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    secondo le 07 mars 2023
    J'ai toujours eu peur de la corne de ruse

    Grand père était un sacré farceur, un être mystérieux qui me fichait la frousse quand j'étais minot.
    Il arpentait le jardin à cloche-pied comme un enfant possédé en prononçant des mots magiques et des phrases maléfiques et se retournait d'un coup vers moi qui jouait au billes sur les dalles inégales de la pseudo avancée devant l'escalier :
    - Et pourquoi tu me regardes comme ça petit ?
    - J'te regarde pas, papy.
    - Et qui t'as dit que je m'appelais Pape I ?
    - Ben c'est maman pardi !
    - Ah ouais ben va-t'en jouer avec la corne de muse, ça te fera des trous chantés dans le grimoire.
    Je courrais alors voir ma mère en reniflant et en pleurnichant.
    - Papy m'a dit d'aller jouer à la corne de ruse mais moi j'ai pas envie.
    - Dis pas de bêtises, Jan-rick, papy a certainement dû parler de la corne de buse.
    Dans la famille on avait tous un grain, vous vous en rendez bien compte.
    Sauf qu'en grandissant j'ai retrouvé une vieille malle dans le grenier familial.

    Ma mère, mon grand-père et quasiment toute ma famille était décimée, il ne restait que moi et ma petite sœur qui n'avait jamais entendu parlé des cornes et des us de la famille. 
    J'ai ouvert la malle devant ma sœur en lui disant qu'elle avait encore le temps de s'enfuir car je ne pouvais pas lui certifier que ce que s'y trouvait n'était pas démoniaque.
    - Non Jan-rick, n'ouvre pas, dit-elle en cachant ses yeux écarquillés avec ses mains aux doigts écartés,  je ne veux pas savoir. Et elle s'en fut à cloche pied en marmonnant un air qui me rappela quelque chose sans que je puisse mettre le doigt du souvenir dessus.
    Un parfum du passé s'échappa de la malle, et je découvris une vielle cornemuse ratatinée et dégonflée qui me regardait d'un œil désabusé et empoussiéré.

    Quelle ironie et quelle fable familiale autour d'un objet de musique aussi pathétique !



    Coparo le 08 mars 2023
    Mon_carnet_de_lecture   Merci et belle journée !
    Mon_carnet_de_lecture le 08 mars 2023
    secondo   : Très jolie fable, j’aime beaucoup
    secondo le 08 mars 2023
    Merci pour ce retour Mon_carnet_de_lecture 
    KotolineBastacosi le 08 mars 2023
    Secondo-  C’est très amusant, on dirait du Dickens !
    AAurelie le 09 mars 2023
    Bonjour à tous,

    Bon, je me lance. C’est une première pour moi, de participer à un défi de ce genre. Soyez donc indulgents. Le thème « vieil objet familial » est très évocateur pour moi.


    >>>> Toute la famille est réunie. La maison est pleine de vie. Les rires et la bonne humeur sont de la partie. Maman a tout préparé. La table est dressée avec des serviettes, des assiettes et des gobelets en carton à l’effigie d’un héros de dessin animé. Le roi lion. Le livre de la jungle. Je ne me rappelle plus. L’odeur de gâteau embaume la maison, suivie de l’odeur de brûlé des bougies venant d’être soufflées. Nous fêtons l’anniversaire de ma petite sœur. Elle a deux ans. Nous sommes en 1998, au mois de mai. Moi, je suis née en juin. Cette année-là, allez savoir pourquoi, ma maman a décidé de fêter nos anniversaires en même temps. Avait-elle eu un pressentiment où était-ce le fruit du hasard?

    Ma mamie est, bien sûr, présente à la fête avec papi. Tout comme les tontons et les tatas ainsi que les parrains, les marraines, les cousins et les cousines. Je le précise car c’est rare chez nous. Mamie porte, peut-être, un haut de couleur rouge et ses grandes lunettes jaunies. Je vois son visage souriant, ses cheveux courts de couleur châtain clair, certainement coiffés le jour avant, à l’aide de bigoudis. Mais, ce dont je suis parfaitement sûre, c’est qu’elle porte fidèlement autour de son cou, sa fine chaîne en or, ornée d’un magnifique pendentif serti d’une pierre bleue-verte en forme de goutte.

    Je la vois constamment. Cette chaîne. Dans mes rêves et/ou dans mes souvenirs. Comme lorsque j’étais sur ses genoux et qu’elle feignait de faire le poney pour me faire rire. Mes yeux fixaient ce pendentif, qui gigotait dans tous les sens, et se posaient ensuite sur son sourire. Lorsque j’étais triste et qu’elle me prenait dans ses bras, je percevais la puissance que ce bijou puisait dans son cœur pour décupler l’amour, la sécurité et le réconfort dont j’avais besoin et qu’elle me procurait de façon incommensurable. Collée à elle, je fermais les yeux et j’appréciais son odeur. Au printemps, ce pendentif virevoltait au-dessus de l’herbe fraîchement coupée quand mamie se penchait pour prendre le linge à étendre dans le jardin et celui-ci se reposait par dessus son tablier bleu ligné ou fleuri. Ce joyau m’hypnotisais.

    Quand je visualise cette pierre, j’ai plus facile de me souvenir des traits de son visage. Je peux même humer l’odeur de la soupe à la tomate inimitable qu’elle nous concoctait. Je peux goûter la saveur des tartines de Nutella qu’elle nous préparait, qui avaient d’ailleurs un goût si particulier, que je n’ai jamais plus retrouvé. Quel était son secret?

    Le cerveau a une mémoire sélective car il m’est impossible de me remémorer le son de sa voix. J’étais certainement trop jeune. Cela est probablement dû à l’amnésie infantile. Dommage.

    Ce sont des souvenirs plus ou moins clairs que j’évoque. De vagues réminiscences glanées dans la mémoire d’une enfant troublée, ébranlée.

    Mamie a pu assister, une dernière fois, aux anniversaires de ses deux petites filles, en même temps. Merci maman. Ça s’est joué de peu. Personne ne s’en doutait. Même pas elle. Le temps était compté. Cet anomalie était déjà peut-être installée en elle, depuis un moment, prête à se rompre et à tout envoyer par terre. A briser des cœurs. A briser mon si petit cœur, pour le reste de ma vie.

    Mamie n’est plus là. Pourtant, j’étais chez elle la veille. Comme chaque jour de la semaine, elle me récupérait à l’école. Mais maintenant, elle n’est plus là. J’ai du mal à comprendre. Maman pleure. Papa est effaré. Papi, je ne le vois pas, il doit être anéanti. L’atmosphère est lourde et pesante. L’air se raréfie. Tout tourne autour de moi. L’effervescence rythme désormais nos vies. Pourquoi? Pour combien de temps? Où est passée mamie? Pourquoi je ne suis pas à l’école? Qu’est-ce qu’il se passe? Ces interrogations qui tournoient dans mon esprit s’évaporent en entendant ces mots, qui me font l’effet d’un tsunami émotionnel.

    - « Mamie est partie au ciel. » Je ne sais même plus qui m’a annoncé cette terrible nouvelle. Papa, je crois. Maman n’était pas en état. Qu’est-ce que cela voulait dire?

    Et là, c’est le trou noir. La seule chose dont je me souvienne et que je ressens encore réellement aujourd’hui, c’est la chaleur de mes larmes qui roulent le long de mes joues. Une cascade de larmes, impossible à arrêter. L’incompréhension me gagne. C’est bien réel. J’ai bien entendu. Je ne verrais plus mamie? Plus jamais? Pourtant, elle était bien là, pas plus tard qu’hier. C’est brutal. C’est injuste. Je suis en colère. J’en veux au monde entier. Il m’arrive même de me dire: pourquoi tu ne m’as pas emmené avec toi? Pourquoi m’avoir laissé ici?

    J’ai bientôt six ans, je m’appelle Aurélie. Ma mamie est décédée d’une rupture d’anévrisme. Elle avait seulement 62 ans. Hélas, ces tragiques événements arrivent tous les jours. Ils arrivent aux autres. Pas à moi. C’est impossible. Avec effroi, il s’avère qu’aujourd’hui, c’est mon tour. Notre tour, à toute la famille. Ça fait mal! C’est la première fois que je perds un être cher. Je réalise, sans vraiment réaliser. Je ne lui ai pas dit au revoir. Je n’en ai pas eu l’occasion. Cette pathologie, fatale, a décidé de s’insinuer sournoisement dans son système pour l’anéantir, la mettre à terre, sans préavis. Cette monstruosité s’est emparée d’elle et a fait sévèrement, cruellement éclater mon cœur, en mille morceaux. Mes parents ont pris la décision qu’il valait mieux que je ne participe pas aux funérailles. Ils ont certainement pensé bien faire.

    Les jours passent. La vie reprend son cours. Je retourne à l’école. Mais j’ai toujours aussi mal. Je suis toujours en colère. J’aimerais la rejoindre. Je n’ai que six ans mais je me sens vide. Dénuée de toute émotion. J’aimerais qu’elle revienne. Pourquoi elle ne revient pas? Quand je ferme les yeux, je vois son visage, son beau sourire et cette pierre autour de son cou. Je suis certaine que ce joyau sert de transmetteur entre nos âmes. Moi, ici-bas. Elle, là-haut. Cet objet précieux est resté sous la bonne garde de mon papi pendant vingt-quatre ans.

    Ce récit est celui de la petite fille que j’étais. Ce récit est simple en apparence mais compliqué en profondeur.

    Aujourd’hui, j’ai trente ans. J’ai malheureusement pris possession de ce bijou en mai 2022 lorsque mon papi est décédé à son tour. J’aurais voulu ne pas récupérer cet objet… j’aurais préféré pouvoir garder pour toujours mon papi et ma mamie auprès de moi. Le fait qu’ils soient réunis est mon seul réconfort. Mon papi lui est resté fidèle pendant toutes ces années et n’a jamais cessé de l’aimer. Quand les personnes que vous aimez ne sont plus auprès de vous, vous vous raccrochez à tout ce que vous pouvez pour estomper la douleur, vous vous accrochez à ces bribes de souvenirs mais aussi aux biens qu’ils laissent derrière eux. Cela permet à certaines personnes de matérialiser la part disparue de leurs êtres chers. Parfois, à travers ces reliques, les défunts continuent à vivre. Pour toutes ces raisons, soyez sûrs que je garderai ce bijou, cet objet familial, jusqu’à ce que vienne mon tour.


    Je vous remercie d’avoir pris le temps de me lire. Excusez-moi pour les éventuelles fautes d’orthographe.
    Mon_carnet_de_lecture le 09 mars 2023
    Bonjour AAurelie ,

    C'est un très beau témoignage qui vous nous livrez là et qui n'a pas dû être facile à écrire. J'espère que ces lignes vous auront permis d'alléger votre peine qui m'apparaît encore bien présente. Encore un bel hommage à nos "mémé", "mamie" et "papi", "pépé" adorés. Belle journée
    AAurelie le 09 mars 2023
    Bonjour Mon_carnet_de_lecture,

    Merci pour votre retour.

    En effet, ce texte n'a pas été facile à écrire. Cependant, cet exercice a eu un effet libérateur.
    Je suis ravie d'avoir partacipé à ce premier défi. Je pense que je vais réitérer cette expérience.

    Passez une bonne journée.
    KotolineBastacosi le 09 mars 2023
    Bonsoir et bravo à nos littéraires pour les dernières nouvelles publiées, Franceflamboyant et Coparo, et EleenanOu
    Le sujet est un peu délicat, je cherche quelque objet couvert non pas de poussière mais,,, de ridicule, pour égayer mon récit, et ne le trouve point !!!
    EleenanOu le 10 mars 2023
    Kotoline a dit :

    Bonsoir et bravo à nos littéraires pour les dernières nouvelles publiées, Franceflamboyant et Coparo, et EleenanOu
    Le sujet est un peu délicat, je cherche quelque objet couvert non pas de poussière mais,,, de ridicule, pour égayer mon récit, et ne le trouve point !!!


     Mercu Kotoline  ^^ 
    Il est vrai que rien ne me vient rapidement à l'esprit, pour le type d'objet que tu recherches.. au plaisir de lire ce que tu trouveras :P
    Snoopythecat le 10 mars 2023
    @kotoline, moi aussi je cherche une piste un peu différente 😉. Nous allons trouver 👏
    leoseba le 10 mars 2023
    Bonjour à Tous !

    Voici mon texte pour ce mois de Mars.

    Très bon Week-end                           

     

                             PapiTime

     
    Dans un château du Bordelais, de nos jours.

    — Elle est dans la famille depuis près de deux cents ans. Elle appartenait à Louis De Croze, ton aïeul. Il trouva la mort lors d’un duel en 1814 à Paris. ( NDLR : voir mon histoire du défi de février : 4h08 ;)  ).

    — Whech ! C’est stylé !

    — Cette montre à gousset est passée de génération en génération. Elle est le témoignage d’une histoire de famille qui perdure et, qu’il te faudra respecter.

    — Ouais grave !

    — Tu sais Matisse, c’est important pour moi et pour notre famille ! Jean s’agaçait. Son fils, téléphone dans la main, était bien plus absorbé par les notifications qui s’affichaient sur l’écran de son smartphone que par la rhétorique de son père.

    — Oui papa, j’ai compris ! C’est la montre d’un arrière-grand-père et il faut y faire gaffe ! C’est bon, j’ai pigé, j’suis pas teubé !

    Jean balançait la tête imperceptiblement de gauche à droite, exaspéré par l’attitude puérile de son fils.

    — Depuis maintenant deux cents ans, cette montre passe de main en main. Aujourd’hui tu as vingt ans, et désormais c’est à toi d’en prendre soin. Elle t’appartient et tu la remettras à tes enfants, comme nous l'avons tous fait jusqu’ici. Il marqua une pause. Matisse ! Hurla-t-il, Nom de Dieu, tu m’écoutes !

    — Vas-y, quoi  ?!! C’est mon anniversaire aujourd’hui ! Et les potes m’envoient des messages pour me le fêter ! T’as un problème avec ça ! Rugi Matisse à son tour.

    Les deux s’étaient levés et se bravaient du regard. Jean, chemise à carreaux et pantalon velours aubergine, plutôt frêle, pas très grand, catégorie : poids léger. Face à lui, Matisse, survêtement de marques, sneakers, tempes rasées et cheveux longs plaqué sur le crâne, un bon mètre quatre-vingt-dix, cent kilos, catégorie : poids lourd.

    Ils ne s’étaient jamais entendus, jamais compris. Leurs personnalités étaient beaucoup trop opposées. Le père pensait acheter l'amour de son fils, en cédant à tous ses caprices et en distribuant de l'argent. Et en échange de quoi, il espérait que Matisse se rapproche de lui, qu’il lui ressemble. Qu’ils aillent à la pêche ensemble, qu’ils bricolent la vieille dauphine ensemble. Mais Matisse repoussait ce père, qu'il jugeait enfoui sous une multitude de principes archaïques. Lui était ultra connecté, ultra populaire, ultra provocateur. Matisse surfait sur la richesse et la notoriété de son nom, et ne jurait que par ses sons, son flow et son rap.

    — OK, désolé ! Le jeune homme savait que pour avoir la paix il devait lâcher du lest. Excuse-moi, d’accord ! Je vais la protéger moi la montre du papi.

    Gonflant le torse, il frappa ses pectoraux avec sa main et esquissant un sourire il continua

    — T’inquiètes, avec moi, elle ne craint rien !  Je descends ! À plus !

    Il prit la montre dans la main de son père, la fourra dans la poche de son Adidas et disparut.

    Jean resta un moment figé, tournant l’écrin de la montre entre ses mains. Est-ce qu’il avait bien fait ?

     Il se souvenait du jour où son père lui avait transmis cet objet, ô combien précieux à leurs yeux. Ce fut un instant rare, remarquable, solennel. C'était une passation de pouvoir, la complicité profonde entre un père et son fils.

    Et aujourd’hui, rien !

    Jean ressentait de la tristesse, une infinie solitude. À l’étage en dessous, il entendait la musique cacophonique qui sortait de la chambre de son fils. Une larme s’échappa de sa paupière.

                                                                               
                                                                                      * 


    Deux ans plus tard, dans une célébrée émission de Télévision.

     

    — Mesdames et Messieurs, j’ai le privilège de recevoir MATISSE  !!! scandait le présentateur.

    Le public, debout, les bras en l’air, hurlait le nom de celui qui s’avançait vers le plateau. Vêtu tout de blanc, baskets imposantes, pantalon large et doudoune brillante impressionnante. Le jeune avait son téléphone dans la main et posait au milieu de ses fans en transe. Photo, vidéo, tous se précipitaient pour apparaitre sur les réseaux à ses côtés.

    — Matisse ! Mesdames et Messieurs !!

    Le jeune rappeur, restait debout devant la table du présentateur, encourageant le public à crier encore plus fort.

    — Quel succès !! Quelle ovation !! Commença l’animateur, plus bas, afin de calmer les clameurs de la foule

    Matisse s’assit enfin.

    — Ouais ! En vrai, ça fait plaisir !

    L’animateur reprit :

    — Un premier album, salué par la critique internationale. Un titre obsédant, qui résonne sur toutes les radios et sur les télés du monde entier. Un clip d'animation incroyablement original. Vous êtes nommé pour toutes les plus grandes récompenses musicales de l’année. Il marqua une pause et regarda son invité. Matisse ? Vous pouvez nous expliquer ? Quel est votre secret ?

    — Bah en fait ! je sais pas. C’est du boulot, une passion, c’est la rage quoi, tu vois !!

    — Et ce titre « PapiTime », il serait inspiré d’une montre qui appartenait à un de vos grands-parents.

    — Ouais ! Carrément à un ancêtre ! Y parait que ce papi il était royaliste et surtout trop libertin le frérot, et ça lui a couté la vie, tu vois. Un sourire s’afficha sur le visage de Matisse. Sûr que ce mec assurait grave !

    — Et cette montre vous l’avez sur vous ?

    — Ouais, bien sûr ! Elle et moi on se quitte plus. Et fouillant dans les poches de sa vaste doudoune, il sortit la montre à gousset que Jean lui avait confiée deux ans auparavant.

    — Tu vois, continua Matisse, ça faisait une paire d’années qu’on glandait avec les potes à faire des sons, à trainer dans les festivals Rap, mais ça perçait pas. Un jour, pour l’anniv de mes 20 ans, mon père y me donne cette montre à chaine, et y m’explique que faut y faire attention, tu vois. Que c’est important ! Du coup je la montre à mes potes, et là tous se foutent de moi, avec ma relique du treizième siècle. On rigole bien ! Et on commence à improviser un Rap sur la montre, sur l’heure, le temps qui passe, les différences entre les époques, les divergences générationnelles et, « Papitime » est né !

    — Très émouvante votre histoire ! Je peux la toucher ? demande le présentateur amusé.

    — Ouais, tiens, mais fais-y gaffe ! Mon daron regarde la télé et y supporterait pas que tu l’abimes, répliqua Matisse en exagérant un clin d’œil face à la caméra.

    — Jolie pièce ! Donc, c’est cette montre qui a été le déclencheur de tout ce succès ? dit-il en la rendant à Matisse.

    — Ouais, bon, y a pas que ça, derrière y faut travailler et rencontrer des gens.  Mais, c’est vrai que je suis plus le même depuis qu’elle est à moi. Avec moi, elle est moins tranquille que dans sa petite boite en bois précieux bien planquée au fond d’un tiroir à jamais voir le soleil. Maintenant, elle rayonne, elle resplendit, elle vit ! Elle est représentée sur la pochette de l’album, elle sert de Logo pour la prod. Et tu sais pas, c’est comme si, elle était magique, frérot ! Peut-être que dans ma poche, elle a été frottée et qu’un génie chargé de deux cents ans d’histoire est apparu, et m’aide à réaliser mon rêve !

    — Fantastique ! Bravo !! Coupe le présentateur, préoccupé par le temps d’antenne. Il se tourne vers le public, vous voulez « PapiTime » ?

    Ce dernier répond instantanément, en hurlant « Matisse ! Matisse ! »

    — Merci Matisse, d’être passé nous raconter cette belle histoire, dit le présentateur en checkant avec le jeune rappeur. Matisse se dirige vers la scène en saluant son public, et faisant tourner la montre autour de son majeur.

    — Mesdames et messieurs, il est en live pour nous ce soir ! Il nous interprète « PapiTime »… MATISSE !! et.. sa montre à gousset !!!!

     

    FIN
    KotolineBastacosi le 10 mars 2023

    Bravo @Leoseba, on ne s’attendait pas du tout à l’odyssée de cette belle montre !! 


     

    leoseba le 10 mars 2023
    Une nouvelle fois , Merci @kotoline , ton message me fait énormément plaisir !  J’ai essayé de dépoussiérer ce thème de l’objet ancestral…  en mode TikTok 😉
    SarM le 11 mars 2023
    La tisane

    Je me souviens... C'était l'été et la porte était ouverte sur une cour envahie d'herbes hautes. Les touffes, coincées entre les petits pavés disjoints, s'érigeaient en brins hauts. Bercés par la brise, elles diffusaient jusqu'à l'intérieur sombre leur odeur de foin.
    Sur la cuisinière jaunie par le temps, la bouilloire sifflait son jet de vapeur brûlant. La vieille femme en combinaison à fleurs s'est levée en s'aidant des deux mains. Elle marchait à pas lents, sans utiliser sa canne restée avec les parapluies à l'entrée de la pièce, dans le seau à charbon. Sur la poignée chromée du four, elle a tiré un chiffon écru qu'elle utilisait comme manique. Sa main fripée a tâté la table jusqu'à rencontrer le dessous de plat en osier torsadé qu'elle a fait glisser vers elle avant d'y déposer la bouilloire fumante. Le rouge pimpant de sa tôle émaillée était si brillant qu'il donnait envie d'en caresser le verni. D'un geste ferme mais tendre, elle a repoussé mon buste penché en avant.
    – Ne va pas te brûler...
    A-t-elle toujours eu cette voix rude et profonde ou s'est-elle éraillée au fil des ans ? Bien adossée à ma chaise, je l'ai regardée sortir d'un tiroir un sachet en papier. La paille de l'assise piquait mes cuisses nues. Les doigts tordus de l'arrière-grand-mère ont plongé puis disparu dans le petit pochon bruissant dont elle a tiré une poignée de fleurs sèches. Elle en a laissé tomber cinq dans le fond de mon bol ébréché et les a arrosées d'eau chaude qui n'a rendu son éclat ni au blanc passé des pétales, ni au cœur ambré des corolles rondes et plates.
    En attendant qu'elles infusent, elle a ouvert la porte du four et s'est baissée à sa hauteur. Ses genoux ont craqué. Mi-amusée, mi-irritée, elle se plaignait de ses vieux os. Elle en a sorti un saladier au damier bleu et blanc qu'elle a posé dans un bruit mat entre son propre bol et la bouilloire. Comme d'une poudre de fée, elle a enfariné le bois de la table auréolé de taches sombres avant d'y basculer le contenu du saladier. Ses vieilles mains poudrées de farine ont pétri le pâton. La peau mouchetée de brun qui les couvrait était si fine qu'elle laissait transparaître un réseau de veines bleues et saillantes. Elle fredonnait un air où il était question de « sa pomme ». Sans doute s'apprêtait-elle à préparer une tarte tatin. Les miennes, de mains, étaient petites, roses et potelées. Je me suis cramponnée à la porcelaine chaude du bol pour ne rien renverser du liquide doré. Les cinq fleurs surnageaient à la surface, un peu plus grosses que tout à l'heure. Elles dégageaient une odeur douceâtre de fruit trop mur. Je buvais ma tisane en silence et l'arrière-grand-mère étalait la pâte avec son lourd rouleau en bois blond.
    – C'est bien ma fille, disait-elle de son ton traînant. Va jouer un peu dehors.

    Dans la cour, des sauterelles brunes et vertes bondissaient à chacun de mes pas. Les mains en coupe, je parvenais parfois à en capturer une qui chatouillait mes paumes avant d'être libérée. Quelques poules noires au plumage lustré de reflets irisés picoraient dans les interstices du pavage. Elles caquetaient d'indignation quand je les pourchassais. Leur bec était-il rouge ou n'était-ce que la flamboyance de leur crête qui me donne cette impression aujourd'hui ? Devant leur enclos, où je ne parvenais jamais à les faire se replier, une procession de gendarmes cheminait le long d'un muret envahi de lichens. Sur leur chitine vermeille en forme de goutte, le dessin noir était semblable à un masque tribal. Les petits insectes se rejoignaient en une grappe mouvante sur la margelle basse du puits. Avec une branche, j'essayais de les séparer.
    Aussitôt bue, l'infusion alourdissait ma vessie mais, je n'aimais pas trop les toilettes extérieures... Attenante à la remise, leur étroite porte à la peinture bleu pastel écaillée était percée d'un cœur. Était-il voué à s'assurer que personne n'occupait les lieux ou juste destiné à y déverser un peu de clarté ?
    Du côté de la grange, là où les pavés cédaient la place au grand pré, des petites fleurs blanches crayonnaient leur broderie dans l'immensité du ciel bleu. Elles ondoyaient au bout de tiges graciles et diffusaient leur parfum capiteux dès qu'elles étaient frôlées. J'en ai cueilli cinq que j'ai glissées dans la poche de ma jupe culotte. Des papillons jaunes voletaient paresseusement. Difficile de suivre leur trajectoire capricante. J'ai coupé une herbe folle et dégagé le ruban de la feuille engainée autour de la chaume coriace. Je voulais la faire siffler entre mes lèvres pincées, comme le faisait mon père, mais sans y parvenir. Mes mains effleuraient ensuite la douceur veloutée des inflorescences de graminées et je me suis coupée en tirant sur une grappe d'épillets.

    Dans la cuisine, l'arrière-grand-mère s'activait au fourneau de l'antique cuisinière. Son visage rougissait à chacun de ses souffles pour attiser les braises. Elle a fait couler un peu d'eau pour nettoyer le sang et a tiré un mouchoir de sa manche qu'elle a enroulé autour de mon index. Puis, lasse, elle s'est assise en me prenant sur ses genoux. Le four dégageait une agréable odeur de tarte. Sur la table blanchie de farine, une petite boule de pâte luisante de beurre m'était destinée. Des grains de sucre ont croqué sous mes dents quand je l'ai dégustée, en reniflant toujours, parce que j'étais douillette. Ses jambes frêles tressautaient pour me faire rire, elle chantonnait : « ma pomme » et me faisait rebondir sur ses genoux pointus. J'ai sorti de ma poche les cinq petites fleurs chiffonnées que j'ai posées à coté de sa tisane froide. Sa main libre a lissé mes cheveux avant de saisir le bol pour le porter à ses lèvres. De l'autre, elle me tenait contre elle. Elle a bu, à petites gorgées tranquilles, et ses yeux ont disparu derrière les plis de ses paupières.

    Je ne me rappelle plus son visage...
    Les pavés ont été retirés et un chemin de graviers blancs serpente dans la cour engazonnée. Au pied de la grange transformée en salon, les massifs sont en dormance. Les branches nues des arbustes attendent le printemps pour débourrer leurs feuilles tendres et déboutonner leurs fleurs. L'air limpide se poudrera de pollen, les papillons virevolteront énergiquement, animés par l'excitation de leur renaissance et les gendarmes se souderont, par deux. Il faudra attendre l'été pour entendre les stridulations des insectes et revoir les sauterelles bondir dans l'herbe sèche.
    Ce matin, j'ai retrouvé la bouilloire de mon aïeule dans le fond d'un placard. L'émail rutilant est moucheté d'éclats sombres mais elle est toujours aussi douce au toucher. Dès qu'elle siffle, j'en saisis la poignée avec un torchon. Mes mains, plus fanées que les fleurs de camomille qui infusent ma tisane, se pressent contre la tasse brûlante.
    C'est l'hiver et la porte est fermée.
    Snoopythecat le 11 mars 2023
    La grand pièce, appelée «espace de détente » et remplie de meubles en tous genres, est calme.
    Bientôt, la porte s'ouvrira et Sophie, la propriétaire de la maison, entrera, allumera le poste de radio, s'installera à son bureau ou fera des exercices sur son tapis de yoga.
    Elle sera accompagnée ou suivie de Chopin, son chat roux et blanc. Lui, viendra directement me saluer et s'installera sur moi, comme toujours.

    Je me souviens de sa toute première visite. Il était si petit. Il s'est approché de moi, lentement, précautionneusement, m'a longuement reniflé avant de sauter et de se pelotonner dans mon giron. J'ai été profondément surpris et un brin décontenancé. Quel toupet !
    J'ai bien tenté de le faire partir en gémissant et en bougeant mais, rien à faire, le bougre n'a pas bougé d'un poil.

    Depuis, je me suis habitué à lui, à ses ronronnements, à son patounage, à ses ronflements, à ses tressautements quand il rêve, à ses poils qu'il laisse derrière lui quand il s'en va. Il me réconforte autant que je le réconforte. Et pourtant, à la base, je ne suis pas très porté sur les chats.

    Durant ma longue vie, j'ai beaucoup voyagé, j'ai baguenaudé entre ville et campagne, entre maisons et appartements, entre jardins et balcons.
    Peu à peu, les années passant, mes déplacements se sont raréfiés et je suis revenu vivre dans cette maison, auprès d'Hélène.

    Quelques années plus tard, Hélène est décédée.. Ce fut un grand choc pour moi. Je la connaissais depuis toujours, je me suis senti tellement triste, abandonné, comme orphelin.
    Le décès de « tante Hélène » a entraîné pas mal de perturbations dans la vieille maison, des allers et venues, des larmes, des discussions, des cris et des disputes à la lecture du testament. Sophie, sa nièce préférée, a hérité de la maison. Des meubles et des objets sont partis chez les cousins et cousines, d'autres, plus neufs, sont arrivés.

    Les cousins et cousines voulaient me vendre, me donner ou carrément me jeter. Eux, que j'ai vu naître, que j'ai accompagné, rassuré et plus encore, m'ont traité avec un mépris sans nom.
    Quelle déception, quel affront.
    Ces traîtres ont invoqué mon grand âge, mon état bancal, ma prétendue dangerosité. A les entendre je suis démodé, encombrant et inutile.
    Inutile, moi ?
    J'accompagne les siestes de Chopin. Je suis donc très utile, voire indispensable.

    Par chance, Sophie s'est montrée déterminée et intransigeante. Elle vivante, je resterais ici. Je suis un objet familial, ma place est ici et nulle part ailleurs. Pour éviter toute nouvelle dispute, elle m'a installé sous le toit,  dans son espace de détente, dans un coin, près de la fenêtre, avec vue sur le jardin.
    Les années ont passé. Je suis toujours là. Sophie a tenu sa promesse.

    Un jour, je sais que je sortirai de cette pièce.
    Un jour, un membre de la nouvelle génération familiale me remarquera et aura un coup de coeur pour moi.
    Un jour, je serai chouchouté, poncé, repeint, décoré, habillé de tissu neuf et joyeux.
    Un jour, je retrouverai mon usage originel.
    Un jour, je déménagerai.
    Un jour, j'accueillerai un petit être sans défense.
    Un jour, je redeviendrai celui que j'ai été pendant tant d'années.
    Un jour, je serai à nouveau un splendide berceau de bois, fier, pimpant, solide, vaillant, réconfortant, fidèle, indispensable, incontournable.
    Un jour je serai à la fois à la mode et délicieusement vintage.

    En attendant, je n'ai pas à me plaindre, je suis bien installé.
    Chopin est devenu mon ami.
    Si seulement il ne perdait pas autant de poils...

    Les escaliers grincent.
    J'entends des pas.
    Deux jambes et quatre pattes.
    Sophie et Chopin.

    Une nouvelle journée commence. Je suis prêt. Entrez.
    Mon_carnet_de_lecture le 12 mars 2023
    Bonjour Snoopythecat , 
    J’aime beaucoup votre texte. Et votre approche pour traiter ce sujet. Belle journée à vous !
    Hekate2018 le 12 mars 2023
    Snoopythecat , votre texte est extrêmement original ; bravo !
    Snoopythecat le 12 mars 2023
    Mon_carnet_de_lecture  , Hekate2018  Merci infiniment, vos compliments me vont droit au coeur .
    KotolineBastacosi le 12 mars 2023
    Snoopythecat  votre récit est très agréable, original surtout, vraiment une belle idée ! Et pas de mouchoir à la fin, chic !!





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