| Tefon le 19 août 2022
Je suis perdu … complètement perdu. Non, plutôt impuissant… prisonnier. Englué dans les fils de soie que l’assassin a tissés à travers les rues de Paris. Voilà bientôt six mois que je poursuis cette pourriture, celui ou celle que l’on surnomme « l’araignée ». Ses morsures sont fatales et instantanées. Les malheureuses victimes n’ont aucune chance.
Désireux de faire le vide, de m'aérer l’esprit, j’entrepris de chevaucher ma CB500 et d’arpenter les rues de la capitale. C’est fou ce que le simple fait de se retrouver sur deux roues motorisées offre un sentiment de liberté, tels les cowboys parcourant les plaines du Colorado.
Après quelques kilomètres et plusieurs courbes revigorantes, la chaleur suffocante de ce mois de juillet, me poussa à me mettre à la recherche d’un saloon pour étancher ma soif.
Repérant un café accueillant, Je stationnai ma moto, ôtai mon casque et m'approchai de la porte lorsqu' un individu me bouscula.
Dans l’agitation, je crus voir un billet tomber au sol. Je me baissai pour le ramasser tout en hélant le costume gris qui était déjà loin. Juste avant de disparaître au coin de la rue, je le vis faire un arrêt, me fixer intensément et repartir d’un coup. Je me précipitai à sa poursuite pour lui rendre son billet mais arrivé à l’intersection, je ne vis qu’une rue noire de monde… impossible de retrouver le costume gris.
C’est en ouvrant ma main, que je m’aperçus que ce n’était qu’un ticket de caisse. Bof, pas si grave finalement. Je m’apprêtai à le jeter mais le souvenir de son regard avant de s’évaporer dans la foule m’en empêcha.
Bon, c’est bien gentil tout ça mais cela n'a pas étanché ma soif. Je repris le chemin du bistrot, ouvris la porte, commandai un diabolo menthe et m’assis sur une banquette, profitant ainsi de la climatisation. Je dépliai le ticket de caisse et regardai machinalement son contenu.
Sans trop savoir pour quelle raison, je trouvais ces achats étranges.
Non pas que je sois un expert dans les commissions mais le genre d’article que cette personne avait acheté ne me semblait pas logique. J’entrepris donc une analyse rapide : Alors, dis-moi ce que tu consommes je te dirai qui tu es.
Ananas, Marshmallow, Insecticides, … bon un campeur qui prépare son week-end autour d’un feu; navet, un kilo de crevettes, Imprimante encre, Thé Earl Grey, Allume feu, Ustensiles de cuisine, Parapluie, Ail, Rasoir, Citron, Sécateur, Eau de javel, USB clé et Lait.
L’idée du campeur me plaisait mais certains articles ne collaient pas avec le profil établi.
Le serveur déposa mon diabolo menthe sur un sous verre et le sous verre sur mon ticket, ne laissant apparaître que les premières lettres de chaque produit.
« AMINUITAUPARCSEUL »
À minuit au parc seul… Je m’y repris à trois fois pour être sûr que la chaleur ne me jouait pas des tours. Oui, c’est bien ça… pas de doute. Aucune faute d’orthographe qui aurait pu souligner que ce ne soit qu’une coïncidence. Le regard insistant de cet inconnu, ce message caché, cette affaire de meurtre, ce n’était pas un hasard.
Bon, calmons-nous. Je fermai les yeux et respirai profondément : à minuit au parc… mais quel parc ? Parce que des parcs à Paris, y 'en a un puis un autre!
J 'examinai à nouveau le billet en quête d'autres particularités.
Le total : 48,862726 2,287592
Bizarre toutes ces décimales. Attends une minute… Je pris mon cellulaire, ouvris l’application Google Map et entrai cette série de numéros. Bingo !! L’application me transporta directement place du Trocadéro et du 11 novembre…je cliquai sur la photo et vis la célèbre vue de la tour Eiffel, depuis l’esplanade à côté du musée de la Marine. Très bien, j ' y serais.
Je pris une gorgée de mon diabolo, pour me remettre de ces découvertes. Voyons si ce ticket de caisse à encore quelque chose à me raconter.
Le prix à droite des articles. Une série de numéros 19-3-9-15-22-5-18-21-13-19-9-3-1-18-9-21-19 et si… Je repris mon téléphone portable et tapai : alphabet lettre numérotée.
S-C-I-O-V-E-R-U-M-S-I-C-A-R-I-U-S. Ouais, là je faisais chou blanc. A moins que ce soit une anagramme. Après plusieurs tentatives, j'abandonnai cette piste. Puis, un mot se découvrit devant mes yeux : Verum. Vérité…
Je remerciai mes parents de m’avoir pris option Latin en sixième et retournai sur mon IPhone. J’ouvris Google translate, Français-Latin, pour vérifier si ma mémoire ne me faisait pas défaut. C’est bien ça !!
Puis je vis le mot Sicarius. Google est mon ami, je retournai donc utiliser ses services. Une image d’araignée apparut. Je m’empressai de retourner sur Google traduction et tapai ces trois mots : Scio verum sicarius.
Ce que je vis me refroidit autant qu’une gorgée de mon diabolo menthe : Je connais le vrai tueur.
Je restai là, assis sur cette banquette, je ne saurai dire combien de temps mais cela faisait longtemps que les glaçons avaient fondu.
Le temps qui me séparait de l’heure du rendez-vous me parut une éternité. Mais enfin j ' y étais : place du Trocadéro et du 11 novembre, minuit allait sonner et je scrutais chaque personne, cherchant vainement un costume gris, un regard insistant, mais tout le monde semblait avoir un but. Un métro à attraper, un musée à visiter ou une Tour Eiffel à regarder.
Je me retournai sur cette dernière et la contemplai quelques instants lorsque je sentis un souffle chaud sur ma nuque et une pointe dans le bas du dos. Sans doute un poignard.
Je tournai légèrement la tête et il me sembla reconnaître le costume bleu.
« - Vous êtes vraiment très intelligent, inspecteur.
- Mais qui êtes-vous ?
- Vous savez très bien qui je suis, me répondit l’homme au costume gris, avec un léger accent Sud-Américain.
« Beaucoup trop intelligent. Mais cela ne fait que rendre mon œuvre encore plus passionnante. Je vais vous laisser un petit souvenir de moi, mais n’ayez crainte, cela ne vous tuera pas. Juste vous laisser une légère douleur qui, même après sa guérison, vous chatouillera et vous rappellera notre première rencontre. Parce qu’il y en aura d’autres, c’est certain. Notre histoire est loin d’être terminée, Inspecteur. »
Je sentis la lame s’enfoncer dans mon dos, doucement. Je ne criai même pas mais tombai à genoux doucement puis m’allongea sur le ventre, la joue collée sur les dalles fraiches de l’esplanade, au milieu de tous ces touristes, qui ne prêtèrent aucune attention à la scène qui venait de se dérouler.
Je vis le costume gris s’éloigner avec la tour Eiffel en toile de fond. Puis mon regard se brouilla. J’entendis un cri puis « qu’on appelle une ambulance », juste avant de m’évanouir.
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