Bonjour,
un texte sorti de mes tiroirs. Je n'ai pas participé à ce défi depuis deux mois... les sujets ne m'intéressaient pas ; celui du père en particulier. Octobre s'annonce difficile pour ma fille et moi. Des problèmes de santé pour chacun et des rdv médicaux qui en sont une des conséquences. De plus étant éligible le 12 octobre pour la 3ème dose de Pfizer... rien n'est acquis. Aussi me semble-t-il préférable de prendre les devants et proposer un texte "ancien" plutôt que de faire une 3ème impasse sur ce défi. Si mes moyens physiques et intellectuels me le permettent, peut-être essaierai-je d'écrire du neuf avant la fin du délai imparti... ??? Bon mois d'octobre à tous
L'ÉTRANGE NAUFRAGÉ
Après le succès international de leur dernière BD, Jo et Tom - l'un scénariste, l'autre dessinateur - avaient sillonné l'hexagone et plus d'une trentaine de pays pour promouvoir leur nouvel album.
Leurs obligations à l'égard de leur maison d'édition remplies, ils avaient décidé de s'accorder un long congé sabbatique.
Amoureux de la mer, navigateurs aguerris, ils espéraient à bord de leur Dehler 34 boucler un tour du monde à la voile dont ils rêvaient depuis lurette.
Après avoir quitté Marseille, ils longèrent les côtes espagnoles, franchirent le détroit de Gibraltar. Ils voguaient à présent sur l'Atlantique, lorsqu'une nuit Jo fut réveillé par un fracas épouvantable, jeté hors de sa couchette, l'épaule meurtrie par le contact violent d'un objet tranchant.
Très vite le voilier fit eau de toute part.
C'est dans la douleur que Jo se hissa sur le pont.
Le Dehler s'enfonçait dans les eaux sombres de cette nuit sans lune.
Ils durent confier leur sort à un radeau de survie.
-Que s'est-il passé ?
-J'étais à la barre. La brume, et puis ce choc ! Un OFNI ou un navire marchand...
-Tu as pu nous signaler ?
-J'ai essayé... Ton bras ?
- Ma clavicule est... Tom !
Son cri se perdit dans les ténèbres.
Le radeau se mit à tournoyer sur lui-même avant d'être englouti par un énorme vortex.
Jo se réveilla dans un lit, et dans une pièce qu'il ne reconnut pas.
Tout n'était que marbre, cristal et silence.
Il se souvint du... porta aussitôt la main à son épaule : rien ! Pas la moindre trace de blessure. Pas d'ecchymose. Aucune douleur. Son bras était intact.
Où était-il ? Où était Tom ? Que leur était-il arrivé ?
Il se leva, vit qu'il était vêtu d'un genre de tunique, se dirigea vers une porte massive qu'il s'apprêtait à essayer d'ouvrir lorsqu'un géant portant pagne, écharpe et ceinture fit son entrée.
Sans qu'il ouvrît sa bouche, Jo l'entendit dire :
-suis-moi !
Il obéit au géant, qui parlait sa langue lèvres closes.
Ils longèrent un vaste couloir de marbre blanc scintillant de mille cristaux.
À intervalles réguliers, des gardes arborant une tenue antique, serraient la hampe d'une lance, dont la lame évoquait davantage le cristal que le fer.
Ils débouchèrent dans une immense salle gardée par des soldats en armes. Elle brillait sous les éclats de cristaux.
Au centre siégeait un trône massif sur lequel était assis un homme de très petite taille, aux yeux anormalement longs et aux cheveux très noirs.
De chaque côté du trône, deux autres géants le regardaient sans qu'il pût deviner ce qu'exprimaient leurs regards.
Au pied du trône se tenaient deux femmes blondes, deux toutes petites femmes aux yeux incroyablement longs, d'une couleur bleue azur, et comme la fée Clochette, elles avaient de petites ailes dans le dos.
Lèvres figées, l'homme à la parure royale lui parla.
-As-tu bien dormi, étranger ?
-Oui, répondit Jo.
-Tu te demandes où est ton ami ? Il ne tardera plus.
-Qui êtes-vous et où suis-je ? s'enquit Jo.
-Tu as oublié ?
-Non... enfin, oui !
-Tu es ici depuis deux jours. Ton bras était très malade. Mon médecin l'a guéri. Vite ? Pour nous, ce n'est pas vite. Comment je connais ta langue et pourquoi mes lèvres ne bougent-elles pas ? Je comprends ta surprise. En fait, il y a longtemps que nous n'utilisons plus la langue parlée. Vois-tu, tes émotions, tes sentiments, tes pensées précèdent les mots. Ce que tu ressens arrive jusqu'à moi à peine as-tu commencé à l'éprouver. Il n'est donc pas de langue que je ne puisse comprendre. Et ce que tu entends est du même ordre, mais ce n'est pas une voix, ou bien appelle ça une voix intérieure. Saisis-tu ?
-Je crois, dit Jo.
-Je suis le prince Mérès héritier du trône de Tangaora. Voici ma femme, la princesse Déla. Il indiqua l'une des deux petites créatures assises au pied du trône. À ses côtés, ma soeur, la princesse Mara.
-Enchanté, dit Jo, en regardant avec insistance celle qui lui faisait penser à Clochette.
-Prince, interrogea Jo, où se trouve votre pays ? Je n'en ai jamais entendu parler.
-Parce qu'il n'a jamais été connu des hommes.
-Vous voulez dire qu'avant nous...
-Non, nous avons toujours recueilli les naufragés et leur avons toujours offert assistance et hospitalité.
- Que sont-ils devenus ?
-Une fois guéris, ils ont pu regagner leurs foyers.
-Sans jamais parler de Tangaora ?
-Ils auront oublié, dit le prince, les yeux pleins de malice.
-Jo ! s'écria une voix derrière lui.
C'était Tom.
Vêtu comme lui, il était accompagné d'un cyclope et d'un petit baku.
-Comment va ton épaule ?
- Crois-le ou pas, elle est guérie.
-Plus rien ne m'étonne depuis que je suis ici. Pendant que tu retrouvais des forces, j'ai eu le temps de faire le tour de la cité. Crois-moi, Jo, lorsqu'on va rentrer, et qu'on va leur raconter...
Le prince intervint.
- Tom, la princesse Mara va servir de guide à ton ami. Nous tiendras-tu compagnie ?
-Avec plaisir, prince.
La princesse se leva, regarda Jo dans les yeux. Il comprit et la suivit.
Ils sortirent du palais de cristal.
Jo constata étonné que dehors les routes étaient elles aussi pavées de marbre, et qu'édifices et habitations étaient faits de cristal.
-C'est un conte de fées, se dit Jo.
Toutes les femmes étaient petites, blondes et avaient les yeux bleus. Quant aux hommes, ils n'étaient guère plus grands, avaient les cheveux noirs, et à l'instar des femmes, des yeux très longs.
La princesse se tourna vers Jo :
-donne-moi la main, étranger.
Jo donna la main à la princesse, qui se mit à battre des ailes, et ils s'envolèrent.
-Woah, se dit Jo, quelle aventure !
Dans un ciel limpide, des petits hommes bruns chevauchaient des licornes, des poneys ailés, des hippocampes majestueux. Des soldats roses cornaquaient des choeurs de dragons. Des couples se tenaient par la main.
Ils redescendirent et s'arrêtèrent devant...
-Où sommes-nous ?
-Au temple.
Ils entrèrent.
-Nous avons une pythie, veux-tu connaître ton avenir ?
-Pourquoi pas.
Une plante grimpante aux feuilles pareilles à des yeux l'attendait.
-Bienvenu, étranger. Tu vivras longtemps, mais pas où tu crois. Tu vas trouver une femme, pas celle que tu crois, et vous aurez trois enfants : deux garçons grands et forts comme toi, et une fille... plus petite, blonde aux yeux bleus... avec des ailes dans le dos.
Avant que Jo ne se remette de sa surprise.
-Ton ami va repartir, mais tu resteras dans son coeur.
-Viens, dit Mara, rentrons.
Ils retournèrent au palais main dans la main.
-Princesse, la pythie...
-Ny pense plus, à moins qu'elle n'ait vu juste dans ton coeur...
-Eh bien, je !
-C'est décidé, vous nous quittez demain ? leur demanda le prince.
-Oui, répondirent-ils.
-Soit, si telle est votre volonté. Allez dormir et demain nous vous raccompagnerons.
Tom se réveilla, il faisait déjà chaud dans le radeau.
-Que s'est-il...? L'accident... Jo, où était Jo ? Coincé dans sa cabine ... oh mon Dieu !
Depuis combien de temps dérivait-il ? Il n'avait ni faim, ni soif. Il semblait même rassasié. Certes il avait une légère barbe, les cheveux hirsutes, mais nulle trace de blessure, le soleil semblait l'avoir épargné, et jamais son corps ne lui avait paru en meilleure forme.
La corne d'un cargo le fit sursauter.
De retour en France, les médias n'eurent de cesse de parler du miracle de l'étrange naufragé.
Le bilan de santé de Tom surprit les plus éminents spécialistes.
Tom avait l'organisme d'un athlète affûté, pas celui d'un homme ayant passé dix jours à dériver sur l'océan sans eau douce, sans vivres et exposé au soleil.
On s'interrogea beaucoup.
Beaucoup d'encre coula, puis le temps passa.
Il fallut un an à Tom pour qu'il réalise seul une BD. Lui qui était un bon dessinateur mais un piètre auteur, sut trouver les mots, comme si Jo les lui avait soufflés.
À Tangaora ce jour-là la princesse Mara donnait naissance à un beau gros garçon. Jo décida de le prénommer Tom.
-Le prince lut dans les pensées de Jo.