56.
J'avoue que j'ai vécu
Pablo Neruda
4.04★
(822)
"Peut-être n'ai-je pas vécu en mon propre corps: peut-être ai-je vécu la vie des autres", écrit Pablo Neruda pour présenter ces souvenirs qui s'achèvent quelques jours avant sa mort par un hommage posthume à son ami Salvador Allende.
Les portraits d'hommes célèbres - Aragon, Breton, Eluard, García Lorca, Picasso - côtoient les pages admirables consacrées à l'homme de la rue, au paysan anonyme, à la femme d'une nuit.
À travers eux se dessine la personnalité de Neruda, homme passionné, attentif, curieux de tout et de tous, le poète qui se révèle être aussi un merveilleux conteur.
Inoubliable, cette prostituée de Singapour qui le suit de consulat en consulat et, jalouse de son sommeil même, veille un couteau cinghalais à la main,
Emouvantes, ces trois veuves françaises isolées au plus profond de la forêt australe, qui offrent au jeune voyageur un dîner digne de Vatel et l'inscrivent à leur fichier afin de ne pas risquer de lui servir les mêmes mets, si un jour...
Exemplaire, l'invention de ce peintre chilien qui compte remplacer la politique par la culture des pommes de terre : si chaque homme en plantait une, il en récolterait trente et personne ne connaîtrait plus la faim.
Mais c'est la terre chilienne, tant de fois chantée dans ses poèmes, qui sert de toile de fond aux mille anecdotes de ce bonheur d'avoir vécu une existence riche en péripéties et en amitié. Au commencement était la forêt araucane, «cette gloire, ce silence», qui fascinait l'enfant autant que la sonorité des noms de gares où son père, aimable et rude géant entouré d'anciens repris de justice, menait les trains chargés de graviers qu'il déversait dans les rivières pour qu'elles ne débordent pas. En racontant son enfance, c'est toute la vie d'un "far west austral" que ressuscite Pabio Neruda. (Chili - 1974)