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    HeryJaylhe le 13 mai 2019
    Salut salut :) Je vous poste le début d'une série que j'ai commencé. Je l’écris sous forme d’épisodes, elles-mêmes découpées en plusieurs parties. Chaque épisode devrait donc faire entre 5 et 8 parties environ. Pour l’instant, l’épisode pilote est terminé. Le premier et le deuxième épisode sont en cours. Je vous poste donc l’épisode pilote au complet. Ce dernier sert surtout à présenter quelques-uns des personnages et de la chute qui les a conduits au présent…
     
    N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez! Pour ce faire, veuillez procéder en cliquant sur le lien qui suit :

    https://www.babelio.com/groupes/498/Les-auteurs-ont-la-parole-/forums/1175/ecriture-de-fantastique/21829/Vos-Avis-Karnaval-Aux-Frontieres-de-lImaginair


    Avant de passer aux choses sérieuses, je vais prendre le temps de présenter l’histoire. Je vais aussi vous présenter les personnages, non pas avec des images et des descriptions, mais à partir de musiques de l’époque. Chaque musique devient ainsi la musique thème du personnage et représente un peu son caractère.
     
    De plus, en cours de lecture, vous verrez parfois des moments où j’écris en gras des trucs comme suit : °°° [Musique thème de nom du personnage : nom de la musique]°°° Ça indique que pour écrire la scène, je me suis inspirée de la musique en question et je vous conseille de l’écouter en lisant, vous aussi :)

    Bonne lecture!
    HeryJaylhe le 13 mai 2019


    Résumé :

    Un an après la mort d'un camarade, huit adolescents du Vermont, aux États-Unis, reçoivent l'invitation de retourner au camp d'été de leur enfance. Là-bas, une capsule temporelle y est enterrée depuis plusieurs années et elle renfermerait les souhaits les plus inavouables de chacun d'eux.

    Y compris celui du défunt.

    Deux mois ensemble, isolés de toute civilisation. Ils s'attendent à vivre l'ennui mortel. Personne n'aurait pu toutefois prévoir que le camp se transformerait en un carnaval de l'étrange.

    Le réel et l'imaginaire s'entrechoquent comme deux mondes intimement imbriqués l'un dans l'autre. Le danger peut prendre de multiples formes et pour y survivre, il faut jouer le jeu.

    Entre amour, peurs, secrets et vieilles querelles, le tout dans un monde imaginaire sans dessus-dessous... Chose sûre : personne n'en sortira indemne.


    ************


    -- Une série fantastique qui se déroule en 98, avec des personnages atypiques et totalement barges. Plusieurs références des années 80-90 avec des vidéos et des photos à l'appui.

    -- Attention : 13 ans et plus. Langage parfois vulgaire et thèmes qui pourraient être perturbants pour les âmes sensibles (par exemple : suicide)

    -- Pas de plagiat, ni de reproduction. L'histoire et les personnages sont de moi. Certaines inspirations viennent de personnages fictifs, de séries et de films de l'époque, dans tel cas où je cite mes sources. Bref, veuillez respecter mon travail s'il vous plaît.

    -- L'image a été fabriquée à partir d'une image libre de droits trouvée sur Pixabay.
    HeryJaylhe le 13 mai 2019
    Présentation des personnages

    --------------------------------------------------

    Les Filles

    Rocky
    Nom complet : Raquelita De Los Cruz
    Musique thème : Opening de la série Daria (son idole)

    https://www.youtube.com/watch?v=t_L6EyKCJ88


    Kanji
    Nom complet : Kanjila Sarkenski
    Musique thème : Musique du jeu de Kirby, à la Super Nintendo (je vous montre un remix)

    https://www.youtube.com/watch?v=poWpo76mH_0


    Frame
    Nom Complet : Frame Colbert
    Musique thème : Wannabe des Spice Girls

    https://www.youtube.com/watch?v=8X-2czaa3WA


    Sam
    Nom complet : Samantha Allaire
    Musique thème : Zombie de The Cranberries

    https://www.youtube.com/watch?v=Ktqvh1Nrv_4

    --------------------------------------------------

    Les Gars

    Josh
    Nom complet : Joshua Emmet Barken
    Musique thème : Stand Out du film Dingo et Max

    https://www.youtube.com/watch?v=cFtee_NQ4QY


    Wayne
    Nom complet : Wayne Bolden Smith
    Musique thème : Smells Like a Teen Spirit de Nirvana

    https://youtu.be/iBJwhZCS9z4


    Kavin
    Nom complet : Kavin Pellado (dit le Kav' par les autres, pour l'insulter)
    Musique thème : Un montage du film Space Jam, avec la musique Lets Get Ready to Rumble

    https://www.youtube.com/watch?v=B9M_ZidEuZI


    Billy
    Nom complet : William Kallagan
    Musique thème : Loser de Beck

    https://youtu.be/YgSPaXgAdzE


    P.S. J'écris à la troisième personne, mais les opinions véhiculées et ma façon d'écrire sont influencées par les personnages (ainsi que par l'époque, avec quelques airs Américains). Je me plais bien à me mettre dans la peau de ceux-ci, parce qu'ils sont tous fous à leur manière ah ah ah
    HeryJaylhe le 13 mai 2019
    *** Épisode Pilote - Partie 1 ***

    20 août 1990

    C'était un soir d'août qui offrait un ciel complètement dégagé, dévoilant ainsi une vue magnifique sur la nappe étoilée. Tout le camp festoyait en l'honneur de l'été qui touchait à sa fin. Tout le camp ? En était-on certain ? Les animateurs auraient juré que si, mais il manquait toutefois un détail dont personne ne s'était rendu compte...

    — Chut ! Ne faites pas de bruit ! Ils vont nous entendre !

    Tandis que les enfants des douze dortoirs s'étaient réunis sur la plage pour chanter, danser et s'amuser à des jeux abracadabrants, dix jeunes s'étaient éclipsés avec des pelles, des sacs à dos et un seau bricolé pour ressembler à une capsule magique.

    Ainsi, ils pénétrèrent la forêt obscure en cachette.

    Éclairés de leurs lampes de poche, certains avançaient la tête haute et le cœur rempli de courage, tels des aventuriers qui partaient pour la plus grande mission de leurs vies. D'autres rigolaient pour feindre le stress qui les habitait ou restaient dans un silence implacable pour contenir les émotions qui menaçaient de déborder. Billy le froussard, quant à lui, s'accrochait à son prochain de peur de tomber, de se perdre ou d'être attaqué par une bête sauvage.

    Peut-être seraient-ils mangés par les Ombres Dévoreuses d'Enfants ? Qui sait ?

    S'il n'y avait pas eu la lune et les feux d'artifice, il aurait fait si noir autour d'eux ! Mais, qu'importe les dangers. Rien ne pouvait les arrêter, car ensemble, les enfants étaient invincibles.

      — C'est ici. 


    Un gros trou avait été creusé au pied d'un rocher géant, lui-même assis sur une colline qui surplombait la forêt. Un trou creusé grâce à la sueur et la détermination de chaque membre du groupe, même les plus frêles et les moins dégourdis du lot.

    C'était un fardeau qu'ils voulaient partager chacun leur tour, car ensemble, ils avaient le pouvoir de faire des miracles.

    — Vite!

    Frame avait été ensuite la première à s'exécuter. Elle espérait donner l'exemple au petit Terrence qui, en voyant le seau dans le trou, ne se sentait plus capable de participer au projet.

    Son secret à lui était si gros. Comment pourrait-il faire face à tous ses amis dans dix ans, lorsqu'ils découvriraient la vérité ?

    — Tu as promis. On le fait tous ensemble, sinon ça ne marchera pas, lui avait-elle dit en le tirant gentiment sur le droit chemin.

    Pshiiit... Boom !

    Alors que le ciel s'était éclairé de mille paillettes d'or au-dessus de leurs têtes, Tory s'était laissé entraîner malgré lui dans l'aventure, tenant sa petite boîte mystère contre son cœur. Il avait confié sa vie dans ce trésor et il s'apprêtait aujourd'hui à le sceller dans un vulgaire sceau, au fond d'un trou.

    Le doute le frappa. Il souda ses pieds au sol, ce qui stoppa net son avancée. Par cet élan de peur, il jeta un coup d'œil par-dessus son épaule. Son regard fut attiré vers les arbres. Juste là, derrière. Qu'avait-il ?

    Ne voyant pas ce qu'il voyait, Kanjila et Kavin s'étaient joints à Frame pour le rassurer. Cela semblait faire son effet. Lorsque Tory trouva enfin le courage de laisser tomber son secret, chacun leur tour, les sept autres participants ont déposé leurs boîtes personnelles dans le réceptacle. Ils ont ensuite mis le couvercle, puis ils ont enterré le tout, en prenant soin de bien compacter la terre avec leurs pieds. C'était un travail pénible et ardu, mais aucun ne cillait mot durant tout le processus.

    Leur silence évoquait toutes les aventures qui ne pouvaient être racontées et toutes les émotions qu'ils n'avaient pas la force de manifester. Voilà huit âmes d'enfants qui avaient été forcés de se côtoyer durant cinquante jours. Des âmes maintes fois brisées et rafistolées. Des survivants dans un monde de grands et qui devaient leur subsistance par les seules forces de l'espoir et de l'imagination.

    — On ne doit dire à personne ce que nous avons mis dans la capsule, décréta ensuite Wayne, le petit intrépide de la troupe. Même pas à l'un d'entre nous. On doit garder ça secret, jusqu'à ce qu'on revienne ici et qu'on la déterre ensemble. D'accord ?

    — Mmh, acquiesça-t-on en chœur.

    Pshiiit... Boom !

    Les petits aventuriers se sont finalement tenus par les mains, en cercle, autour du trou rebouché qui renfermait leurs rêves, leurs secrets et leurs peurs.

    Une grande inspiration...

    Pshiiit.... Boom !

    Les paillettes s'immobilisèrent dans le ciel, le grenouilles cessèrent de chanter et le vent cessa de souffler.

    Alors que les enfants retenaient leur souffle, alors qu'ils faisaient taire les blessures qu'ils ne pouvaient plus réparer dans leurs cœurs, le temps s'était étiré. Il se suspendait dans les airs, comme s'ils se trouvaient tous aux limites du monde.

    Les mains s'étaient serrées davantage les unes dans les autres et les yeux s'étaient illuminés d'étoiles. Des sourires avaient enfin remplacé l'appréhension. Un seul regard porté vers les feux d'artifice, ceux-là même qui étaient figés dans le temps, et ils sont tombés dans le firmament du plus beau sentiment d'allégresse.

    Devant eux, les promesses d'un avenir meilleur et d'une amitié secrète. Indestructible.

    Ils se trouvaient à l'intersection de leur vie, conscients qu'ils se sépareraient bientôt pour les prochaines années, mais ça leur était égal. Dans dix ans, ils se retrouveraient de nouveau ici, main dans la main. Changés, peut-être. Ou peut-être pas. Qu'importe.

    La promesse était claire : lorsqu'ils seraient assez grands, ils reviendraient terminer ce qu'ils avaient commencé... Ils viendraient affronter leurs vieux démons une bonne fois pour toute.
    HeryJaylhe le 13 mai 2019
    *** Épisode Pilote - Partie 2 ***

    Kanji
    12 Juin 1997 (sept ans plus tard...)

    Au Vermont, en moyenne cinq jours semaine, neuf mois par années si on exclue les congés, des dizaines de milliers d'étudiants doivent se lever pour aller à l'école. Ils sont là, éparpillés un peu partout dans l'état, dans des petites villes séparées par des forêts épaisses et des montagnes ici et là.

    Pour certains, le réveil est facile. Aussi rares sont-ils, les oiseaux du matin sont toujours les premiers à ouvrir les paupières. Ils arrivent sans peine à devancer leurs réveille-matins qui trouvent d'utilité seulement en cas de crises majeures.

    Kanji entre aujourd'hui dans cette catégorie. Non pas parce qu'elle a une horloge interne de programmée si tôt le matin, mais parce qu'en changeant de position, elle est brusquement tirée hors des bras de Morphée par un sentiment de panique. Le lointain rappel d'un « bip » sonore qu'elle a peut-être entendu la veille, avant de se coucher, mais elle n'en n'est pas certaine. Aurait-elle oublié quelque chose d'important ?

    Un éclair de souvenir la frappe de plein fouet.

    — Ah ! Non ! Mes bébés !

    Ni une, ni deux, elle se jette en bas de son lit. Elle cogne son petit orteil, manque près de tomber la face première sur son tapis blanc, avec pour témoins ses dessins personnels et les posters de ses personnages de Nickelodeon préférés. Cela n'arrête toutefois pas sa course, ou plutôt sa dégringolade, car elle rejoint son objectif en un rien de temps.

    Son sac d'école est posé à terre, près de ses mangas Sailor Moon et Cat's Eyes qui forment plusieurs piles dans sa petite commode. Ses longs cheveux tombent tel un voile devant son visage alors qu'elle fouille au cœur de ses devoirs et de ses articles scolaires, non sans ressentir une grande culpabilité d'avoir maltraité ses « bébés » avec si peu d'égard.

    Qu'est-ce qui lui a pris de les fourrer là-dedans d'ailleurs ? Tous seuls, dans le noir, écrabouillés de toutes les façons imaginables. Une mère cruelle. Carrément indigne.

    Son cœur bat à la chamade. Ah ! Voilà ! Elle trouve enfin ses quatre tamagotchi, des petits machins en forme d'œuf qui abritent une petite créature virtuelle. Elle en a un bleu, jaune, un rouge et un multicolore, ce qui lui permet de les différencier facilement. Un soupir de soulagement lorsqu'elle les constate toujours en vie. Malades dû au fait qu'elle a oublié d'éteindre leurs lumières pour dormir et baignant dans de nombreux excréments, certes, mais néanmoins en vie.

    — Mes pauvres bébés. Je suis désolée. Je vais m'occuper de vous, cafouille-t-elle les larmes aux yeux.

    L'éternelle jeu du « je ramasse ton caca, je te lave, je te nourris, je te câline et je te lance la balle » commence aussitôt après avoir réparé les dégâts qui auraient pu être irréversibles, car c'est un fait mondialement connu : lorsqu'un tamagotchi meurt, il le fait pour de vrai. Impossible de le récupérer suite à cela, sauf en pesant sur le petit bouton « reset » qui fera éclore un nouvel œuf.

    Vous vous rendez compte ? Il vous demande d'oublier son ancien bébé pour s'occuper d'un nouveau ! C'est de la haute trahison ! Jamais Kanji consentirait à faire quelque chose d'aussi sadique!

    Ses doigts pitonnent rapidement sur les trois petits boutons avant de passer rapidement au deuxième bébé, puis au troisième et au quatrième. Elle se prépare entre temps d'une lenteur légendaire et sans jamais quitter son travail des yeux. Quelques maladresses surviennent aussi dû à cette distraction, mais c'est tout à fait normal.

    — Hiii ! s'écrie-t-elle soudainement.

    Sa mère accoure dans la salle de bain, croyant que sa fille est en danger. La porte aurait due être verrouillée, mais voilà le fruit d'un autre moment d'égarement.

    — Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? demande la dame en panique.

    — Bertrand évolue !

    Un petit moment de réflexion s'en suit et Kanji réalise subitement qu'elle est toujours sur le trône.

    — Non, mais je rêve ! Je suis en train de chier là ! Ferme la porte !

    — L'idée aussi de crier comme une malade !

    — Tu ne comprends pas ! Bertrand évolue ! Il va devenir un adulte ! Je suis si fière de lui.

    Sa mère roule les yeux vers le ciel, se retenant pour ne pas se frapper la tête, et laisse sa fille à ses occupations disons... personnelles.

    — Qu'est-ce qu'elle a encore? demande son père assis à la table.

    — Elle s'est sûrement pété un bouton de travers, affirme le frangin. Ou peut-être qu'elle vient de s'épiler la moule.

    Il reçoit pour réponse une claque derrière la tête.

    — Hé !

    — Mange et arrête de dire des conneries.

    Plus tard, lorsque Kanji quitte la pièce en vue de gagner la salle à dîner, elle fonce dans le cadre de porte. Encore une fois, pas de problème.

    Elle gère la situation.

    Lorsque ce ne sont pas ses gadgets qui retiennent son attention, c'est son tempérament lunatique qui prend le dessus. Au moins, elle réussit à rejoindre la table en un seul morceau. C'est déjà cela de gagné.

    Elle se sert un bol de céréales à côté de son cahier à dessins. Un « bip » réclame son attention. C'est Gilbert, son bébé bleu, qui a besoin de se promener. Il n'en faut pas plus pour qu'elle délaisse ce qu'elle est en train de faire, c'est-à-dire manger et se perdre dans le monde fantaisiste de son imaginaire via ses croquis.

    — Bon dieu Kanji ! Vas-tu lâcher tes bébelles une bonne fois pour toute !

    Pour répondre aux reproches de son père, elle se remplie goulument la bouche et lui montre le tout en une grande grimace. Le lait dégouline sur son menton.

    — Très classe. Vraiment, réplique sa mère en insistant sur chaque mot. Surtout avec tes cheveux roses. C'est de toute beauté.

    — Mamsshi m'man, réplique-t-elle en écorchant le mot « merci » dû à la quantité astronomique de céréales qu'elle peine à mastiquer.

    En disant cela, quelques éclats de Corn Flakes explosent hors de sa bouche.

    — Seigneur. J'ai mis au monde un cochon daltonien, soupire la dame, découragée.

    — C'est kirby m'man, souligne le jeune frère de Kanji. Mets-toi à jour dans tes insultes.

    L'homme de la maison s'apprête à lui assener une autre claque avec un froid : « Taie-toi et mange. », mais il esquive le geste telle une couleuvre.

    — Ah ! Tu ne m'auras pas deux fois !

    Slap ! De l'autre côté cette-fois.

    — Écoute ce que dis ton père, grogne la mère.

    Elle s'empare ensuite de l'objet de l'aînée.

    — Et toi, lâche ça, sinon je le lance au bout de mes bras. C'est clair ?

    — Oui, oui ! J'ai fini ! Rends-moi Gilbert, s'il te plaît !

    Elle se résilie, non sans pousser un long soupir.

    Il y a longtemps qu'elle a abandonné l'idée de faire de sa fille quelqu'un de normal. Elle préfère aussi ne rien dire au sujet de ses goûts douteux pour la mode, même si l'envie lui chatouille le bout des lèvres. Quoi que... Elle tourne son attention vers son fils qui se frotte frénétiquement le crâne et juge qu'il n'est pas mieux avec ses pantalons taille ultra basse et deux fois trop grands pour lui, sa casquette sur le côté et son gilet si psychédélique qu'il pourrait éblouir un aveugle.

    Ses enfants ne peuvent pas avoir l'air plus idiots en son sens, mais la mode a ses secrets que la raison ignore.

    Les cheveux « barbe à papa » de Kanji sont remontés sur le sommet de sa tête avec un chouchou jaune canari, laissant seulement deux petites mèches du toupet encadrer son visage rondelet. Elle porte un chocker noir autour du cou, comme toutes les filles abonnées au magazine Cool, et une multitude de bracelets aux couleurs flashy. Plusieurs anneaux longent ses oreilles et au cœur de cet assortiment métallique, on peut voir un Kirby se faire discret.

    Rose, mignon et dodu : cela représente parfaitement Kanjila Sarkenski.

    Sa robe fleurie, style fillette, par-dessus son t-shirt blanc lui donne un air coquet, mais l'effet est entaché par ses leggings roses qu'elle a troués volontairement et par son maquillage sombre qui accentue son air de fausse-rebelle.

    « Et dire que la plupart des femmes panique en voyant une maille apparaître dans leurs collants. », a souvent répété sa mère.

    Puisqu'elle a terminé avec Gilbert, Kanji le dépose dans son sac banane rouge. Elle se promet de ne plus négliger ses tamagotchi. C'est pourquoi elle juge plus pratique de les traîner sur elle vingt-quatre heures sur vingt-quatre. À l'intérieur du sac, se trouve également son bipeur Tam-Tam, sa carte téléphonique prépayée et l'argent de son lunch.

    Prête et parée pour affronter le monde sans pitié d'une étudiante !

    Une étudiante qui se croit cool, mais qui est loin de l'être, certes.


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    Je vais créer un glossaire à la fin de chaque épisode, avec des photos pour montrer visuellement de quoi les objets en italique ont l'air.
    HeryJaylhe le 13 mai 2019
    *** Épisode Pilote - Partie 3 ***

    Wayne

    Il y a les lèves-tôt d'une part. Pour d'autres adolescents... disons qu'il faut sortir l'artillerie lourde afin de les faire décoller de leur lit. Allant des classiques réquisitions des couvertures et des levés de rideaux jusqu'aux subterfuges plus téméraires. Cacher un second réveille-matin dans la chambre, par exemple, ou le classique coup du verre d'eau dans le cas des parents vraiment à bout.

    Jamais ceux-ci ne dépassent la limite du « socialement acceptable » par contre. Mais, en balayant la chambre de son fils du regard, le père de Wayne en décide autrement.

    — Si tu penses que je vais me battre tout l'été contre ce sale emmerdeur, tu te fous le doigt dans l'œil, grommelle-t-il à lui-même lorsqu'il repense aux nombreuses tentatives de sa femme pour calmer ses pensées de plus en plus menaçantes.

    La patience d'un homme a ses limites et il est temps de mettre les points sur les i. Un gros point bien placé afin de montrer à Wayne une bonne fois pour toute qui mène dans cette maison. Il ne comprend d'ailleurs pas pourquoi son fils est devenu aussi chiant. C'est arrivé du jour au lendemain. Sans crier gare. Et maintenant, il jurerait qu'il le fait exprès pour lui rendre la vie impossible.

    Il traverse la montagne de vêtements et de détritus en se permettant de dégager un couloir des pieds. Une vraie porcherie qu'il a pourtant répété de nettoyer. Mainte et mainte fois répété, à-vrai-dire. Rendu au lit, il balaie le bras dans le vide pour chasser le chat qui lève d'abord la tête, les oreilles dressées vers lui, avant de se blottir de nouveau contre son meilleur ami.

    L'homme de la maison pince les lèvres. Des rides d'agacement traversent son front de gauche à droite. C'est la goutte de trop. Personne ne le prend au sérieux dans cette maison!

    Il empoigne le matelas simple qu'il fait doucement glisser à terre devant les yeux interrogés de l'animal. Le matelas glisse dehors de la chambre, de la maison... Ce qui réveille Wayne n'est point la brise extérieure, ni les secousses de sa descente jusqu'au trottoir et ni les odeurs ragoûtantes des poubelles à côté de lui. Il en faut plus pour réveiller un gars de sa trempe. Non. Ce qui le réveille en sursaut, c'est plutôt le vrombissement du camion d'ordures qui se stationne tout juste à côté de lui, quelques instants plus tard. Un brouhaha qui a fait décamper le matou vite-fait de son lit moelleux, éraflant au passage le ventre de son maître et faisant voler la couverture à côté de lui.

    — Argh !

    — La cueillette d'encombrants, c'est seulement à la fin du mois, souligne le vidangeur en arquant le sourcil mi-amusé, mi-perplexe.

    Wayne se redresse d'un bond et réalisant subitement qu'il n'est plus dans sa chambre, sa couverture passe en moins de deux par-dessus ses caleçons qui forment l'habituel tipi matinal (la malédiction de tous les hommes... ou la bénédiction, tout dépendant comment on considère la chose). Dieu merci, il n'avait pas choisi de dormir à poil cette fois !

    — Hé ho ! Qu'est-ce que je fous là ? interroge-t-il en sondant les alentours, affolé au fait que quelqu'un d'autre ait pu le voir dans cette situation humiliante.

    Pas de camarade de classe, ni de jolies filles pour se moquer de lui. Veinard le gars.

    — Ce n'est pas à moi que tu devrais le demander, déclare son interlocuteur en pointant le sol d'un signe de tête.

    Tandis que ce dernier empoigne les sacs d'ordure et les balance rapidement dans la benne arrière du véhicule, le jeune constate la présence du carton qui est resté sur la pelouse, à côté de lui. Il passe grossièrement sa main dans ses cheveux rebelles lorsqu'il entame la lecture de son contenu. « Mon fils est irrécupérable. Vous pouvez l'emmener. »

    — Shit.

    Seul son père est assez fou pour faire ce genre de coup.

    °°° [Musique thème de Wayne : Smells Like a Teen Spirit de Nirvana]°°°  


    Il s'enroule comme un saucisson, histoire de cacher un minimum ses atouts du grand public, et sautille maladroitement jusqu'à la maison. Dommage pour lui. La porte est verrouillée. Il frappe plusieurs coups.

    — Hé ! Tu saoul grave le vieux ! Ouvre !

    Pas de réponse. Un regard jeté par-dessus son épaule. Des fillettes du primaire rigolent, la main devant la bouche et chuchotant des trucs au détour de plusieurs coups d'œil timides à son intention.

    Il recommence la manœuvre, plus fort cette fois.

    — Tu pourrais au moins me friquer de quoi me mettre sur le dos !

    Puisque son charmant paternel préfère se la jouer boudeur, il doit trouver un moyen d'entrer par ses propres moyens. Ni une, ni deux, il contourne la maison, le bas du corps toujours emballé dans sa couverture, bien que la pression de son troisième membre a eu largement le temps de redescendre.

    La scène qu'il découvre par la fenêtre de sa chambre lui donne l'effet d'une gifle.

    — Hé ! Qu'est-ce que tu fous ? se jette-t-il dessus, avec espoir de l'ouvrir.

    — Même dans une porcherie, ça ne pue pas autant ! rugit son père en pelletant tout le contenu du sol.

    Bien évidemment, la fenêtre est verrouillée, ce qui empêche Wayne de secourir ses affaires. Il frappe dedans en un geste ultime de désespoir.

    Et voilà que son père découvre sa cachette secrète. Ses magazines érotiques et une publicité pour une soirée openstage dans un bar miteux du coin. « Là, c'est vrai. Je suis dans la merde. »

    — Shit, shit, shit.

    Il recule pour analyser la maison dans son ensemble, cherchant ainsi n'importe quelle issue. C'est là qu'il aperçoit la fenêtre de la salle de bain, à l'étage supérieure. Il se délaisse de son bouclier de tissu et entame une rude escalade à moitié nu. Dur pour ses pieds, mais il tient bon.

    Sa voisine pousse un hoquet de terreur en découvrant le portrait. Difficile de dire si elle est choquée du fait de le voir grimper comme un singe ou si ce n'est pas plutôt son tatouage de dragon sur le flanc ou le fait qu'il soit en caleçons, qu'il expose si ouvertement son corps svelte et ses petites fesses rebondies.

    — Tss. Joue la femme outrée et continue de mater, maugré-t-il.

    Une fois tout en haut du treillis, il étire sa jambe au mieux de sa flexibilité d'homme et passe son pied par-dessus la gouttière, sachant parfaitement que celle-ci ne pourrait supporter son poids complet. Il étire son bras comme il peut, avec espoir d'atteindre le bord de la fenêtre.

    Il y est presque. Encore un peu... Juste un peu...

    Soudain, son père apparaît dans la pièce. Sur l'effet de la surprise, Wayne replie son bras et agrippe le premier support qu'il trouve lorsque le treillis se met à chanceler dangereusement. Un regard rapide en bas de son perchoir.

    Ouf ! Il en a fallu de peu !

    Le patriarche de la maison empoigne la fenêtre guillotine et sort la tête pour affronter son fils, face à face.

    — T'as intérêt à être à l'heure en cours si tu ne veux pas que ta guitare y passe aussi !

    — Tu veux que j'y aille de même ? T'es fou ou quoi ?

    — Il y a une chose qui s'appelle : la débrouillardise.

    Sur ses paroles, il ferme la fenêtre tout juste sur le nez de son fils.

    — Hé ! Ne touche pas à ma guit. ou sinon...

    En essayant désespérément de monter sur le toit, ses caleçons se coincent dans un clou. S'il tire, il les déchire et se retrouve à poil. S'il descend, il perd sa chance de sauver ses affaires.

    Il glisse une main jusqu'à l'objet de ses désirs. Pour être coincé, il est coincé !

    — Oui allô ? J'ai bien rejoint la caserne des pompiers ? demande sa spectatrice dans son téléphone clapet tout en effectuant plusieurs acrobaties pour capter du signal. Allô ! Vous m'entendez ? Mon voisin est coincé sur le toit !

    Wayne réussit enfin à se déloger d'un coup sec. Tout aurait pu bien se terminer si sa manœuvre ne lui avait pas fait perdre pied.

    Il se serait cru dans la fameuse scène du Roi Lion : le moment où Mufasa est trahi par Scar et tombe en bas de la falaise. Pas qu'il est du genre à regarder ce genre de films. Hein ! Pas plus qu'il a été le genre à verser une larme lorsque Simba a supplié Mufasa de rentrer avec lui. Hum hum.

    Bref, il tombe. En gros plan, au ralenti et ici, avec le «Hello Hello Hello » de Smells Like a Teen Spirit en guise de bande sonore, car voilà le point culminant de ses frasques d'adolescent aux idées plus douteuses les unes que les autres.

    Bam ! Le refrain final. Le corps de Wayne qui s'aplatit sur le banc de la terrasse et l'explosion du coussin en un nuage de billes de polystyrène.

    Il est mort. C'est certain... Ou il va trépasser dans la seconde. Ah non ? Il doit être paralysé dans ce cas... Il tente de bouger les orteils.

    Non plus ?

    Même pas un os de cassé ou une foulure à la limite ? Il n'était pas tombé de si haut, mais le coussin qui avait amorti a chute avait été efficace, dit donc.  C'est là qu'il constate le bord du bac à fleurs à un cheveux seulement de sa tête. Un peu plus loin et il aurait pu se casser le cou ou se fracasser le crâne.

    « Je dois avoir la crotte au cul aujourd'hui. », pense-t-il en roulant péniblement jusqu'à terre. Des gémissements de douleurs sortent de sa bouche, mais au moins, il est en un seul morceau et il arrive à se remettre sur pieds après d'incommensurables efforts. 

    Une idée brillante de grimper là-haut. Vraiment. Son père accours immédiatement.

    — C'est quoi ce raffut ?

    —  Argh. Merci de t'inquiéter pour ma santé.

    Il va
    HeryJaylhe le 13 mai 2019
    *** Épisode Pilote : Partie 4 ***


    Kavin

    Maintenant que tout le monde a réussi à se lever, s'en suit le parcours plus ou moins long qui conduit les ados jusqu'à l'école. Qu'importe la façon d'y parvenir. Que ce soit en autobus, en voiture, en bicyclette, en scooter ou à pied, ils affluent tous vers le centre même de leurs existences d'écoliers. Certains parcours se font dans la paix et la bonne humeur. D'autres trajets sont plus sinueux, parsemés de pièges de toutes sortes.

    — Hé ! Rends-moi mon sac ! crie Kavin en sautant pour rattraper ses affaires.

    Manqué. Faut dire que ses deux assaillants sont d'une carrure beaucoup plus imposante que lui et ils le savent parfaitement. L'un deux s'amuse d'ailleurs à lui agiter le sac sous le nez en guise d'appât.

    — On dit : « s'il te plaît », Le Kav'.

    Kavin tente un nouveau saut.

    — S'il te plaît ! Rends-le-moi !

    Encore une fois, ce dernier réussit à esquiver son geste. Le groupe se marre de lui.

    — Est-ce que tu as entendu, toi ? demande-t-il à son premier acolyte.

    — Non. Moi, je n'ai rien entendu.

    Depuis le début de sa neuvième année, c'est toujours la même histoire. Trois ans. Cela fait trois longues années que Kavin endure toujours les mêmes conneries.

    ***

    Sam

    Quelques rues plus loin, Sam se laisse porter sur son skateboard. Parfois, elle se permet de tester les dernières techniques qu'elle a appris. Un flip par-ci, une glissade par-là... Ses cheveux battent au vent sous sa casquette qu'elle porte à l'envers. Il en va de même pour sa chemise en flanelle carottée qu'elle a attachée à sa taille. Son baladeur cassette bien accroché à sa ceinture et la chanson Gone Away de The Offspring qui crachent dans ses oreilles, elle se coupe de la réalité.

    — Hé ! Fais attention ! s'écrie une femme, outrée de se faire couper le passage par la tomboy.

    Cette dernière la salut d'un geste arrogant, nullement affectée par le fait de déranger les autres. 


    Elle aimerait pouvoir voler, quitter sa vie de merde et repartir à zéro, sans laisser de traces. Ses manœuvres sont de plus en plus périlleuses et ses sauts de plus en plus hauts. Elle joue avec sa vie, ne lui accordant pas plus d'importance qu'elle en accorde à un moustique.

    Puis, la technique qu'elle n'aurait pas dû essayer...

    Elle s'écrase au sol, éraflant au passage ses mains et son coude.

    — Argh.


    Un lever pénible s'en suit, où elle finit par récupérer sa casquette et son skate. Elle s'assoit ensuite sur le bord du trottoir, les bras appuyés sur ses jambes, essoufflée. Il lui faut un petit moment pour digérer la situation.

    Si ses plaies saignent et brûlent comme du feu, ce n'est pas de cela qu'elle s'inquiète. Un petit pincement dans le bas-ventre. Bénin, mais lourd de sens. Elle appose sa main dessus, les larmes aux yeux.

    — Mon cul que tu seras toujours là...

    ***

    Quelques minutes plus tard...

    — Pousse-toi ! Tu ne vois pas que t'es dans le chemin ? grogne Sam dans l'allée qui conduit aux portes du High School.

    Une fois rendue à destination, elle donne un coup sur son skate pour le faire basculer dans sa main. Elle ne manque pas de toiser le gêneur du regard sur ce geste des plus familiers pour elle. Elle disparaît ensuite dans l'enceinte de l'école.

    Encore ce pauvre Kavin. Il remonte ses lunettes sur le nez en reniflant frustré, puis il réajuste son sac sur ses épaules en maugréant :

    — C'est ça. Continue de faire comme si tu ne me connaissais pas.

    Son visage pâle se décompose brusquement lorsqu'il aperçoit un idiot passer devant lui en caleçons. Des sifflements et des rigolades fusent autour de lui, mais étonnamment, tout le monde semble admirer le cran du garçon. Puisque celui-ci est de dos, il lui faut un certain temps avant de le reconnaître. En fait, c'est sa voix qui lui donne la puce à l'oreille.

    — Hé man ! C'est quoi ce bordel ? T'as perdu ton linge en chemin ?

    — J'aurais pu demander du renfort, mais comme tu vois... j'ai pas un rond, déclare Wayne en mimant de se chercher des poches alors que tout le monde sait qu'il n'en a pas.

    — Si tu te fais chopper par le surveillant, t'es mort !

    D'où il est, Kavin peut entendre Wayne maugréer à lui-même :

    — C'est ça. Qu'il vienne. Je l'attends.

    Des théories plus ou moins loufoques se forgent. Certains racontent qu'il aurait perdu un pari alors que d'autres prétendent qu'il aurait été obligé de déguerpir de chez sa dernière conquête. Une histoire de père en colère pour avoir souillé sa précieuse fille et d'après ses éraflures, il y a de quoi emballer l'imagination.

    S'ils savaient la vérité...

    — Hé hé. La soirée devait être hardcore.

    — Ne m'en parle pas.

    C'est ce qu'on appelle : « l'avantage d'être classé dans la catégorie des gens cool ». Qu'importe le degré de débilité, ces personnes seront toujours pardonnées alors que les étudiants comme Kavin verraient ce jour comme étant le début de leur descente aux enfers. Le truc est de laisser paraître qu'il se sent parfaitement à l'aise. Et, Wayne est le champion dans l'art d'agir comme s'il maîtrisait la situation.

    Personne ne sait toutefois que tout ceci n'est qu'une façade. En réalité, l'adolescent est terrorisé. Sans doute autant que Kavin ou que tout autre étudiant l'aurait été dans sa situation.

    Ce qui le motive à pousser le jeu aussi loin est la satisfaction de se venger de son charmant paternel. S'il se fait prendre par le surveillant, il serait bien obligé d'expliquer la situation, dans tel cas où son père devra lui aussi s'expliquer avec la direction de l'école. Il voit déjà ce dernier bégayer et s'excuser pour son erreur.

    Juste l'idée de le voir défaillir de remords... Wayne en frémit de joie.

    Le surveillant ne tarde d'ailleurs pas à faire son entrée. À la bonne heure ! Tel un vautour qui a flairé sa proie, il vient de le bloquer dans sa ligne de mire. Mais, alors qu'il se rue déjà sur sa future victime, le surveillant se heurte à quelque chose de mou.

    — Faites attention, jeune homme, grogne-t-il.

    — P... Pardon Monsieur, cafouille Terrence.

    Bon sens ! Les jambes de l'adolescent manquent près de lâcher lorsqu'il comprend l'identité de la personne qui vient se dresser sur son chemin.

    La poignée d'une arme sort du sac qu'il tient fermement contre sa poitrine. C'est une catastrophe, puissance dix. L'issue de son histoire dépend de ce qu'il cache à l'intérieur et s'il se fait prendre maintenant, tout est fichu. Ni une, ni deux, il s'empresse de cacher l'objet, puis il effectue un balayage rapide du regard... Est-ce qu'on l'a vu ? Terrence redoute le pire, mais heureusement, l'attention du surveillant est toujours rivée vers Wayne qui ne rate pas l'occasion de se faire remarquer.

    Fiou ! Le soulagement total !

    — Hip ! On va se faire attraper ! Je le sens ! Hip ! Sauvons-nous tandis qu'il est encore le temps, déclare une voix près de son épaule.

    La voix parait faiblarde et nerveuse, mais elle est empreinte d'un pouvoir malsain sur l'adolescent, comme si elle détenait la clef de son esprit. Ou peut-être est-ce l'inverse ? Peut-être son existence évolue-t-elle selon les humeurs et les pensées de son jeune maître ? Difficile à dire lequel est le marionnettiste dans cette relation fusionnelle.

    Quoi qu'il en soit, Terrence devrait s'éclipser, au plus vite, à l'intérieur de l'école avant de faire une autre bévue.

    — Hé. Ça va Tory ? On dirait que tu as vu un fantôme, s'interpose néanmoins le frêle Kavin qui avance lui aussi dans la même direction.

    Merde ! Qu'est-ce qu'il veut, lui ? Ce n'est pas le moment !
    HeryJaylhe le 13 mai 2019
    *** Épisode Pilote - Partie 5 ***

    [...]

    — Hé. Ça va Tory ? On dirait que tu as vu un fantôme, s'interpose néanmoins le frêle Kavin, quelques pas plus loin.

    Merde ! Qu'est-ce qu'il veut, lui ? Ce n'est pas le moment !  

    — Misère ! Hip ! Il se doute de quelque chose ! cafouille la voix.

    Moment de panique intérieure. Terrence cherche ses mots, mais peut-être vaut-il mieux de ne rien dire et continuer sa route, tête baissée ?

    Sans être vraiment proches, Kaven, le binoclard, est le seul camarade du camp d'été avec qui Terrence discute encore, sept ans plus tard. Enfin, occasionnellement. Ou plutôt accessoirement. Oui. C'est le bon mot. Deux jeunes persécutés ne peuvent que se soutenir l'un et l'autre dans leurs pires moments de solitude. Mais bien qu'ils se comprennent dans une certaine mesure et qu'ils leur arrivent parfois d'échanger quelques vagues confidences, sa réaction n'est pas normale.

    Kavin sent que quelque chose cloche.

    Terrence n'a jamais paru aussi sombre et son regard n'a jamais été aussi fuyant. Et pour cause. Celui-ci est accompagné de son ami imaginaire aujourd'hui : un pierrot à deux visages – qui s'alternent l'un et l'autre –, du haut de ses longs bras et de ses longues jambes en accordéon. Les membres de ce dernier sont remplis d'air et puisqu'ils ne possèdent aucune articulation, il peut les étirer à sa guise, comme des ressorts. Cela le rend plus flexible et plus agile qu'un homme-élastique. Quant à son costume arlequin, il est affublé d'un imprimé de damier noir et blanc sur plusieurs parties, et de décorations à la fois loufoques et effrayantes.

    En somme, Vice-Versa semble être un personnage tout droit sorti d'une mascarade horrifique.

    — Ne te laisse pas berner par la pseudo sympathie de ce gamin. Suis le plan qu'on s'est fixé, ordonne la seconde conscience du pierrot, en bousculant Kavin d'un air dégoûté.


    Oui. Il a raison. Terrence doit mettre son plan à exécution.

    Les querelles s'accumulent dans la cour du High School, dans un périmètre restreint suivant l'avancée de l'adolescent. Ayant délaissé sa face de chien battu au profil de son alter-égo diabolique, le pierrot s'amuse à jouer des tours aux étudiants qui ne peuvent ni le voir, ni l'entendre, seulement subir ses frasques de clown. Tory peut le voir sauter et pirouetter d'une place à l'autre, possédant et bousculant les étudiants comme s'ils étaient de vulgaires pantins, non sans se réjouir de la détresse de ses victimes chaque fois qu'il réussit un mauvais tour.

    C'est Vice dans toute sa splendeur, un personnage qui s'amuse du chaos semé derrière lui. Faut dire que le terrain de jeu est grand et les tentations sont nombreuses...

    Ne voulant pas donner plus de liberté à son ami imaginaire, Terrence file tout droit vers son casier en optant pour des chemins peu fréquentés. Cela coupe vite-fait les ardeurs du pierrot. On peut entendre le soupir des soufflets de ses jambes qui se gonflent et se dégonflent à chaque pas de ce dernier, alors qu'il est obligé de suivre son maître aux talons.

    — Vice, arrête ! Je soutiens que tout ceci est une très mauvaise idée ! Hip ! Misère ! Hip ! Son altesse risque de nous envoyer à la potence si elle découvre qu'on est ici !

    Terrence ignore les avertissements du visage côté Versa qui a réussi à reprendre la place de Vice, préférant plutôt s'acharner sur son cadenas à roulette. À l'instar de l'anxiété maladive du personnage invisible, la maladresse de l'adolescent a atteint son apogée. Elle se perçoit dans sa respiration lourde et rapide, dans les battements de son cœur qui menacent de défoncer sa poitrine et dans ses mains tremblotantes.

    Est-ce une erreur de faire ce qu'il s'apprête à faire ? Assurément.

    Lorsque Tory réussit enfin à ouvrir la porte de métal, celle-là même qui était peinturée du mot « cocksucker », des messages haineux tombent au sol. On veille à sa réaction, chuchotant et rigolant à la dérobé sur cette plaisanterie douteuse. Il peut les entendre. Juste là, tout autour. C'est le bourdonnement de la méchanceté de ses camarades de classe qui agresse ses oreilles affûtées. Un nuage gorgé de pluie voile ses yeux bleus. Bien qu'on annonce un temps ensoleillé aujourd'hui, une averse menace d'inonder le couloir ; le déversement de toute la peine et de toute la colère accumulée ces dernières années.

    Le pierrot perçoit son mal être, et tel un ami fidèle – toujours là lorsque son maître est en détresse –, il ne tarde pas à se nourrir de l'obscurité de son cœur flétri par la cruauté humaine.

    Ainsi, la tête tourne de nouveau à 180 degré, réduisant le gentillet Versa en état de dormance. En l'espace de trois secondes seulement, ses orifices se soudent et ses traits se lissent, comme si la figure revêtait un masque étanche, tandis que le visage Vice s'éveille de son côté. Les traits qui le différencient de son homologue efféminé s'affirment d'abord, mutant d'eux-mêmes sous l'épaisse couche de maquillage. Des pommettes plus saillantes, un menton qui reprend sa forme habituelle de V, des sourcils fins et dessinés en pointes, un nez long et crochu, des oreilles pointues... Puis, les orifices se décollent en concert, délivrant les sens et la deuxième conscience du pierrot.

    — Hé ! La tapette ! s'écrie, entre temps, un camarade de classe de Terrence.

    Sur cet appel évocateur, les muscles de Tory se contractent. Son souffle s'accélère davantage et sa poitrine se tord de douleur. Tapette, fif, suceur de queues...

    Il y a des choses qu'il a enduré des années durant. Des insultes. Des non-dits. Des regards critiques et remplis d'incompréhension, comme s'il débarquait d'une nouvelle planète. Ses goûts marginaux s'expliqueraient, selon son entourage, par un gène déficient ou par un caprice. « Un désir contre nature », lui a déjà dit le curé de la paroisse.

    On dit souvent que les mots frappent plus fort que les poings. Pour avoir vécu les deux formes d'intimidation, Terrence peut affirmer sans le moindre doute qu'aucun ne surpasse l'autre. Les blessures physiques guérissent, oui, mais la hantise qu'elles suscitent n'en est pas moins envahissante. Les coups font mal et ils sont apparents de telle sorte qu'on peut difficilement les cacher. Et, lorsque les blessures sont découvertes, il faut trouver une excuse pour blanchir le nom de ses agresseurs, au risque de le payer très cher par la suite.

    Même si on voudrait trouver de l'aide, même si on voudrait en finir une bonne fois pour toute avec ce calvaire, il faut prendre la défense des personnes que nous haïssons le plus au monde. C'est comme si on se trahissait soi-même au profil d'un semblant de sécurité.

    Mais, si Terrence doit choisir quelle est la pire torture dans les infinis possibilités, c'est sans doute l'indifférence et la lâcheté. Voir les autres être témoins des faits sans toutefois réagir, le laisser livré à lui-même dans une guerre dont il n'est même pas l'initiateur et pour laquelle il ne veut même pas participer.

    La présence de Vice-Versa est perçue telle une réponse à ses prières. Son ami imaginaire est peut-être le personnage le plus dérangé qui soit, mais c'est son seul allié. Il est le seul qui a le pouvoir de le protéger contre l'ennemi une bonne fois pour toute.

    La solution est là. Simple et efficace, elle réside dans l'essence même du désordre absolu personnifié en ce pierrot qui souffre d'un dédoublement de personnalité.

    Terrence prend une grande inspiration afin de contenir ses émotions, tout en serrant son précieux sac près de sa poitrine. C'est aujourd'hui le grand jour. C'est décidé. De toute façon, il ne peut plus revenir en arrière. Son sort s'est scellé dès l'instant où il a posé le pied dans cette fichue école.

    De son côté, Vice affiche fièrement ses pensées machiavéliques. Il s'accote par le coude, sur le casier voisin et sonde un moment l'ennemi de bas en haut. Les coins de ses lèvres noires s'étirent ensuite vers le haut, dévoilant les prémisses de ses deux rangées de dents légèrement taillées en pointes. « À l'image d'une mâchoire de requin », pourrait-on penser. Un mince filet de bave humidifie son menton blanc.

    On aurait dit un animal affamé devant un buffet de rois.

    — Et maintenant ? Crois-tu qu'ils ne le méritent pas ? va-t-il ensuite souffler à l'oreille de Terrence d'un entrain à peine maîtrisé.

    Préférant attendre le moment propice pour agir, l'adolescent dépose son sac dans le casier, ignorant la provocation gratuite de son harceleur le plus tenace et le conseil de son compagnon secret qu'il juge trop impatient.

    — Parce que t'es sourd maintenant ? renchérit le même étudiant qui approche peu à peu, bientôt accompagné de ses potes qui s'agglutinent en renfort près de lui.

    Tory serre les poings. Il ravale sa colère comme il l'a toujours fait, ce qui ne manque pas d'irriter Vice.

    — Tic-tac, tic-tac... Quand prévois-tu agir en homme ? se plaint le pierrot avant de bondir d'excitation. Allez ! Showtime ! Ça va être sssplenndiiide !

    Un déhanchement spectaculaire, accompagnée de la pose tada ! pour motiver le garçon.

    — Tais-toi. C'est pas le bon moment, grommelle Tory à voix basse.

    Frustré d'attendre, le pierrot saisit sa tête de ses deux mains immenses. Elles sont cachées sous des gants noirs dont les extrémités sont parsemées de fausses griffes. Armes qu'il ne manque pas de presser sur la peau de son maître afin de lui faire savoir qui commande dans la place.

    — Il y a longtemps que le jeu a commencé, affirme-t-il en le forçant à regarder, face à face. Et, c'est maintenant qu'il se finit.
    HeryJaylhe le 14 mai 2019
    Ses pupilles en forme de X perce Terrence jusqu'à l'âme. Son désespoir lui a fait prendre une voie dangereuse. Quelque part en lui, il sait à quel point son ami imaginaire est dangereux. Si Vice peut être un excellent allié, il peut être également le pire des ennemis si on a le malheur de le contrarier. Mais, d'un autre côté, Tory est tellement sous son charme qu'il ne voit même pas le piège se refermer sur lui.

    L'ultime bataille de sa vie va commencer sous peu. Lui, tout seul contre l'école entière... À moins qu'il n'écoute les sages conseils de Versa et qu'il fuie les lieux.

    C'est alors que ses sens se tordent pour lui offrir une version contrefaite de la réalité. Elle se modèle selon ses bas instincts les plus sauvages, créant ainsi des visions d'horreur et un chant de guerre de plus en plus oppressant dans sa tête.

    Tue-les. Tue-les. Tue-les tous. Tous. Tous. Tue-les. Tue-les tous. Tous. Tous...

    C'est le déclic qu'il lui faut pour prendre sa décision. Tout ce qu'il souhaite, c'est se venger. Tuer. N'épargner personne.

    Un grand sourire de la part du pierrot, une satisfaction presque exagérée, puis un gros baiser sur le front. Un smack bruyant et baveux.

    — Shooowwtime ! crie ensuite ce dernier.

    Tout juste après, l'étudiant arrive à leur portée avec son cortège de gros bras qui assurent ses arrières. On pousse Terrence dans son casier en guise de salutations matinales. Simple routine qui entame néanmoins le glas de la fin.

    Sous l'influence psychique de son pseudo ami imaginaire, Tory fourre sa main dans son sac et sort son revolver en trombe.

    — Allez vous faire foutre ! hurle-t-il à plein poumons.

    Des coups de feu sont entendus de l'extérieur. Une flopée d'étudiants sort en courant, le dos voûté et les mains sur la tête comme si le ciel menaçait de leur tomber dessus. Les cris et les pleurs s'élèvent telle une symphonie macabre aux oreilles du reste de l'école.

    Des cadavres, du sang et beaucoup de peur.

    Terrence n'a pas le temps de sentir le poids de la culpabilité. Le plan est clair depuis le début : emporter ses harceleurs dans sa tombe. Il pointe le canon du revolver contre sa tempe. Il tremble. Peu importe. Il prend une grande inspiration avant de fermer les yeux.

    — Vas-y, souffle Vice par-dessus son épaule, le sourire fendu jusqu'aux oreilles.

    Le dernier coup de feu sonne la fin du massacre en ce beau jour du mois de juin.




    ***

    Les écoles sont ouvertes cinq jours semaine, neuf mois par année hormis les quelques congés qui leur sont alloués. Les étudiants passent pour ainsi dire presque autant de temps avec leurs camarades de classe qu'avec leurs propres familles. 

    Ce n'est pas pour déplaire la plupart d'entre eux, bien que certains éprouvent un sérieux dégoût lorsqu'il vient le temps de pénétrer l'enceinte de ces salles de tortures modernes.




    ***

    8 Juin 1997 - Journaliste, en directe sur les lieux

    « Une fusillade au Randford High School fait trois morts et un blessé grave. Le tireur s'est lui-même enlevé la vie après avoir peinturé un symbole de sang sur le visage de ses victimes et après avoir mis des billes de couleurs dans leurs bouches. »

    13 juin 1997 - Journaliste, lors des funérailles

    « Des gens des quatre coins de l'État se sont réunis aujourd'hui pour rendre hommage aux victimes de la fusillade et pour souligner leur mécontentement à la famille du tireur. »

    24 août 1997 - Talkshow avec un psychiatre de renom

    « Terrence Mackenzi était une bombe à retardement. Absentéisme, rendez-vous fréquents chez le directeur, tendance à s'isoler et à se mettre en position de victime plutôt que d'affronter la situation de façon équilibrée... Ce sont des signes qui ne trompent pas chez une personne au comportement auto-destructeur.

    Le fait qu'il ait préparé le corps de ses victimes démontre aussi une propension au sadisme longtemps refoulée. Un signe précurseur des tueurs en série qui éprouvent le plaisir de tuer. 

    Nous nous interrogeons aujourd'hui sur les causes de cet instinct de mort. »

    27 août 1997 - Ami de la famille, en réponse au talkshow et aux nombreuses mauvaises langues qui s'en donnent à cœur joie

      « Tout ce que ce psychiatre de pacotille a dit sont de purs mensonges basés sur une vision extérieure et sans fondement. Terrence n'a jamais eu de tendances sadiques et il n'a jamais eu de problèmes avec l'autorité. Ses parents l'ont toujours bien traité. Ce sont d'honnêtes gens qui ne méritent certainement pas d'être les victimes de tout ce cirque. »

    16 septembre 1997 - Mère de Terrence, harcelée par les journalistes

    « Sales vautours ! Laissez-nous donc faire notre deuil en paix ! »


    2 novembre 1997 - Journaliste, durant une émission spéciale

    « Les résultats de l'enquête révèlent que Terrence Mackenzi était victime d'intimidation depuis plusieurs années. La question d'aujourd'hui est donc : Pensez-vous que nous manquons de ressources pour aider les victimes d'harcèlement scolaire ? Qu'aurions-nous pu faire pour éviter ce désastre ? »

    8 juin 1998 - Journaliste

    « Nous célébrons un triste anniversaire aujourd'hui. Un an s'est écoulé suite à la fusillade au Randford High School. Un hommage aux victimes est prévu durant le match de ce soir, qui oppose les écoles de Randford et de Carlsen. Soyez au rendez-vous ! »

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