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    juliebabelio le 03 février 2023
    Bonjour à tous et à toutes !

    On se retrouve pour un nouveau défi d’écriture. Après avoir beaucoup réfléchi, je vous propose un thème assez différent de celui de janvier. J’espère qu’il vous plaira.

    Voici ce à quoi j’avais pensé :
    Dans un immeuble, trois personnes se réveillent à exactement 4h08 du matin pour des raisons différentes. Racontez moi.

    Je fais confiance à votre imagination pour me surprendre. Les réveils de ces personnes peuvent être prévus, imprévus, mystiques ou non. Elles peuvent se parler, se voir, se rencontrer ou simplement se rendormir directement.

    Vous avez jusqu’au 28 février pour proposer un texte sur ces réveils. L'équipe Babelio sélectionnera le gagnant ou la gagnante qui remportera un livre.

    Bon courage à vous et passez un très bon week-end !

    Julie

    glegat le 03 février 2023


    Logique

    Parmi les nombreuses énigmes qui se posent à l’humanité, celle qui concerne la raison pour laquelle trois personnes se sont réveillées à 4 h 08 précise dans le même immeuble pour des motifs différents n’est pas la plus passionnante. Cette simultanéité des réveils ne semble pas a priori être un fait d’une rareté exceptionnelle. Mais comme il n’existe aucune statistique officielle sur le sujet, nous sommes contraints de nous fier uniquement à notre intuition pour débattre de cette question. La tâche n’est point aisée du fait de l’impossibilité de mener une enquête traditionnelle en questionnant les protagonistes de cette affaire, car nous ne connaissons ni l’adresse ni le nom des personnes concernées.
    On peut cependant émettre une première hypothèse, la première personne, appelons là primus, est insomniaque et se réveille fréquemment en pleine nuit pour écouter de la musique. La deuxième personne, secondus, a été réveillée par les bruits provoqués par primus. Enfin, la troisième personne, tertius, avait programmé son réveil pour ne pas manquer une émission qui passait en direct à la télévision. Ces trois hypothèses sont toutes vraisemblables, mais outre qu’elles ne présentent aucun intérêt particulier il ne s’agit que d’une version des faits parmi des millions d’autres possibilités. Nous n’allons pas ici énumérer toutes les alternatives ce serait fastidieux et vain, car nous ne possédons aucun critère discriminant permettant d’identifier parmi toutes les causes possibles celles qui correspondent à la réalité.

    Néanmoins on peut essayer de voir les choses sous un angle différent, moins matérialistes. Au lieu de s’intéresser aux causes du réveil, questionnons le symbolisme de l’heure : 4 h 08
    Si l’on additionne 4 et 8 on trouve 12, si l’on multiplie 12 par 2 on obtient 24. Ce chiffre correspond exactement au nombre de permutations que l’on peut effectuer avec 4 lettres. D’autre part 24 est le nombre d’heures d’une journée, et l’on retrouve la lettre H, abréviation utilisée pour désigner l’espace de temps égal à la vingt-quatrième partie du jour. 24 est aussi le nombre de livres dans l’Ancien Testament. L’immeuble serait-il une ziggourat ?

    Tout ceci nous amène naturellement à l’explication suivante :

    Les trois personnes représentent la trinité : le père, le fils et le Saint-Esprit. L’immeuble est en fait une Zigourat, construction qui selon certains chercheurs correspondrait à l’arche de Noé (qui en fait n’était pas un bateau). 4 h 8 est l’heure à laquelle le déluge s’est déclaré et a commencé à envahir les étages de la ziggourat. Les trois personnes ne sont en fait qu’une seule personne, a savoir « Noé » dont le nom formé par trois lettres confirme que trois = un.

    Ayant été averti par Dieu du jour et de l’heure du déluge, Noé avait mis son réveil à sonner. Il avait trois raisons différentes de se lever à 4 h 08 :
    1 — Pour accomplir la volonté de Dieu
    2 — Pour se sauver lui et sa famille
    3 — Pour poser une énigme aux générations futures
    Vespering le 07 février 2023
    Très original et drôle !
    mfrance le 07 février 2023
    la logique imparable de glegat   m'a coupé le souffle ! bravo
    aslarriere le 07 février 2023
    Bravo !
    Mysstique le 07 février 2023
    MERCI !

    4H 08 ne m'inspirait rien...

    Beau défi ! bravo !
    Hekate2018 le 07 février 2023
    Un réveil mexicain

    Immeuble de Ciudad Juárez, 3 novembre, 04h08.




    Elena se réveilla. Encore endormie, la jeune femme regarda autour d’elle. Elle était encore devant l’autel de la famille. Les bougies s’étaient éteintes, elle les ralluma. De la cire blanche coula sur sa longue robe colorée. Elena remit de l’encens à brûler, et son odeur se diffusa dans la petite pièce.




    Les Fonseca-Cedillo avaient préparé l’autel l’avant-veille. Comme l’indiquaient les traditions mexicaines, ils avaient bordé le chemin du cimetière jusqu’à chez eux de bougies et pétales de fleurs. Elena avait préparé des pains de mort, pain traditionnel d’el día de los muertos, ainsi que des calaveras, de petits crânes en sucre. Ses filles avaient, quant à elles, fabriqué du papel picado, dans lequel elles avaient esquissé des formes de squelettes et autres formes géométriques, pour orner l’autel.

    Toute la famille était prête à accueillir les morts, comme toutes les familles mexicaines pendant le jour des morts.




    Elena vit alors quelque chose d’extraordinaire se produire. Deux des portraits venaient de s’illuminer. Celui d’abuela Cedillo et celui d’abuelo Fonseca.

    Elle n’en crut pas ses yeux. Les portraits bougèrent, puis tombèrent. Les deux vieillards se matérialisèrent devant elle. Cedillo portait un quechquémitl, une sorte de châle, brodé de fleurs et Fonseca était vêtu d’un costume traditionnel mexicain.

    — Holá, Elena! Merci d’avoir fait tout cela pour nous. Nous avouons avoir eu du mal à nous réveiller, dirent-ils d’une même voix, mais nous voici enfin. Nous avons enfin pu atteindre le monde des morts, c’est pour cela que nous avons décidé de venir te remercier. Nous te promettons de veiller sur toi et toute ta famille, à jamais. Au revoir, Elena.

    Sur ces mots, ils s’effacèrent. Elena, stupéfaite, se remémora ces derniers mots, avant de se rendormir.




    À 04h08, ce matin-là, trois personnes se réveillèrent: Elena Fonseca-Cedillo, abuela Cedillo et abuelo Fonseca. Une personne vivante, et deux mortes, ayant promis à la vivante de la protéger.
    Hekate2018 le 07 février 2023
    Bravo à glegat. Votre texte était logique, certes, mais complexe!
    Shagyam le 07 février 2023
    Elles

    Un temps, elle reste comme en suspend entre l’éveil et le monde des rêves qui l’attire irrésistiblement. Mais le poids qui s’agite sur elle la maintient éveillée malgré elle. Il l’écrase de tout son poids, à la fois massif, vif et humide et elle met du temps à comprendre ce qui se passe. La tête lourde de sommeil, les yeux entrouverts, elle jette un bref coup d’oeil en direction du réveil : 4:08.

    Sur elle, l’homme ne lui laisse pas de répit. Ayant surpris ses mouvements et compris qu’elle se réveillait, il intensifie ses baisers, ses caresses, ses coups de langue, animal. Dégoûtant.

    4:08. Merde, enfin.

    Elle aimerait ressentir de l’excitation, elle aussi, peut-être. Mais pas au beau milieu de la nuit ! Elle sait être panthère, mais là, elle se sent chose. Elle veut juste qu’on la laisse dormir.

    Seulement, lui ne l’entend pas ainsi. Son souffle roque s’engouffre dans tous les creux de son corps-chiffon, de plus en plus fort et chaud – gêne. Le corps se frotte, la main écarte les vêtements, il la torture, elle se sent trop faible pour le repousser, elle l’aime, elle le laisse entrer en elle, bruyamment. Pourvu que ce ne soit pas trop long.




    A travers les parois trop fines de sa cuisine, elle perçoit les gémissements de son voisin. 4:08. Il y en a qui sont en forme, quand même ! En d’autres circonstances, cela l’aurait peut-être agacée mais là, elle lui est surtout reconnaissante d’étouffer, un peu, les cris de son bébé. 4:08. Déjà le troisième biberon de la nuit. Elle n’en peut plus.

    D’un pas vacillant, elle tangue vers la chambre d’où lui parviennent les hurlements stridents. Dans le lit, son mari s’agite, agacé. C’est qu’il se lève tôt, demain… Elle tend les bras vers le bébé, le saisit, la tête comme une enclume, les mains tremblantes, et commence à nourrir ce petit être tout neuf et agité qu’elle a tant de mal à aimer. Elle attend, nerveuse, le moment où elle pourra se recoucher et dormir quelques heures. C’est si difficile en ce moment qu’elle se surprend à avoir des idées noires…




    Les immeubles haussmanniens, décidément, quelle plaie ! On entend tout, jusqu’au nourrisson de la voisine… Rêveuse, elle se souvient avec nostalgie des moments où ses petits à elle babillaient, petites choses roses et tendres, aimants à baisers. Ils ont bien grandi…

    4:08. Elle hésite à se lever. Depuis combien de temps s’agite-t-elle dans son lit ? Il faut se rendre à l’évidence : elle ne trouvera pas le sommeil… Elle est pourtant épuisée, mais dès qu’elle se laisse aller, une pensée l’aiguillonne : rendez-vous à prendre, documents à rédiger, penser à ci, à cela et encore à ceci… Elle croule sous la masse de choses à faire, pour le travail, les enfants, la maison… Tout cela l’accable mais si ce n’est pas elle qui y pense, qui d’autre ? Lourde de fatigue, résignée, elle s’extirpe du lit et se dirige vers le salon, un livre à la main...
    BlueEden le 07 février 2023
    La faiseuse de miracle 

    Il est 4h08, la nuit est sombre et le froid mordant. Tout est calme, presque désert. Et pourtant dans la pâleur de la nuit, elle se réveille pour accomplir son travail. Encore endormie, les yeux fatigués, elle se part de son costume d’héroïne. Elle s’est battue pour l’obtenir voilà maintenant des années, il est sa plus grande fierté, son plus bel accomplissement et chaque fois qu’elle le revêt, elle ressent à nouveau la sensation d’être une autre femme. Avec lui, elle est une faiseuse de miracle.
    Elle se regarde une dernière fois dans le miroir, inspire et quitte son petit appartement pour rencontrer le froid du couloir. Contrairement à son habitude, elle ne se dirigera pas vers la rue, cette fois-ci, se sont ses voisins qui ont besoin de ses services.
     
    Arrivée à destination, elle toque doucement à la porte et un jeune homme la fait entrer prestement. Lui aussi s’est levé à 4h08, il est en sueur, complètement désemparé, ne sachant pas vraiment quoi faire. Elle le sait, il s'agit de sa première fois. Elle sourit, lui prend les mains et lui dit : "ne vous en faites pas, tout va bien se passer. Apportez-moi, simplement de l'eau chaude et du linge propre". 

    Ce n'est pas la première fois qu'elle vient ici, elle sait où elle va, elle sait ce qu'elle fait. La tête haute et la posture fière, elle inspire une dernière fois avant de tourner la poignée de la porte. 
    - Bonjour Judith. Etes-vous prêtes à accueillir votre petit miracle ? 


    L'air extérieur était toujours glacial, il faisait toujours nuit et le monde était resté le même. La Terre n'avait pas cessé de tourner, tout était similaire. Et pourtant, dans la chambre de l'appartement 506 de cet immeuble, le monde avait bel et bien changé et il ne serait plus jamais le même. La faiseuse de miracle avait encore une fois accompli sa mission. 

    Ils s'étaient réveillés à trois mais se rendormiront à quatre.
    Huath le 08 février 2023
    `Mon texte :

    4h08

    Il n'en pouvait plus de ce clocher qui tapait les heures avec entrain, et en double. Il avait avait appris à attendre le 24 ème coup de minuit pour fermer le dernier best seller, éteindre l'antique lampe de chevet, couvrir ses yeux d'un masque récupéré lors d'un voyage exotique, et glisser vers un petit déjeuner réparateur annoncé par l'angélus de 7H.

    Oh, combien étaient-ils ses collègues à se réjouir pour lui de ce départ en province, loin deParis, ses grincements des trains, les klaxons exaspérés, les petits connards à motos, les fêtards avinés ?

    Il avait l'argent et l'entregent. Après cet appart' provisoire, il trouverait sans peine le chalet chaleureux où épater ses amis en mal de montagne, de grand air et de fraîcheur, et faire miroiter une vie rangée et bucolique à sa collègue cycliste, végan, même pas épilée, dont il écoutait avec ennui les professions de foi écologiques tout en dégustant d'avance les longues jambes mobiles, et le sourire parfait, lors d'un projet de visite qu'elle promettait imminente.

    4h08
    Ah ! c'en est trop de ces lumières et bruits intempestifs sur le parking de l'immeuble ! Des ombres furtives d'humains mal fagotés, des coups de sonnette, des appels dans des langues inconnues ?

    Des pleurs inextinguibles.
    Ah non, il n'a pas quitté le 93, il n'a pas voté FN, pour se retrouver sur un couloir alpin de l'immigration africaine !


    4h08
    C'est elle : longues jambes enneigées, anorak, bonnet fourré, gants, sac à dos, rouge ou gelée, à moitié aphone, mais toujours ce regard sans fuite possible.

    De ses bras aux siens, un paquet emmaillotté de couvertures approximatives qui crie, qui pleure, qui s'apaise.

    A 4h08, a-t-on le temps de réfléchir ?
    Huath le 08 février 2023
    `Mon texte :

    4h08

    Il n'en pouvait plus de ce clocher qui tapait les heures avec entrain, et en double. Il avait avait appris à attendre le 24 ème coup de minuit pour fermer le dernier best seller, éteindre l'antique lampe de chevet, couvrir ses yeux d'un masque récupéré lors d'un voyage exotique, et glisser vers un petit déjeuner réparateur annoncé par l'angélus de 7H.

    Oh, combien étaient-ils ses collègues à se réjouir pour lui de ce départ en province, loin deParis, ses grincements des trains, les klaxons exaspérés, les petits connards à motos, les fêtards avinés ?

    Il avait l'argent et l'entregent. Après cet appart' provisoire, il trouverait sans peine le chalet chaleureux où épater ses amis en mal de montagne, de grand air et de fraîcheur, et faire miroiter une vie rangée et bucolique à sa collègue cycliste, végan, même pas épilée, dont il écoutait avec ennui les professions de foi écologiques tout en dégustant d'avance les longues jambes mobiles, et le sourire parfait, lors d'un projet de visite qu'elle promettait imminente.

    4h08
    Ah ! c'en est trop de ces lumières et bruits intempestifs sur le parking de l'immeuble ! Des ombres furtives d'humains mal fagotés, des coups de sonnette, des appels dans des langues inconnues ?

    Des pleurs inextinguibles.
    Ah non, il n'a pas quitté le 93, il n'a pas voté FN, pour se retrouver sur un couloir alpin de l'immigration africaine !


    4h08
    C'est elle : longues jambes enneigées, anorak, bonnet fourré, gants, sac à dos, rouge ou gelée, à moitié aphone, mais toujours ce regard sans fuite possible.

    De ses bras aux siens, un paquet emmaillotté de couvertures approximatives qui crie, qui pleure, qui s'apaise.

    A 4h08, a-t-on le temps de réfléchir ?
    DONZEL le 08 février 2023
    DONZEL
    Petite idée ce matin

    vers les 4h du matin
    Emma se réveille en sueur aux prises avec la vague de douleur  en plein cœur de la nuit
    D'un simple regard, vite,  , elle vérifie vite l'heure au cadran lumineux du réveil à son chevet
    il clignote d'ailleurs bizarrement, chose étonnante,car  trop en avance sur l'horaire programmé
     4h 05 pourquoi ce signal ?
    Il coïncide avec cette douleur affreuse qui insiste et lui lacère le ventre
    4 h 06
    Toujours pas d'amélioration
     Yann est parti pour ses horaires de nuit
     la voilà seule et, terrifiée, se rend compte qu'elle va accoucher
    L'oeil rivé aux aiguilles phosphorescentes, pour se redonner une contenance, ne pas perdre pied,  elle essaie de garder le souffle régulier, bien sûr s'applique comme on le lui a enseigné 
    4 h 07
    Il y a une lumière, là en face, comme si quelqu'un lui venait en aide, la veillait derrière la façade impassible 
    4 h 08
    Une fraction de seconde l'aiguille a basculé sur le 8,
    4 h 08
    8 minutes très exactement
    juste comme un petit cri déchire la nuit 
    C'est une petite fille
    Emma soupire, retombe épuisée sur le lit en bataille 
    Enfin,  bébé est né ! Voilà Marta 

    4 h  03
    Une toute petite personne est en passe d'être catapultée vers la sortie 
    Au signal donné, tout s'est mis en place pour la projeter hors du cocon douillet où il faisait si bon au chaud 
    Un passage brutal de la transition de sa venue au monde 
    4 h 07 
    C'en est presque terminé
    4 h 08 .
    Encore un ultime effort le bébé est au dehors, arrive sur le lit 
    Enfin il déploie ses poumons , et puis il pousse son premier cri
    4h 08 presque 9 

    le signal à y penser d'un temps tout neuf


    4 h 03
    Olga, la vieille dame si fatiguée se retourne sur le bel oreiller brodé 
    Elle geint doucement, se plaint ; sans doute, un mauvais songe qui l'emporte et revient la tourmenter 
    Elle rêvait si heureuse du petit bébé attendu si impatiemment dans la famille
    Elle doit  subir le cauchemar atroce venant se surajouter !
    tout gâcher de son sommeil et des rêves tranquilles 
    piétiner sans vergogne toutes leurs vies
    Elle a rêvé 
    Elle a vu le bébé à peine né
    Et il meurt emporté dans l'espace de la seconde maudite fixée à tout jamais 
    sur la minute fatidique qui en a décidé 
    tout arrêter 
     4 h 07 tout qui commence et puis se finit
    Olga bondit hors du lit en quête d'un verre d'eau bien fraîche
    Elle a le souffle court, elle est bouleversée 
    Présage ou signe de quel ordre ?  Un malheur prêt de fondre sur eux tous 
    4 h 08 
    Le verre à la main encore, elle se rue sur le téléphone qui vient d'appeler
    Maman
     c'est Emma
     bébé est né 
    La petite Marta  est bien arrivée 
    Olga a lâché le verre, sur le tapis heureusement
    Pas de casse
    les larmes la submergent
    de joie cette fois 
    4h09 maintenant 
    C'est le Nouvel An et son gage de bonheur
    au gui l'An Neuf
    Une histoire comme tant d'autres, toutes celles où tout peut se jouer 






     
     
    MarieCzar le 08 février 2023
    Trois solitudes

    Mathilde soupira et regarda le radio-réveil. 04h08. Elle savait très bien ce qui perturbait son sommeil. Ses pensées tourbillonnaient, toutes plus sombres et inquiètes les unes que les autres. Ou plutôt toujours la même sombre et inquiète pensée : quand vais-je enfin retrouver un travail ? Depuis son burn-out et la démission qui en avait logiquement suivi, elle avait fait deux formations d’un an, avait obtenu quelques CDD, mais jamais trouvé ni une nouvelle voie, ni même un job satisfaisant. Est-elle un boulet, une nullité que les entreprises fuyaient ? Elle savait que c’était stupide de penser ça, mais c’était le sentiment qui dominait. Celui-là, et une certaine fatalité. Son chômage s’épuisait (au moins autant que ses nerfs) et il allait peut-être falloir envisager de vendre l’appartement. Même si son mari gagnait bien sa vie, un salaire ne suffirait jamais. C’était déjà ric-rac avec son « aide au retour à l’emploi ».
    Mathilde imagina vivre ailleurs. L’appart, ses commodités, les habitudes prises, allaient lui manquer. Les enfants le vivraient mal – elle avait tâté le terrain. Malgré elle, ses pensées dérivèrent vers les locataires du troisième. Des gens bruyants, mal élevés, égoïstes, mais où l’argent semblait couler à flot. C’était injuste. Encore une pensée nulle ! La justice n’avait rien à voir là-dedans. Même de se sentir nulle était nul ! En rageant intérieurement, Mathilde s’efforça de chasser ses pensées moroses et se nicha contre son mari.

    Stéphane s’éveilla en sursaut. Il regarda son portable : 04h08. La place dans le lit à côté de lui était vide. Evelyne était de service de nuit cette semaine. Stéphane se souvint du rêve qui l’avait réveillé. M. Guérard, un ancien patient, s’avançait vers lui, le corps couvert de moisissure. C’était il y a cinq ans, mais ça le hantait encore. Il aimait bien M. Guérard. En tant qu’infirmier libéral, Stéphane passait le voir une fois par jour. Mais quand il était parti en congé, il y avait eu un couac, l’infirmière qui devait prendre le relai était tombée malade, et son patient était mort sans que personne ne s’en soucie. C’était Stéphane qui l’avait trouvé, dix jours après son décès.
    Avec Evelyne, il parlait peu du boulot, ils préféraient éviter le sujet, s’amuser pour oublier, et boire pour oublier qu’ils s’efforçaient d’oublier. Mais la fête, l’alcool, si ça occupait l’esprit, ça usait aussi le corps. À quoi ressemblerai-il dans vingt ans ? Est-ce qu’il serait aussi vaillant que la vieille du premier, qui, elle, avait bien soixante-quinze ans ? Une femme dynamique, souriante, dont la bonne humeur semblait inaltérable. Lui deviendrait sûrement un vieux débris ronchon. Stéphane chassa ses pensées morbides, et se cala contre l’oreiller de sa femme pour se rendormir.

    Hélène tourna la tête vers le réveil, dont le tic-tac régulier l’apaisait. Les aiguilles phosphorescentes indiquaient 4h08. En vieillissant, le sommeil se moquait d’elle : elle dormait mal la nuit et sommeillait le jour. 4h08. Dans deux minutes, ce serait l’heure de la mort de son cher André. Il l’avait quitté si vite ! À peine avaient-ils eu le temps de se dire adieu. Toute une vie ensemble et aujourd’hui ? Elle ne savait même pas pourquoi elle vivait encore. Sûrement par habitude. Les autres habitants de l’immeuble ne se doutait pas de sa douleur, de la profondeur de sa blessure. C’était une habitude née il y avait longtemps, inculquée par l’exemple de sa mère et de sa grand-mère. Elle n’avait compris la leçon que lorsqu’elle avait eu elle-même des enfants. Il fallait être forte, montrer l’exemple de la bonne humeur, protéger leurs petits cœurs. Elle aurait pu s’épancher auprès d’amies, mais « le linge sale, ça se lave en famille », disait-on. Mais quand André rentrait épuisé par le travail, préoccupé par les réunions syndicalistes, elle n’avait pas le cœur de lui faire supporter en plus ses inquiétudes à elle. Alors le masque de bonne humeur était devenu une seconde peau, presque sa vraie personnalité. Aujourd’hui, ce n’était plus pareil, les gens déversaient leur vie intime sur Internet. La femme du deuxième, celle qui cherchait du travail, elle, elle avait un peu de la retenue d’antan. Hélène l’avait vu, une fois, le visage sombre, les épaules tombantes, mais dès qu’elle avait aperçu Hélène, elle avait affiché un sourire joyeux et avait affirmé « Ça va bien, comme toujours ». Hélène se demanda si ça valait vraiment le coup, de tout garder pour soi afin de protéger les autres. Est-ce qu’on y gagnait une place dans un hypothétique paradis ?
    4h10. « J’arrive, André… ». Elle s’assoupit, apaisée par cette pensée.
    MarieCzar le 08 février 2023
    j'ai beaucoup aimé la "logique" de @glegat
    Shagyam le 08 février 2023
    BlueEden a dit :

    La faiseuse de miracle 

    Il est 4h08, la nuit est sombre et le froid mordant. Tout est calme, presque désert. Et pourtant dans la pâleur de la nuit, elle se réveille pour accomplir son travail. Encore endormie, les yeux fatigués, elle se part de son costume d’héroïne. Elle s’est battue pour l’obtenir voilà maintenant des années, il est sa plus grande fierté, son plus bel accomplissement et chaque fois qu’elle le revêt, elle ressent à nouveau la sensation d’être une autre femme. Avec lui, elle est une faiseuse de miracle.
    Elle se regarde une dernière fois dans le miroir, inspire et quitte son petit appartement pour rencontrer le froid du couloir. Contrairement à son habitude, elle ne se dirigera pas vers la rue, cette fois-ci, se sont ses voisins qui ont besoin de ses services.
     
    Arrivée à destination, elle toque doucement à la porte et un jeune homme la fait entrer prestement. Lui aussi s’est levé à 4h08, il est en sueur, complètement désemparé, ne sachant pas vraiment quoi faire. Elle le sait, il s'agit de sa première fois. Elle sourit, lui prend les mains et lui dit : "ne vous en faites pas, tout va bien se passer. Apportez-moi, simplement de l'eau chaude et du linge propre". 

    Ce n'est pas la première fois qu'elle vient ici, elle sait où elle va, elle sait ce qu'elle fait. La tête haute et la posture fière, elle inspire une dernière fois avant de tourner la poignée de la porte. 
    - Bonjour Judith. Etes-vous prêtes à accueillir votre petit miracle ? 


    L'air extérieur était toujours glacial, il faisait toujours nuit et le monde était resté le même. La Terre n'avait pas cessé de tourner, tout était similaire. Et pourtant, dans la chambre de l'appartement 506 de cet immeuble, le monde avait bel et bien changé et il ne serait plus jamais le même. La faiseuse de miracle avait encore une fois accompli sa mission. 

    Ils s'étaient réveillés à trois mais se rendormiront à quatre.

    @blueEden J'aime beaucoup ce texte, cette fausse piste du début et la fin, inattendue. C'est très bien pensé. Merci pour ce partage!
    Maria42 le 08 février 2023
    4h08

     

    Le réveil sonne. Déjà, non ! Ce n’est pas possible ! J’ouvre un œil et je vois par la grande baie vitrée de mon appartement en plein cœur de Time Square qu’il fait encore nuit. Je regarde le réveil : 4h08. Ah oui, ça me revient. J’avais réglé cette heure-là car j’ai un avion à prendre pour Paris à 10h. Mais je me demande pourquoi 08 précisément. Je ne me l’explique pas, ça n’a aucune logique ! Et pourtant je devais bien avoir une raison si je l’ai réglé à cette heure-ci. Je ne me souviens de rien ! J’ai beau chercher, cela ne me revient pas. Peut-être ai-je calculé que prendre une douche me prendrais 15 minutes, ce qui me mènerait à 4h23, le temps de faire et boire un café avec ma super machine à expresso ultramoderne, j’arriverais à 4h30. Puis finir mon sac, vérifier mes papiers et appeler un taxi et il sera déjà 5h. Le temps que mon chauffeur arrive, il sera bien 5h15, que je descende et monte dans la voiture, 5h20. Le trajet jusqu’à l’aéroport JFK dure bien 45 min, ce qui me mènera à 6h05. Ce qui me laisserait près de 4h pour enregistrer mes bagages avant le décollage. C’est vraiment étrange !!! Je reste perplexe et je ne comprends toujours pas pourquoi cette heure si tôt ! Là, après tous ces calculs savants réalisés en moins d’une seconde, ça fait tilt !! Tout explose en moi !!! Je cours à la fenêtre tout en me remémorant la soirée de la veille, bien arrosée avec Jack, Lesly et Mike, pour fêter mon départ pour la France. Je revois les beaux yeux de Mike, son sourire et c’est surtout ce qu’il me chuchote à l’oreille qui me revient. Regarde à 4h10 l’un des grands écrans sur Time Square. Tu comprendras. Je suis à la fenêtre, j’attends, je ne vois rien. Puis soudain, tout s’éclaire : une photo, c’est Mike ! Et une phrase ou plutôt une question « Veux-tu m’épouser ? », écrite en français en plus. Je fonds en larmes, je file sous la douche, bois un café, appelle un taxi, finis ma valise en trente secondes. Une fois dans la voiture, ce n’est pas l’adresse de l’aéroport que je donne au chauffeur mais celle de Mike. Je veux lui répondre en personne. Direction Manhattan. Arrivée devant chez lui, je paie le taxi, court jusqu’à la porte et il est là, avant même que je n’ai eu à sonner, devant moi, un sourireaux lèvres, stressé mais tellement séduisant. Je crie Yes, oui, youi je mélange les deux langues et il me serre dans ses bras avec un « Thank you » de soulagement. Jamais je n’oublierai ce moment et tous les ans le même jour, nous fêtons notre amour en faisant sonner le réveil à 4h08 tapante.  

     

    Jane ouvrit les yeux et regarda son réveil qui venait de sonner. Il était 4h08 du matin. Elle esquisse un sourire, s’étire et se remémore ce jour où pour la première fois dans sa vie de femme, elle devenait maman : 10 ans déjà ! Mon dieu que le temps passe vite !!! Elle se revoit, dix ans plutôt, sursauter dans le lit et regarder l’heure : il était minuit !!! Elle réveille Glen qui dort profondément à côté en lui criant : « Chéri, réveille-toi !! C’est l’heure, il arrive ! ». Elle revoit son homme, tomber du lit, se relever difficilement les yeux encore embués de sommeil, enfiler ses chaussettes, ses chaussures prendre la valise et crier : « Allez go, on est parti ! » Elle s’entend rire aux éclats en voyant son mari en caleçon et chaussures prêt à partir à la maternité dans cette tenue. Puis elle sent l’odeur de l’hôpital, elle entend le bruit des machines, surtout du monitoring qui lui indique que tout va bien. Elle se revoit en train de pousser, de crier, de serrer fort la main de Glen et un cri, un petit cri, son mari qui coupe le cordon et la sage-femme qui dit : il est 4h10, voici votre fils madame. Qu’il était beau !!! J’ai pleuré, Glen a pleuré, ça a été le moment le plus intense de notre vie de couple et nous ne l’oublierons jamais. Jane revient à elle et secoue Glen qui dort profondément comme il y a 10 ans. Elle lui dit, c’est l’heure. Alors, tous deux, doucement se dirigent vers la chambre de leur petit ange Joshua et l’embrassent tendrement en lui disant : « Joyeux anniversaire petit homme ». Joshua, remue dans son lit, sourit légèrement, marmonne un petit merci, se tourne de l’autre côté du lit et se rendort. Jane et Glen restent encore une minute à le regarder puis retournent tranquillement se coucher.

     

    Heure du décès 4h08. Kathleen, infirmière au Praveen Hospital Lane de New York, était de repos ce soir-là. Elle dormait profondément quand son téléphone sonna. Elle regarde l’heure, 4h15. Elle s’assoit dans son lit, un peu perdue et décroche. Elle entend cette phrase fatidique « Heure du décès 4h08 ». Oh, non, pas lui !!! Dis-moi que ce n’est pas M. Matthew. A l’autre bout du fil, son collègue ne répond pas. Kathleen pleure, remercie son collègue pour son appel et raccroche. Elle se sent triste pour ce patient et pour tous les autres qu’elle a déjà perdu depuis le début de l’année. Elle se dit qu’elle ne s’y fera jamais. Comment peut-on s’habituer à la mort, même quand elle ne vous touche pas personnellement. Pour Kathleen, ses patients sont comme des membres de sa famille, elle ne peut se résoudre à laisser une distance entre elle et eux. Et pourtant, des jours comme aujourd’hui, elle se dit que c’est ce qu’elle devrait faire. Elle repense à M. Matthew qui il y a quelques heures encore, lui demandait un service au cas où il lui arriverait quelque chose. Elle l’entend encore lui dire : « Si jamais je ne m’en sors pas, je vous en supplie allez voir mon ex-femme, Margareth. Elle ignore que je suis ici mais je veux qu’elle sache qu’elle a toujours été la femme de ma vie. Je n’en n’ai aimé qu’une et c’était elle. Je me rends compte que, si je l’ai perdu, c’est que je ne lui ai pas assez dit. Alors, si vivant je n’ai pas été à la hauteur, je veux l’être au moins mort. Vous le ferez n’est-ce pas ? » Kathleen revoit son regard suppliant et elle lui répondit : « Oui, je le ferais, mais je suis sûre que je n’en n’aurais pas besoin.  Vous le ferez vous-mêmes quand vous sortirez d’ici ». Il lui avait répondu qu’il l’espérait tout en lui faisant promettre de faire ce qu’il souhaitait si le contraire se produisait. Et voilà qu’elle était là, dans son appartement sur Time Square, à se demander ce qu’elle allait faire. Elle alla chercher le petit bout de papier que M. Matthew lui avait donné et sur lequel l’adresse de cette Margareth était écrite et elle se dit qu’elle lui devait bien cela. Elle s’y rendrait demain. Kathleen retourna se coucher bien décidée à tenir sa promesse.

     
    Trois personnages, trois vies, trois sentiments mais une seule heure : 4h08 !
    DONZEL le 08 février 2023
     @Séverine LENZ

    DONZEL
    Petite idée ce matin

    vers les 4h du matin
    Emma se réveille en sueur aux prises avec la vague de douleur  en plein cœur de la nuit
    D'un simple regard, vite,  , elle vérifie vite l'heure au cadran lumineux du réveil à son chevet
    il clignote d'ailleurs bizarrement, chose étonnante,car  trop en avance sur l'horaire programmé
     4h 05 pourquoi ce signal ?
    Il coïncide avec cette douleur affreuse qui insiste et lui lacère le ventre
    4 h 06
    Toujours pas d'amélioration
     Yann est parti pour ses horaires de nuit
     la voilà seule et, terrifiée, se rend compte qu'elle va accoucher
    L'oeil rivé aux aiguilles phosphorescentes, pour se redonner une contenance, ne pas perdre pied,  elle essaie de garder le souffle régulier, bien sûr s'applique comme on le lui a enseigné 
    4 h 07
    Il y a une lumière, là en face, comme si quelqu'un lui venait en aide, la veillait derrière la façade impassible 
    4 h 08
    Une fraction de seconde l'aiguille a basculé sur le 8,
    4 h 08
    8 minutes très exactement
    juste comme un petit cri déchire la nuit 
    C'est une petite fille
    Emma soupire, retombe épuisée sur le lit en bataille 
    Enfin,  bébé est né ! Voilà Marta 

    4 h  03
    Une toute petite personne est en passe d'être catapultée vers la sortie 
    Au signal donné, tout s'est mis en place pour la projeter hors du cocon douillet où il faisait si bon au chaud 
    Un passage brutal de la transition de sa venue au monde 
    4 h 07 
    C'en est presque terminé
    4 h 08 .
    Encore un ultime effort le bébé est au dehors, arrive sur le lit 
    Enfin il déploie ses poumons , et puis il pousse son premier cri
    4h 08 presque 9 

    le signal à y penser d'un temps tout neuf


    4 h 03
    Olga, la vieille dame si fatiguée se retourne sur le bel oreiller brodé 
    Elle geint doucement, se plaint ; sans doute, un mauvais songe qui l'emporte et revient la tourmenter 
    Elle rêvait si heureuse du petit bébé attendu si impatiemment dans la famille
    Elle doit  subir le cauchemar atroce venant se surajouter !
    tout gâcher de son sommeil et des rêves tranquilles 
    piétiner sans vergogne toutes leurs vies
    Elle a rêvé 
    Elle a vu le bébé à peine né
    Et il meurt emporté dans l'espace de la seconde maudite fixée à tout jamais 
    sur la minute fatidique qui en a décidé 
    tout arrêter 
     4 h 07 tout qui commence et puis se finit
    Olga bondit hors du lit en quête d'un verre d'eau bien fraîche
    Elle a le souffle court, elle est bouleversée 
    Présage ou signe de quel ordre ?  Un malheur prêt de fondre sur eux tous 
    4 h 08 
    Le verre à la main encore, elle se rue sur le téléphone qui vient d'appeler
    Maman
     c'est Emma
     bébé est né 
    La petite Marta  est bien arrivée 
    Olga a lâché le verre, sur le tapis heureusement
    Pas de casse
    les larmes la submergent
    de joie cette fois 
    4h09 maintenant 
    C'est le Nouvel An et son gage de bonheur
    au gui l'An Neuf
    Une histoire comme tant d'autres, toutes celles où tout peut se jouer 






     
     
    patrickrouchette le 08 février 2023
    Le réveil sonne dans la chambre de bonne, habitée par Yelena, femme de ménage malienne. Il est 4heures 08 du matin, à cinq heures, elle devra être dans les bâtiments de la BNP pour y faire le ménage. Heureusement, elle n’habite pas loin de son lieu de travail car, après ses trois heures dans cette banque des beaux quartiers parisiens, elle devra prendre le RER à Auber pour aller vers Nation et prendre un deuxième service à 11 heures. Là elle servira les repas, à la cantine des enfants d’une école primaire de la Ville de Paris. Quatre heures trente d’un travail dur, épuisant dans le bruit et les cris des mômes. Puis ce sera la vaisselle et le ménage de cette salle de restauration avant de rentrer dans cette petite chambre au 6ème étage d’un immeuble cossu vers la gare St Lazare.

    Fatiguée, elle n’aura pas la force de ressortir, d’aller voir ses copines, d’aller danser ou prendre un thé. Et pourtant ce soir elle a cours à l’université à 17 heures. Mais comme souvent, elle s’endormira épuisée sur son livre. Et repoussera comme chaque soir ses cours d’anthropologie commencés en arrivant à Paris, il y a maintenant deux années.

    Le café coule, ses pensées naviguent vers son pays, vers sa famille mais très vite elle entend une musique, une belle musique. C’est son voisin de l’étage. Oh lui à 4H08, il est toujours réveillé. Yéléna pense que c’est son réveil à elle qui le tire de son sommeil.

    En fait Eric est insomniaque , il essaie d’écrire un roman depuis quelques mois et quand il entend le réveil de Yéléna, il se lève, pose un disque sur sa platine. Ce matin c’est YOM. Il sait qu’elle aime cette musique spirituelle, avec des sons orientaux tirés de la clarinette de cet extraordinaire musicien. Le disque s’appelle CELEBRATIONS et il le dédie à Yéléna. Il sait que sa journée va être compliquée, éreintante, usante. Lui la sienne, va commencer par un café, puis la mise en route de son ordinateur. Il est en train d’écrire un roman social autour d’une petite ville de province qui perd d’année en année sa population, ses forces vives et ses entreprises. La montée du parti d’extrême droite vient troubler les esprits dans la ville et la campagne autour, et les militants syndicaux se posent moultes questions sur la conduite des combats à mener. Il a ses personnages, son flic véreux, ses hooligans de foot minés par le racisme et la haine des institutions. Il a tout en tête mais il ne sait comment débuter cette histoire.

    Tout à l’heure, dans quelques heures, quand Yéléna sera dans sa cantine scolaire, lui ira dans la rue manifester contre une nouvelle loi scélérate souhaitée par le gouvernement actuel. Une prolongation de l’âge du départ en retraite pour tous. Yéléna, si elle continue de travailler comme elle le fait actuellement et si elle ne poursuit pas ses études, à 50 ans elle sera usée, son dos ne pourra plus la soutenir et ses tendons d’épaules ne lui permettront plus de soulever ses petits-enfants. Voilà ce qu’est devenu le monde du travail actuel. C’est pourtant simple de reconnaitre que les conditions de travail se sont dégradées partout, dans n’importe quel secteur, sous prétexte de gains de productivité. Ah les 35 heures ont le bon dos !!! Le patronat peut dire qu’il a bien gagné depuis cette mise en œuvre d’une réduction du temps de travail. Maintenant on ne parle qu’augmentation du temps de travail. Tiens c’est un argument que je vais proposer au député du 2ème étage pense-t-il.

    2ème étage. 4H08 ce matin. Le réveil sonne aussi chez Albert Lantier, député parisien de la majorité actuelle. Il doit défendre la loi sur la prolongation de l’âge de départ en retraite. Cela fait quelques semaines qu’il se pose des questions l’Albert !! Il faut dire que c’est un transfuge du Parti Socialiste. En 2017 il y a cru à la transformation du pays. Il imaginait que le nouveau président pourrait apporter cette nouvelle impulsion que le pays attendait. Pour mettre fin à la montée des extrêmes, pour redonner le gout du travail à nos concitoyens, pour combattre les dérives du dérèglement climatique annoncé, pour mettre fin à la destructions des services publics, de l’éducation et de la santé en priorité. Il y a cru Albert et il a milité pour et il est devenu député il y a quelques mois. Il a gagné de peu sur cette circonscription parisienne mais il fait partie de cette majorité , de son aile gauche en fait. Quand il croise Yéléna dans l’escalier ou dans la cour de l’immeuble, il le voit bien que cette jeune étudiante malienne travaille pour payer ses études mais qu’elle ne peut y arriver. Il le voit bien que tout se dégrade autour de lui. Les hôpitaux, l’école, la santé, les déserts médicaux même en région parisienne et surtout ces problèmes écologiques qu’il faut absolument combattre. Il s’était engagé pour cela, pour mener et défendre des lois pour maintenir notre pays comme un pays novateur, précurseur dans de nombreuses politiques. Il ne s’était pas engagé Albert pour défendre une loi de prolongation du temps de travail !!!

    Mais la cheffe du gouvernement a été très claire, ils devront tous être présent, voter comme un seul homme et ne pas montrer à l’opposition que certains députés ont des états d’âme.

    Alors quand, à 4H08, Albert se réveille pour aller faire son petit footing matinal, il sait que le café coule au 6ème étage et que bientôt il va entendre les pas dans les escaliers de cette jeune malienne à qui il loue une chambre de bonne.

    Il posera alors sur sa tête son casque et sa frontale et partira courir dans la nuit pour oublier qu’il votera dans quelques semaines un texte dont il aurait aimé faire valider quelques amendements et en particulier ceux nécessaires pour l’égalité hommes-femmes au travail. Peines perdues.

     

    Il est 4h30, Yéléna descend les marches d’un pas le plus léger possible pour ne pas réveiller l’immeuble et au deuxième, elle entend la porte de son propriétaire s’ouvrir.

    -          « Bonjour Monsieur, je vous souhaite une très belle journée et pensez à moi quand vous voterez ce soir…. » lui dit-elle en souriant.

    -          Bonjour Mademoiselle, bonne journée à vous aussi. Je n’y manquerais pas. Promis et il parti en courant au coin de la rue.

    Le soir, tous les journaux télévisés titrent : La majorité en difficulté. Des députés de son rang se sont abstenus. Le projet de loi est rejeté en première lecture !!!!
    AnneDominiqueCAUGANT le 08 février 2023
    4H08....

    Et pas 5H55, "five fifty five", comme dans la chanson de Charlotte Gainsbourg. Elle a si souvent fredonné pour elle-même cette chanson, lorsqu'elle veillait seule sa fille Lucie, quand elle était encore un bébé.

    Camille cligne des yeux plusieurs fois. Le cœur battant à tout rompre, encore effrayée par le cauchemar qu'elle vient de vivre. De vivre ? A-t-elle rêvé ou était-ce bien la réalité ? Elle croise les doigts pour être bien chez Dimitri, sa perle rare, à Saint Malo, dans son appartement douillet, un duplex face à la mer. Elle est encore tétanisée, elle n'ose pas bouger pour vérifier s'il est toujours bien en vie, à ses côtés. Chez elle, elle aurait ouvert le tiroir de sa table de nuit et se serait saisie de son flacon salvateur de "Fleurs de Bach". Elle recherche alors le réconfort près d'elle mais la place est vide. Sortant de son immobilisme après plusieurs minutes, elle aperçoit un rai de lumière qui filtre depuis le salon. Et soudain, un énorme bruit provient de l'étage ! "Lucie !" s'exclame Camille.

    4H08....

    Lucie est prise d'une quinte de toux, qui la réveille subitement. Elle ouvre les yeux et ne reconnaît rien autour d'elle, surtout pas ce radio-réveil à l'effigie de Cendrillon. Soudain, les draps deviennent chauds et humides. "Oh non, pas ça..." Pourtant, Dimitri a disposé en deux endroits des veilleuses, pour la rassurer. Pourtant, quand elle regarde vers la penderie, elle croit apercevoir une silhouette... Comment va-t-elle faire maintenant. Peut-être en essayant de se lever discrètement. Tiens tiens, qu'est-ce qui se cache derrière ce rideau ? Si on l'écarte un peu, on aperçoit.... Une maison Playmobil ! Son (presque) futur beau-père lui a donc caché cette merveille !
    Enfin, en attendant, elle doit trouver une solution. En cherchant à se lever, elle se prend les pieds dans le rideau et ... Patatras ! Toute l'étagère s'est écroulée, comme un château de cartes !

    4H08....

    Dimitri s'est levé d'un bond, il est persuadé d'avoir entendu crier. Sûrement encore un de ses cauchemars. Sa dernière garde aux urgences a été difficile et malgré la douce présence de Camille et de sa fille Lucie ce soir, il n'a pas réussi à "passer à autre chose", cette fois-ci. Après toutes ces années d'études, de sacrifices, pour atteindre le métier de ses rêves, il doit encore travailler sur lui-même pour apprendre à vivre sereinement.
    Alors il finit par se lever et aller jusqu'à la cuisine, se sert un verre d'eau fraîche. Ouvrir la fenêtre et sentir sur la peau les embruns, lui fera le plus grand bien.
    Tout à coup, un énorme bruit provient de l'étage ! Dimitri se précipite vers la chambre de l'étage et découvre Lucie au milieu d'un étalage de Playmobil : princesses, carrosses, licornes et elfes sont éparpillés sur le sol ! 
    Effrayée, la fillette éclate en sanglots ! 

    Dimitri la rassure, change les draps, et Camille prend sa fille dans ses bras.

    Il est presque 5H. Puis il sera 5H55. "Five fifty five". Il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir des Playmobil. Cette nuit-là, ils auront conforté une jeune femme dans le choix de son nouvel amour ; ils auront illuminé la nuit d'une petite fille ; ils auront fait penser à un jeune médecin qu'il était fait pour une véritable vie de famille, avec ses aléas, ses nuits écourtées.

    Vite, petit matin, lève-toi sur Saint Malo, pour apaiser les peurs de la nuit, les doutes, les mauvais souvenirs.





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