m'attendais à ça. Depuis le temps que je passe à sillonner les hameaux pourris de villes fantômes, je n'aurais jamais imaginé que leur folie pouvait atteindre de telles proportions. Pour qui me prennent-ils... avec ce tout se qu'il se passe de nos jours, comment pouvaient-ils penser que j'allais marcher dans leur petit numéro d'opérette ?
    Une pauvre fille endormie, sûrement shootée par je ne sais quoi par intraveineuse mais une pauvre fille endormie tout de même.
    Il faut que le monde soit devenu bien minable pour que certains se permettent de solliciter mes services pour une telle connerie. Si j'y retourne demain, c'est uniquement pour mettre un terme à tout ça. Je n'ai pas de temps à perdre et l'odeur du goudron fondu qui plane dans les rues de leur trou à rats me donne clairement envie de gerber.


    28 juin 2026 – Hôtel Persson

    L'affaire commence à virer, j'ai senti le bon moment pour me rapprocher. Bien que je ne sois pas encore très convaincu, je commence à penser que si cette gamine reste endormie toute la journée alors que les médecins me garantissent de ne plus rien lui donner depuis des jours, c'est qu'il s'agit bien d'un cas spécial. On peut penser qu'un type comme moi se foutrait d'un problème aussi banal mais petit à petit, alors que le monde part totalement en vrille, j'essaye de régler les choses qui se présentent naturellement à moi.

    Hier, on m'a appelé directement sur mon portable pour me demander de rappliquer dans la demie heure qui suivait. Pourquoi pas. Je suis monté dans la voiture avec une impression étrange d'urgence bien que si la fille avait fait le moindre geste, on m'aurait déjà prévenu.
    Quoi qu'il en soit, je suis arrivé au centre trempé de sueur. Plus personne ne semble remarquer ce genre de détail depuis que les températures affichent pas moins de 26 degrés en plein mois de novembre. Les saisons n'existent plus. Le ciel garde sa couleur ocre et terne toute l'année et l'image du Père Noël vêtu d'un grand manteau de fourrure, arrivant par une belle tempête de neige n'est plus qu'un lointain souvenir. J'ai été le témoin du pourrissement progressif du monde et du déclin de ce qu'on appelait jadis « l'équilibre mental ». Il n'y a pas un seul jour sans qu'un illuminé attire l'attention d'autres illuminés sur une découverte paranormale. La plupart de ces faits sont bien évidemment des intoxs, toutes le fruit d'un imaginaire perturbé en quête d'un sens nouveau.
    Cette vague de timbrés m'a pourtant permis de me faire un certain nom, une sorte de place gardée parmi les plus sceptiques. Depuis quelques années, je suis devenue expert en manifestations extraterrestres et moi seul peut juger de la véracité d'un fait.
    Dans la plupart des cas, ils passent tous pour des cons et moi, j'empoche.

    Une fois désinfecté, je suis rentrée dans la chambre 10. J'ignore encore pourquoi ces imbéciles ont donné un chiffre à cette chambre alors qu'à part notre Belle aux Bois Dormant, le centre n'abrite personne d'autre que cette bande de savants fous.
    La chambre 10, donc. Assez glauque comme décor, on dirait presque un film de science fiction dont on connaît déjà la fin rien qu'en regardant la jaquette. Si il y a une chose dont j'ai pris l'habitude, c'est bien que cacher la lassitude inouïe qui me ronge à chaque fois que je feins de m'intéresser à un cas.
    La gamine était toujours là, endormie, immobile. Bien-sûr. C'est seulement en faisant le tour de la table sur laquelle elle est étendue depuis des mois (connaissent-ils l'existence des escarres, ces bouchers?) que j'ai constaté un petit changement. Rien de bien fou, il manquait seulement un énorme carré de peau et de chair à son pied gauche. Posée sur une petite tablette presque mignonne, une pierre noire. Encore une fois, j'étouffais un soupir d'ennui...


    29 juin 2026 – Hôtel Persson

    Une pierre dans le pied, passe encore, mais la capacité de cicatriser aussi vite ! Je dois dire que ça commence à me titiller. Je ne suis pas médecin, ni même légiste mais puisque personne ne semble s’apitoyer sur le sort de la fille, autant en profiter pour me livrer à quelques expériences.
    Après quelques recherches, la pierre s'est révélée être une sorte d'amas organique. Rien de minéral, si ce n'est la texture. Plus dure qu'un diamant, ce truc est beaucoup plus intéressant quand on le chauffe un peu.
    Après plusieurs heures dans le four à micro-onde de l'hôtel subtilisé directement dans la cuisine, je peux dors et déjà affirmer que cette boule noire commence à se ramollir, voir même à transpirer...

    J'ai hâte que ça se finisse. Je commence vraiment à avoir sacrément mal au ventre avec ces odeurs de bitume brûlé.


    02 juin 2026 – Centre 456 234

    La pierre noire n'a plus rien d'une pierre. Je suis moi même surpris d'écrire qu'actuellement, j'observe son métabolisme à travers divers tests. Je crois bien que cette fois-ci, je tiens quelque chose.
    Il faut que je retourne voir la fille, même si je sais qu'il ne reste plus aucune trace de l'incision sur son pied. Il faut pourtant que je m'assure d'un détail.


    06 juin 2026 – Hôtel Persson

    Je suis conscient que la personne qui lira ces quelques lignes portera un jugement sévère sur moi. Admettant le caractère étrange de la situation, cette personne ne sera pourtant pas capable d'affirmer que cela est, ou bien a été, réel.

    Quand je suis retourné voir la fille, je suis arrivé à la fermeture des bureaux de recherche. Me connaissant bien, ils m'ont donné la carte magnétique servant à ouvrir et à fermer toutes les portes du centre, excepté celle de l'unique entrée. Autrement dit, j'étais prêt à passer la nuit ici.
    Ayant apporté avec moi ce qui fut pour nous tous un vulgaire morceau de charbon mais qui commençait alors à prendre la forme d'une sorte d'être en formation, je m'enfermais dans la chambre 10, observant le calme et la résignation de notre objet d'étude.

    Je commençais à piquer du nez quand, m'arrachant une sorte de hurlement avorté, je me suis retrouvé face à face avec la fille, assise sur sa table avec une étrange et douloureuse raideur.
    Appuyant immédiatement sur la télécommande censée donner l'alerte, je me suis rendue compte que le système électrique et électronique de la pièce semblait avoir été désactivé.
    Silencieuse et toujours redressée, la fille regardait droit devant elle et c'est à ce moment là que je remarquais la pâleur extrême de son regard, presque blanc, comme celui d'un aveugle.
    De longues minutes passèrent ainsi sans que je n'osais faire le moindre geste. C'est seulement après avoir tenté de formuler un mot que la fille pivota sur elle-même en faisant craquer ses vertèbres une par une. 1,2,3,4...
    Au début, je n'ai pas compris qu'elle tentait de communiquer quand une voix- ou plutôt un râle caverneux – s'éleva dans la pièce faisant vibrer tous les objets métalliques. Je tentai alors de l'apaiser par quelques paroles douces mais aucun son ne sortait de ma bouche. Elle en profita pour sauter de sa table, le corps dégondé, comme-ci quelque chose tentait de sortir de cette couche de chair et d'épiderme. A vrai dire, c'est exactement ce qui se produisit car en un craquement sinistre, le dos de la fille se brisa et c'est avec une horreur indéfinissable que je vis un être à l'apparence humaine mais cassé en deux, approcher vers moi à une allure rapide. Soulevant sa tête comme-ci aucun os n'assurait sa fonction de maintien, elle sembla fixer son regard sur le bocal qui contenait ce qu'autrefois se trouvait dans son pied. Je compris vite qu'il fallait que je lui remette cette chose.

    Au moment où ses doigts touchèrent le bocal, une gigantesque explosion de lumière me propulsa contre une des parois de la chambre. Un liquide chaud coula le long de mon épaule et bizarrement, cela me rassura.
    Le plafond de la salle, composé de milliers de barres métalliques censées repousser la moindre onde se désintégra en un vacarme formidable, me priva de mon ouïe à tout jamais. La chaleur provoquée par ce métal en fusion me causèrent également des séquelles que je garderai à vie, telle qu'une cicatrice le long de ma tempe droite. Pendant que je tentais de retrouver une vision partielle, je vis cette fille, autrefois si paisible, léviter vers le ciel dans des mouvements saccadés et imprévisibles. Comme l'image d'une télé en perte de réception, la fille disparaissait et réapparaissait tandis qu'elle grimpait encore plus haut. Soudainement, plus rien. Tout redevint calme.

    Avant de perdre connaissance, quelque chose de nouveau poussa en moi. Une sorte de certitude inédite, quelque chose que je savais depuis des années mais que je ne pouvais encore admettre. Je venais d'assister à la fusion involontaire de deux mondes, de deux univers en opposition. A la seconde où cette vérité s'imposa à moi, je compris que depuis toujours, il arrive qu'une chose peut ne pas se trouver à sa place et que le jour de son retour, beaucoup de certitudes voleront en éclats.



    Salomé.
    CaptainNahamEricka le 23 juillet 2019


    Vendredi 1er juillet 1881

    J'ai encore énormément dormi, cette nuit. Comment nommer ce qui n'existe plus… Ce jour, ce journuit, cet aujourd'hui, mes journées ? Mais, ce sommeil, j'en ai tellement besoin. Alors, je dors. Puis, arrivent seize heures, j'ouvre des yeux nouveaux sur un monde ancien. Mon sang, régénéré, bouillant, irrigue chacune de mes cellules d'espoir. Je ne saurais dire si j'entends des voix, surtout pas au bon Docteur Guthermann… Mais, il est comme une pensée récurrente qui résonne en moi. Elle parle de la mort, du sommeil. Elle dit que ce qui dort n'est pas mort. Ou quelque chose d'approchant. Le tout baigné d'éternité.
    Alors, pour un instant rassuré, je peux accomplir mes tâches quotidiennes.
    Et, quand la nuit s'approche, je n'ai plus aucun doutes.

    Samedi 4 juillet 1891

    Me voilà contraint de reprendre ce journal. C'est absurde. Il paraît, d'après le médecin qui me suit, que ce serait un excellent moyen pour tenter de m'inscrire à nouveau dans le réel. Fadaise ! Je n'aurais pas la prétention de définir ce qu'est le réel mais, là où je suis, j'y suis très bien.
    Non, je sais ce qu'il veut. Il est effrayé par la longueur de mes nuit. Je vois bien sa tête se figer, un micro clignement de la paupière, un rictus à la commissure des lèvres, quand je lui annonce le chiffre de mes heures de sommeil ; il veut que je change. Et, ça passe par avouer mes multiples manquements envers la normalité.
    La voix, dont je doutais de l'existence, est devenue plus claire, au fil du temps. Elle dit :
    - Ce qui à jamais dort n'est pas mort
    si je me souviens bien ?
    Son ton est grave, calme, apaisant. Elle m'offre une réponse autonome sensorielle culminante, à l'arrière de mon crâne. Lui, le Docteur, qui se gave de pilules, de potions somnifères, il peut toujours causer…
    Je vais bien, merci. En tout cas, jusqu'ici.

    Dimanche 7 juillet 1901

    Je ne sais pas à qui raconter le drôle de rêve de cette nuit. Alors, je l'écris ici. Je ne sais pas si le Docteur le lira ? Qu'importe, l'écrire me permettra peut-être d'y voir plus clair ?
    Par ce geste, j'essaye aussi d'invoquer une tierce partie. Un arbitrage à mon dialogue intérieur, qui se fait de plus en plus présent, pesant, agressif.
    D'après ce que j'en sais, nous avons tous, chacun à notre manière, une façon de se parler intérieurement. Mais, cette nuit, j'ai vu quelque chose. C'était dans ma tête. Alors que je me baladais, en pensée, dans mon corps, à la recherche du lieu où siège ma conscience, je l'ai vue. Je suivais une espèce de tentacule improbable, qui glissait le long de ma colonne vertébrale, sans causer de trouble aux autres organes, comme si elle était chez elle. Je remontais vers mon crâne, car elle semblait y être raccordée. Mais, arrivé là haut, une vision d'effroi : mon cerveau avait disparu… Ou, horreur suprême, n'avait-il jamais existé ? À la place, vivait une sorte de poulpe. L'air pénétré et presque affectueux. En tout cas, tout à fait condescendant !
    Je sais bien ce que me dira Guthermann :
    - Mon ami, il faut absolument vous re-socialiser. Toutes ces histoires absurdes sont le fruit de votre imagination !
    Il faut qu'il ait raison, pour une fois. Après tout, ce n'était qu'un rêve. Je vais faire de mon mieux pour l'oublier. Et, si ce souvenir remonte, je le traiterais comme tout ce que je souhaite effacer ; par le mépris et l'ironie.
    Que dis-tu de ça, mon petit Poulpy ?

    Lundi 10 juillet 1911

    Je crois que je n'aurais pas dû arrêter d'écrire...
    Cela fait environ un mois que l'inconfort qui m'a toujours accompagné s'est transformé peu à peu en une atroce douleur crânienne qui ne cesse d'irradier, de proche en proche, sur le moindre de mes organes. Aujourd'hui, toute mon anatomie est touchée par des sortes de vagues de lave brûlante.
    Malheureusement, aucun examens, scanners, etc, n'a pu révéler quoique ce soit. J'ai donc été remis entre les mains de mon psychothérapeute. Mais, malgré tous ses efforts, ce cher Marcelin n'a pas non plus trouvé de moyens de m'aider. Si ce n'est de continuer d'écrire, jours après jour, le triste menu des événements somatiques qui remplissent dorénavant mes journées.
    Pour lui, relire chaque soir l'incongruité des faits qui me minent et, que je déverse chez lui, lors de mes séances, devrait permettre à mon subconscient de se reconnecter à la réalité. Réalité qui se doit de correspondre à la bonne santé prédite par tous les appareils d'analyses académiques. Et, ainsi, dissiper les effets dévastateurs qui m'accablent et qui sont, j'en ai bien peur, en train de me conduire au seuil de la folie.
    Malheureusement, des pans entiers de ma mémoire sombrent vers quelque gouffre intérieur ; je n'ai plus comme seule extrémité que de vivre et me raconter au jour le jour.

    Mardi 12 juillet 1921

    Je suis las de parler. Mais, on me rapporte tant de choses que j'aurais faites ou dites, qu'il faut bien que je donne ma version des faits. Je ne peux pas être cette horrible personne, dont tout le monde semble vouloir le plus grand mal ?
    Pourtant, simplement parler de mon réveil est déjà une gageure. Mes nuits semblent n'avoir pas de fin. Et, mes veilles tellement temporaires que je passe mes journées à me demander si je ne suis pas toujours en plein sommeil ?
    Je verrais tout ça demain.

    Mercredi 15 juillet 1931

    Je voudrais dire quelque chose de sûr, d'indiscutable sur moi, sur ma vie. Mais, mes pensées s'évaporent dès qu'elles sortent de leur dimension neuronal. Au mieux, elles ne disent rien de ce qu'elles étaient censées témoigner. Au pire, elles travestissent, en caricatures vides, mes plus belles envolées lumineuses.
    CaptainNahamEricka le 23 juillet 2019
    Jeudi 17 juillet 1941

    Ça m'a pris un peu de temps, mais j'ai trouvé un moyen imparable : je vais faire des listes.
    Les chiffres, ça ne ment pas. C'est tangible. C'est pratique, stockable, comparable, rassurant…
    Alors, je comptabilise.
    Ce matin, avant même de mettre un pied hors du lit, j'avais rempli huit mouchoir.
    À midi, la corbeille était déjà pleine. Si j'ai le courage, j'irais, en fin d'après midi, me recharger en rouleau d'essuie tout. Ça me fera du bien de sortir un peu.

    Vendredi 20 juillet 1951

    Je n'ai plus la force, pardon Docteur, de devoir toujours tout compter. Je crois qu'un truc se passe dans mes entrailles. Mes glaires ressemblent à de la peau de crapaud crevé. Et, je tairais ce qui me tient, des heures, à la selle. Si, au moins, je ne saignais pas lors des ces douloureuses expulsions.
    Alors, je reste allongé, pratiquement toute la journée, les yeux mi-clos, une main sur mon portable.
    Les distractions, que m'offrent mes navigations erratiques sur le net, diluent dans un même mouvement et, temps et, douleur.

    Samedi 22 juillet 1961

    Ayant perdu le peu de goût investi dans mes lubies comptables, la voix s'est faite de plus en plus présente.
    Son message est maintenant limpide : « N’est pas mort ce qui à jamais dort ».
    Je me souviens, quand ma mère me demandait : "Mais, quand vas-tu enfin commencer à te réveiller ?"
    Maintenant, c'est Poulpy qui lui répond directement :
    - Qui dort ? Ceux qui refusent de se confronter à l'obscurité ou ceux qui s'en nourrissent ?
    Forcément, ce n'est pas avec ce genre de réparties que je vais faire fructifier mon maigre capital de normalité. J'essaye vraiment de continuer mes visites parentales. Mais, aujourd'hui, la voix a gagné : elle a inventé un empêchement de dernière minute pour sécher le repas familial. Le jeudi, c'est pas permis, de retourner chez eux.
    Je me suis recouché, bercé par la voix.

    Dimanche 25 juillet 1971

    J'ai l'impression que ça fait des siècles que je n'ai plus parlé par moi-même ?
    Une semaine, c'est sûr. Au moins, les désagrément corporels ont notablement diminués. Une gêne reste pourtant présente, comme un avertissement, une épée prête à tomber. Comme si quelqu'un avait prévu qu'un jour ou l'autre, j'aurais envie de m'exprimer, personnellement. Et, il a installé des champs de mines, tout autour de ma conscience. Ce qui sort de ma bouche actuellement, ça ne peut venir de moi ? Au mieux, des idées préconçues, des préjugés, des certitudes jamais remises en question. Au pire, je ne suis qu'une marionnette soumise à quelque volonté étrangère ?
    Je décide, ce jour, d'observer plus attentivement ces drôles de mouvements intérieurs. Noter, discrètement, si je peux en cerner l'origine ?

    Lundi 27 juillet 1981

    Lu, ce matin dans un magazine scientifique que, notre conscience n'aurait pas accès à l'intégralité des informations captées par notre cerveaux.
    Messieurs les chercheurs, vous auriez dû me demander ; j'aurais permis de substantielles économies en recherches appliquées.
    - Mesdames, Messieurs, permettez-moi de vous présenter Poulpy !
    Mais, Poulpy reste des plus discret. Il cache si bien son existence que, même moi, j'en doute parfois. Et puis, il est complètement ridicule, avec ce surnom… Mais, j'ai l'entrainement. Je le vois bien, lorsque je suis forcé de répondre à une question posée par un contemporain ; les mots qui me viennent, m'étonnent, sonnent faux, ne m'appartiennent pas.
    - Et, qui vient d'écrire ceci ? N'est-ce pas le même processus ?
    J'ai repoussé violemment le clavier, qui s'est cassé en tombant. Me faudra-il aussi être privé de l'écriture ?
    Je me suis découragé tout l'après midi. Mais, la peur, au soir, a tenté de s'installer. Tant pis pour l'écriture, j'ai invoqué Poulpy, pour être en paix. Pourvu que ma commande d'un nouveau clavier ne tarde pas trop. Que personne ne remarque le changement.

    Mardi 30 juillet 1991

    Poulpy prend ses aises. Maintenant, c'est à toute l'humanité qu'il s'en prend. D'après lui, le constat pragmatique de l'état du monde n'appelle que deux hypothèses : soit nous sommes des parasites, soit, nous sommes porteurs d'un parasite. Et, il veut que je choisisse, maintenant !
    J'ai fait semblant, sans trop avoir à me forcer, de ne pas comprendre sa question et me suis rendormis.

    Mercredi 1er août 2001

    J'ai bien dû prendre son parti. Je me vois mal vivre sans cerveau, vu qu'il l'a phagocyté. Sans Poulpy, je me sens bien incapable de survivre.

    Jeudi 4 août 2011

    Depuis que j'ai complètement abdiqué ma volonté propre, Poulpy fait comme chez lui. Je le sais car, j'ai des pertes de conscience qui peuvent durer plusieurs jours. Ce n'est pas normal. Je ne vois qu'un explication ; il doit me mettre dans un état végétatif, pour tranquillement sortir faire ses affaires.
    Cette après-midi, en ouvrant les yeux, j'étais assis dans la cuisine, un café froid dans la main droite, le doigt gauche brûlé avec de la cendre dispersée sous ma main.
    Il se fout de ma gueule. Je veux bien qu'il fasse ce qu'il veut mais qu'au moins, il préserve mon intégrité physique !
    Vendredi 6 août 2021

    Aujourd'hui, c'est poisson. J'ai mangé Poulpy.
    Je n'aurais pas dû. Le temps qu'il m'avait offert s'en va avec ma digestion. Finalement, c'est comme si je m'étais dévoré de l'intérieur. Une vie, qu'elle soit longue ou courte, ça ne change rien. C'est à la fin, que le plus dur commence…

    - T'en auras bien profité !
    - Poulpy...?
    secondo le 24 juillet 2019
    24 juillet 2019, 19 h 05 mail de cyborga@fends.la.poire à secondo@lettre.à-Elysée
    Je m'appelle Cyborga, un nom idiot, je sais, mais je suis loin d'être ce que vous appelez idiote dans votre dialecte sous développé d'humain coincé dans votre enveloppe perlée de sueur. Je sais calcluler, refléchir, calculer, ressentir des émotions, calculer, éprouver de l'empathie, calculer  et même bouillir de colère et bien sûr calculer. Imiter, m'integrer, me faufiler...
    Je suis née d'une fille parapentiste malchanceuse qui est morte lors d'une chute vertigineuse et d'un robot ultra sophistiqué capable de vous reproduire en vous dépassant de quelques belles grandes longueurs. J'ai pris contact avec vous car vous me semblez une bonne proie - la bonne poire -  pour ce que je dois faire.

    24 juillet, 20 h 06 mail de secondo@lettre.à-Elysée à cyborga@fends.la.poire
    Je vous demande de ne plus m'écrire, espèce de marteau.

    24 juillet 2019, 20 h 07 mail de cyborga@fends.la.poire à secondo@lettre.à-Elysée
    Merci secondo pour votre accord et votre marteau, je ne m'attendais pas à tant d'impatience de votre part, on m'avait dit que vous étiez incapable de vous contraindre mais je me rends compte que ce n'était que mensonges et compagnie. Votre première mission, intervertir nos esprits, un jeu d'enfant, qu'en pensez vous ?

    24 juillet, 20 h 13 mail de secondo@lettre.à-Elysée à cyborga@lettre.fends.la.poire
    J'ai envoyé votre mail à signalement@harcelement.jedonnel'info et vous serez poursui...borga, je suis Cyborga, ah, là là quel pied d'être dans une enveloppe aussi restreinte. Je ne pensais pas que ces pauvres humains avaient autant de capacité, les cons ! Capacités non utilisées je me rends compte, non mais c'est fou ! Secondo n'utilisait que 2% de ses pouvoirs humanoïdes, c'est à crever de rire. Tiens je vais écrire à qui je sais, pour le fun,putain... ça se dit plus depuis les années quoi, 90 ? on s'en bat l'oeil ! Mais quelles expressions de kangourou merdeux  je trouve dans cette caboche.

    24 juillet 2019, 20 h 14 mail de  secondo@lettre.à-Elysée à hailainah@pyramid.com
    Hello Laina, comment vas tu ? Je t'écris du ministère parce que nous avons besoin d'organiser une exposition rapidement vers la ville nouvelle d'Avatara et que j'aurais besoin de 2/3 tableaux dont celui de Mona. Tu trouveras toutes les autorisations en pièces jointes. Encore merci, tiens moi au courant fast and furious. Second'ô Demar.

    24 juillet 2019, 20 h 30 mail de  hailainah@pyramid.com à secondo@lettre.à-Elysée
    Hey Second' tu as eu de la chance de me trouver, je finis un dossier pour le président du conseil de l'Art Free Chaud. Je vérifie la validité de tes autoriz' et te tiens au...Cyborga, je suis, j'atterris sans douceur, me voilà dans l'antre de la culture, le tombeau de la 3ème réalité. Un les humains, deux les Borots, euh les robots, trois...les.. Borgas.
    Darkhorse le 25 juillet 2019

    Koturu no kodomo*

               « Dieu, sauve-moi. L’eau m’arrive à la gorge.
                 Je m’enlise dans un bourbier sans fond, et rien pour me retenir.
                 Je coule dans l’eau profonde, et le courant m’emporte. »

                                                                                               Psaume 69
                                                                                               Versets 2-3


              Je m’appelle Sœur Elizabeth. Aujourd’hui, le 10 août 1912, suite à la demande de mon ami le Père Suzuki, j’ai embarqué à bord de l’Akkorokamui, un navire japonais qui doit m’amener à Nagasaki, ville méridionale du Japon sur l’île de Kyûshû. Nous sommes partis de Lagos, au Portugal et je ne cesse de m’inquiéter quant au trajet. Bien qu’ayant déjà voyagé en Afrique, c’est la première fois que j’entame un si long périple et mes craintes sont vives. Les regards de l’équipage sont tour à tour fuyants et insistants ; ils dévisagent l’étrangère que je suis et ont peur, eux aussi. Je prie nuit et jour pour que le Seigneur nous assiste tous dans cette tribulation.

              Cela fait trois jours que nous voguons. Les douleurs intestinales qui n’étaient que simples ballonnements la veille du départ s’intensifient et s’accompagnent de fortes migraines ainsi que de saignements vaginaux. Est-ce mon cycle menstruel qui est perturbé ? La nuit, je cauchemarde, et des illusions troubles m’assaillent pendant une durée qui me semble infinie. J’y reconnais les contours anguleux et froids du couvent Sainte Thérèse où la silhouette émaciée de la Supérieure, au premier plan, luit d’un éclat terne au milieu de ce décor morne. Dans ces visions, elle n’a pas de visage et reste immobile, droite et imperturbable, les mains jointes laissant pendre le crucifix de son chapelet. D’étranges bruits, des murmures, des chuchotements et parfois des cris très aigus entourent le cauchemar d’une complainte infernale.

              Alors que nous naviguons depuis dix jours le lis et relis encore la lettre énigmatique du Père Suzuki :

              « Chère consœur, je fais appel à vous par la présente lettre afin de vous faire part d’une découverte pour le moins intrigante.
    En effet, je compte vivement sur vos capacités scientifiques et votre expérience de missionnaire pour m’aider à résoudre le mystère qui torture mes pensées depuis que j’ai mis à jour une étrange structure représentant une porte, ou du moins d’une architecture y faisant penser, à l’intérieur d’une grotte se situant sur les côtes de la ville de Nagasaki.
    Les légendes les plus démentes nourrissent les peurs des habitants depuis des temps séculaires, et j’admets que les étranges inscriptions bordant la « porte », me sont totalement inconnues et que personne n’est capable de m’éclairer sur le sujet. Les « yôkai », les démons des anciens mythes japonais sont nombreux et sont, encore aujourd’hui, très présents dans les croyances arriérées de mes concitoyens.
    Armé de la foi du Tout-Puissant, j’ai réussi à convaincre mes confrères de m’accompagner afin que nous amenions la lumière dans cette antre ténébreuse et que nous confrontions cette abomination.
    Je vais tenter de déchiffrer ces écritures malignes et peut être trouver un mécanisme qui permettrait l’ouverture de cette porte. Cependant, je doute d’arriver à mes fins et c’est donc pour cela que je vous enjoins d’embarquer à bord de l’Akkorokamui, un navire japonais qui doit quitter Lagos le 10 août et rejoindre Nagasaki. »

                                                                                                          Dominus vobiscum.
                                                                                                          Père Suzuki.


              Quinze jours depuis notre départ. Nous avons fait une escale à Mossel Bay, en Afrique du sud. Une tempête impressionnante nous a frappé de sa fureur en passant le Cap de Bonne-Espérance et le navire a subit quelques avaries qui nous contraignent à nous arrêter. L’étape était de toute façon prévue et les menues réparations ne retarderont pas notre itinéraire.
    Je n’ai pas pu descendre du navire. Mes douleurs abdominales et les saignements persistent malgré les prières et les flagellations ritualistiques. Je ne comprends pas, mes menstruations sont d’ordinaire courtes et régulières. Et puis je n’ai rien mangé qui m’ait semblé avarié. Le Capitaine a fait chercher un médecin anglais, mais celui-ci n’a fait que me prescrire de la décoction de réglisse… De plus, il a voulu confisquer ma discipline en chanvre. Qu’il aille au diable ce charlatan !

              28 août, nous faisons maintenant route vers les Indes orientales. Ce périple ne finira-t-il donc jamais ? J’ai de plus en plus de mal à écrire, je ne dors presque plus et je suis exténuée. Mes brefs instants de sommeil me transportent toujours dans le même cauchemar, au couvent Sainte Thérèse. Aux côtés de la Supérieure, se tiennent maintenant deux autres silhouettes, masculines cette fois. J’en connais une, c’est certain, mais tout est si flou…

              Jamais plus ! Jamais plus je ne remettrai les pieds sur les Indes. Ses frustes n’ont cessé de m’importuner, leurs enfants complètement nus s’agglutinaient autour de moi et ont bien failli arracher mon scapulaire ! Même les africains sont plus civilisés et montrent du respect envers les religieux catholiques. Peut être est-ce dû à leur religion et à cette fâcheuse tendance à sacraliser les vaches, singes et autres bêtes au détriment des êtres humains...
    Mais au moins cette sortie m’a remise sur pied ; le fait de marcher sur la terre ferme sûrement.
    Loué sois-tu Seigneur !

              Quarante jours depuis ce matin. Quarante jours à supporter les regards insistants de ces marins pervers et lubriques ! Je n’ose plus sortir de ma cabine et quand bien même, les douleurs ont repris… De ce que m’en a rapporté le capitaine, nous avons traversé la Malaisie et nous dirigeons maintenant à Macao, ultime étape avant d’atteindre Nagasaki. Je continue mes séances de mortification ; au moins m’apaisent-elles l’esprit. Mais les cauchemars sont de plus en plus troublants, pourquoi vois-je ces scènes ignobles ? Les deux hommes, ils portent des soutanes et arborent un médaillon grotesque. La créature immonde gravée en son centre, quelle qu’elle soit, émet une lueur fugace. ils me font mal, si mal ! Je peux seulement voir leurs yeux, sphères globuleuses noires et insondables.
    Ah, Seigneur miséricordieux, puisse ta sagesse me guider sur la voie de la guérison.

              D’étranges signes se manifestent à bord. Un hurlement inhumain m’a tirée de mon cauchemar, j’ai entendu les hommes vociférer dans leur langue rustre et le calme est revenu, plongeant ma cabine dans une atmosphère de froide inquiétude. Les nausées qui me tourmentent m’empêchent d’aller quérir des nouvelles du pont.
    J’ai aussi été témoin d’une apparition. Rien de christique ; une petite forme rampante s’est traînée sur le plancher, en direction de mon lit. Elle a semblé se relever sur des appendices difformes et me signifier quelque chose. Puis elle s’est évanouie. Depuis j’ai de la fièvre et je vomis du sang.

              Enfin ! Nous atteignons le rivage japonais. Les côtes paraissent vierges de toute civilisation. Tout juste quelques petites embarcations et les cahutes des pêcheurs locaux. J’arrive à sortir un peu de ma cabine depuis notre départ de Macao. L’air côtier me fait du bien, mes douleurs s’espacent et je ne crache plus de sang. Mais je demeure très fatiguée et reste allongée la plupart du temps, coincée entre mes cauchemars et un état de veille brumeux. Un purgatoire où mon âme tourmentée ne cesse de tourner en rond.
    J’ai hâte de retrouver le Père Suzuki, une personne de confiance, après ces soixante jours à me méfier constamment, à attendre que ces hommes viennent abuser de moi et révéler leurs bas instincts primitifs. Mais le Seigneur m’a protégée et j’en ai enfin terminé avec cette traversée éprouvante.

               J’ai dormi au dispensaire Saint Mathieu, près du temple Shokakuji, et le Père Suzuki est venu me rendre visite en fin de matinée. Il était méconnaissable. Lui d’ordinaire si calme, si serein, avait cette excitation insane propre aux apostats juste avant de connaître leur supplice. Son visage était livide, dénué de chaleur, et ses yeux incapables de rester fixes sautillaient comme des insectes sur une poêle brûlante. Il a à peine remarqué mon état déplorable et m’a conviée à le rejoindre à la grotte, d’ici le début de soirée. Il m’a dit avoir déchiffré une partie des inscriptions et potentiellement découvert le mécanisme qui permettrait d’ouvrir le portail.
    Cette nouvelle me redonne un peu d’énergie. J’empoigne ma discipline et prie le seigneur de nous prêter sa force.
    Darkhorse le 25 juillet 2019

              19 septembre 1912. Après avoir longé la côte avec le guide que m’avait attribué le Père Suzuki et escaladé avec peine des rochers couverts de goémon, nous avons atteint l’entrée de la grotte au fond d’une petite crique. Telle une gueule géante de requin baleine, elle semblait vouloir happer l’océan lui-même. À quelques mètres de l’entrée, la porte, en fait un énorme rocher oblong inséré dans la paroi et entouré de gravures hétéroclites, dominait le fond de sa taille imposante. Le Père Suzuki et ses confrères, affairés avec une concentration obstinée ne nous ont même pas remarqués. J’ai tout de suite été attirée par cette « porte ». Je l’ai observée, pendant quelques minutes, puis, comme sortant d’une transe, je me suis retournée. Et ils me regardaient tous. Cela a duré à peine quelques secondes, mais j’ai décelé une intention démente dans leurs regards. J’ai mis cela sur le compte de la fatigue et de la singularité du lieu. Puis ils ont repris leur travail, inspectant chaque paroi et chaque inscription avec attention.
    Le Père Suzuki m’a fait une impression trouble, il m’a d’abord saluée avec entrain et ses dires se sont tout de suite montrés incohérents, fous. Il m’a fait peur, j’ai grand peine de le voir dans cet état. Il m’a certifié avoir compris ; que ce qu’il y avait derrière le portail était lié au désir de salvation de chaque croyant et qu’il parviendrait, ce soir, à ouvrir les portes d’un futur impliquant chaque vie humaine.
    Je doute énormément Seigneur. Je vous supplie d’éclairer notre chemin.

              Je profite d’un moment de répit pour écrire ces quelques lignes. Cela fait bien deux bonnes heures que nous crapahutons dans ce dédale sous-terrain. Le Père Suzuki, après avoir entonné une sorte de cantique en japonais a soudain débloquer le mécanisme et le rocher s’est enfoncé dans la paroi, créant une ouverture. Il m’a fallu beaucoup d’abnégation pour m’engouffrer dans ces ténèbres insondables et suivre la procession.
    Une lumière dérangeante, bleu cobalt, avec des iridescences azur par endroits émane directement de la roche. Cependant, l’incongruité de ce phénomène nous permet d’y voir quelque chose. Nous avons remarqué que des signes semblables à ceux présents autour du portail scintillent du même effet lumineux sur les parois rocheuses et se multiplient à mesure que nous nous enfonçons. L’odeur est insoutenable ; un relent de goémon en putréfaction qui colle atrocement aux narines. Je vomis régulièrement, moins incommodée par l’odeur que par les douleurs intestinales qui redoublent d’intensité. La descente est de plus en plus pénible, je tapisse le sol de flaques de sang sur mon passage, mon ventre me brûle. Mais le Père Suzuki et ses confrères me forcent à continuer. Ma foi me guide, elle m’aide à lutter, mais je ne suis pas sûre que cela suffise… je commence à avoir des vertiges.

              Ils m’ont laissé mon carnet ces monstres ! Alors que je gis à même la pierre dans cette cellule minuscule. Dieu seul sait combien de temps je suis restée évanouie. Ils ont sûrement lu ce que j’avais déjà écrit et veulent que je continue. Ces pervers, ces satanistes, ils m’ont trahie ! Ils ont trahi tout le monde, même Dieu !
    J’ai perdu connaissance peu après ma dernière entrée au journal, et je me suis réveillée allongée, deux hommes me tenant les bras, tandis que mes jambes étaient écartées à l’aide d’un dispositif. J’ai hurlé de douleur alors qu’un troisième homme lâchait son scalpel qui lui avait permis de pratiquer une césarienne. Il a sorti un être infâme de mon propre corps ! Comment cette chose pouvait loger dans mes entrailles ? Un bébé difforme, pourvu de plusieurs tentacules à la place des bras et affublé d’un visage ichtyen repoussant. J’ai hurlé de terreur, puis l’homme tenant la créature m’a regardée, découvrant son visage dissimulé par son capuchon, affichant l’horrible médaillon apparut dans mes cauchemars. Le pape ! Pie X lui-même ! Je ne peux pas y croire ; si je n’avais pas cette horrible couture sur le ventre, je n’y croirais pas, je voudrais me réveiller. Mais malheureusement, oh dieu miséricordieux, ce n’est pas un cauchemar, j’ai bien été profanée !
    Pie X a alors sourit et m’a dit : « Elizabeth, vous êtes la Mère et vous le serez à jamais, dans toutes les âmes et dans toutes les mémoires, par delà les espaces infinis et les temps à venir, vous demeurerez la Mère et assisterez aux changements radicaux que subiront ce monde et les autres. »
    Démon ! Traître ! Que le courroux divin s’abatte sur toi et sur l’être impie que tu as contribué à faire naître !

              Il est venu me voir, le traître, celui qui a trompé tous les croyants du vrai dieu, de l’Unique ! Il était accompagné de l’être monstrueux. En deux jours cette créature à pris la taille d’un enfant de cinq ans ; celui-ci m’a observée, étudiée de son regard infernal, abominable ; mais il n’a pas parlé et m’a ainsi abandonnée, jetée dans la géhenne où brûle mon âme pour l’éternité…
    Lucifer est bien descendu sur notre monde. Priez ! Priez tous et tremblez en attendant d’être exterminés.


                 « Ce qui est a déjà été, et ce qui sera a déjà été. »

                    Proverbe de la bible, l’Ecclésiaste – IIè S. AV. J-C.


    * Enfant de Cthulhu.
    Quentin_Tournon le 26 juillet 2019
    L’enfermé

     
    Jour 1 :

    Le soleil de Grèce est si agréable. Après des années le nez dans mes livres, le temps de mon doctorat et mes dix années d’enseignement, je suis enfin sur cette terre qui m’a tant fait rêver. La villa d’Alexis défie la carte postale grecque des maisons blanches à toits bleus en bord de mer. Je dois d’ailleurs admettre ma légère déception en arrivant. J’espérais une demeure authentique et loin des clichés, mais je ne pouvais m’attendre à une vision aussi irréelle. Le domaine se situe dans une vallée, accessible uniquement à l’issue d’un chemin tortueux. Jamais de mon existence je n’ai vu de paysage plus désolé. Il n’y a aucune exagération, aucun effet de style à décrire le décor comme vide de toute vie. Aucun oiseau ne parcourt le ciel, aucune plante n’occupe la terre, aucun cours d’eau ne traverse la vallée. Tout ici est tellement silencieux que l’ensemble pourrait paraître comme un tableau, si jamais un peintre était capable d’imaginer pareil néant. Au centre de ce paysage quasi-onirique se dresse les murs ocres de la villa d’Alexis. Jaillissant telle une oasis au milieu du désert, la demeure apparaît comme une anomalie de vie et de confort. Derrière les hauts murs de la propriété se cachent un agréable jardin et une maison moderne, s’élevant sur trois étages. Alexis m’y a accueilli avec son enthousiasme habituel. Il y a toujours eu chez Alexis cet excès en toutes choses. Il est de ces personnes qui ne font tout qu’avec enthousiasme et qui ne semblent jamais connaître de démotivation. Il a fêté mon arrivée avec autant d’entrain que l’aurait fait un chien accueillant son maître. Après m’avoir assommé de question sur mon trajet et sur ma joie d’être arrivé, il m’a conduit auprès de ses autres invités, à savoir son frère Basil et Sophie l’épouse de ce dernier. Basil est un petit homme rond, semblant absent à notre monde. D’après Alexis il s’agit d’un poète, mais sa santé fragile l’exclut de toute société. Son épouse est grande et mince. Elle ne manifeste pas spécialement d’affection pour son époux. Elle ne semble en vérité manifester d’affection pour rien et passe son temps allongée au soleil sans ôter ses lunettes de soleil, un livre à la mode entre les mains. Peu désireux de m’attarder en cette compagnie, je me suis servi de la fatigue du voyage pour m’isoler. Ma chambre possède son propre balcon, ainsi je peux m’y installer pour profiter et rédiger ces lignes. Maintenant que je suis posé, que je fais abstraction du paysage vide et de la compagnie malheureuse, je me prends enfin à profiter du soleil et à espérer que le séjour soit aussi riche qu’Alexis me l’a promis.

     

    Jour 2 :

    J’ai passé la matinée avec Alexis. Basil et son épouse sont restés dans leur chambre. Apparemment l’état de santé du poète exige qu’il reste alité. J’en ai profité pour faire part à mon hôte de mon ressenti quand au vide nous entourant. Tandis que j’en parlais j’ai vu ses yeux s’allumer de cette flamme que je connais si bien. Menant une vie de riche rentier, il n’a toutefois jamais été ni oisif ni dilettante. Lorsque je l’ai connu, sur les bancs de l’université, il suivait les cours avec autant, si ce n’est plus, d’attention que n’importe quel étudiant. Sa plus grande faiblesse a toujours été de changer de sujet d’étude avec une facilité déconcertante. Dès lors qu’il a épuisé toutes les facettes d’un sujet, il s’en détourne et reporte son fanatisme vers un autre. Il avait donc trouvé une nouvelle marotte.

    « J’ai découvert cette vallée il y a quelques années, déclara-t-il. Tu as remarqué comme rien n’y vit. Les documents que j’ai trouvés indiquent qu’il en a toujours été ainsi. J’ai décidé d’y voir un défi de la nature et y ai fait ériger cette demeure. Mes ouvriers ont fait une découverte passionnante. Il faut que je te montre ça à tout prix. »

    Dès lors, nous avons pris la route du grand jardin situé derrière la maison. Alexis m’a expliqué que pour faire pousser quelque chose, il avait été obligé d’installer d’importantes fondations en béton,  isolant le domaine, et de faire venir la terre de l’extérieur. Derrière le jardin se trouve une petite porte. En l’empruntant, nous avons débouché dans cette plaine désolée. Après quelques pas, nous nous trouvions devant ce qui m’est apparu au premier coup d’œil comme les fondations d’un antique bâtiment. C’est pour cela qu’Alexis m’avait fait venir. Il souhaitait dans un premier temps connaître mon avis mais n’a pas paru déçu lorsque je lui appris que je ne pouvais rien lui en dire, à l’exception de l’ancienneté évidente de la structure.

    « J’ai trouvé cette plaque, a-t-il déclaré en me désignant une dalle au sol. Je n’ai pas ton talent mais les inscriptions semblent indiquer que quelque chose se trouve en dessous. »

    L’inscription est en réalité très parcellaire mais l’interprétation d’Alexis est en effet la plus probable. C’est seulement à cet instant qu’il m’a fait part de son réel projet : fouiller sous la structure pour découvrir ce qui y est enterré.

    J’ai occupé le reste de la journée à examiner ces étranges fondations. Le soir, alors que nous nous trouvions en compagnie des autres invités d’Alexis, je lui ai annoncé que j’étais d’accord avec son projet. Demain nous attaquerons le travail. Je ne peux m’empêcher de penser que les fouilles sauvages proposées par Alexis sont contraires à ma perception de l’archéologie. Mais la perspective de découvertes aussi anciennes et précieuses a fini par faire taire mes doutes.

     

    Jour 3 :

    Alexis et moi avons entamé les fouilles aujourd’hui. Notre premier désaccord concernait la question des pierres formant les fondations. Alexis souhaiterait les détruire purement et simplement à la masse pour aller plus vite. De mon coté je préférerais un approche plus douce en les délogeant. Comme nous n’avons pas pu nous mette d’accord, Alexis a proposé de nous laisser la nuit pour réfléchir. Je dois admettre que son empressement m’inquiète légèrement. S’il a toujours été d’un caractère emporté, il reste un archéologue, certes amateur, mais chevronné et consciencieux. Nous avons donc fini de dégager la structure à la pelle et la pioche. Une fois cette besogne terminé Alexis m’a amené dans sa bibliothèque pour me montrer ses premières découvertes. Il s’agit d’un ensemble d’objets semblant confirmer la datation du site. Ils indiqueraient également qu’il s’agissait bien d’un lieu de culte mais beaucoup de détails ne collent que partiellement. J’ai notamment des difficultés à comprendre une étrange statuette en terre cuite dont la forme évoque celle d’une étoile de mer.

     

    Jour 4 :

    La nuit a été difficile. Dans mon sommeil agité, des rêves étranges se sont emparés de moi. Je me trouve au même endroit mais en des âges protohistoriques oubliés. Je suis le prêtre d’une cité puissante, peuplée d’hommes à la peau blanche comme l’ivoire et aux yeux, cheveux et ongles noirs. Au centre de la cité s’ouvre un gouffre ténébreux, d’où émergent des chants inarticulés. Rien ne pousse, rien ne vit. Les habitants de la cité occupent leurs journées à chanter aux abords du gouffre. Les dieux qui l’occupent nous font vivre. En échange de quoi nous précipitons dans leur abîme nos prisonniers. Un jour, des hommes venus du nord surgissent, massacrent les habitants et rasent les bâtiments. Pendant des mois, ils tractent une gigantesque pierre avec laquelle ils obturent notre gouffre.

     

    Au matin, j’ai eu la surprise de voir Basil assis dans le salon. Il était plus pâle qu’à l’accoutumée et marmonnait des paroles incompréhensibles. L’ignorant totalement, je suis allé  vers Alexis et je lui ai annoncé que j’étais d’accord pour briser les pierres, à l’exception de l’inscription. Nous avons commencé à nous y employer dès l’après-midi.

     

    Jour 7 :

    Nous avons presque terminé de détruire les fondations du temple. Demain, nous dégagerons les dernières pierres et pourrons commencer à fouiller le dessous. J’ai refait le même rêve à plusieurs reprises. La nuit dernière, Basile s’est mis à hurler à la mort. Ce matin, il était plus pâle que jamais. Il parlait, semblant réciter ses derniers poèmes. L’ensemble était confus, mais l’un d’entre eux est revenu plusieurs fois. Il parlait du valeureux Ulysse qui, revenant de Troie, s’échoua sur une île étrange où rien ne ressemblait à ce qu’il connaissait. Blessé, il fut accueilli par une tribu d’êtres étranges et difformes. Ils l’accueillirent, le nourrirent et le soignèrent. Ulysse attendait alors, recouvrant progressivement ses forces, afin de pouvoir reprendre la route et de rentrer chez lui. J’étais perplexe. Jamais je n’ai entendu une histoire semblable. Où Basile est-il allé chercher tout ça ?

     

    Jour 8 :

    Basile est mort cette nuit. Je l’ai appris au réveil. Sa peau est plus blanche que jamais, mais craquelée, comme écailleuse. Ses mains ont déjà commencé à nécroser et ses yeux sont injectés de sang. Je me sens infiniment las. Je sais que je devrais être plus affecté par sa mort, mais étrangement je me sens plus préoccupé par le déroulement des fouilles. Alexis m’a proposé de rester au lit aujourd’hui. J’ai accepté en échange de sa promesse qu’il m’attendrait pour les continuer. Il doit de toute façon prendre des dispositions concernant le corps de son frère. Je n’ai pas vu Sophie de la journée.

     

    Jour 10 :

    Je n’ai pas quitté le lit depuis deux jours. J’entends Sophie marcher dans les couloirs. Elle semble avoir perdu la raison. J’entends ses divagations et ses hurlements. Quelle folie s’est emparée d’elle ?
    Quentin_Tournon le 26 juillet 2019
    L'enfermé (suite)

    Jour 13 ? :

    Je perds la notion du temps. Je ne peux plus me lever. Je ne me rappelle même plus si je mange et bois. La bonne nouvelle est que je n’entends plus Sophie. Je fais maintenant un nouveau rêve. Je suis assis dans une grotte, entièrement éclairé par la pâleur d’une lune gibbeuse, jouant de la flûte. Et au rythme de ma musique se contorsionne une masse d’une couleur n’appartenant pas au spectre chromatique. Le centre est une forme pentagonale dont émergent cinq branches. Ces branches sont elles mêmes couvertes de bras crochus remuant, telles les pattes d’une scolopendre. Plus j’observe cette chose danser, plus je m’aperçois que ce n’est pas elle qui suit le rythme de ma musique mais moi qui joue aux rythme de ses gesticulations absurdes. Mais ce j’ai le plus de mal à appréhender, c’est la consistance de la créature. Elle ne correspond en effet à aucun état de la matière connu de la science – de la science terrestre.

     

    Jour ?? :

    J’ai pu me lever ce matin. En descendant j’ai découvert le cadavre de Sophie. J’ignore depuis combien de temps elle est dans cet état mais ses symptômes sont similaires à ceux de son mari. Peau blafarde écailleuse, mains nécrosées, yeux injectés. Un silence irréel s’était abattu sur la maison. Il m’a fallu un instant pour oser le briser en appelant Alexis. N’obtenant pas de réponse, je me suis dirigé en direction du site de fouilles, comme mû par une force incompréhensible. Je n’avais, je dois l’admettre, aucun contrôle sur mes gestes et mes actions. Alexis était là, au milieu du chantier saccagé. Il a brisé ses outils, probablement au court de ses excavations, alors il creusait à mains nues. Ses mains, mon Dieu, ses mains ! Entièrement noires, à la peau craquelée et aux ongles arrachés. Il n’a opposé aucune résistance lorsque je l’ai arrêté. Il s’est contenté contenta de me fixer de ses yeux injectés de sang et de s’effondrer. Il m’a fallu un instant pour me rendre compte qu’il était mort. Me voila seul dans cette vallée désolée, entouré par la mort. Je suis parvenu à traîner le corps d’Alexis jusqu’à la maison. J’ai réussi à les descendre, lui et Sophie, à la cave, espérant que la fraîcheur les conserve. Là, j’ai découvert Basile. Il semble qu’en plus de continuer les fouilles sans moi, Alexis n’a pas pris en charge les restes de son frère. Je suis vidé de toute force. Je me suis effondré dans le canapé. Demain, je contacterai les secours. En écrivant ces lignes je m’aperçois que mes propres ongles ont commencé à noircir. Je dois m’efforcer d’ignorer ça sinon j’ignore si je pourrai rester sain d’esprit.

     

    La nuit :

    Je me suis allongé contre une pierre. J’ignore depuis combien de temps j’ai quitté la villa d’Alexis en courant. Comme si un atome de volonté m’était resté et m’avait permis de quitter ce cimetière. Depuis combien de temps suis-je arrivé ? Combien de temps ai-je dormi ? Je parviens difficilement à écrire dans le noir mais je refuse de faire de la lumière. Je risquerais, de voir mes mains noires, ma peau blanche se craqueler. Ma respiration est difficile, même en tenant compte de ma course effrénée. Je me sens fiévreux et délirant. Il me faut pourtant rester lucide encore quelques temps. Il faut que je couche par écrit ma vision de cette nuit. Une fois cela fait, je pourrai enfin sombrer dans la folie. D’ici là, je dois me concentrer pour rester au sein de la réalité.

    J’ignore depuis combien de temps je somnolais dans ce canapé lorsque j’ai été réveillé par la lumière blafarde de la Lune. Tandis que je me dirigeais péniblement vers la fenêtre pour fermer les rideaux j’ai aperçus une vision irréelle. Dans la clarté lunaire lévitait une pierre gigantesque, celle-là même qu’Alexis s’est tué à dégager. Silencieusement, la roche restait ainsi à plusieurs mètres au dessus du sol. Et soudain je l’ai vue. Lentement, les gigantesques mille-pattes s’élevaient vers les cieux. Comme se hissant sur une échelle, la chose dont j’avais rêvée dans la grotte montait lentement, de plus en plus haut, se dirigeant vers les étoiles d’où elle était venue. Et, pour la première fois depuis mon arrivée, le silence de la vallée fut déchiré par un hurlement inarticulé.
    AbelMunazur le 26 juillet 2019
    Mon rêve est leur cauchemar


    31 décembre 2030

    Il est peut-être temps de faire un bilan.

     Le monde devient fou. Cela fait plus de 10 ans que ça dure, mon enquête sur l'Aède ne semble pas donner de résultats satisfaisants, des indices, j'en ai plein mais impossible de dire vers où ils sont censés me conduire. Je n'ai pas vraiment la tête à faire la fête ce soir. Après tout ce qu'il s'est passé cette année... Il y a des gens qui espèrent que l'année prochaine sera un nouveau départ, plus personne ne veut entendre parler des milliers de suicides simultanés qui ont eu lieu partout dans le monde, ni des massacres perpétrés par ces ombres tueuses ni des fanatiques qui souhaitent "sauver" le monde de l'apocalypse en prêchant l'éradication des "nuisibles" qui pourrissent notre jolie planète. L'humanité a récemment connu de nombreux traumatismes. Le monde entier souhaite que cela s'arrête. La nouvelle année approche à grands pas, certains fous disent qu'on en verra pas la fin. À cause des horreurs qui se tapissent au fin fond des abysses et des souterrains. Tous ces cauchemars qu'ont de plus en plus d'enfants et d'adultes ont l'air de tendre vers la fin du monde. D'où viennent ces créatures qui nous menacent et qui sommeillent dans les rêves d'un petit garçon ? Car en effet, c'est tout ce qu'ils sont, des rêves. Des rêves dangereux, mortels, mais des rêves quand même. Qui aurait pu croire qu'en regardant les étoiles, un jeune enfant du nom d'Abel Mūnazur aurait imaginé notre perte ?

    Ce qui rend ce petit si dangereux, c'est son étrange capacité à matérialiser ses angoisses et ses peurs. Les atrocités qu'il a créé de toutes pièces ont pris forme dans la réalité. Pour l'instant elles restent piégées dans un profond sommeil, mais il suffit qu'Abel perde foi en l'humanité, il suffit qu'il perde foi en la réalité, pour qu'elles se réveillent. Une fois réveillées, nous pourrons dire adieu à notre monde, car rien ne surpasse la puissance de l'entropie. La secte des damnés, ces illuminés qui suivent le mystérieux Aède, sans même savoir s'il est réel, considèrent cet enfant comme étant l'Antéchrist. Quand je suis allé voir Abel Mūnazur dans le centre où on... "s'occupait" de lui, j'ai d'abord été surpris de constater, qu'il n'était pas humain. Du moins en apparence. Ses longues oreilles pendantes, sa fourrure blanche, son museau faisaient plus penser à un agneau bipède, mais ses cornes noires, ses yeux bleus brillants et ses petites canines lui donnaient un aspect plus démoniaque. Il avait aussi une flamme bleue qui lui flottait au dessus de la tête. De curieuses ailes avec des spirales à leurs extrémités, elles aussi de couleur bleue n'étaient pas attachées à son dos, mais lévitaient derrière lui tout en le suivant dans ses déplacements. Je dois avouer qu'il n'avait rien de terrifiant, il était même très mignon. Son allure de peluche géante m'aurait presque donné envie de le prendre dans mes bras. On m'avait expliqué qu'il était très timide, je l'abordais alors de façon à ne pas trop l'effrayer. Il dessinait tranquillement quand j'étais entré, les murs de sa chambre d'ailleurs étaient recouverts de dessins qu'il avait sans doute réalisé lui-même. Il n'y avait rien de bien spécial sur ces illustrations, il s'agissait généralement de personnages tout droit sorti de son imagination, mais aucune vision cauchemardesque à signaler. Je le saluais donc, et il me salua en retour. Je m'étais présenté comme étant un enquêteur du paranormal et je lui promettais qu'il n'avait rien à craindre de moi. Il ne réagissait pas beaucoup quand je lui parlais, il se contentait de dessiner en m'ignorant. Je lui ai demandé si je pouvais lui poser quelques questions et il me répondit qu'il était d'accord. J'avais commencé par cette question : "Pourrais-tu me dire où sont tes parents ?", "Ils n'existent pas", c'est bien ce que j'avais entendu. Je poursuivais alors : "Donc, tu n'en as pas, c'est ça ?", "Vous êtes venu me parler des monstres ?", il était intelligent, on peut le dire. "Euh, oui." repris-je "Mais j'aimerais d'abord en apprendre plus sur toi, il parait que tu es né d'une façon très particulière, je crois."

    Il me raconta, c'était une nuit que personne n'a pu vivre car elle n'est jamais arrivée, la lune était bleue ce soir-là et, elle pleurait. Oui, la lune pleurait, c'est ce qu'il m'affirmait. Ses larmes se répandirent sur terre et Abel apparut dans un champ d'ancolies sauvages. Abel Mūnazur serait né des larmes de la lune bleue un 26 juin, en l'an 2000, trois jours avant le centième anniversaire d'Antoine de St-Exupéry. Il s'en souvenait tellement c'était extraordinaire. En effet aujourd'hui il devrait avoir 30 ans, pourtant, ce n'est pas le cas, il a 10 ans depuis vingt ans. Il ne grandit pas. Il a toujours eu une forte connexion avec l'astre nocturne, cela le rendait immortel, ses rêves se manifestèrent très vite durant sa jeunesse. Le premier d'entre eux fut sa meilleure amie, Evelynn Bloodyrainch, la démone la plus 'choupie' et la plus gentille au monde selon ses propres termes. "Mais aujourd'hui, elle n'est plus, aujourd'hui, il ne reste que la solitude et ma mauvais attitude." C'est une phrase magnifique qu'il a prononcé lui-même. Ce que je n'avais pas compris, c'est ce qu'il entendait par 'mauvaise attitude', "C'est l'attraction que je ressens pour cette fille" m'expliqua-t-il. Perturbant, était-ce bien à un enfant que je m'adressais ? "Elle s'appelle Julia et c'est un ange pour moi. Je voulais voyager jusqu'à Wemin avec elle." "Wemin ? Quelle est cet endroit ?" questionnais-je, "C'est là où vit la princesse Stella Lovebird." Stella Lovebird, il s'agit en fait d'un cartoon, un dessin-animé américain créée par Aaron Fency et diffusée par les chaînes Wondries, apparemment il s'agissait de sa série préférée. Le pitch de cette dernière était qu'une princesse âgée de quatorze ans venue d'une autre dimension appelée Wemin, Stella Lovebird étant le nom de la princesse, atterrit sur Terre et rencontre un garçon de son âge, Paulo García qui devient vite son meilleur ami. Ensemble ils vivent plein d'aventures à travers plusieurs dimensions. Une sorte de métaphore de son désir le plus cher : quitter cette réalité et en trouver une autre, avec une copine, une meilleure amie, tout ce qui importe c'est cette relation amicale qui finit par devenir autre chose. Quel est donc le rapport avec les monstres qui sommeillent ? C'était justement ma prochaine question.

    "Si elle a peur, si je m'effondre de tristesse à cause de ça, alors le monde entier souffrira avec moi." C'est terrible à dire mais, le destin du monde repose sur un coup de coeur. "Elle est tout ce qu'il me reste d'espoir en ce monde, si elle m'abandonne, alors j'abandonne aussi, j'abandonne ce monde et tout finira bien pour personne." Que dire ? Que dire face à un désir si égoïste ? Face à un danger si grand ? Je lui ai simplement demandé d'où venaient ces créatures et il me répondit la chose suivante : "De l'espace. Elles viennent des étoiles qui s'écrasent et se meurent dans la terre et dans la mer, toutes ces petites lumières qu'on compte la nuit, et sur lesquelles on compte toute sa vie pour, exaucer ne serait-ce qu'un souhait. Toutes ces petites lumières qui brillent et qui s'effacent dans le noir complet du vide. Les bêtes qui dorment sont la manifestation de ce vide, les miettes de mon coeur brisé. Ce sera bientôt leur tour, de tout briser, de briser cette réalité que je déteste, parce qu'elle est différente de moi. Je peux anéantir ce qui me déplait, j'en ai le droit pas vrai ?" Folie pure ! Effroi terrible, le monde est condamné à périr à cause d'un coeur brisé. Quelle est cette injustice qui nous emporte ? Je n'ai pas pu supporter plus longtemps le regard effrayant de cet enfant de Satan ! Je m'en allais et je priais pour que rien ne soit vrai. Je ne voulais plus voir ce monstre étranger à notre monde, cet alien sans moral ni compassion. De plus le rencontrer ne m'a pas plus éclairé sur le lien qu'il aurait avec l'Aède. Je dois continuer mes recherches. 

    1er Janvier 2031

    Je suis retourné à l'université pour parler avec le professeur Slim de ses découvertes. Il venait de revenir de son expédition en Amérique du Sud. Il avait ramené des échantillons de la météorite qui s'y était écrasée il y a une semaine. Après les premières analyses qu'il avait déjà effectué sur place, il put y déceler des traces d'ADN d'un organisme non identifié. Il semblerait d'ailleurs que la météorite renfermait un être vivant car le professeur et son équipe avaient trouvé sur place une trainée de sang qui partait de la zone d'impact pour disparaître dans la nature. Suite à une comparaison avec les prélèvements de la météorite, il s'est avéré qu'il s'agissait du même organisme. Quelque chose d'inconnue était piégée à l'intérieur de la météorite et était maintenant en liberté. Pour l'instant nous n'avons pas retrouvé le moindre signe de sa présence. Quoi qu'il en soit, durant son voyage le professeur disait avoir fait plus de cauchemars qu'à l'accoutumée, des cauchemars dans lesquels il se voyait engloutir par des flammes. Il m'expliquait aussi qu'après avoir été en contact avec la météorite, il s'était mis à avoir des visions d'apocalypses, il entendait également des pleurs d'enfant sortis de nulle part. Connaissant le professeur, je sais qu'il n'est pas facile à intimider, mais la situation le faisait tellement stresser qu'il préféra laisser les analyses supplémentaires à d'autres chercheurs. Il ne voulait plus rien avoir à  faire avec cette histoire. Et je comprends tout à fait son inquiétude, c'est pourquoi je ne lui ai pas parlé de mon entrevue avec Abel Mūnazur.
    AbelMunazur le 26 juillet 2019
    Mon rêve est leur cauchemar (première suite)

    5 Janvier 2031

    Quand j'ai appris la nouvelle dans le journal, je n'en revenais pas, le professeur Slim que j'avais vu il y a seulement quatre jours est mort dans un incendie qu'il a lui-même provoqué. C'est arrivé hier. Pour une raison qu'on ignore le professeur a mis le feu à l'université Bencove où nous nous étions parlés pour la dernière fois. Le feu s'est développé si vite que les pompiers n'ont pas su éviter la destruction presque totale du bâtiment. C'est quasiment surnaturel un feu si vivace et meurtrier. Tous ceux qui étaient présents ce jour là à l'université y compris les différents scientifiques qui travaillaient sur les échantillons de la météorite sont littéralement partis en cendres, il ne restait absolument rien d'eux. Il ne restait rien des échantillons de la météorite non plus. Personne ne sait comment c'est possible un feu si puissant. Comment avons-nous déduit que c'était le professer qui avait provoqué cela ? Eh bien par le biais d'une lettre qu'il avait écrit avant même de partir en expédition et qu'il avait laissé à sa femme. Il lui avait demandé, ordonné même de ne l'ouvrir que lorsque le 4 janvier 2031 serait arrivé. Il y avait inscris une simple phrase : "Nous sommes à présent purifiés. Et c'est ce qui attend le monde entier." Évidemment la secte des damnés s'est immédiatement manifestée pour nous avertir une énième fois de la catastrophe à venir. Les partisans de l'Aède sont prêts à profiter de toutes les opportunités pour enrôler de nouveaux membres. Je ne sais pas trop quoi penser de tout cela, c'est encore trop frais dans mon esprit pour que j'ai les idées claires.

    15 Janvier 2031

    Abel Mūnazur a disparu. Il s'est volatilisé sans laisser de traces, tous les dessins de sa chambre sont devenus des pages blanches. On se sent épié et on entend de fortes respirations quand on pénètre à l'intérieur de sa chambre mais, impossible de dire d'où viennent les respirations. Certaines personnes perçoivent des murmures leur souffler ces mots : "Cancer s'est réveillé." 

    3 Février 2031

    Toutes les pièces de tous les musées du monde entier ont été remplacés sans que nous sachions comment par des oeuvres mystérieuses qui ne représentent à priori rien de connu. Des images de dieux maléfiques, de gigantesques monstruosités, des masses grossières et informes ou je ne sais quoi encore, et une sensation indescriptible qui parcoure ceux qui les regardent. Je suis moi-même allé voir certains musées et, je ne peux pas expliquer ce que j'ai vu, car je ne sais même pas ce que j'ai vu. Il y a juste cette drôle d'aura qui émane de ces apparitions, l'atmosphère est plus pesante quand on s'en approche.

    8 Février 2031

    Après une plus ample analyse des fresques, des tableaux, des sculptures et des autres représentations qui étaient présentes dans les musées, il a été possible de déceler certaines images qui revenaient à plusieurs reprises. Il y avait ce qui s'apparentait à des crucifix sur lesquels étaient attachés des figures dont l'apparence me rappelait celle du petit Mūnazur. Il s'avère également que contrairement au Christ qui est cloué sur une croix, ici ce sont plutôt des lames titanesques qui transpercent le corps fragile et maigrichon de ces personnages à l'effigie de cette "chose" que j'ai rencontré. Je trouvais aussi des individus avec certains attributs que l'on associe généralement à l'Aède. Une tenue blanche avec une capuche, une armure et une toge ainsi qu'un disque vide rappelant un nimbe accroché à l'arrière de sa tête. Les différentes oeuvres d'art semblaient raconter une histoire mettant en scène l'Aède et son opposant, Abel. Des confrontations, des condamnations, des pardons et des trahisons, c'est ce que je peux déduire de toutes les scènes que j'ai vu. L'image de la lune, mais aussi celle du crabe sont omniprésentes. Cela a certainement un lien avec le signe astrologique du cancer. Après tout, si Abel Mūnazur est bien né un 26 juin, alors il s'agit effectivement de son signe zodiacal. De plus, cette citation : "Cancer s'est réveillé", cela veut certainement signifier quelque chose. Les astres ont une place importante dans cette nouvelle mythologie qui semble naître. Je me suis beaucoup intéressé sur le profil qui était dépeint de l'Aède et plus particulièrement sur des éléments qui pourraient éventuellement m'aider à confirmer son existence et qui pourraient me permettre de le trouver si c'est le cas. Et apparemment, il y en aurait plusieurs. L'Aède désignerait alors différentes entités qui auraient le même objectif ? Ça semble possible. Pourquoi pas ? Tant qu'il est de notre côté. En tout cas il est souvent montré dans une montagne. Reste à savoir de quelle montagne il s'agit.

    12 Février 2031

    L'économie mondial s'effondre en à peine quelques jours. L'argent disparaît un peu partout, qu'elle soit physique ou dématérialisée. Elle s'envole sans aucunes explications. Le troque est devenu monnaie courante dans de nombreux pays. Ça devient ingérable comme catastrophe. Tous les gouvernements sont débordés. De mon côté je continue mes recherches sur l'Aède en croisant les doigts pour que cela mène quelque part.

    17 Février 2031

    Toujours rien. À part quelques terreurs nocturnes.

    24 Février 2031

    Une piste, enfin, j'espère. Apparemment une des fresques ferait allusion au Tibet, c'est peut-être là-bas que se cache l'Aède. Je prie pour que ce ne soit pas une fausse piste.

    4 Mars 2031

    Je suis enfin arrivé au Tibet, ce qu'il en reste du moins. La gravité s'est déréglée sur cette partie du globe. Des fragments du sol, des morceaux de villes flottent dans les airs. De nombreuses personnes ont été emportées dans l'espace à cause de ça. D'autres ont eu le corps broyé sur place. Pendant que d'autres assistèrent impuissants à ce terrible spectacle. Que voulez-vous que nous fassions contre ça ? L'humanité entière n'a aucune chance face à un tel déluge de cauchemars. Je vous en supplie seigneur, faites que l'Aède ne soit pas une légende !

    7 Mars 2031

    Je ne sais même pas par où commencer. Je suis censé retrouver l'Aède, mais mon seul indice, c'est qu'il se situerait dans une montagne. Et les montagnes, ce n'est pas ce qui manque au Tibet. Ce serait trop simple qu'il s'agisse de L'Everest, n'est-ce pas ? J'ai cherché en vain une indication plus précise quelque part dans toutes les oeuvres que j'ai analysé. Je ne sais plus quoi faire. Je ne vais quand même pas fouiller toutes les montagnes du pays, c'est de la folie !

    12 Mars 2031

    Il y a eu du nouveau. À Miami, en plein Sping break, tous ceux qui se trouvaient sur la plage se sont volontairement noyés. À midi pile, le temps semblait s'être stoppé, tous ceux qui profitaient de leurs vacances sur la plage ont cessés leurs activités pour marcher vers la mer; sans s'arrêter. Ils ont marchés sous l'eau sans aucunes gênes et sont allés le plus loin possible avant de perdre leur respiration. Toutes ces vies gâchées. Répondaient-ils à un appel provenant des fonds marins ? Personne ne sait pourquoi c'est arrivé, et plus personne ne veut remettre les pieds sur les plages de Miami.
    AbelMunazur le 26 juillet 2019
    Mon rêve est leur cauchemar (suite et fin)

    14 Mars 2031

    J'ai recoupé toutes les informations que j'ai récolté sur l'Aède durant toutes ces années. 

    C'est un ermite, parfois qualifié de mystique, qui serait connecté au flux des pensées subconscientes. Moi non plus je ne sais pas ce que cela veut dire. Il raconte toujours des histoires à ceux qui le croisent. Ces histoires mettent souvent en scène des adolescents, et la dans la majorité des cas, il est question d'une jeune fille. Cette jeune fille a toujours quelque chose de particulier qui sort de l'ordinaire. Les histoires qu'il raconte finissent souvent mal, ou du moins, on ne peut pas dire qu'elles finissent bien non plus. Il parle beaucoup du néant et de l'inexistence, selon lui, la vie est un simple accident. Il aurait voyagé sur la Lune et il aurait rencontré des créatures célestes sur Vénus, mais pas l'actuel Vénus. Il aurait été sur Vénus dans un espace temps inconnu. C'est à cause de ce genres de rumeurs qu'on a tendance à ne pas le prendre au sérieux. Sinon, il s'agit seulement de récits sortis de nulle part. Et de toute façon, de manière général, on dit de lui qu'il ne prend pas grand chose au sérieux, il cherche peut-être à se faire remarquer. Et pas forcément pour les bonnes raisons. Il y a un détail qui semblait sans importance, mais que je préfère préciser, L'Aède a toujours considéré Caïn comme une victime dans la Bible, il le plaint souvent et trouve son sort injuste. Même si cela peut sembler anodin, tous ceux qui prétendent l'avoir rencontré font mention de cet aveu de sa part. Mais ce qui est surtout intéressant au sujet de l'Aède, c'est qu'il se dit en quête d'un remède contre un certain type de cancer qui menace l'humanité. Un cancer qui pompe l'énergie de ses victimes et qui use de stratagèmes pour manipuler la psyché de ses proies, un cancer qui défie les lois de l'univers. Je trouvais aussi cela complètement stupide. Mais maintenant, cela ne m'a plus du tout l'air délirant. Si je m'étais mis à enquêter sur L'Aède à la base, c'est parce qu'il écrivait des nouvelles et des romans fantastiques, et même horrifiques qu'il publiait en ligne et qui étaient accessibles gratuitement sur son site, et ce qui rendait cela si terrifiant c'est que ce qu'il racontait se produisait dans la vraie vie, environ deux semaines après la publication de ses histoires. Il apparaissait alors comme une sorte de devin mystérieux, mais on ignorait ce qui le liait aux événements, en était-il responsable ? Cherchait-il à nous avertir des dangers futurs pour qu'on les évite ? Est arrivé un moment où il avait cessé d'écrire, pour partir apparemment à un pèlerinage solitaire qui le conduirait vers la "révélation finale". C'est à partir de ce moment que je me suis lancé à sa recherche. Je n'ai jamais été aussi proche. En ce moment même je me trouve devant une porte immense qui est apparue sur le flanc de la montagne Makalu, j'ai été conduit ici par un guide fort aimable, je m'apprête peut-être à rencontrer notre dernier espoir.

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    Les murs de cristaux sont splendides. Des orbes lumineuses ailées me montrent la voie. Il y a là un cadavre congelé, à moitié enseveli dans la neige. Les inscriptions invisibles hurlent, elles me disent de me réveiller.

    28 Mars 2031

    Un nouveau personnage a fait son apparition sur tous les écrans de la planète aujourd'hui, il se fait appeler Le Décrypteur, il porte un masque à gaz sur la bouche et ses yeux brillent à la manière d'étoiles. Il porte autour du cou un collier, un pendentif représentant l'Oeil de la Providence. Il s'est manifesté juste après la tragédie. Devant les yeux du monde entier, tous les dirigeants de tous les gouvernements se sont suicidés en direct sur les fils d'actualités en se tirant une balle dans la tête. Ils s'étaient mis en cercle et firent tous le même geste simultanément. Aucun discours, aucun avertissement, aucunes explications, c'est arrivé d'un coup. Le Décrypteur a passé un message qui est le suivant : "Si vous faîtes des cauchemars même en étant éveillé, c'est que vous êtes sous influence. Fuir est impossible."

    6 Avril 2031

    Des meurtres des plus terribles se sont abattus sur notre espèce. Une fois de plus les ténèbres nous engloutissent. Des milliers de famille ont étés déchirées en un instant. Des enfants de tout âge sont devenus psychotiques du jour au lendemain et ont tués leurs parents. Plus rien ne peut sauver notre innocence. Dès à présent, la haine, la peur et la méfiance règnent en maître. Certains craignaient tellement de subir le même sort que ce sont eux, qui ont tués leurs enfants. L'espoir vient d'échouer. L'ombre d'un gigantesque crustacé nous surplombe. Maintenant il faut décéder.

    15 Avril 2031

    En ce moment même je me trouve devant une porte immense qui est apparue sur le flanc de la montagne Makalu, j'ai été conduit ici par un guide fort aimable, je m'apprête peut-être à rencontrer notre dernier espoir.

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    Des ruines abandonnées, des vignes, des statues de divines créatures et un festin de roi. Au bout de la table un charmant sourire m'accueille. Cette personne a de longs cheveux blonds et des yeux décolorés. Elle se présente : "Je m'appelle Eve. Et, je suis désolée." Je reste bouche bée devant la magnificence de l'instant. L'Aède fait son entrée, il approche, il m'adresse les mots suivants : "Bienvenue dans le néant."

    26 Juin 2031

    Je ne sais pas à qui appartient ce journal que j'ai trouvé par hasard, le nom du propriétaire n'est écrit nulle part. Mais tant pis, je vais m'approprier ce livre comme je me suis approprié le monde. Ces deux derniers mois ont étés... mouvementés. Les terreurs se sont réveillées et terminent de ravager le monde réel. Plus rien ne peut les stopper, l'humanité était déjà anéantie de toute façon. Quand je pense à toutes ces questions qui resteront sans réponses pour la majorité des gens, je ressens presque une certaine fierté. Aujourd'hui c'est mon anniversaire et je n'ai toujours pas ce que je veux. Egoliath, mon cancer m'a ramené ma dulcinée, déchiquetée dans ses pinces. J'ai enterré sa dépouille et j'ai déposé sur sa tombe une fleur de frangipanier. Car, elle vivra éternellement dans mon coeur. Je me sens si seul au milieu des décombres. Il fait froid, et maintenant, j'ai sommeil.

    29 Juin 0000

    Le soleil éclaire les environs. Le château dans les cieux resplendit de mille feux. Les nuages de cotons laissent passer les méduses célestes. Il fait beau à présent. Les sélénites, mon peuple attendait mon retour avec impatience. Maintenant que leur roi est sorti de son long sommeil, nous pouvons repartir en quête d'une nouvelle reine pour le trône. Je peux rayer un autre univers de la carte, il est temps de passer au suivant.

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    L'Aède fait partie d'une lignée d'oracles, comme tous ses ancêtres c'est un sélénite, un habitant de la lune. Eve est son apprentie. Et, ils ont choisi de disparaître pour échapper à la folie de leur frère, Abel Mūnazur. Ils le poursuivent sur toutes les planètes et tous les univers où il se rend et tentent de sauver ceux qu'ils peuvent, en s'occupant de tous ceux qui finissent annihilés. Ils tentent de les préparer à l'inévitable, même s'ils ne peuvent pas empêcher le traumatisme. C'est pourquoi ils ont fait du néant, un lieu. Un lieu agréable où tout le monde peut se reconstruire, où tout le monde peut rebâtir un semblant d'existence. Malheureusement, malgré tous ces efforts, il est impossible pour de simples mortels tels que nous d'échapper à l'effacement total. L'Aède et Eve ne nous offrent qu'un moment de répit pour apprendre à accepter l'inéluctable, pour profiter une dernière fois des moments qui nous ont étés volés. Aujourd'hui c'est mon dernier jour en tant qu'être.





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