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    Mahautbabelio le 01 mars 2021
    Bonjour à tous,

    Pour le défi du mois de mars et pour voyager mentalement au-delà des frontières, nous vous proposons de livrer un texte sur le thème suivant : Venise.

    Souvent qualifiée de “ville-musée”, Venise n’en reste pas moins une des plus belles villes du monde. Romantique mais aussi mystérieuse, ses rues sinueuses sont autant de petits labyrinthes dans lesquels peuvent se cacher amants et voleurs… Le reflet toujours changeant de l’eau en fait une ville-miroir, vaporeuse, incandescente. Mais qu’elle soit, pour Régis Debray, une ville morte ou pour Nietzsche une ville fascinante et obsédante, Venise n’a jamais cessé de faire couler l’encre.

    Du Carnaval masqué aux gondoles vénitiennes, explorez tous les rêves et tous les secrets de cette ville-chimère. Laissez libre court à votre inventivité et emportez-nous, dans le genre que vous voulez, au cœur de la ville-fantôme vénitienne !

    Comme d’habitude, la taille et la forme de votre contribution est libre et vous avez jusqu’au 31 mars minuit pour nous soumettre votre texte en répondant ci-dessous. Le gagnant remportera un livre. 

    Al vostro inchiostro!  
                         
    hseb72 le 01 mars 2021
    [PROLOGUE - Les couleurs tombées du ciel]

    https://www.babelio.com/groupes/21/Le-Cafe-Litteraire/forums/21/Discussion-generale/25732/Defi-decriture-de-fevrier-2021?pageN=4%26%2365533%3B_666982&#post_666982

    [CHAPITRE 1 - Venise]

    Lorsqu'Arthur se réveilla, un soleil éclatant éblouissait son champ de vision. Il était allongé, sur la douleur de son dos, les yeux tournés vers un ciel sans nuage. La première question qui lui vint à l'esprit fût : depuis combien de temps suis-je là ? De cette réponse dépendrait sûrement la réaction de ces parents à son retour à la maison. Il croisa les doigts pour qu'il ne se fût écoulé que quelques minutes. Bien que les punitions fussent rares, l'air et le ton réprobateur que pouvait prendre parfois son père suffisait largement à ne pas avoir envie de déborder du cadre. On lui avait dit qu'il pouvait sortir une demi-heure, il serait préférable qu'elle ne ce fut pas déjà écoulée.
    L'instant suivant fut pleinement consacré à la seconde question : qu'est-ce qu'il m'est arrivé ? Le souvenir du décollage impromptu qu'il avait ressenti, aspiré par le faisceau lumineux, lui revint à l'esprit comme un boomerang lancé à vive allure. Il se mit à trembler aussitôt pris d'une panique instinctive. Il avait fait si noir, si vite, sans prévenir. Et maintenant le ciel était si bleu, exactement comme avant l'évènement. Comment le temps avait-il pu changer deux fois aussi rapidement ? Arthur se dit alors qu'il n'avait pas encore répondu à la première question. Est-ce que cela a réellement été si rapide pour revenir à la normale ? Le mieux était de toutes façons de remonter sur son vélo et de rentrer à la maison. N'ayant pas de montre, il n'avait plus qu'à espérer.
    Son dos le faisait souffrir atrocement. "Suis-je tombé ?" se demanda-t-il. Il se releva sur ses coudes et se risqua à regarder devant lui pour se repérer dans l'espace. Ce qu'il vit alors le laissa sans voix. Le ciel semblait continuer au-dessous de l'horizon. Un effort important sur les bras et les muscles abdominaux lui fut nécessaire pour s'asseoir. Le paysage se précisa mais il n'en fut pas moins abasourdi. Il était maintenant assis sur un espace pavé qui semblait s'arrêter à quelques pas devant lui laissant la place à une étendue d'eau immense qui rejoignait le ciel au loin. "La mer ? Comment suis-je arrivé ici ?". Encore une question. C'est alors que petit à petit, l'ouïe lui revint, et que les sons alentours commencèrent à lui parvenir.
    Lentement, il tourna la tête vers la gauche, puis vers la droite, et pour chaque image qui se présentait à lui, des sons adaptés lui frappaient les tympans par petites touches impressionnistes. Ainsi il vit une foule d'individus qui l'entouraient de toutes parts, affairés à toutes sortes d'activités, ne paraissant même pas faire attention à lui.
    Plusieurs marchands ambulants haranguaient les passants pour leur vendre étoffes luxueuses, babioles exotiques et autres provisions de bouches à emporter. Des badauds se laissaient parfois convaincre à un achat compulsif, quand d'autres négociaient âprement les tarifs chuchotés. Plus loin, des farandoles masquées et enjouées sinuaient entre les promeneurs tentant parfois d'en happer l'un ou l'autre pour grossir leurs effectifs. A quelques pas devant lui, éparpillés et assis, les jambes pendant dans le vide, quelques personnes de tous âges laissaient leur regard songeur se perdre dans les vaguelettes qui s'écrasaient sous leur talons. Quelle vie ! Et quels habits aussi. Tous ces gens déguisés comme pour un carnaval, voilà de quoi s'interroger encore davantage.
    Un second regard panoramique lui confirma que son vélo n'était nulle part. Soit on le lui avait volé, soit il n'était pas arrivé ici avec lui. Mais pour ce qu'il en savait, il fallait au moins vingt minutes en voiture pour rejoindre la première ville du bord de mer depuis la maison, et même avec son vélo, il ne serait jamais rentré à temps. Pour sûr, il allait en entendre parler. Peut-être que quelqu'un avec un téléphone pourrait l'aider à rassurer ses parents. A choisir, il valait mieux demander à un adulte, les enfants qui se chahutaient sur le quai n'auraient sûrement pas un mobile à eux. Il s'avança donc, vers l'homme le plus proche de lui. Celui-ci regardait droit devant comme s'il pouvait voir des bateaux invisibles à des kilomètres de la rive. Son regard était perdu si loin, qu'Arthur faillit renoncer à l'interrompre dans cette sorte de méditation. Un regard à la ronde le persuada toutefois que c'était la personne la plus à même de l'aider.
    - Pardon, excusez-moi.
    Rien. Pas un geste, pas un mouvement de cil. Pas un mot, pas même un semblant de son. "Une statue ?"
    - Excusez-moi, monsieur, puis-je vous déranger ?
    L'homme sursauta et se retourna vers Arthur en reculant légèrement la tête.
    - Désolé, petit, tu disais ?
    - Je vous prie de m'excuser, monsieur, mais je crois que je suis perdu.
    - Ho ! Je vois. Assieds-toi à côté de moi un instant. Voyons si je peux t'aider à retrouver ton chemin.
    - Merci.
    Arthur prit place à quelque distance de l'homme et décida d'adopter une position similaire. Les jambes légèrement croisées, pendant au-dessus de l'eau, les mains appuyées au sol de part et d'autre le long du corps, et les yeux fixés sur  la ligne d'horizon.
    - Donc tu es perdu ? Dans quel quartier vis-tu ?
    - Le nouveau lotissement à l'entrée du village.
    - Le village ? Je ne connais aucun quartier ici que l'on nomme le village. Et pourtant, je vis ici depuis très longtemps. Où alors, tu veux dire que tu n'es pas de cette ville. C'est ça ?
    - Et bien, je ne sais pas. Où sommes-nous exactement ?
    - Pardon. Mais enfin, nous sommes à Venise. Le centre de la Sérénissime République de Venise. Tu es ici au cœur de la cité la plus belle et la plus importante du monde. Regarde, derrière-nous, c'est la place Saint Marc que tu contemples. Comment es-tu arrivé ici sans savoir où tu mettais les pieds ?
    - Je n'en sais rien moi-même pour tout dire. Mais ça me paraît vraiment loin de chez moi. Mes parents vont vraiment s'inquiéter. Vous pourriez les appeler pour moi ? Je crois que j'aimerais qu'ils viennent me chercher.
    - Tu souhaites que je les convie, c'est cela ? Tu m'as l'air sincèrement ennuyé ; je dépêcherai un coursier tout à l'heure. Mais il faudra m'en dire davantage car pour l'instant je ne sais pas très bien où je l'enverrai. Mais si tu veux bien, restons encore ici quelques instants. Je n'ai pas tout à fait fini ma rêverie quotidienne.
    L'homme se tut. Il plongea à nouveau son regard dans les bleus devant lui, immobile. Au bout de quelques minutes, Arthur n'y tint plus. Il avait l'habitude d'être sage et obéissant, le plus souvent, mais l'instant l'angoissait.
    - Qu'est-ce que vous regardez ?
    - Mon passé. Car tu vois, petit, le temps qu'il me reste n'est probablement pas plus long que le temps qui t'a été donné jusqu'ici. Probablement moins. Je regarde cette mer qui est sûrement le point de départ de toute mon histoire personnelle, et je me souviens. Quand j'avais ton âge, je venais ici presque tous les jours pour surveiller le retour des bateaux. J'ai attendu des années le retour de mon père, parti avec mon oncle peu avant ma naissance, parcourir les océans en quête de nouveaux marchés à conquérir. Il n'est revenu qu'après mes quinze ans. Il ne me connaissait pas, mais moi, je savais qu'il était le plus grand aventurier que l'on puisse rencontrer, et qu'un jour je serais comme lui.
    Les yeux de l'homme s'étaient allumés d'un coup d'un feu ardent et crépitant. La passion semblait rajeunir ses traits.
    - Tu comprends que, lorsqu'il m'invita à partager son voyage suivant au bout du monde, je n'ai pas hésité un instant. Peut-être s'est-il un peu senti obligé, il est vrai, tant j'avais été insistant à son retour pour l'accompagner coûte que coûte. C'était un grand navire, plus grand que celui que tu vois là-bas.
    L'homme tendit le bras vers la gauche et pointa du doigt un bateau amarré à une centaine de mètres. C'est seulement à cet instant qu'Arthur se rendit compte que le bateau désigné était un trois mâts, voiles affalées, et que toutes les autres embarcations de grande taille dans les alentours lui ressemblaient. Aucun yacht dans les parages, aucune vedette, pas un seul moteur visible. Que des voiles.
    - Quelle fierté pour moi. Je ne savais pas toutefois que je m'engageais pour un si long voyage. À dix-sept ans, ce n'est pas ça qui compte. L'aventure. C'est ça qui guide ses choix. Je ne l'ai jamais regretté. Bien sûr, nous avons bravé de nombreux périls. En mer mais aussi sur terre. Nous n'étions pas toujours accueillis à bras ouvert, et par chance les qualités de diplomatie dont faisaient preuve mon père et mon oncle nous sortirent bien dès fois de situations fort délicates. Si tu savais combien j'ai pu apprendre auprès d'eux pendant toutes ces années. C'est à leur contact que j'ai forgé ma vie d'homme. Et ensuite toutes ces merveilles que nous avons vues entre ici et les royaumes d'orient. Des objets et des techniques révolutionnaires. Nous n'avons pas ramené la moitié de ce qu'on nous a montré. C'était fabuleux, extraordinaire. Chaque escale nous exposait tantôt au danger, tantôt à l'éblouissement. Aujourd'hui, je ne suis certes pas le marchand le plus riche ni le plus influent de Venise, mais ma plus grande richesse, c'est sûrement tous ces souvenirs.
    hseb72 le 01 mars 2021
    [Suite]

    L'homme fit une nouvelle pose.
    - Mais cela a duré combien de temps ?
    - Ce voyage a duré vingt-quatre ans. Ce n'est qu'en 1291 que j'ai été autorisé à revenir ici, et nous avons mis près de quatre ans pour y parvenir. Comme tu vois, c'était il y a bien longtemps.
    - Ha oui. Ça fait donc.
    Arthur tenta un calcul rapide dans sa tête : deux-mille vingt moins mille deux cent quatre-vingt onze, je pose deux et je retiens ce que je peux… Il doit être sacrément vieux ce monsieur.
    - Bientôt trente ans. Le temps passe si vite.
    "Trente ans ?", s'étonna Arthur. "J'aurais plutôt dit sept-cent trente, moi, à vue de nez. Il ne doit plus avoir toute sa tête. Je n'ai peut-être pas misé sur le bon cheval pour me ramener à la maison."
    Arthur sentit à nouveau une douleur dans le dos qui le fit grimacer. L'homme s'en rendit compte aussitôt.
    - Ça ne va pas petit ? Tu as mal.
    - Un peu. On pourrait appeler mes parents maintenant ?
    - Oui, oui, bien sûr, pardon. Allonge-toi doucement pour l'instant si tu as mal. Désolé, je radote un peu, mais ça m'a fait du bien de parler avec toi. Au fait, tu ne m'as pas dit ton nom.
    - Arthur. Et vous.
    - Ho ! Bien sûr, si tu viens de loin, tu ne m'as pas reconnu. Mon nom est Marco Polo.
    La tête d'Arthur se mit à tourner. Il lui parut très improbable d'avoir correctement entendu la réponse du vieil homme. Mais il se sentit incapable de lui faire répéter. La douleur, si vive, l'empêcha de rester conscient. Zut, il n'avait pas eu le temps de lui donner son numéro de téléphone.
    franceflamboyant le 02 mars 2021
    Histoire de Gianluca
    Le chat de Venise


    Venedig, Venice, Venise...Venizeuh comme disent les Français....Venezia ! Ah oui là c'est mieux ! Moi, j'y suis né il a cinq ans et des poussières, dans la Sérenissime et m'est avis que je n'en partirai pas. J'ai failli pourtant !
    Donc en juillet 2015, je suis sorti du ventre de ma mère. Je n'étais pas le seul car elle avait trois autres chatons. Quoi ? Je n'ai pas dit que j'étais un chat ? Ben, non mais maintenant, vous le savez. Donc, ma mère, une chatte rousse adorable se cachait depuis quelques temps dans le cimetière de San Michele quand elle a eu des contractions. Je crois qu'elle se trouvait près de la tombe de Stravinsky (dont j'ai appris plus tard que c'était un compositeur doué, célèbre et pas mal laid), mais on ne pouvait guère passer inaperçu dans les parages aussi, ne sentant pas en sécurité, elle a changé d'endroit. Elle s'est réfugiée vite fait derrière une tombe plus monumentale et là, elle n'a guère eu le temps de réfléchir : on arrivait, nous. Si ma mémoire est bonne, je suis arrivé en second. Quoi ? Évidemment que je ne m'en souviens pas ! C'est ma mère qui me l'a dit. Tout s'est bien passé. Elle nous a nettoyés, nourris et les gardiens s'en sont mêlés. Vous savez, le cimetière de San Michele, il est sur une île. On n'y vient pour ainsi dire que pour y déambuler, sinon, à part une belle église, il n'y a rien. On est tranquilles, les morts, les gardiens qui restent là et nous, les chats. Giovanni, c'est le gardien qui nous a repérés en premier  !

    -Ma qu'est-ce que c'est ! Una gatta, une chatte et les petits ! Ah, elle est rousse, la chatte donc ce sera La Rossa et ces quatre bébés tout mignons ! Macché, celui-là, il est énergique, hein, il en veut ! Je vais l'appeler Gianluca, tiens, parce que j'avais un oncle que j'adorais ; Il s'appelait comme ça ! On se baladait en bateau sur la lagune, là où les touristes ne vont pas ! Gianluca, vieni, vieni ! Tu ronronnes, hein ? Fai le fusa ?
    Giovanni, il n'avait pas inventé le fil à couper le beurre mais on a été heureux avec lui. Il nous a installés, La Rossa et nous, dans un petit cabanon bien isolé et on a poussé comme des herbes sauvages.
    -Hein La Rossa ? Hein, Gianluca ? Vous restez avec moi !
    Et puis un jour, il a enlevé les deux femelles à ma mère et ensuite mon grand frère. Il avait trouvé à les faire adopter. Il  ne voulait plus qu'on reste avec lui, dans ce beau cimetière. J'étais tout seul désormais mais gai et collé à lui. 
    Mais une femme est venue...
    franceflamboyant le 02 mars 2021
    Histoire de Gianluca
    Le chat de Venise

    C'était en septembre, je m'en souviens et je n'étais pas bien grand. La Rossa et moi, on s'était rapproché de cette tombe assez théâtrale derrière laquelle elle avait mis bas. C'était un peu pompeux. Il y avait comme une tourelle ouvragée qui surplombait la tombe en elle-même. Petit, je n'avais pas remarqué qu'on y posait des chaussons de danse mais là, ça m'a frappé. Devant la tombe, il y avait une grande femme vêtue d'une élégante veste rouge et d'une robe à petits motifs géométriques. Elle n'était pas jeune, sa belle couronne de cheveux gris témoignant de sa cinquantaine bien entamée et elle portait de belle chaussures à talons. A côté d'elle se tenait un homme très bien habillé lui-aussi, pas le genre italien, en tout cas pas celui de Giovanni. Il avait une fine moustache et des lunettes de soleil.
    -Serge de Diaghilev...
    Ce devait être celui de la tombe. Ils avaient l'air d'être émus, eux, les deux qui restaient plantés là. Moi, malgré les protestations de la Rossa, je me suis avancé vers eux, tout ronronnant. Il m'inspirait confiance, elle surtout.
    -Ma guarda questo gattino ! Lui è così carino ! Un vrai amoureux des arts et de la danse !
    C'était moi, ça, le chaton. La Rossa, peureuse comme elle était, elle s'est carapatée et la belle dame, qui parlait un drôle d'italien avec un accent que j'identifierais plus tard comme américain, a pensé que j'étais abandonné. Elle m'a immédiatement adopté et emmené avec elle. Ils étaient venus en bateau privé et lui, celui avait de fines moustaches, il m'a mis dans une boîte pour le voyage...Durant ce bref voyage, j'en ai appris pas mal sur les Ballets russes...
    franceflamboyant le 02 mars 2021
    Histoire de Gianluca
    Le chat de Venise

    J'étais jeune, je ne comprenais pas que je perdais Giovanni et surtout la Rossa...Vous savez, un chaton, ça a une petite mémoire !
    Sylvia Fenway...Elle habitait le quartier de Cannareggio, près de la Madonna dell'orto et du Campo dei Mori. On n'était pas très loin de l'ancien quartier juif, de synagogue espagnole et du musée hébraïque et c'était là une façon merveilleuse d'aborder Venise ! Cette ville, tout le monde voulait la posséder, tous voulaient sa beauté, sa richesse, sa lumière, son histoire fastueuse, son mystère. Sylvia -c'était le nom de l'américaine- s'était basée là pour écrire des romans policiers dans lesquels un commissaire de police stylé, Tomaso Abiconolo, poursuivrait de sinistres meurtriers dans la cité des Doges. Ses romans se vendaient très bien et il était important pour sa publicité personnelle qu'elle vécût dans cette ville même qu'elle présentait sous un jour si particulier. Avec elle, j'ai mené la vie de château ! On vivait dans une maison de deux étages qu'on quittait pour se déplacer en gondole. Elle en avait une privée, du moins je le croyais. On prenait aussi et souvent le vaporetto et l'on descendait à la Ca d'Oro, au pont du Rialto ou encore au niveau du palais Grassi. Elle m'emmenait dans un petit sac aéré d'où je humais et voyais tout. Rien de Venise ne m'échappait : ses maisons aux façades lézardées, ses palais extraordinaires, ses musées qui drainaient les foules, ses places rarement populaires mais souvent populeuses, ses théâtres. Elle rejoignait des amis sur le Campo San Angelo et de là, on allait à la Fenice...De l'autre côté du Grand Canal, on rejoignait le palais Balbi ou la Nuova Scuola di San Rocco. Elle avait de grands amis, des Italiens riches, qui habitaient près du musée de l'Académie. Toujours très bien vêtue, belle, Sylvia aimait être reconnue et signer des autographes. Elle aimait être prise en photo aussi et savait prendre la pose. Une diva, je vous dis.
    Est-ce que je l'aimais vraiment ?
    Oui...
    franceflamboyant le 02 mars 2021
    Histoire de Gianluca
    Le Chat de Venise.

    Alors je suis resté avec le beau Massimo ! Il avait un atelier de restauration de tableaux près de l'Arsenal et je découvrais avec lui tout un autre univers ! Fini les polars styles americano vénitien ! A moi, les grandes digressions sur l'art à Venise... 
    Il me regardait droit dans les yeux mon Massimo  quand il me parlait de Bellini, pardon, des trois Bellini et moi, je n'en revenais pas  d'aimer autant les arts. Je l'avais aimé elle, de placer des cadavres, des coupables et des redresseurs de tort partout dans cette ville magique et je l'aimais lui qui me rendait visible dans un tableau tout ce qui y était invisible ! 
    Coeur d'artichaut Gianluca ?
    Oui, je crois bien.
    Il aimait Casanova et me conseillait de lire ses Mémoires ! Si je voulais vraiment comprendre Venise, je devais un bout ou l'autre ....
    Ah, il était merveilleux, hein? Seulement pour la vie privée d'une part et sur la mienne de l'autre, ne me demandez rien ,!  Motus.

    Nos liens seraient éternels.
    Oui.
    Mais non !
    Mais non !
    Miaou !

    Il y a eu la maladie. Quoi ? Vous ne demandez pas laquelle quand même ! Cette pandémie qui ne laisse personne indemne et a brutalement vidé cette ville resplendissante. Vous ne me croirez pas mais mon beau Massimo brun aux yeux bleus, cette pandémie, ça l'a effrayé. Du coup, il a filé à Milan rejoindre une vieille parente qu'il n'aimait guère.
    -Milan, c'est Visconti...Enfin...Oui mais Gianluca, toi tu es un vrai vénitien ! Me suivre ne t'irait pas et puis, je reviendrais sauf si cette épidémie nous embête longtemps...
    Dans son somptueux appartement vide, j'ai bien tenté de me la jouer star : un beau chat prêt à jouer dans un film sur une Venise désertée mais ça n'a pas marché. La femme de ménage, qui venait tous les jours, me nourrissait et me câlinait mais j'étais triste et un jour, je me suis sauvé.
    Maintenant, je suis à Santa Maria della Salute, une église très belle, une autre, car à Venise, on peine à les compter. J'ai déambulé tout seul dans une ville devenue déserte pendant des semaines puis j'ai trouvé Marcello. C'est un vieux curé, enfin vieux pour moi car il cinquante deux ans...Il n'a pas peur de la mort, je le sens et il est né à Venise ; Ce n'est pas comme Sylvia qui venait de New York ou Massimo qui était natif de Padoue. Il dit sa messe, se promène un peu, se tait, admire la lumière sur la façade de l'église et me fait sentir la grandeur et la pérennité de cette ville sur l'eau dans ce qu'elle a de plus profond. La Terre liée à la Mer, la puissance du ciel et la fragilité des hommes. Bien sûr que je pense à Sylvia se faisant prendre en photo sur le pont du Rialto ou à Massimo riant devant la basilique Saint Marc. Bien sûr que je ressens tout ce que cette ville a de beaux en termes de palais, de musées, d'églises mais je regarde l'eau, la terre et le ciel et je suis heureux. Et confiant car cette épidémie rend cette ville trop envahie par le tourisme à son silence...
    Le Père Marcello arrive, son masque sur le nez. On déambule un peu. Je miaule. Je ronronne.
    -Après je vais prier, tu viens?
    Je le suis.
    -Demain, je dirai ma messe de bonne heure. Même sans personne, je la dis. Tu resteras au fond...
    Je reste.
    Avec le père Marcello, je me sens éternel.
    Je suis Gianlucca et si un jour, on change l’emblème de la ville, je pourrais figurer sur la nouvelle version.
    Miaou !
    Ou plutôt
    Miao...
    En italien !
    hseb72 le 02 mars 2021
    @franceflamboyant, j'ai l'impression d'avoir visité Venise une seconde fois. Merci.
    franceflamboyant le 02 mars 2021
    Mais bravo vous aussi ! Le Devisement du monde !
    OSOLEMIO le 03 mars 2021
    Merci Mahaut pour ce beau thème en période de Carnaval  ( ou nous ne pouvons hélas pas aller )  !

    Faisons la fête de la primavera avec la Serenissima
    JML38 le 05 mars 2021
    Opéra

    Marie n’en revenait pas, le grand jour était arrivé. Un projet, dont elle avait discuté un peu en rigolant avec Madeleine, était tout simplement en train de se réaliser.
    Sur leur banc favori du petit square, Mado avait essayé de convaincre sa jeune amie qu’il y avait encore mieux comme expérience que la pièce de théâtre qu’elles avaient vue ensemble : une soirée à l’opéra.
    Marie, loin d’être certaine qu’elle pouvait apprécier ce style de musique - une nuit à l’opéra lui rappelant plutôt le groupe Queen et la voix de Freddie Mercury -, l’avait laissée exposer ses arguments, se disant que cela resterait qu’une idée originale de la romancière.
    Pourtant, le doute commença à s’instaurer dans son esprit lorsque Mado lui révéla que le lieu le plus sublime pour faire ses premiers pas dans la découverte de l’art lyrique se trouvait à Venise : la Fenice.
    Venise, rien que ce nom lui fit l’effet d’une révélation.
    - Êtes-vous sérieuse Madeleine ? Aller à Venise pour assister à un opéra ?
    - Mais oui, ma petite. Cela fait une éternité que je n’ai pas mis les pieds dans ce qui est pour moi le plus bel opéra du monde, dans la plus belle ville du monde. J’ai envie de me faire ce petit plaisir avant qu’il ne soit trop tard, et qui mieux que toi pour m’accompagner ? Et puis, je sais que dans quelques semaines, « La Traviata » de Verdi va y être joué, une raison de plus pour se décider.
    - « La Traviata » ? répondit Marie qui, au-delà de « Carmen » n’avait que peu de références en la matière. C’est beau ?
    - Plus que beau ma chérie, c’est magique s’enflamma la vieille dame. La plus belle œuvre jamais composée.
    - La plus belle œuvre, dans le plus bel opéra de la plus belle ville du monde. Je ne vois vraiment pas ce qui m’empêcherait de vous accompagner, répondit la jeune femme sur un coup de tête.

    Après un vol agréable et leur installation dans un mignon petit hôtel proche du Rialto, Marie et Mado, confortablement assises dans une des multiples gondoles vénitiennes, admiraient les lumières se reflétant dans les eaux sombres des petits canaux, bercées par le rythme lent et régulier imprimé par le gondolier.
    Jamais la jeune femme n’aurait osé imaginer, même dans ses rêves les plus fous, une telle arrivée théâtrale sur les flots. Ce qui l’attendait à l’intérieur du bâtiment, dont la façade côté canal ne payait pas de mine, plongea Marie dans une extase infinie. La salle de spectacle n’impressionnait certes pas par sa superficie. En revanche, les dorures qui paraient les cinq niveaux de balcons, et les fresques colorées qui ornaient le plafond, donnaient au lieu un aspect superbement baroque, vestige d’une époque où le faste régnait en maître. L’opéra portait bien son nom, « le Phénix », s’étant relevé d’un incendie par deux fois, fier de montrer à nouveau au monde ses plus belles plumes.

    Marie avait préféré s’abstenir d’écouter « La Traviata », afin de s’en réserver l’entière découverte musicale pour cette soirée. Elle s’était tout de même intéressée à l’histoire, inspirée de « La Dame aux camélias », un roman écrit par Alexandre Dumas fils. Dans l’œuvre lyrique, Violetta, la dévoyée, est une courtisane s’étourdissant dans le luxe et les plaisirs pour oublier la terrible maladie qui menace ses jours. Séduite par Alfredo Germont, un jeune homme passionné dont la ferveur parvient à la détourner de sa vie dissolue, elle doit renoncer à lui sous la pression de Giorgio Germont, le père qui craint le scandale qui risque de rejaillir sur sa famille, et finit sa vie seule et abandonnée. Un pur mélodrame pathétique, dont Marie avait hâte de découvrir la version chantée.

    Elle avait également lu dans le programme les noms des interprètes principaux, dont elle n’avait jamais entendu parler, retenant toutefois que Violetta était soprano, ce que ses maigres connaissances de l’opéra lui auraient permis de deviner, qu’Alfredo était ténor, et son père baryton. Il ne fallait pas lui en demander bien plus, n’ayant que peu d’expérience en ce domaine.

    Marie fut sous le charme dès la première scène, festive et entraînante, dans laquelle l’héroïne évolue, majestueuse au milieu de ses prétendants, sans se douter des nuages qui vont assombrir le ciel après sa rencontre avec Alfredo. Littéralement subjuguée par les performances vocales de tous ces artistes, elle sentit monter peu à peu la tragédie guettant la pauvre Violetta. Elle fut époustouflée par les envolées de la soprano, dont la voix retranscrivait magnifiquement toutes les émotions de la courtisane, jusqu’à un dernier chant où, accompagnée par les violons dans les aigus, comme hallucinée, sa voix s’éleva vers le ciel, vers la fin de sa douleur, avant de s’effondrer.

    De longues minutes s’écoulèrent avant que Madeleine ne s’adresse à sa jeune amie, la sentant tellement bouleversée par ce qu’elle venait d’entendre et de voir, qu’elle voulait lui laisser le temps nécessaire pour surmonter son émotion et sécher les larmes qui perlaient au coin de ses yeux.
    Comprenant le silence respectueux de Mado, ce fut Marie qui se décida à parler, pour la remercier de l’avoir conviée à un aussi fabuleux spectacle, ajoutant avec humour :
    - J’espère tout de même que je ne vais pas pleurer pendant tout le séjour.
    - Non, rassure-toi. Tu vas pouvoir te transformer en touriste modèle, et admirer les beautés de cette ville à nulle autre pareille. Pour ménager mes vieilles jambes, je te laisserai visiter sans moi les deux lieux incontournables. Le palais des Doges, avec ses multiples pièces et le passage du célèbre pont des soupirs qui mène aux sinistres geôles de la cité, ce qui lui a valut ce nom qui ne doit rien à un quelconque romantisme. Et bien évidemment la basilique Saint-Marc.
    Je t’épargnerai le voyage sur l’île de Murano, qui n’a que peu d’intérêt, à moins d’avoir suffisamment de temps pour se perdre dans le musée, où se trouvent les véritables chefs-d’œuvre des maîtres verriers.
    En revanche je t’accompagnerai à l’église Santa Maria del Gigli, dans laquelle nous pourrons admirer la Madone à l'enfant avec saint Jean de Rubens, en plus de quelques œuvres du Tintoret.
    Et puis, je ne te laisserai pas profiter seule d’un attrait de cette ville que j’apprécie particulièrement, ses petits bars à vin où de sublimes nectars attendent les promeneurs afin de leur ouvrir l’appétit.
    - C’est un joli programme qui m’attend avant le retour en France, commenta Marie, se projetant déjà à la conquête de la Sérénissime.
    - Ce n’est qu’une initiation. Venise se déguste par petites touches. Il faut y revenir souvent pour s’imprégner peu à peu de son atmosphère, différente suivant les saisons. La période du carnaval reste certes la plus colorée, avec tous les costumes et masques sublimes qui égayent les bords des canaux. Mais contempler la lagune dans la brume en décembre est également une expérience qui ne s’oublie pas. Ce que je te souhaite surtout, c’est d’y revenir avec cette fois un beau jeune homme pour découvrir la Venise romantique.
    Marie se sentit un peu gênée. Elle s’imaginait effectivement partager un moment agréable à Venise avec son nouveau petit ami. Une idylle naissante dont elle n’avait pas encore parlé à Mado, mais que la vieille dame dans son immense sagesse avait visiblement déjà flairé.

    Marie s’en sortit par une pirouette et un grand sourire :
    - Oui, j’espère qu’il aime l’opéra italien.
    Evysev le 05 mars 2021
    Bravo franceflamboyant  pour cette superbe balade, texte très original, j'aime beaucoup !
    ilarpent le 06 mars 2021

    Canapé dell’arte

     
    Elle s’est maquillée, a passé du fard à paupières sur ses yeux. Quelques touches de bleu. Du rouge à lèvres. On lui a dit confinement. Elle a fui. Place Saint-Marc. Autour d’elle, mille visages. Mille figures, touristes ou Vénitiens. Affolés. Désorganisés. Désarmés. Mardi gras. Un masque de carnaval sur la tête. Débordement de couleurs. Exubérance. Prolifération de rires et de joie. Éclats de voix [céphalées]. Insouciance, inconscience. Soudain farce et grimace. Comédie dramatique. Pleurs. Sarcasme. Commedia dell’arte. Arlequin ôte son costume, Colombine sa robe. Découvre ses jambes, fines, nues. Les visages deviennent flous, miroirs, camaïeux, fragments de verre brisés. Kaléidoscope embrumé. Traces de pourpre, de fuchsia et d’ocre. [Larmes] de feux, traînées lumineuses des phares des voitures. On court. Chaussures abandonnées au sol, sur la place. Perdues dans la panique et la bousculade. Flottant dans la lagune. Noyées. Collision. Urgence vitale. On dirait l’état de guerre. Les rideaux des magasins se baissent, les terrasses des cafés se vident. Arrivée à son domicile, elle réfléchit. Le soleil la blesse. Elle ne s’est pas démaquillée. Elle entre dans l’attente, après l’affolement, la cohue et la précipitation. Assignée à résidence dans sa geôle forcée. Elle mange des fruits de la passion à la chair jaune, acide. Caresse ses lèvres du bout des doigts. Un médecin décède. Elle se lave les mains, fait couler l’eau trop longtemps, écoute les trilles des oiseaux. Elle plaque un foulard sur sa bouche, urgence sanitaire. S’installe sur son canapé. Elle suffoque, thorax oppressé, [douleur] corail sous le sternum. Elle aspire l’air. Par la fenêtre, elle voit les médecins passer avec leurs masques d’oiseau au long bec parfumé aux herbes, aux épices et au camphre, censés combattre les odeurs. On se croirait revenu au temps de la peste noire. Déjà des milliers de morts. Elle prend sa température [fièvre], s’essouffle [difficultés respiratoires]. De leur balcon, plusieurs voisins applaudissent. Elle applaudit également, par solidarité pour les soignants, le personnel qui se dévoue, corps et âme, au chevet des malades. Les images sont floues. Comme du maquillage, du maquillage qui a coulé sur ses joues, autour de ses yeux. Il n’y a plus personne place Saint-Marc. Un costume de carnaval jonche le sol froissé. Un couple s’aventure dans une ruelle, main dans la main, affublé d’un masque. Il disparaît presque aussitôt dans le flou, dans le kaléidoscope, dans les fragments de verre brisés, morcelés. Dans le jeu des miroirs, dans l’écarlate et le magenta. Elle revoit mille visages, ne parvient pas à discerner qui est qui. Elle s’épuise, se [fatigue]. Elle a trop mal. Elle dégrafe son corsage. Jette négligemment ses vêtements sur le parquet. S’allonge nue sur son canapé, la main sur le sexe, trou béant ne donnant plus la vie, n’accueillant plus aucun liquide séminal. Hymen blessé. Plus de contractions, de périnée déchiré. Elle livre bataille contre un ennemi invisible, un vent de panique dans les yeux. Escarpins renversés. [Urgence respiratoire] rouge comme le sang, bleue comme son maquillage. Sa peau est douce. Lèvres humides. Plus aucune pudeur. Elle somnole. Attend la fin. Confinée, délirante. Larmes recousues. Un grand silence l’étreint, [intubation] de questions. (Cordon ombilical : Comment la première femme a-t-elle su qu’il fallait le couper ?) Des phosphènes projetés sur le mur, éclats de sérum, ébullition de jaunâtre, de safran ou de grenat délavé qui coagulent peu à peu. Un prisme : elle cherche le visage des gens aimés, cachés derrière leur masque. Elle cherche le dégradé des couleurs des femmes callipyges qui lui donnent le vertige [hospitalisation, soins intensifs]. Une odeur de soufre, des taches d’huile qui glissent sous ses doigts, sur son corps allongé nu, fragile, vulnérable. Sur son bas-ventre qui ne procréera plus, hermaphrodite étendu sur le côté, comme cette statue de marbre vue au musée de Florence : sein arrondi de femme sur le drap, pénis entre les cuisses. Des tentures carmin, tout autour, à profusion. Désir impudique dessiné au pinceau. Musée des Offices. Courir entre Florence, Rome et Venise, dans un assouvissement inavoué. Concupiscence de la chair. Deux sœurs nues dans leur bain de lait, l’une tenant le téton de l’autre entre ses doigts. Gabrielle d’Estrées, favorite du roi Henri IV, morte alors qu’elle était enceinte. Terrasses des cafés renversées. Tenture rouge. Canapé confiné, meurtrier, déjà en [réanimation]. Cheveux épars. Halètement solitude asexuée. Mort programmée [coma artificiel]. Chambre mortuaire, mains sur la poitrine.
     

    Isabelle Larpent-Chadeyron
    vibrelivre le 13 mars 2021
    Amori et dolori sacrum
    La mort d'un Vénitien



    Rien ne se passe bien cette nuit . Je suis sorti de mon palais, le palazzo Strozzi sur le Grand Canal, vers la minuit comme d'habitude. Un volet a claqué, tandis que je descendais l'escalier de marbre. J'ai sursauté, alors que de manière générale pas grand-chose ne me surprend Mon valet avait, selon sa coutume, allumé les bougies, deux à chaque extrémité des marches, pour amadouer les dieux de la nuit. Apparemment, celui du vent restait indifférent à cette marque de piété et d'intérêt. Mais était-ce le vent ? J'ai des ennemis. J'ai beaucoup d'argent, je vis en rentier comme un prince, je mène ma vie furieusement, avec passion, et d'abord celle d'une liberté absolue. Je ne crains pas les attaques, j'écrase les reptiles, je brocarde les matamores et ceux qui ne vont pas jusqu'au bout, je suis un bretteur, et des meilleurs. J'aime qu'une action soit bien faite.
    Mais cette nuit, rien ne se passe bien, je suis comme le lion de mon foyer préféré, la Santa Maria Gloriosa dei Frari : dans une pose triste. Je pense à mon frère de cœur à la paupière tombante. J'ai beau me secouer la carcasse, les pressentiments s'accrochent. J'ai fait ma promenade, détente des jambes, et parade de ma rapière qui n'a pas de nom, comme ma mère, la non-nommée. J'ai regardé alentour, mis des caoutchoucs à mes bottes, troqué le chapeau à plume contre une cagoule noire. Je me suis préparé pour une œuvre des ténèbres. Loin de chez moi, et des lumières orgueilleuses de quelques palais, évoquant les halos mouillés qui éclairent les façades art déco de la rue Gran de Gracià à Barcelone, près d'un vieil immeuble obscur et lépreux, j'ai retrouvé Giovanni, le gondolier qui me sert depuis longtemps, un homme musculeux et taiseux, un bel homme, ma foi, et que l'argent que je lui donne dissuade de choisir un autre maître. Il connaît l'itinéraire par cœur, il n'a besoin d'aucun fanal pour diriger parmi les sables son embarcation. Il faut dire que parfois des flammes s'élèvent dans ses yeux. Je ne suis pas monté dans la gondole. 
    La rame était immobile, il m'a semblé que l'eau clapotait. Les harpies du soupçon s'étaient emparées de ma personne. J'étais inquiet. Je ne parle jamais à Giovanni, je ne sais pourquoi, en quittant l'endroit, je me suis retourné et j'ai dit : Doman, demain. Giovanni a légèrement baissé la tête. Je me suis reculé vers le fond de l'immeuble. Un rat, à demi-émergé d'une eau fangeuse et fétide, se tenait tapi derrière les pieux des fondations. Je ployais la nuque, la mort n'était pas loin. Je me ressaisissais. J'étais un conquérant, le conquérant de la liberté tout de même, je n'allais pas me faire avoir par des idées-fantômes. L'église était ouverte, je l'avais fait ouvrir, un ami m'y attendait. On ne déçoit pas un ami. Je me dressai, enlevai le caoutchouc et faisais claquer fièrement mes bottes sur la pierre. J'aimais ce message adressé à ma suiveuse, à mon épieuse. J'ôtai le masque dérisoire, j'allais les cheveux nus. J'étais prêt. L'église n'était pas loin. Le pont qui y menait me reconnaissait. Mes jambes retrouvaient leur souplesse, mon cœur s'incendiait d'impatience et d'attente heureuse. Je distinguai le campanile qui devait un second prix à sa hauteur. Je courus presque. La musique m'accueillit. C'était un Madrigal de Monteverdi. Il est chez lui ici, Monteverdi., prêtre et défunt. Et maître de musique. Il me plaît, ce compositeur, avec sa veine amoureuse et poétique. Si l'on regarde un de ses portraits, on sera frappé de sa ressemblance avec le chevalier à la triste figure, même si celle du musicien est moins émaciée. J'aime son travail sur le grave, l'aigu, la dissonance, la surprise. J'allai derrière le Monument à Canova. Mon ami s'y tenait. La foudre s'abattit sur moi.
    vibrelivre le 13 mars 2021
    Je m'appelle Strozzi, Julio Strozzi. Que le nom de Strozzi ne vous impressionne pas. Je suis un fils naturel. Que son père volage a bien voulu reconnaître, juste avant de mourir, pour se fixer une descendance, saine en mélangeant, mêlant, fouettant, les sangs. Comme si l'on pouvait fixer quoi que ce soit. Volage et riche. Mon père était un redoutable marchand, il avait un sens très coupant des affaires . J'ai hérité de la fortune, mais sans doute dois-je tenir de ma mère, que je ne connais pas, car le commerce ne m'intéresse pas. Peu de chose du reste m'intéresse. Je veux dire de stable, de rentable. Moi, ce que j'aime, c'est l'eau ; elle coule, elle s'écoule, elle se mélange comme les sangs, elle grossit, elle s'élargit, elle ondoie, comme la queue des sirènes, et le jugement des hommes. Elle change, quoi. Alors j'aime aussi les ponts, et à Venise, il y en a des ponts, le pont du Paradis, le pont de la Liberté, le pont des Poings. Il faut s'en servir dans la Sérénissime, ne serait-ce que pour garder sa liberté. C'est un titre étrange que celui de Sérénissime, il comprend de la majesté, Venise en a indiscutablement, de la noblesse, si l'on veut, le sang bleu se nuance, de la réputation, celle de ma ville n'est plus à faire, avec les étrangers qui la visitent par myriades, ses marchands, ses routes ouvertes vers l'aventureuse Asie et ses levantins dessous, son cœur cosmopolite et ses périphéries extrêmes, son commerce du poivre. les céréales qui ont fait gonfler les bourses des aristocrates comme l'air de la mer et du lucre leurs poumons et leurs obsessions, sa beauté et sa richesse architecturales. Mais de sérénité, point. Venise, c'est l'agitation constante, le tumulte, les turbulences, l'eau qui dort et monte brusquement, et inonde ce qui la dérange. Pas un pont que je n'aie franchi des centaines, des milliers de fois, le pont du Diable construit en une seule nuit par celui qui lui donne son nom et qui aux sorcières célestines confie la clef -en or bien sûr, la séduction que rien ne dépasse, de l'amour, en échange d'un pacte ignominieux qu'il rappelle en se jouant de la nuit sous la forme d'un chat noir à celles qui l'ont accepté, comme si l'Amour, si jaloux de ses droits, délivrait une clef, et s'emprisonnait dans des contrats, le pont Chiodo. Qui, comme le précédent, est dépourvu de parapets. Les gens sont vains, et d'autant plus enflés de gloriole qu'ils sont vides. La famille Chiodo était des plus boursouflées. Avec ses visages bouffis plâtrés de blanc, qu'on eût pensé que chaque jour elle fêtait Carnaval, elle voulait dresser ses enseignes sur le passage en signe de propriété, mais les vaniteux sont légion, et la famille Garofano s'empressait de dépêcher ses hommes pour faire dresser les siennes, et c'étaient des joutes picrocholines où les assaillants d'opérette se jetaient les uns les autres à la baille pour y adoucir leurs petits maux biliaires. Je ne manquerais pas de citer le pont des Flèches, le pont du ghetto, celui des Soupirs, et le pont que je vois de ma fenêtre, mon terrain ferme, le pont Rialto ; et le Grand Canal, Il Canalasso, a de l'affection, je le sais, je le sens, pour l'aîné de ses ponts. Tous ces ponts gardent mon enfance de l'oubli. Elle fut frénétique, joyeuse, espiègle, attentive : vénitienne. J'y appris la lutte, l'aisance dans la vivacité ; j'y découvris l'amitié, et l'amour aussi ; je connaissais la cité des Doges comme pas un, j'allais de la rive droite à la rive gauche comme le battant sonne une cloche en volée, et c'est un son allègre, puissant, presque triomphal. Ah, j'aime la musique, sacrée surtout, qui fait entendre les rapports harmonieux de l'Univers et nous sauve des pleurnicheries, des geignements du monde trop humain. Que ces gouttelettes se noient dans le Pô, et soient enfin fécondes. J'aime la musique des notes, celle des lettres, je suis poète, furieusement poète. J'écris ; et je chante. Celle des anges aussi. Ceux des maîtrises que j'aime écouter dans la basilique mineure des Frères, I Frari, la nuit. J'ai de l'argent, je peux tout. Je me la fais ouvrir pour moi seul. Je mets le CD. La nuit, j'entends mieux. Je ne suis pas dispersé par les tableaux, des Titien, des Tintoret, ad nauseam les Tintoret. Je ne regarde pas les ombres que font jouer les cierges sur les statues, sur les tombes des grands hommes de la ville. Je ne salue pas Saint Antoine de Padoue, la tonsure franciscaine, au visage si féminin, et d'une allure si peu énergique que j'ai peine à croire qu'il a mené une vie d'une intensité exceptionnelle. Je détourne même les yeux du squelette du sculpteur baroque qui me fascine. Je lui ressemble, et davantage au fil des ans. Car je suis né baroque. Je suis l'irrégulier, doublement illégitime. J'aime le défaut. Je crie à la brisure, comme on dit en héraldique. Quand ma tête se ploiera, je serai mort. Cela me fait penser au Corsaire, le réalisateur aux 3 P. Il se regardait souvent dans le miroir. Il savait que si un jour sa paupière tombait, c'était son dernier jour. Tout à la musique, je me revigore. Mes poumons se gonflent, et se vident, c'est la plénitude. L'espace dépeuplé d'hommes, touristes ou dévots, tous importuns, répand la vitalité. Je m'en regorge. Le cristal des sopranes pénètre mes bronches, mes vaisseaux. Les notes, noires et blanches, voltigent sur des rythmes changeants dans les allées principales, puis s'égayent dans les chapelles, ahurissantes comme des greniers, et tournent autour des piliers sombres. Elles forment des coulées d'air, et je respire comme un dieu. Je sais que certaines m'attendent près de la statue du bénitier que je nomme simplement l'Immaculée parce qu'elle me rappelle une prostituée que je chéris entre toutes. Les plus belles prostituées sont à Venise. Ce n'est pas Casanova qui me contredira. Ni même Henri III, le Français, le roi gracieux qui portait une perle blanche à l'oreille, qui se trouva bien dans les bras de la splendide Veronica. Et le Tintoret , qui fit son portrait? Lui, le maniéré, qui peignit tant de vies de Jésus, alors qu'il avait la tête pleine de ruses, ne goûta-til pas aux joies de l'amour porté à l'art par cette poétesse intelligente et sensible aux peines des humbles ? Ne vous fiez pas aux mœurs. Ces personnes méprisées, qu'on traite de faciles -ce terme me soulève le coeur- sont toutes de générosité. Ce sont des résistantes. Elles luttent pour protéger les leurs, pour rester en vie. Elles initient, elles prodiguent des douceurs, elles s'entraident, elles travaillent pour la ville, elles paient des impôts, oh, ça oui, elles en paient et le gouvernement s'en trouve bien aise, l'hypocrite. Elles ont emprunté bien des fois le Pont des Tétons, il Ponte delle Tete, elles qui, le surplombant, affichaient leurs seins aux fenêtres du lupanar couru, pour détourner de jeunes gens ardents de déviances homosexuelles. Comme si l'on pouvait détourner quoi que ce soit. Je l'ai fait venir, la mienne, ma Rolanda, mia Rolandina, deux ou trois soirs dans ces lieux sacrés. Non, je ne suis pas un homme qui cherche le blasphème. Un jour, un prêtre qui contint au mieux son indignation, me dit : Et dans une église ?! Après bien des interrogations muettes, des vacillements de la pensée, il ajouta, tremblant : C'est Dieu qui voit. J'en conçus une gêne certaine, plus à cause de l'offense faite au serviteur de Dieu qui ne savait que penser, qu'à celle de la faute, qui n'en est pas une pour moi. La musique est partout, et nulle part elle ne se salit, quand elle ne se plie pas devant un maître tyrannique. Je n'ai pas de maître. I Frari convient au mieux. Ma Philadelphie à moi: Rolanda est Rolando, Polo pour les intimes, pour moi, caro Polo, qui porte le nom du quartier, mon quartier. Elle est hermaphrodite. Sa poitrine opulente ne laisse pas oublier ses attributs virils atrophiés. Et elle chante … comme un castrat. Quelle tessiture. Sa voix est agile. On dirait un petit écureuil, tout palpitant, qui bondit de branche en branche la queue en panache révélant ses émotions. Je l'ai dit : j'aime la musique. Elle me grandit, elle me rend pur...
    vibrelivre le 13 mars 2021
    Tandis que j'écris ces lignes, presque couché sur ma table, c'est Orlando furioso qui hurle mon désespoir. J'ai fait ouvrir toutes les fenêtres, allumer toutes les lampes ; je veux que tout Venise frémisse. Le vent forcit. Le temps est déréglé. Des gondoles noires comme la traîtrise heurtent les pontons sous les brumes, qui se sont levées inopinément. Elles se cachent des réverbères qui pleurent. Des chiens aboient. Ils ont flairé le cerf que je suis. Je sens, je pue le chagrin, le sang, l'amer. La musique, qui me préserve des pleurnicheries, des geignements, m'abandonne au destin d'un homme qui s'est pris pour un dieu. Je pourrais me terrer dans quelqu'île bienveillante, amoureuse du clandestin. Je dois écrire, dire pourquoi je meurs sans descendance. Un bâtard se soucie-t-il d'une lignée ? Et le nom qu'il porte, comment ne s'en déferait-il pas, quand ce n'est pas le sien et qu'il est orphelin du nom de sa mère ? Mon valet m'apporte des cicchetti : de petits poulpes, des toasts à la crème de morue, et des beignets de courges et de courgettes. Mon valet sait que la terre tourne autour du soleil, et que quelque chose ne tourne plus rond en moi, mais il connaît son métier, il se tait, et m'apporte des provisions de bouche pour me réconforter. La classe ! Je fais effort, et j'en mange un, par reconnaissance, et pour rester debout. Le dernier mets du prince. Je suis un meurtrier. J'ai tué Polo, et j'ai tué Giovanni. Je n'ai pas supporté. Polo chantait pour Giovanni, et je retrouvais l'écureuil palpitant dont le panache de la queue révélait les émotions, les mêmes émotions qu'il avait en ma présence. Le pommeau de ma rapière s'est enlacé à mon poignet, j'ai frappé, ils ne m'ont même pas vu, deux coups bien propres. Pour deux salauds de frères. J'ai regardé Canova, et j'ai embrassé Polo, caro, caro Polo. Je ne l'ai pas ranimé. Je me suis penché sur sa face aimée, comme Amour au-dessus de la faible et curieuse Psyché. Je n'ai rien pu faire, parce que j'étais mort moi aussi. L'urne de porphyre contient le cœur du sculpteur, à ce qu'on dit. J'ai laissé le mien près d'elle ainsi que ma rapière, ma signature, mon vrai nom. J'étais un autre. Je suis passé devant l'Immaculée, et je lui ai montré mes taches. J'ai pris de l'eau du bénitier pour me rafraîchir.

    Je repense au prêtre que j'avais scandalisé. C'est Dieu qui voit, avait-il dit en ne sachant que dire. Dieu a vu : dans une église, encore, j'ai versé le sang pour un affront personnel. Et je parle de vaniteux. L'amour n'est pas une excuse, l'amour est indépendant, il a ses propres lois. Pourtant, au fond de moi, réside la pureté. Le mot est susceptible de tant de sens. Un , au moins, me va. J'aime si fort la musique. Et la liberté. Quand la police viendra, assourdie par les notes vivaldiennes, le disque tourne en boucle, elle trouvera ma lettre. Elle lira que j'aime l'eau.

    Ce qu'elle ne saura pas, c'est que j'aurai fait claquer mes bottes, en portant haut le chapeau. Et le Rialto m'aura adressé un salut d'enfance. Pur.

    maliroland le 16 mars 2021
    Venise .

    Il y a Venise telle qu’elle est et telle qu’on l’imagine. Telle qu’on l’a imaginée, telle qu’on l’imagine et telle qu’on l’imaginera. Et peut être au fil du temps et de l’âge, l’imaginera t on au plus près de ce qu’elle est. Mais quand à y mourir, au diable Visconti, non, chacun porte en soi, fruit de son histoire et de son parcours de vie, ce lieu qui sera notre dernière demeure.

    Venise. Comment l’imaginais je il y a une quarantaine d’années ? J’avais alors un peu plus de vingt ans. Sartre et Beauvoir me viennent à l’esprit. Le café où ils aimaient à s’asseoir, le Florian je crois. Se poser là où ils l’avaient fait, regarder ce qu’ils avaient dû voir, semblait me renforcer d’un je ne sais quoi. Aujourd’hui, je me dis qu’il faut exister par soi même, ne pas calquer ses pas sur ceux d’un autre et je chasse le mot illusion qui s’impose à moi, ayant bien conscience de mon côté rabat joie.

    Je la voyais aussi ville des amoureux, aïe, mon romantisme d’antan s’est effrité avec l’usure du quotidien et cette réalité, panel de couleurs allant du noir au rose bonbon. Rabat joie vous disais je, mais en partie faux, je garde un regard attendri lorsque cela me prend.

    Pas de gondoles, simples étudiants, c’était déjà bien d’avoir pu nous offrir le voyage. Au diable les gondoles.

    Les vieilles rues, l’histoire, tout cela m’avait en grande partie échappé car la culture tout comme un produit d’épargne, réalité arc en ciel côté argent vous disais je, doit s’étoffer suffisamment afin d’habiller notre regard de pourpre et de dorures.

    Une saynète me reste gravée. Elle m’est favorable, bien sûr.
    Une petite place au bord du canal, occupée par la terrasse d’un café en son entier. Nous sommes bien, bien au milieu et nous prenons un cappuccino. Soudain, un grand bruit, une ou des secousses, et cela dure quelques secondes, qui paraissent longues. Autour de nous, autour de moi, les gens s’affolent, se lèvent pour la plupart et courent en tous sens. Je me souviens d’une jeune femme partant, laissant sa poussette seule. Panique, panique. Est elle vite revenue ?, je ne me souviens pas. Restons là, c’est la meilleure place, loin des pans de murs susceptibles de s’écrouler. Le mot sérénité me vient.

    Autre histoire. Un roman, Venise juste en face. Une femme, seule, âgée, ayant rempli sa vie de pas grand-chose. Elle se rattrape comme elle le peut en vivant à travers la vie d’un jeune couple habitant en face. La voyez vous ?, à sa fenêtre, derrière ses rideaux. Une nièce devenue orpheline, vient habiter chez elle. Jolie nièce qui grandit. Pour donner un peu plus de sel à sa vie peu remplie, elle manipule sa nièce en la jetant dans les bras ou les pattes plutôt, de l’homme juste en face. Sympathique, n’est il pas. Pourquoi Venise, cette ville choisie par l’auteur, je ne sais pas. Vampirisme, exister à travers l’autre. Vampire, Venise, ce n’était qu’une histoire et au diable les vampires.

    Je me rends compte qu’écrire Venise telle qu’elle est n’a guère de sens et je n’ai pas donné dans la description carte postale. Chacun son genre, chacun son style, chacun son imagination et chacun ses décalages entre illusions et réalités.

    Pour l’heure, je vais attendre l’Orient express, ou un train comme cela. J’ai entendu que la SNCF allait relancer les trains de nuit. L’Orient express m’a toujours fasciné. A t il été supprimé d’ailleurs ?

    Mais entre mythes et réalités, chacun ses plaisirs de vie.

    Une flûte Murano, pardon deux, cela me plairait bien, aussi. Champagne, ma douce amie.
    Carla03 le 17 mars 2021
    Quelle ne fût pas ma surprise quand j'ai publié le texte/image que j'ai passé de longues minutes à réaliser et que j'ai découvert que la mise en page n'était pas la même...

    Pour ne pas avoir fait tout cela pour rien ( bien que cela m'ait appris de nombreuses choses sur moi, notamment la taille de ma patience encore plus petite que ce que je pensais ), je partage ici une capture d'écran de ma création éphémère, afin que bien qu'elle ne vivra jamais dans l'espace commentaire, elle vive à travers vous et à jamais dans vos cœurs...

    EveLyneV le 18 mars 2021
    Venise

     

    Comme chaque matin, Victor emprunta le vaporetto qui le menait de son île M. au centre de Venise. Il rêvassait quand soudain une embardée le fit revenir à la réalité. Un hors-bord leur avait coupé la trajectoire. Il eut juste le temps de capter l’image fugace d’une femme blonde et d’un homme.

     

    Quand il posa le pied sur l’embarcadère devant la place San Marco, les touristes patientaient déjà devant la basilique. Il se faufila. La femme qui le précédait trébucha, il la rattrapa. Elle se tourna vers lui, reconnaissante. Elle le remercia et lia la conversation. Étrangère, elle venait d’arriver. Il revit le profil de la passagère du bateau. Il s’écarta. Malgré lui, elle le suivait. Poli, il ralentit le pas et expliqua deux ou trois choses sur la place, notamment les chocolats chauds réputés des deux cafés F. et Q. et les conversations sans fin, voire les compétitions pour décider lequel fabriquait le meilleur. Il acheta son journal et ils arrivèrent à la bibliothèque.

    — Vous travaillez là ?

    — Je suis étudiant. Des recherches, vous voyez…

    Elle sembla impressionnée. Puis demanda le chemin pour se rendre au H.’s bar. Il regarda sa montre et proposa de l’accompagner. Elle le récompensa d’un sourire éclatant.

    — Vous êtes un homme galant, vous ! Moi, c’est Mira.

    — Victor.

     

    Devant le bar, elle l’invita à prendre un café. Ne connaissant pas le lieu, il se laissa convaincre. Ils entrèrent et affrontèrent le regard malicieux du portrait de H.

    — Ce bon vieil Ernest ! Connaissez-vous ses ouvrages ?

    — Pas trop ! rétorqua-t-elle, brusquement un peu nerveuse.

    Elle commanda un alcool fort. Il fut surpris, mais se tut. Elle ôta son manteau et dévoila une broche qui resplendissait de mille feux. Il ne put s’empêcher de lui conseiller la prudence. Elle le rassura, « c’est du toc ». Par politesse, il demanda le nom de son hôtel, le plus chic de la ville, mais elle venait d’arriver et ne le connaissait pas, s’il pouvait lui expliquer le chemin… Il traça un vague plan sur un morceau de papier extrait de sa poche. Il buvait son café à petites gorgées, le dégustait, quand, dans le fond, un homme se leva et renversa un verre qui explosa sur le sol. Cela ne l’empêcha pas de se diriger vers leur table. Alors, les cloches sonnèrent et Victor sut qu’il serait en retard. Il prit congé.

     

    Régulièrement, il s’arrangeait pour terminer ses tâches de magasinier avant la fin de son service, ainsi, le temps libéré lui permettait de compulser les livres et d’acquérir des connaissances convoitées depuis longtemps. Il ne désespérait pas d’être reçu à l’université quand son père, souffleur de verre fatigué et malade, percevrait sa pension de retraite.

     

    En fin d’après-midi, il sortit avec un collègue. Elle l’attendait et le remercia pour ses conseils avisés du matin, elle avait goûté les deux chocolats chauds. Elle lui suggéra de lui faire visiter Venise. Après une heure de promenade, elle lui confia avoir réservé deux costumes pour profiter du Carnaval qui battait son plein. Il refusa, devant s’occuper de son père. Elle insista. Il se laissa persuader. Il téléphona qu’il ne rentrerait pas et son père avertit son cousin que Victor passerait la nuit chez lui à Santa Croce.

     

    Vers dix-neuf heures, elle lui donna rendez-vous à vingt-et-une heures  et s’éclipsa. Il décida de dîner dans une trattoria tenue par le père d’un ami d’enfance. Il lui conta l’aventure. L’homme lui tapota l’épaule et l’encouragea. Victor se donna dix minutes pour rejoindre le point de rencontre. Elle n’était pas là. Il attendit puis se lassa et marcha. Il admira la vitrine de la minuscule librairie, envia les livres exposés. Un vieil homme promenait son chien, il le dépassa, le salua, monta et redescendit péniblement le pont et entra dans une bâtisse plus loin. Victor le suivit des yeux. Les touristes commençaient à ressurgir de tous les côtés. Il se rapprocha de la place et vit une femme, déjà costumée, qui courait.

    — Je ne suis pas trop en retard ? Je me suis égarée… Voilà votre costume.

    Ils s’arrêtèrent dans un caffe et il se changea dans les WC.

     

    Ils passèrent la soirée à déambuler dans les ruelles, à poser sur les marches des ponts, à traverser les places, à se laisser prendre en photo. Leurs costumes en harmonie les dissimulaient complètement à la vue de tous. Elle portait un masque, une robe et un voile de la couleur jaune or avec de fins traits noirs et lui un costume noir avec des rappels en or. Ils eurent un succès incroyable. Elle savait marcher lentement, tourner sur elle-même et il apprit à l’imiter. Elle riait de temps en temps, amusée d’être quelqu’un d’autre. Les cloches sonnèrent et elle l’emmena vers l’hôtel D. afin de rendre les costumes. Il passa derrière un paravent et se changea. Puis il la chercha, elle avait disparu. Peut-être l’attendait-elle dehors. Il rendit le costume. Ne la trouvant pas, il fut étonné qu’elle ne l’ait pas salué. Il attrapa le vaporetto qui le mena chez son cousin. Le pilote, une connaissance de lycée, l’autorisa à lui parler. Victor lui raconta son étrange aventure nocturne. Quand il débarqua, le pilote lui tapa l’épaule :

    — Une de perdue, dix de retrouvées ! Bonne nuit !

     

    ***

     Le lendemain, il quitta l’appartement tôt, après avoir préparé le petit déjeuner. La matinée se déroula comme d’habitude puis, en début d’après-midi, il fut appelé dans les bureaux. Deux policiers, un grand et un petit, vérifièrent son identité et lui demandèrent de les accompagner. Les têtes des employés, curieux, dépassaient des portes. Victor, un jeune homme seul, triste, convoqué par la police !

     

    Au commissariat, on le fit asseoir et on déclencha une caméra. Il dut raconter la soirée de la veille. Il s’exécuta docilement. À la fin de son récit, on lui posa des questions précises :

    — Entre vingt heures et vingt-et-une heure trente, où étiez-vous ?

    Il répéta.

    — Donc entre vingt heures cinquante et vingt-et-une heure trente, vous étiez seul ?

    Il confirma.

    — C’est gênant…

    Alors, il osa demander ce qui se passait. On l’informa du vol d’un bijou d’une valeur de cent mille euros à l’hôtel G. pendant ce laps de temps. Après quelques minutes de réflexion silencieuse, il s’insurgea :

    — Et vous m’accusez ? Pourquoi ?

    Ils rétorquèrent, qu’à la suite du vol, une femme s’était présentée et leur avait narré sa rencontre avec un jeune homme « Victor » qui étudiait à la bibliothèque. Il lui avait demandé le nom de son hôtel et avait vu le bijou, qui l’intéressait fortement.

    — Alors, qu’avez-vous fait hier dans le créneau concerné ?

    — Je vous ai dit la vérité.

    — Pourtant, vous avez menti !

    — Pardon ?

    — Vous avez dit à cette femme que vous étiez étudiant, mais vous n’êtes qu’un magasinier…

    — J’apprends en même temps.

    Un peu gêné, il ne pouvait confier combien il s’était senti un autre homme avec elle, alors lui avouer qu’il travaillait comme magasinier… Pour une fois que quelqu’un le considérait !

    — Si vous le dites ! Votre père est souffleur de verre, pourquoi ne pas avoir pris sa suite ?

    — Mon père est malade, épuisé… Comme mon grand-père… Et j’aime les livres ! Je veux étudier.

    — Où est ce bijou ?

    — Je l’ignore.

    — Nous vous gardons. Cette femme affirme que vous l’avez contrainte, sous la menace, à se rendre à l’hôtel avec vous. La menace est un facteur aggravant.

    — Non, c’est impossible, je ne suis pas comme cela.…

    Désemparé, il se prit la tête dans les mains. Son cœur tremblait à l’idée qu’il serait jeté en prison et il se rappela ce qu’il savait du Pont des S. et des détenus qui mourraient, oubliés de tous, dans les geôles… Soudain, il la releva :

    — Attendez, hier soir, j’ai rencontré un vieil homme avec son chien et il est entré via A.

    — Tiens, vous vous souvenez… Allez, en cellule !

    — Non… Attendez… Je veux voir cette femme, une confrontation. Vous ne pouvez pas me la refuser…

    — Mon gars, vous êtes dans le pétrin, lui asséna le plus petit, en le reconduisant.

     

    ***

    En soirée, on vint le chercher. Une femme attendait dans un bureau, elle se tourna vers lui. Victor la regarda et déclara immédiatement :

    — Ce n’est pas elle ! Elle lui ressemble, mais je suis formel, l’autre est plus classe !

    La femme voulut répliquer, se venger. L’agent le plus grand, le chef, ne lui en donna pas le temps.

    — Pourtant, sa version de la soirée correspond à la vôtre. Le même parcours…

    — Elle n’est pas d’ici… et elle se rappelle… marmonna Victor.

    La femme leva les yeux et confirma qu’il était bien le garçon avec qui elle avait passé la soirée. Victor lui demanda de parler de la matinée. Elle se contenta de narrer leur rencontre, les grandes lignes de la conversation, le bar et sa décision de le revoir, il était si gentil…

    — J’aimerais pas être à votre place, déclara l’agent, le plus petit, et il appela un garde.

    Il était tard et on ramena Victor en cellule.

     

    ***

    Le lendemain matin, on lui montra les films de la vidéosurveillance du couloir de l’hôtel. On voyait nettement un homme sortir d’une chambre, accompagné d’une femme. Les deux portaient les costumes et ne pouvaient être identifiés. Victor dut reconnaître les habits, mais nia être allé dans cet hôtel. Il persista malgré tous les arguments du chef.

    — D’après le logiciel, cet homme a votre corpulence et votre taille. Le plus simple est que vous reconnaissiez les fa
    EveLyneV le 18 mars 2021


    — D’après le logiciel, cet homme a votre corpulence et votre taille. Le plus simple est que vous reconnaissiez les faits. Vous êtes pauvre, pas bien gâté par la nature, il faut le dire… Cette femme magnifique s’adresse à vous, en plus elle fait attention à vous, elle a de l’argent, alors… à votre place, j’aurais été tenté… allez admettez, vous avez perdu la tête ! Et vous regrettez votre geste… Qu’en ferez-vous de ce bijou ? Vous le vendrez ? À qui ?

    Victor garda la main sur sa joue gauche, la recouvrant depuis les paroles du chef « pas bien gâté par la nature ».

    — Je ne reconnais rien. Je suis honnête. Et je vous ai dit que ce n’est pas la même femme… D’ailleurs, elle n’a pas détaillé la matinée comme elle l’a fait pour le soir… Parce qu’au bar, il s’est passé un incident… Demandez au barman ! Et ce vieil homme, via A., vous l’avez vu ?

    Les agents quittèrent la salle. Ils revinrent une heure plus tard.

    — Le vieil homme se rappelle avoir vu un homme devant la librairie, mais il se pense incapable de l’identifier. Il ne portait pas ses lunettes. Et le barman ne travaille pas, mais il viendra plus tard… L’appartement de votre cousin et la bibliothèque sont perquisitionnés.

    — Vous ne trouverez rien, sauf si vous placez quelque chose… osa-t-il déclarer. Il ne fut pas ému.

    De nouveau, on le ramena en cellule.

     

    ***

    Dans l’après-midi, il fut confronté au barman qui le reconnut.

    — Et que s’est-il produit ?

    Le barman le regarda étonné.

    — Je ne vois pas…

    Les agents intervinrent. Et le barman, après un moment, les interrompit :

    — Ah ! L’homme qui a cassé un verre, vous savez, c’est assez fréquent… Moins le matin, c’est certain… D’ailleurs, la femme avec vous lui a lancé un regard de colère…

    — Attendez… vous suggérez qu’ils se connaissaient ? questionna le chef, soudainement plus intéressé.

    — Je l’ignore… Par contre, il est sorti juste après elle…

    — Et cela elle ne l’a pas évoqué ? Ce verre brisé ? ajouta Victor.

    Les agents demandèrent la description de cet homme et un dessinateur établit un portrait-robot. On ordonna de visualiser les caméras le long du trajet vers l’hôtel. Le barman proposa :

    — Un morceau du verre cassé vous intéresse ?

    Les agents furent surpris et il expliqua que sa nièce s’adonnait à la peinture sur verre, alors il lui rapportait les morceaux suffisamment grands.

    En début de soirée, les agents se présentaient à l’hôtel dans la suite de l’ex-ministre, victime du vol.

    — Messieurs, des nouvelles, je présume ?

    — Tout à fait, l’affaire est élucidée.

    Il les pria de s’installer sur un sofa.

    — Vous avez arrêté le voleur ? Quand vais-je récupérer mon bijou ?

    — Chaque chose en son temps.

    Le chef expliqua le développement de l’enquête, discours ponctué de « ah ! », « non ? » émis par le ministre et sa femme.

    — Et la conclusion ? demanda-t-il.

    — Victor n’est pas coupable !

    Les deux époux ne réagirent pas.

     

    Le chef reprit la parole, expliqua que le visionnage des caméras du trajet montrait la rencontre de madame et d’un homme qui attendait au H’s bar. Et qu’en regardant attentivement l’homme qui ressortait de la chambre, on percevait une légère claudication. De surcroît, le personnel avait été alerté par l’ouverture inopinée d’une issue de secours au même étage, ce qui suggérait l’entrée clandestine d’une personne.

    — À moins d’une mise en scène pour duper la police, ajouta-t-il.

    La femme et le ministre restaient silencieux.

    Le policier se leva, fit le tour de l’appartement et tendit un doigt :

    — C’est une chambre communicante ?

    — Une suite, mais la porte est verrouillée des deux côtés.

    — Bien sûr… Il se mit à marmonner.

    L’ex-ministre attrapa un paquet de cigarettes et se ravisa, l’hôtel étant non-fumeur.

    Le chef dit :

    — Qui est cette autre femme ?

    Le couple échangea un regard fugace.

    — Victor est certain que celle qu’il a vue au commissariat n’est pas la même que celle du matin. Peut-être est-ce celle qui l’a accompagné en soirée, mais avec le déguisement… enfin il est formel… Et vous, madame, qui êtes-vous ? L’épouse de monsieur le ministre ou une amie ?

    — Je ne vous permets pas, l’interrompit ce dernier. Elle est ma femme.

    — Et si vous racontiez tout ? Je me suis laissé dire que vous étiez dans le pétrin ?

    La femme se leva et se dirigea vers la sortie. Le petit policier s’intercala vivement entre elle et la porte.

     

    L’ex-ministre pâlit, se frotta le menton. Des gouttes de sueur apparurent sur son front. Il soupira plusieurs fois, affronta les yeux du grand policier,  hésita et murmura :

    — On me fait chanter.

    Il dut répéter.

    — Qui ?

    — Lors de la dernière acqua alta, le palazzo a été endommagé, comme d’autres… Disons que je n’ai pas appliqué les normes de protection obligatoires et l’agent de l’assurance ne l’a pas mentionné afin que je sois dédommagé, mais depuis il exige des enveloppes…

    — Selon mes informations, vous résidez à dix kilomètres de Venise ?

    — Oui, mais je suis propriétaire ici. Un héritage et pas en bon état.

    — Et ?

    — L’inondation m’a semblé une opportunité, comment dire… immanquable. Disons que j’ai laissé l’eau s’infiltrer…  

    — Il est vrai qu’un cambriolage ici semble plus réaliste que dans votre propriété, hum, une stratégie pertinente… Et le vol du bijou, plutôt la prime, vous permettait de vous extraire de cette situation embarrassante ?

    — Oui.

    — Hier matin, votre épouse a dit que c’était « du toc » ?

    — Vrai !

    — Et que se passera-t-il quand le voleur fera évaluer ce bijou ?

    — Il ne le fera pas ! Dès que… Enfin, non, il me croit sur parole.

    — Nous sommes donc bien d’accord, Victor n’a rien à voir dans cette histoire ?

    — Nous sommes d’accord. Et… non rien.

    — L’autre femme l’a accusé en précisant qu’elle avait dû l’accompagner pendant le vol sous la menace ? C’est un fait grave, très grave.

    — Laissez-le partir. Cette femme est une figurante du théâtre. Elle a surjoué son rôle. Et l’homme est celui qui me fait chanter. Il s’est fait remarquer au bar, m’a confié mon épouse… Je suppose que vous avez trouvé son identité.

    — Une enquête est ouverte, maintenant je dois en expliquer le dénouement. Si j’ai bien compris, on vous a volé un bijou, et vous venez de vous apercevoir qu’il s’agit de la copie, vous retirez votre plainte contre Victor, d’ailleurs je suis venu suite à votre appel ? Ai-je bien résumé la situation ?

    Les époux soupirèrent de soulagement. Les agents prirent congé.

     

    Ils sortirent de l’hôtel. La foule les gênait et ils avançaient lentement.

    — Je te dis, il n’y a qu’à Venise qu’on voit des choses pareilles. Une femme superbe accoste un gars qui n’a rien pour lui, paumé, il y croit, se fait mener par le bout du nez et plonge direct dans un guet-apens. Un vrai pigeon. Une figurante croit décrocher le rôle d’une carrière qui ne décollera jamais, peut-être une ex du ministre... Et un agent d’assurances stupide et malhonnête croit devenir riche…

    — Mais comment on va le trouver celui-là ?

    — Avec le temps… Le ministre a ajouté « dès que… » puis s’est tu. Ce qui signifie, « dès que j’aurai reçu l’argent de l’assurance, je reprendrai mon bijou, qui est l’original, contre la somme que je lui remettrai. » Tu vois, une affaire sans branle-bas de combat, comme je les aime…

    — Je ne comprends pas… Les perquisitions ?

    — Tu apprendras. Les perquis ? en si peu de temps, non, une idée pour prendre la température et tu as bien vu, ce Victor n’a pas paniqué… Nous allons repasser l’affaire au service concerné, mettre en place une surveillance et nous trouverons la destination de cet argent. Nous les coincerons, comme d’habitude. Ils nous prennent pour des imbéciles !

    Ils avaient réussi à rejoindre le bord de l’eau.

    — En attendant, regarde-moi cette vie, les gondoles, cette lune, ces lumières… cette vue… Ah Venise, l’éternelle, la Sérénissime… je te l’accorde, sans les touristes, c’est mieux !





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