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    GaLim le 12 mai 2023
    YvesD12  Jolis et poétiques "instants dérobés" à la fois doux, mignons, sensibles et nostalgiques. Et excellente idée de nous avoir proposé un peu de verdure avec vos illustrations 🌳! 
    Quant à votre remarque sur Wagner, surtout ne m'incitez pas et ne me tentez pas, parce que je suis intarissable sur le sujet 😜🤣!

    franceflamboyant  Merci pour ce retour fort plaisant 😁 !

    Carolina78  Alors là, quelle surprise ! Que ce soit votre histoire, votre écriture, votre style, tout est si différent de votre texte du mois dernier avec Thao ! Ici, point de Castorama ou de Grand frais, mais du "zarbi" à toutes les sauces. C'est très original et drôle à lire. 

    mfrance  Je ne peux qu'apprécier votre histoire qui dans le fond, fait appel aux mêmes ressorts que la mienne, qui plus est située à la même époque ! Bien évidemment, j'adore votre texte qui offre une plongée dans l'histoire, en intégrant des éléments biographiques réels de Victor Hugo. C'est bien écrit, clair et précis. L'idée de la séance de spiritisme est bien exploitée, et dans l'histoire, et dans le contexte historique. 👏 👍


     
    mfrance le 12 mai 2023
    GaLim   merci de cette chaleureuse appréciation !
    j'ai découvert votre texte alors que le mien était déjà au four ! Effectivement presque même époque et surtout même genre de ficelles, ce qui est assez logique, puisque le thème du mois est le voyage dans le temps ! le temps futur ne m'inspirant rien, reste le passé où il y a vraiment beaucoup à exploiter !

    mais je me demande diablement ce que Wagner penserait de cela !
    lui, si colérique et si conscient de son génie, fulminerait certainement de songer que l'on puisse attribuer ses leitmotive à un autre que lui, à cet obscur et inconnu Eugène Meunier.... et Cosima tout autant !
    et peut-être que Siegfried et Brünnhilde seraient du même avis !

    Pour autant, si vous êtes certaine de la chose, il faut vite prévenir les arrières-petites-filles de Richard à Bayreuth, qu'elles rétablissent la vérité lors du prochain Festival !!!

    Ceci dit, en tant qu'admiratrice inconditionnelle de l'oeuvre wagnérienne, j'ai pris un grand plaisir à lire ce texte mené tambour battant !
    mfrance le 12 mai 2023
    J'ajoute que je me suis régalée du texte touchant et si poétique, magnifiquement conté par vibrelivre
    liliper66 le 12 mai 2023
    Texte de mfrance : joli texte et une bonne idée que la séance de spiritisme. De plus arriver à placer beaucoup de détails historiques sans que cela semble "plaqué" est un exercice difficile mais ici bien maîtrisé.
    GaLim le 12 mai 2023
    mfrance  Au vu de la qualité de votre texte, il ne fait aucun doute que celui-ci était déjà en cours lors de la publication de mon histoire. J'ai simplement trouvé cette coïncidence incroyable qu'avec un thème donné aussi ouvert, nous ayons eu la même idée sur le traitement du sujet ! Et je constate que nous avons également eu le même cheminement concernant l'évocation du futur ! 😉

    Ah ! Wagner ! Quelle personnalité atypique, complexe et donc difficile à cerner ! Et dire qu'en 2023, il reste toujours aussi clivant chez les musiciens... Décidément, il n'est pas si aisé d'être un génie !

    Et je suis ravie qu'en tant qu'admiratrice de Wagner, vous ayez apprécié cette nouvelle 😁... 


    YvesD12 le 12 mai 2023
    Merci pour vos commentaires liliper66    Carolina78    JML38    GaLim    Puisque vous aimez mon illustration, j'ai ajouté dans un format moins minuscule ce chêne sous la pluie qui abrite l'écoulement du temps.
    Carolina78 le 12 mai 2023
    mfrance   Merci de nous avoir fait découvrir les coulisses de la bataille d’Hernani.Voyage à travers le temps avec les deux Adèles. Le XIXème siècle est ma période littéraire préférée, personnages creusés, belle prose. Vous en êtes une digne héritière ! Juste une question, j’ai l’impression que je n’ai pas tout saisi pour : « c'est la faute à Hugo, non à Hernani ».

    Référence à c’est la faute à Voltaire ? et pourquoi Hugo et non Hernani – Victor Hugo, qui d’ailleurs brille par son absence ou omniprésence - ?

    Sur neuf propositions, j’en compte quatre qui font appel aux esprits des morts (FranceFlamboyant, Galim, vous et moi) – curieux non ?
    mfrance le 12 mai 2023
    Oui, bien vu Carolina78 pour la référence !
    Si Adèle dit   « c'est la faute à Hugo, non à Hernani » c'est par rapport à sa liaison avec Sainte-Beuve,
    due au fait que Hugo l'a délaissée au moment où il concevait Hernani et s'occupait exclusivement de sa pièce !

    et merci pour la lecture attentive
    Carolina78 le 12 mai 2023
    mfrance  Effectivement, j'ai cherché midi à quatorze heures. Avouons que c'est troublant cette cohabitation entre vivants, morts, personnages réels et personnages de fiction...
    liliper66 le 13 mai 2023
    Bonjour à toutes et à tous. Voici mon texte :

    À tout jamais

    Toi tu parlais beaucoup car les mots étaient les grains d’un chapelet et les souvenirs autant de prières récitées. Moi j’étais un voleur d’images, témoignages figés et indiscutables, destinés à laisser, comme jadis sur les parois des cavernes, des traces de vie.

     Mon vieil appareil est devenu un objet de décoration sur les rayonnages de la petite bibliothèque, au fond de la chambre. Mais je sais désormais qu’il suffit de presser le déclencheur pour être projeté vers le passé. Et peu importe à quel jour ce mystérieux phénomène, envoûtement ou peut-être miracle me ramène. Ils étaient tous parfaits.

    Me voici donc revenu à ce premier été après l’installation au Pays Basque. La maison, récemment acquise, est typique de la région avec ses murs blancs et des volets « rouge sang de bœuf ». Elle est assez grande et nous mettons un bel enthousiasme à nous en approprier toutes les pièces. Notre nid d’amour est celle d’où on peut apercevoir la mer.
    Tu m’appelles et je monte les marches, fébrile. Je te découvre, assise et déjà dévêtue, au moment où tu te penches pour enlever tes sandales. Les lanières te résistent et tu ris ! Tu te lèves et t’approches de moi en détachant tes longs cheveux de jais. Mes mains sur ta taille cambrée, les tiennes si douces sur mes épaules. Je t’empoigne et tu m’entoures de tes jambes conquérantes, me disant mille fois « Je t’aime », tes lèvres sur les miennes. A la fin, nous avons un instant de parfaite solitude, chacun perdu au fond d’un brûlant abîme. Mais, ressuscités de ces flammes, nous nous découvrons enlacés dans le désordre des draps.
    Ensuite nous décidons de nous mettre en scène, telle une réplique de cérémonie antique. Le couple savoure la victoire : les peaux brillent, les muscles tressaillent, les souffles ralentissent. Un bras replié, je pose la main sur ta poitrine, l’autre entourant tes épaules. Tu te loves tout contre moi, en une intime complicité. Je suis apaisé, un sourire aux lèvres et toi, alanguie, les paupières lourdes. Les rideaux tirés nous soustraient à toute notion de temps. Le lit a sa moustiquaire relevée. La lumière pâle de la lampe met chaque détail en valeur grâce aux ombres complices. C’est le moment idéal, j’appuie sur la commande à distance.

    Le clic, maudit soit-il, me ramène ici, au présent. Un peu désorienté, presque nauséeux, je prends l’album baptisé « Rien que pour nos yeux », ceint d’une bande métallique qu’un minuscule verrou vient fermer. Je sors la clé de sa cachette et me mets à lentement feuilleter les lourdes pages. La photo apparaît. Elle ne semble pas révélée sur papier mais plutôt tracée au pinceau, tous les fragments faisant écho à une évocation précise et incomparable. La nudité des sujets, les volumes, la perspective maîtrisée, les couleurs chaudes, la composition… le tableau est digne du style Renaissance. Je nous vois, statufiés sur cette toile, invulnérables face à la détérioration d’une mauvaise mémoire. Je laisse pourtant une heureuse émotion m’envahir longuement alors que je ne sais pas si je ne suis celui qui regarde ou celui qui est encore là-bas, avec toi, éphémère prisonnier d’un temps parallèle. Je crois même entendre nos voix susurrantes. Puis, semblant être éclairée par un projecteur fantôme, la chaise se détache. Celle sur laquelle tu avais négligemment posé tes vêtements. Je lève la tête et dirige mon regard vers ce coin de la pièce, aujourd’hui comme hier, plongé dans une semi pénombre. A l’heure exquise de la sieste, elle est vide, privée à tout jamais de ta présence.
    Carolina78 le 13 mai 2023
    GaLim  Hier, j'étais plongée dans le joli texte de mfrance   et j'ai oublié de vous remercier pour votre gentil commentaire. J'ai voulu faire un texte drôle, pour me distraire de la sinistrose ambiante. Je ne sais pas composer de la belle prose, à la XIXème... mais j'essaierai.
    JML38 le 13 mai 2023
    Paris, été 2024.
    La scène se déroule dans un jardin public.
    Assise sur un banc, une dame d’une soixantaine d’années distribue du pain aux pigeons. Une femme plus jeune fait son apparition.

    — Bonjour madame. Je m’appelle Marie. Puis-je me reposer un instant à vos côtés ? Je viens de faire une longue marche.
    — Je vous en prie, mademoiselle. Vous allez me tenir compagnie.
    — Je ne voudrais pas vous perturber. Vous semblez en pleine réflexion.
    — Je profite du calme de l’endroit pour réfléchir. Permettez-moi de me présenter : Mathilde Valmont.
    — La romancière ?
    — Elle-même. Mais je suis avant tout historienne.
    — Quelle chance de vous rencontrer. J’ai lu tous vos romans.
    — Vraiment ? Qu’avez-vous pensé de « Dernière nuit sur le Titanic » ?
    — J’ai adoré. Jamais la tragédie n’avait été décrite avec autant de réalisme. C’est bluffant.
    — Les cris, la panique. L’orchestre qui jouait « Plus près de toi mon Dieu ». Et oui, ce n’est pas une légende. Les gens qui se battaient pour monter à bord des canots de sauvetage. Me remémorer cette nuit tragique me donne encore des frissons. J’ai eu de la chance cette nuit-là. Et quels autres récits avez-vous appréciés ?
    — Il n’y a que l’embarras du choix. Mais, bien évidemment, le débarquement de juin 1944 est également un morceau de bravoure.
    — C’est peu de le dire. Quelle inconscience de ma part. Je n’étais vraiment pas fière, je peux vous l’assurer.
    — La charge de la brigade légère lors de la guerre de Crimée m’a aussi enthousiasmée. Un épisode moins connu et surtout plus difficile à situer dans le temps.
    — Vous avez raison. C’est pour ça que je m’y suis intéressée. J’avoue avoir eu moins peur qu’à Omaha. Mais cet événement m’a autant marquée, une même abnégation de soldats qui acceptent de mourir pour leur patrie. Mais je n’ai pas écrit que sur des guerres et des tragédies. La conquête de l’Everest le 29 mai 1953, quelques jours avant le couronnement d’Elisabeth II. J’ai eu la chance de pouvoir assister à ces deux moments magiques.
    — Vous avez dû avoir plus froid dans l’Himalaya, non ?
    — J’aime votre humour. Oui. Je le reconnais volontiers. Même si le temps n’était pas particulièrement au beau à Londres,
    — Votre contribution à résoudre quelques grandes énigmes historiques est assez étonnante.
    — Merci. J’ai été passionnée par l’affaire Kennedy depuis toute gamine. C’est tout naturellement que j’ai choisi d’en vérifier les tenants et aboutissants par moi-même.
    — La vérité sur l’énigme du masque de fer et sur la mort de Toutankhamon, belle renommée pour un historien, non ?
    — Certes. Et j’aurais bien aimé en être à l’origine. Mais vous m’attribuez des découvertes qui ne sont pas de mon fait. Je me suis spécialisée dans l’étude des derniers siècles du deuxième millénaire.
    — Ah ! Désolée.
    — Il n’y a pas de mal. Pardonnez-moi jeune dame, mais je ne peux que m’interroger. D’aucuns auraient déjà mis en doute ma santé mentale. Ce que je vous raconte ne vous interpelle pas plus que ça ?
    — Pas vraiment.
    — Vous savez, je ne suis pas totalement sénile malgré un âge avancé. Vous ne pouvez évidemment pas avoir lu en 2024 des livres pas encore écrits. Vous n’êtes pas là par hasard. Vous êtes venue me chercher ?
    — Oui. Agent McFly. De la BST, Brigade de Surveillance Temporelle. J’ai été chargée de vous retrouver professeur, et de vous ramener à la maison.
    — McFly ? Cela ne s’invente pas. « Retour vers le futur » alors ? J’espère que la DeLorean n’est pas garée trop loin.
    — Je ne comprends pas. Je suppose que c’est de l’humour.
    — Il faut avoir une certaine culture antique pour apprécier.
    — Et pourquoi 2024 cette fois ?
    — De petites vacances, pour assister à des jeux olympiques considérés comme exceptionnels.
    — Ah ! Bien. Désolée de devoir mettre un terme à cet aimable échange, mais il est temps de partir.
    — Je n’ai pas le choix visiblement.
    — Non.
    — Je risque de perdre mon accréditation de recherche historique ?
    — J’en ai peur. C’est la troisième fois que nous devons vous courir après dans le passé. Nous ne voudrions pas perdre définitivement une historienne aussi célèbre que vous.
    — C’est bien aimable. C’est vrai que, plus ça va, moins j’ai envie de rejoindre une époque qui me paraît bien fade en comparaison à ce que j’ai eu l’occasion de fréquenter lors de mes voyages.
    — Ne me dites pas que ça vous ennuie réellement de quitter la préhistoire.
    — Ne soyez pas cynique. Et pour vous répondre : si, un peu, mais vous êtes trop formatée pour comprendre.
    — Vous pourrez toujours revenir en voyage organisé.
    — Là, j’aime moins votre humour.
    — Bon. Je vais activer moi-même votre processus de rétro-téléportation. À tout de suite professeur.
    — C’est ça. À tout de suite McFly.
    liliper66 le 14 mai 2023
    Texte de JML38 : quelle bonne idée que cette professeur d'histoire/romancière qui, grâce à ses voyages dans le passé, peut parler de nombreux événements avec précision. Et choisir d'écrire un dialogue est bien vu aussi car cela rend le récit plus vivant. La BST, . Bravo !
    JML38 le 14 mai 2023
    Merci liliper66 pour votre commentaire, particulièrement plaisant à lire un dimanche au réveil.
    Snoopythecat le 14 mai 2023
    Je n'ai encore lu aucun texte, la honte. il faut que je m'y mette sérieusement.😀
    franceflamboyant le 14 mai 2023
    JML38 : l'agent MacFly, de la BST, brigade de surveillance temporelle, fait bien son travail et Mathilde Valmont n'a qu'à bien se tenir. Texte surprenant, plein d'humour et bien sûr fort bien écrit. Une autre façon d'aborder le sujet qui nous occupe ce mois-ci.

    mfrance: Adèle Hugo, Victor et la bataille d'Hernani. Erudit mais sans que cela pèse jamais  et très enlevé. Un bonheur d'écriture ! Difficile de ne pas être enthousiaste. Avec GaLim, vous êtes pour l'instant  les deux seuls à nous promener dans les méandres de la création artistique au dix neuvième siècle.

    Carolina 78: Je suis contente d'apprendre que la nouvelle république mondiale est placée sous le signe du bonheur sans frontière. Votre texte m'a amusée et surprise.
    Snoopythecat le 14 mai 2023
    franceflamboyant  Un texte bien écrit, précis, qui mélange les époques. Cette femme me semble très perdue entre deux univers. Est-elle, manipulée par cet hypnotiseur ? Se voit-elle comme une justicière du passé ? Une ambiance un peu effrayante par moments. Bravo pour ce texte.
    Morphil le 14 mai 2023
    Coucou

    je n'ai lu que Sflagg . J'adore le côté poétique. Une évidence, le temps pour tant de poètes . Pour une fois, j'ai fait un peu plus long, il faudra surement plusieurs case? Je vais ajuster pour que ce soit lisible

    Hasta luego
    Morphil le 14 mai 2023
    Sales temps

    Cette fois, j’étais bel et bien paumé. Deux heures que je tournais en rond. Que des maisons closes, pas de réseau et la nuit qui tombait. J’y étais vraiment, au bout du monde, en compagnie d’étranges pensées ; je faisais le pas de trop, basculais et tombais dans le vide des platistes. Je scrutais, angoissé, la jauge de carburant. J’étais loin d’être à sec mais, à ce rythme, ça finirait par arriver. GPS en panne bien sûr… Superbe la technologie de l’homme moderne… tant qu’elle fonctionne. Mais que diable allais-je faire dans cette galère mon bon vieux Jean Bat ! Je n’avais pas appris à me diriger grâce aux étoiles ni à utiliser une boussole que, d’ailleurs, je n’avais pas, pas plus qu’une carte routière. Pas le choix, j’allais devoir stopper et dormir recroquevillé dans ma voiture. Perspective vachement réjouissante ! Quand, trouant la nuit, une lumière, enfin ! Un phare. Moto, vélomoteur, voiture borgne ? Qu’importe, c’était l’espoir. Je quittai en hâte l’habitacle de ma caisse pour faire des grands signes, un sémaphore improvisé mais efficace. La moto, car s’en était une, stoppa à ma hauteur.
    - Un problème ? demanda le pilote
    - Bonsoir. Ouais, je suis totalement perdu. Je cherche à regagner la route du Faou ou au moins à trouver un hôtel pour la nuit.
    - Bienvenue en Penn-ar-Bed ! Ici, pas de réseau, pas grand-chose qui marche. Tout est brouillé à cause de la base. Suivez-moi, il y a un hôtel pas loin.
    Quelques minutes plus tard, nous arrivions devant un établissement à l’architecture improbable, ni d’hier, ni contemporaine, ni futuriste. C’était tout cela à la fois.
    - Voilà. En cette saison, il y a toujours de la place.
    - Merci et plutôt mille fois qu’une.
    Sans répondre, le motard reprit sa route. J’attrapai mon sac et me dirigeai vers l’établissement, qui s’appelait « Hôtel du temps perdu et retrouvé ». Drôle de nom !? Impossible de donner un âge à la femme de la réception. Pas plus qu’un style. Telle le bâtiment, elle semblait appartenir à toutes les époques.
    - Bonsoir monsieur. C’est pour une chambre je suppose et pour combien de temps ?
    - Bonsoir, vous supposez bien et c’est pour une nuit.
    - Nous ,proposons trois niveaux : hier, aujourd’hui et demain. Avez-vous une préférence ?
    - Peut-être. Si vous m’expliquez.
    - hier est au rez-de-chaussée, aujourd’hui au premier et demain au second. Chaque étage possède son code et sa salle de restaurant.
    - Heu, oui. Qu’entendez-vous par code ?
    - Un code vestimentaire et une restauration en rapport, c’est notre spécificité. Par contre il faut s’y conformer. Nous fournissons le nécessaire.
    - Je crois comprendre. Seulement des hier, il y en a pléthore, des aujourd’hui, pas mal et des demain, c’est ???
    - Si vous préférez vous en remettre au hasard, c’est possible.
    - J’aime autant le rez-de-chaussée donc allons-y pour hier, n’importe quelle chambre fera l’affaire. A quelle heure le petit déjeuner ? Je dois être à Brest pour 10 heures demain matin.
    - A partir de 7 heures.
    - C’est parfait.
    - Je vous donne la 1492. Il faut régler d’avance.
    - Par carte bancaire, c’est bon ?
    C’est pas donné leur concept, mais je n’ai guère le choix.
    - Le diner est servi jusqu’à minuit, précise-t-elle.
    Ouf, je ne dormirai pas le ventre vide. Ils sont quand même un peu bizarre ces bretons. Un effet secondaire de l’abus de chouchen peut-être ? Voilà la 1492 où une brève missive m’attend.
    « Degemer mat à l’Hôtel du Temps. Voici un élixir de bienvenue et la tenue que vous devrez absolument porter pendant votre séjour, séjour que nous vous souhaitons agréable. Bon Voyage. »
    Est-ce un hôtel ou un centre psychiatrique ? Allez, pour une nuit, ça ira. J’avale le breuvage cul-sec, j’avais soif ! Pas mauvais. Il y a du miel et des herbes que je ne parviens pas à identifier, moi, LE SPECIALISTE. Puis vient la bagarre pour enfiler les nippes. J’ai un mal de chien à faire tenir ce pantalon trop court, style corsaire. L’espèce de vareuse me gratte atrocement et les pompes sont merveilleusement inconfortables. Allez, me dis-je une fois encore, c’est juste le temps de diner, après, à poil et dodo. Je vais peut-être sauter le petit déjeuner. Cap sur l’estaminet, j’ai les crocs !
    Là aussi, le décor est indéfinissable et, bizarre, je suis là seul, à peine éclairé par quelques chandelles. Pas de menu. Mon petit doigt me dit que je ne vais pas avoir le choix. Une servante mal fagotée m’apporte un gobelet plein, un pichet plein lui aussi, une écuelle et une cuillère en bois.
    - Je reviens avec le repas.
    Interloqué, je vide mon gobelet. C’est le même breuvage que tout à l’heure. Ça semble innocent mais méfiance. La suite est étrange. C’est plutôt bon mais je ne parviens pas à reconnaitre les légumes, la viande, c’est du porc, archi sûr mais d’une saveur que je ne connais pas. Pour moi qui mange des trucs insipides à la va vite, c’est une découverte. Suis une sorte de galette dégoulinante de miel chaud et d’épices.
    - Messire a bien mangé ?
    - Messire ??? C’était parfait, merci. Un petit café et ça ira.
    - Un quoi ?
    - Un café.
    - Désolé messire, je ne sais pas de quoi il s’agit.
    - Ben , un café quoi, un expresso bien serré. Un petit ristretto.
    - Nous n’avons pas cela ici. Voudrez-vous une tisane digestive et des dragées ?
    - Va pour une tisane.
    Vivement demain. Je suis tombé chez des arriérés. C’est encore le même breuvage. Au lit ! Demain, je calte au plus vite. Je chancelle un peu, sans doute le pichet de cette boisson à base de pomme un peu aigre. Voilà ma chambre. Où est la douche ? Je ne dois pas être clair. Tiens, il y a une espèce de pot à côté du lit. Mais ! c’est un vase de nuit. Ils poussent le détail un peu loin les cocos. Vivement que je mette les voiles. Harassé, je m’écroule sur le lit tout habillé et sombre immédiatement dans un profond sommeil.

    On me secoue. Je suis nauséeux, je sens une désagréable sensation de roulis, comme sur un bateau ivre qui tangue en pleine tempête.
    - Docteur ! Docteur ! Réveillez-vous, vite ! Prenez votre nécessaire. Vite ! Il y a un blessé grave sur le pont !
    - Que me chantez-vous là ? Et d’abord, qui êtes-vous ?
    - Enfin docteur ! Réveillez-vous ! Je suis le gabier de l’artimon, un matelot a été emporté par un paquet de mer en carguant la voile et git comme un pantin désarticulé sur le gaillard d’avant ! Une chute de près de trente pieds !
    C’est pas possible. Je rêve. Qui est ce clampin qui pue de la gueule et me secoue comme un prunier en m’appelant docteur ? Je me pince fort, très, très, très fort ! Je rouvre les yeux. Il est toujours là à m’apostropher dans une langue que je ne connais pas et que, pourtant, je comprends. Je me décide, je me lève pour le suivre.
    - J’prends vot’ matériel, dit-il avant de s’engager dans cet escalier raide et étroit où je grimpe après lui.
    Au sortir, je manque défaillir. Je suis sur un navire au beau milieu de l’océan pris dans un monstrueux coup de tabac.
    - Vous avez alertez les secours ?
    - Les quoi ?
    - Les secours ! Vous avez une radio ? Une balise Argos ?
    J’ai la sale impression d’être un extraterrestre, un visiteur du futur. Après un court instant de silence, « pue du bec » me dit
    - c’est par là.
    Je finis par tomber sur un homme hurlant de douleur qui agonise. Il est perdu, je le sais, je suis médecin. « Pue du bec » me tend ma sacoche. Il espère un miracle. Je l’ouvre. Mais qu’est-ce que je peux faire avec ça ? J’ai l’impression d’être au Moyen-Âge. Au fond, des flacons. Il y a de la datura et de la digitale. Ça ne le sauvera pas, mais ça abrégera ses souffrances. J’emploie la dose massive. C’est abattu et déprimé que je regagne ma couchette. Alors, je réalise. Comment suis-je arrivé là ? Où suis-je ? Je m’écroule, exténué.
    -Terre ! Terre !
    Je m’éveille en sursaut. La même cabine, les mêmes senteurs marines, seul le temps parait plus calme. Je me précipite sur le pont et fonce vers un homme qui observe une ligne de terre à l’horizon.
    - Bonjour. Je me présente, Docteur Christophe Colinot.
    - Bonjour. Je sais bien qui vous êtes, pourquoi me le rappeler ?
    - Car j’ignore qui vous êtes, j’ignore où nous sommes et en quelle année sommes-nous.
    - Vous vous moquez ! Je suis Christophe Colomb, nous sommes le 12 octobre 1492 à bord de la Santa Maria et nous arrivons aux Indes.
    Prisent d’un vertige, mes jambes se sont dérobées et j’ai perdu connaissance.

    Un son cotonneux parvient à mes oreilles ;
    - Alors docteur ?
    - ça va aller, il va s’en sortir. Mais il va falloir arrêter vos conneries, bordel ! Maitrisez votre barman ou virez le. Il a encore trop forcé sur la datura, il finira par tuer quelqu’un et là, je ne pourrais plus me taire.
    - L’hélico arrive docteur.
    - Okay, on se tient prêt à l’évacuer sur la cavale blanche.

    Ai-je bien entendu ? Avec un peu de chance, je serai à l’heure pour donner ma conférence sur les risques liés à l’utilisation de certaines plantes. Peut-être qu’un jour futur … Il faudra que je retourne à l’hôtel du temps perdu et retrouvé. Cette fois-là, je choisirai l’étage « demain ». Il y aura peut-être la réponse.
    SoYaya le 14 mai 2023
    Merci GaLim   , liliper66   , Carolina78JML38  et YvesD12     pour vos retours positifs! Ils sont précieux et encourageants. Ravie que ce parti pris à 2 "voix" et que ma vision (trop?)  optimiste de l'avenir vous ait plu





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