Bonjour,
Toujours et encore de beaux textes.
Scooby et Big-Bad-Wolf de retour.
@Evysev : en plein dans l'actualité
@Darkhorse : me revoilà
Et voici ma petite contribution.
Viens voir les comédiens, voir les musiciens, voir les magiciens qui arrivent…
Dario tire sur la manche de sa maman qui hésite à se détourner de son chemin. Son panier regorge de légumes et il lui faut encore se rendre chez le boulanger. Et pour le dîner, confectionner des pizzas pour sa grande famille, donc continuer ses achats, plus loin encore, derrière l’avenue principale.
Et ça pèse lourd au bout de son bras !
Déjà les badauds se pressent, s’interpellent tout en se dirigeant vers le lieu des festivités, sachant à l’avance qu’ils s’y amuseront, le sourire étirant leurs lèvres.
Mais le petit garçon insiste et sa moue boudeuse fait succomber la pauvre maman qui se décide tout d’un coup à se laisser entraîner.
Du milieu de la foule, déjà compacte, se dresse un morceau de bois. Intrigué, Dario abandonne la main qui le retient et court pour découvrir, en se faufilant entre les spectateurs, un énergumène au front bosselé, portant un masque noir au nez retroussé et un costume multicolore.
Un peu essoufflée, la maman le rejoint, essuyant au passage quelques grognements de mécontents qui ne veulent rien manquer de ce qui va se dérouler.
Dario stoppe net, déçu, les mains sur les hanches en signe de désapprobation, parce que l’autre porte encore le même vêtement avec toujours ces petits morceaux d’étoffe, en forme de losange et de couleurs différentes, cousus pour cacher les trous, lui a maintes fois expliqué sa maman, parce qu’il est pauvre. Et d’ajouter, c’est son costume de scène qu’il ne doit surtout pas enlever car tout le monde l’attend avec. Mais en fait, il s’en moque car il guette avec impatience les pirouettes, les acrobaties et toutes les facéties dans lesquelles le pitre excelle. Et le bâton, pfff, juste pour faire peur.
Mais on le sait, l’Arlequin est très paresseux et ne pense qu’à manger…
Puis, le rejoint, ce valet bouffon, moustachu jusqu’aux oreilles, et sous le masque, la maman grimace devant la couleur plutôt verdâtre que sombre, un gros nez, des yeux enfoncés qui louchent et des lèvres épaisses qui lui donnent un air inquiétant. A la vue du poignard pendu à la ceinture du manteau, le petit garçon se serre tout contre sa maman qui montre du doigt le curieux couvre-chef en forme de toque aux liserés verts. Rusé comme le renard, intriguant sans scrupule, manipulateur au langage mielleux et fanfaron lorsqu’il ne craint rien, il n’en a pas moins les talents de danseur et de musicien qui l’aident bien à s’enfuir lorsqu’il est sur le point d’être puni.
Mais tout le monde connaît les fourberies de Scapin…
Tout à coup, les enfants présents entonnent une chanson bien connue, encouragés par les adultes qui tapent dans leurs mains pour maintenir le rythme et accueillir le nouvel arrivant. Sa bosse dans le dos et son ventre proéminent, parce qu’il mange trop, assurent les enfants en opinant de la tête, lui donnent un aspect disgracieux et un air nigaud qui le rendent méchant (Dario mime un lion qui rugit). Doublé d’un voleur et menteur. Entre autres gros défauts.
Affublé d’un masque noir au long bec crochu de corbin et d’un chapeau en pain de sucre, agrémenté selon son humeur, de plumes de coq, armé d’un énorme gourdin qui lui sert essentiellement à payer ses dettes, il est lent à se mouvoir mais possède un esprit vif surtout lorsqu’il s’adresse directement au public de sa voix de fausset. Alors tous de rire à gorge déployée, certains se tapant sur les cuisses pour mieux renchérir.
On connaît tous un secret de Polichinelle.
Mais le public s’impatiente quand arrivent, enfin, les maîtres.
D’abord, un riche marchand vénitien, personnage très important dont les défauts servent de prétexte à de bons tours, toujours bougon, avare et méfiant, voleur en affaire et sévère avec ses serviteurs, qui le lui rendent bien, d’ailleurs. Il se croit encore beau et fringant alors qu’il est maigre et voûté. Il porte sur ses jambes, trop grêles pour les contenir, de belles chausses encore bien conservées de sa jeunesse lointaine. Et pour attirer l’attention sur sa virilité, qui appartient au passé, personne ne l’ignore, une volumineuse braguette. Car il rêve d’épouser une belle et très jeune fille. Inutile de préciser que toutes le fuient.
Il porte toujours une bourse à sa ceinture, un masque de couleur pâle, dont le nez ressemble à un bec d’aigle, des yeux sournois et une barbichette. Sa voix de crécelle n’arrange rien.
Son passe-temps favori est de compter son argent, et son désir, marier sa fille selon ses propres convenances. Pas gagner l’affaire.
Il existe peut-être un Pantalon (Pantalone) près de vous…
Son ami (ou ennemi parfois), n’est pas mieux loti que lui, un gros nigaud stupide, un âne prétentieux qui sait tout, a tout vu. Il impressionne et affirme un ramassis de bêtises énormes, de maximes absurdes et de longues phrases vides de sens, impossibles à interrompre. De belles apparences qui lui valent chaque jour d’être invité. C’est le roi des goinfres.
Il s’affiche savant, ce « Docteur », souvent vêtu d’amples robes noires, plus grandes les unes que les autres, qui cachent son gros ventre. Coiffé d’un bonnet de notaire ou d’un vaste chapeau de médecin, il porte un demi-masque sur le front et son nez, plutôt imposant et charnu, qui repose sur deux grosses moustaches noires.
Il en existe des charlatans autour de nous…
Et pour les défendre, voilà le Capitaine. Figure militaire. Qui en raconte des histoires de bravoure. Et qui se dégonfle au moindre obstacle. De belles moustaches lui assurent pourtant un air farouche et batailleur. Il se croit beau dans son costume flamboyant, avec son chapeau à plumes, portant cape et épée, ce qui fait trembler les plus jeunes, et claironne partout que les femmes tombent à ses pieds. Mais toute sa prétention réside dans son masque dont le nez n’a rien à envier à celui de Cyrano. Un pic, non, que dis-je, une péninsule. Très vite ridicule, parce que stupide, facilement manipulable par les autres compères lorsqu’ils mettent en doute sa vantardise.
… des Matamore, ou des fierabras, aussi…
Dans la foule, une voix réclame les amoureux au moment précis où ils se présentent. Très appréciés, car ils sont à l’origine des jalousies, des conflits et des amours contrariées de ces anciens d’un autre monde. La belle amante s’évertue à contrecarrer le projet initial d’une union arrangée par son père dans laquelle ne dominent que les questions d’argent et de patrimoine.
Foin des sentiments et de l’amour.
Ainsi, les obstacles au mariage des deux tourtereaux ne manquent pas. Aussi instruit l’un comme l’autre, beaux, jeunes et élégants, au langage fleuri, ils s’expriment à l’aide de poésie, de vers ou de chansons dans le seul but, évident, de perturber et de destabiliser les discours bien rôdés, et forcément, bienveillants.
Mais les valets et les servantes veillent…et intriguent.
D’ailleurs, voilà Colombine, une de leurs meilleurs alliés. Dario est heureux, il l’aime beaucoup parce qu’elle danse aussi, qu’elle répond toujours (comme lui) et puis son maquillage est joli (elle ne porte pas de masque). Elle s’habille de deux jupons, un corsage à rayures et un tablier blanc. Dotée d’un franc-parler, insolente et malicieuse, elle sait être piquante quand son maître la poursuit de ses assiduités alors que l’Arlequin tente de la séduire. Intelligente et loin d’être sotte, elle n’a de cesse de manigancer dans le dos de son maitre afin de favoriser les amours de sa jeune maîtresse.
Voilà un conflit permanent, savamment orchestré entre les différents protagonistes. La marque de fabrique de ces trublions reste la répartie, l’improvisation à répétition puisqu’ils ne s’appuient sur aucun texte écrit, sauf un canevas en guise de support, et des pantomimes très marquées
décuplant ainsi l’ hilarité afin d’emporter l’adhésion d’un public qui de toute façon est acquis à leur cause. Des spectateurs friands de ces joutes verbales qui se régalent, se délectent de reconnaître les personnages incarnés.
Mais la maman pense déjà à rentrer. A son tour, elle entraîne son fils.
Alors, si le cœur vous en dit, la place est libre. Je vous emmène à la Commedia dell’arte