| Maria42 le 08 février 2023
4h08
Le réveil sonne. Déjà, non ! Ce n’est pas possible ! J’ouvre un œil et je vois par la grande baie vitrée de mon appartement en plein cœur de Time Square qu’il fait encore nuit. Je regarde le réveil : 4h08. Ah oui, ça me revient. J’avais réglé cette heure-là car j’ai un avion à prendre pour Paris à 10h. Mais je me demande pourquoi 08 précisément. Je ne me l’explique pas, ça n’a aucune logique ! Et pourtant je devais bien avoir une raison si je l’ai réglé à cette heure-ci. Je ne me souviens de rien ! J’ai beau chercher, cela ne me revient pas. Peut-être ai-je calculé que prendre une douche me prendrais 15 minutes, ce qui me mènerait à 4h23, le temps de faire et boire un café avec ma super machine à expresso ultramoderne, j’arriverais à 4h30. Puis finir mon sac, vérifier mes papiers et appeler un taxi et il sera déjà 5h. Le temps que mon chauffeur arrive, il sera bien 5h15, que je descende et monte dans la voiture, 5h20. Le trajet jusqu’à l’aéroport JFK dure bien 45 min, ce qui me mènera à 6h05. Ce qui me laisserait près de 4h pour enregistrer mes bagages avant le décollage. C’est vraiment étrange !!! Je reste perplexe et je ne comprends toujours pas pourquoi cette heure si tôt ! Là, après tous ces calculs savants réalisés en moins d’une seconde, ça fait tilt !! Tout explose en moi !!! Je cours à la fenêtre tout en me remémorant la soirée de la veille, bien arrosée avec Jack, Lesly et Mike, pour fêter mon départ pour la France. Je revois les beaux yeux de Mike, son sourire et c’est surtout ce qu’il me chuchote à l’oreille qui me revient. Regarde à 4h10 l’un des grands écrans sur Time Square. Tu comprendras. Je suis à la fenêtre, j’attends, je ne vois rien. Puis soudain, tout s’éclaire : une photo, c’est Mike ! Et une phrase ou plutôt une question « Veux-tu m’épouser ? », écrite en français en plus. Je fonds en larmes, je file sous la douche, bois un café, appelle un taxi, finis ma valise en trente secondes. Une fois dans la voiture, ce n’est pas l’adresse de l’aéroport que je donne au chauffeur mais celle de Mike. Je veux lui répondre en personne. Direction Manhattan. Arrivée devant chez lui, je paie le taxi, court jusqu’à la porte et il est là, avant même que je n’ai eu à sonner, devant moi, un sourireaux lèvres, stressé mais tellement séduisant. Je crie Yes, oui, youi je mélange les deux langues et il me serre dans ses bras avec un « Thank you » de soulagement. Jamais je n’oublierai ce moment et tous les ans le même jour, nous fêtons notre amour en faisant sonner le réveil à 4h08 tapante.
Jane ouvrit les yeux et regarda son réveil qui venait de sonner. Il était 4h08 du matin. Elle esquisse un sourire, s’étire et se remémore ce jour où pour la première fois dans sa vie de femme, elle devenait maman : 10 ans déjà ! Mon dieu que le temps passe vite !!! Elle se revoit, dix ans plutôt, sursauter dans le lit et regarder l’heure : il était minuit !!! Elle réveille Glen qui dort profondément à côté en lui criant : « Chéri, réveille-toi !! C’est l’heure, il arrive ! ». Elle revoit son homme, tomber du lit, se relever difficilement les yeux encore embués de sommeil, enfiler ses chaussettes, ses chaussures prendre la valise et crier : « Allez go, on est parti ! » Elle s’entend rire aux éclats en voyant son mari en caleçon et chaussures prêt à partir à la maternité dans cette tenue. Puis elle sent l’odeur de l’hôpital, elle entend le bruit des machines, surtout du monitoring qui lui indique que tout va bien. Elle se revoit en train de pousser, de crier, de serrer fort la main de Glen et un cri, un petit cri, son mari qui coupe le cordon et la sage-femme qui dit : il est 4h10, voici votre fils madame. Qu’il était beau !!! J’ai pleuré, Glen a pleuré, ça a été le moment le plus intense de notre vie de couple et nous ne l’oublierons jamais. Jane revient à elle et secoue Glen qui dort profondément comme il y a 10 ans. Elle lui dit, c’est l’heure. Alors, tous deux, doucement se dirigent vers la chambre de leur petit ange Joshua et l’embrassent tendrement en lui disant : « Joyeux anniversaire petit homme ». Joshua, remue dans son lit, sourit légèrement, marmonne un petit merci, se tourne de l’autre côté du lit et se rendort. Jane et Glen restent encore une minute à le regarder puis retournent tranquillement se coucher.
Heure du décès 4h08. Kathleen, infirmière au Praveen Hospital Lane de New York, était de repos ce soir-là. Elle dormait profondément quand son téléphone sonna. Elle regarde l’heure, 4h15. Elle s’assoit dans son lit, un peu perdue et décroche. Elle entend cette phrase fatidique « Heure du décès 4h08 ». Oh, non, pas lui !!! Dis-moi que ce n’est pas M. Matthew. A l’autre bout du fil, son collègue ne répond pas. Kathleen pleure, remercie son collègue pour son appel et raccroche. Elle se sent triste pour ce patient et pour tous les autres qu’elle a déjà perdu depuis le début de l’année. Elle se dit qu’elle ne s’y fera jamais. Comment peut-on s’habituer à la mort, même quand elle ne vous touche pas personnellement. Pour Kathleen, ses patients sont comme des membres de sa famille, elle ne peut se résoudre à laisser une distance entre elle et eux. Et pourtant, des jours comme aujourd’hui, elle se dit que c’est ce qu’elle devrait faire. Elle repense à M. Matthew qui il y a quelques heures encore, lui demandait un service au cas où il lui arriverait quelque chose. Elle l’entend encore lui dire : « Si jamais je ne m’en sors pas, je vous en supplie allez voir mon ex-femme, Margareth. Elle ignore que je suis ici mais je veux qu’elle sache qu’elle a toujours été la femme de ma vie. Je n’en n’ai aimé qu’une et c’était elle. Je me rends compte que, si je l’ai perdu, c’est que je ne lui ai pas assez dit. Alors, si vivant je n’ai pas été à la hauteur, je veux l’être au moins mort. Vous le ferez n’est-ce pas ? » Kathleen revoit son regard suppliant et elle lui répondit : « Oui, je le ferais, mais je suis sûre que je n’en n’aurais pas besoin. Vous le ferez vous-mêmes quand vous sortirez d’ici ». Il lui avait répondu qu’il l’espérait tout en lui faisant promettre de faire ce qu’il souhaitait si le contraire se produisait. Et voilà qu’elle était là, dans son appartement sur Time Square, à se demander ce qu’elle allait faire. Elle alla chercher le petit bout de papier que M. Matthew lui avait donné et sur lequel l’adresse de cette Margareth était écrite et elle se dit qu’elle lui devait bien cela. Elle s’y rendrait demain. Kathleen retourna se coucher bien décidée à tenir sa promesse.
Trois personnages, trois vies, trois sentiments mais une seule heure : 4h08 !
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