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A la rencontre du Continent Julien GRACQ (1910-2007) : un rêve romantique en vingt-e...
Liste créée par dourvach le 08/12/2017
36 livres.

Accéder à l'essence de nos rêves...

Voyages intérieurs d'un géographe sentimental, écrivain amateur, "provincial" et universel.

Romancier sans égal, inventeur d'espaces-temps sensuels et minéraux, sans doute intemporels... Auteur discret s'il en fût, également celui de très beaux textes critiques, d'essais historiques et poétiques, il fut également romancier (dès 1938) puis dramaturge (en 1948) de sa très riche "Matière de Bretagne".

Non accessoirement "mordant" pamphlétaire, infiniment cohérent en son "incompréhensible" refus des prix-goncourt et autres su-sucres à chien-chiens... De "La littérature à l'estomac" (1949) à son "éclat" paisible de 1951 : simple illustration d'une rare cohérence...

Puissance d'une écriture perfectionniste forgée à la lumière du culte de la Littérature : celle de son cher "grand" XIXème siècle français...

Viennent ces souvenirs lumineux de cette fin août 2007, lorsque nous fumes si simplement reçus — deux heures durant et toutes émotions tues — dans "le petit salon face à la Loire" par notre hôte, M. Poirier. Pélerinages réguliers de la mémoire : si l'on pouvait se souvenir de chaque mot, chaque détail de l'après-midi... Ecoute attentive, bienveillance, authenticité, cohérence, envergure, humanité... Mystères, aussi.

De son "Château d'Argol" à ses "Carnets du Grand Chemin", son bel archipel à aborder patiemment...

Cet homme si pudique fut-il "Notre dernier romantique" jusque dans ses silences ?

A cette question finale de l'entretien réalisé par Dominique Rabourdin à Saint-Florent-le-Vieil début 2007 pour "Le magazine littéraire" : " — Etes-vous stoïcien ? N'avez-vous pas peur de la mort, de votre propre mort ? ", Julien Gracq répondra : — " La perspective de ma disparition ne me scandalise pas : la mort semble partout inséparable de la vie, individuelle ou collective. La mort survient, un jour ou l'autre ; quoique très proche pour moi, sa pensée ne m'obsède pas : c'est la vie qui vaut qu'on s'en occupe. ".

Monsieur Louis Poirier (1910-2007), professeur agrégé de géographie, "de" Saint-Florent-le-Vieil (Maine-et-Loire) : si tôt devenu "Julien GRACQ" pour toujours.



1. Au Château d'Argol
Julien Gracq
3.91★ (698)

"Au Château d'Argol" [roman], Librairie José Corti (Paris), 181 pages, 1938. ///// ARGUMENT : "Au Château d'Argol" est le premier roman de Julien Gracq, le premier roman surréaliste tel qu'André Breton le rêvait. Les sens irrigués par les lieux et les espaces sont l'image la plus exacte des relations entre les êtres, Albert le maître d'Argol, Herminien son ami, son complice, son ange noir, et Heide, la femme, le corps. Tout autour, sombre, impénétrable, la forêt. Tout près, l'océan." ///// Notre EXTRAIT : "La lune baignait tout le paysage avec une capiteuse douceur. La nuit dispensait ses trésors. Dans le ciel chaque étoile avait pris sa place avec la même exactitude que dans une carte sidérale et présentait une image tellement probante de la nuit telle qu'on la connaissait de toujours et qu'on pouvait à bon droit l'attendre, que le coeur était touché devant cette scrupuleuse, naïve et presque enfantine reconstitution comme devant l'acte d'une bonté insondable. La nuit dispensait ses trésors." [extrait choisi par ophrys, "Babelio", nov. 2010]
2. Manuscrits de guerre
Julien Gracq
4.54★ (66)

"Manuscrits de guerre" [journal de guerre], années d'écriture : 1940-1945, publication posthume, José Corti éditeur (Paris), 248 pages, 2011. ///// ARGUMENT : "Ce livre est constitué de deux textes qui s’éclairent mutuellement. Les deux manuscrits figuraient sur deux cahiers différents, parmi le fonds important de textes dont, pour certains, Julien Gracq n’avait pas souhaité qu’ils soient publiés avant longtemps. Le premier texte est un Journal, qui commence le 10 mai et se termine le 2 juin 1940, écrit à la première personne. C’est un moment crucial de la guerre puisque, après la fameuse « drôle de guerre » et l’inaction qui a commencé à éprouver le moral des Français, l’offensive éclate, brutale. Le lieutenant Poirier (Julien Gracq) a été affecté sur le front et, avec ses hommes, se retrouvent d’abord le long de la frontière belge puis, soumis à des mouvements et des ordres contradictoires et souvent incohérents. Ce qui fascine dans ce Journal, tenu à chaud, c’est son aspect inéluctable et prémonitoire. Comment, en un temps aussi court, la défaite militaire a-t-elle été aussi rapide et totale. Comment se sont comportés les soldats français, belges, anglais sur ce mouchoir de poche. Comment est-on passé aussi rapidement à une véritable débâcle, les alliés étant encerclés dans la région de Dunkerque (Les Pays-Bas ayant capitulé le 15 mai, les Belges le 28. Seule une partie du corps expéditionnaire britannique et une petite partie des troupes françaises échapperont à l’étau allemand). Ce qui étonne enfin, outre cette description palpable d’une défaite annoncée, c’est l’acuité de la perception, tant des choses de la guerre que des rumeurs qui l’entourent, tant des comportements humains que du cadre où elle se déroule. Le second texte est un récit qui part de la réalité de ces souvenirs pour en faire une fiction, passionnante dans la mesure où l’on voit concrètement comment Julien Gracq passe de la réalité à la fiction (le récit commence le 23 mai) et pourquoi une distance beaucoup plus grande était nécessaire dans le temps, comme dans les circonstances, pour aboutir à la vision plus ample du "Balcon en forêt", et non plus comme ici une interrogation sur le basculement des événements et le destin, sensibles dans les trois dernières phrases : « Pour devenir un reître, il lui semblait soudain qu’il ne fallait peut-être pas tant de choses. Non, vraiment pas tant de choses. Seulement trois ou quatre instantanés bien choisis. ». ///// Composition de l'ouvrage : — "Avant-propos" par Bernhild Boie : pages 7 à 30 — "Souvenirs de guerre" : pages 31 à 15 — "Récit" : pages 161 à 246 — Fac-similé du manuscrit "Souvenirs de guerre" : 77 pages. ///// Notre EXTRAIT : " Ce qui frappe dans toutes ces actions, c'est la complète incohérence. Du moins du petit coin où nous sommes. Ces Allemands qui passent, sur qui nous ouvrons un feu d'enfer, et qui ne répondent pas d'un seul coup de fusil. Puis rien. Puis cette attention soudaine du canon anti-char. Puis on nous oublie, on nous délaisse, comme le pinceau aveugle d'un projecteur qui sautille sur une étendue de campagne." [extrait choisi par brigetoun, "Babelio", mai 2011]
3. Un beau ténébreux
Julien Gracq
3.72★ (272)

"Un beau ténébreux" [roman], Librairie José Corti (Paris), 257 pages, 1945. ///// ARGUMENT : "Un beau ténébreux" est un roman des astres et de la catastrophe, c'est-à-dire du destin sur fond de vacances et de dérive du temps ; vacuité des personnages en attente, dans un théâtre vide. L'arrivée d'Allan va déclencher un maelström où tous les personnages vont perdre la tête. Allan est venu sceller le destin. Tout dorénavant se déplacera par rapport à lui." [Revue 303]. ///// Notre EXTRAIT : " — Et le jugement serait sans appel ? — Il n'a jamais d'appel. Personne ne songe à en faire. Quelle question pourrait jamais formuler l'inexprimable ? D'ailleurs, ce serait à faire périr de honte, l'humilité ne descend pas jusque là. Chacun connaît d'instinct ce jeu de massacre et chacun le respecte, et, c'est assez remarquable, s'en sent même obscurément ennobli. Chacun jonche sa route de cadavres et de dieux, et personne ne ressuscite, et la Bible même veut que l'archange ne puisse tomber qu'en gardant son imprescriptible couronne. " [extrait choisi par lexote, "Babelio", juin 2010]
4. Liberté grande - La terre habitable - Gomorrhe - La sieste en Flandre hollandaise
Julien Gracq
4.43★ (52)

"Liberté grande" [prose poétique], Librairie José Corti (Paris), 125 pages, 1946. ///// « Certes, il me dure d'être condamné à cette malédiction de l'épaisseur. Ce corps comme une outre plombée, pourrissant comme tout ce qui a ventre, et toute la servitude humaine dans ce mot, mot qui décapite les étoiles, le plus dérisoire, le plus clownesque que recèle le langage, graviter. » ///// Notre EXTRAIT : "Gêné que je suis toujours, sur les lisières d'une ville où cependant il serait pour nous d'une telle séduction de voir par exemple les beaux chiendents des steppes friser au pied même de l'extravagance priapée des gratte-ciel, déçu par le dégradé avilissant, la visqueuse matière interstitielle des banlieues, et, sur les plans, leurs cancéreuses auréoles, je rêve depuis peu d'une Ville qui s'ouvrît, tranchée net comme par l'outil, et pour ainsi dire saignante d'un vif sang noir d'asphalte, à toutes ses artères coupées, sur la plus grasse, la plus abandonnée, la plus secrète des campagnes bocagères." [extrait choisi par Charybde2, "Babelio", févr. 2016]
5. André Breton : Quelques aspects de l'écrivain
Julien Gracq
4.21★ (39)

"André Breton. Quelques aspects de l'écrivain" [essai & souvenirs personnels] : Librairie José Corti (Paris), 1948. ///// ARGUMENT : "Lorsqu’il se penche sur le phénomène André Breton, qui fut aussi un ami, Julien Gracq cherche à élucider les enjeux de l’écriture. Il médite sur les éléments et les rêves surréalistes : le franchissement de la frontière entre conscient et inconscient, le dépassement du quotidien, la quête, la révélation, l’amour." ///// Notre EXTRAIT : "Le culte de la poésie s'est renforcé en eux dans la proportion exacte où elle leur est apparue, de plus en plus clairement, comme un moyen de sortie, un outil propre à briser idéalement certaines limites. Dans la mesure même où elle s'identifie pour lui à un « esprit d'aventure au-delà de toutes les aventures », Breton est perpétuellement tenté d'en déceler le surgissement partout où s'ouvrent pour lui les failles par lesquelles on peut espérer d'échapper à l'humaine condition. Elle triomphe dans la folie (L'Immaculée Conception), étincelle dans le « hasard objectif », dans la « trouvaille » ? brille de tous ses feux dans « l'amour fou », comme dans toute entreprise de libération de l'homme. (Monnerot indique avec justesse que, de manière obscure, pour les surréalistes, la poésie « communique » avec la révolution). Ce que Breton en vient finalement à baptiser « poésie », c'est tout fil d'Ariane dont un bout traîne à portée de sa main et permet de l'aider à sortir du labyrinthe." [extrait choisi par Charybde2, "Babelio", mars 2016]
6. Le Roi pêcheur
Julien Gracq
4.20★ (117)

"Le Roi pêcheur" [théâtre], Librairie José Corti (Paris), 149 pages, 1948. ///// ARGUMENT : « Il reste (…) que cette matière [de Bretagne] n’est pas épuisée, et que ce serait vraiment faire peu de confiance au pouvoir de renouvellement indéfini de la poésie la plus pure — la plus magique — que de le croire. Le cycle de la Table Ronde appartient à l’espèce de mythes la plus haute : il est par essence un de ces carrefours où les très petits déplacements du promeneur correspondent à chaque fois à un foisonnement de perspectives nouvelles. Vu sous un certain angle, il donne sur l’histoire du roi Saül et la légende du prêtre de Némi — sous un autre, Wagner a pu y voir une apologie de la pitié, et même assez curieusement, comme on sait, le prétexte à une prédication végétarienne. Il fournit l’archétype du " Bund " idéal, – de la communauté élective. Il noue une gerbe d’éléments concrets propre à matérialiser comme nulle autre le thème de la fascination. Reste au centre, au cœur du mythe et comme son noyau, ce tête à tête haletant, ce corps à corps insupportable — ici et maintenant, toujours — de l’homme et du divin, immortalisé dans Parsifal par la scène où le roi blessé élève le feu rouge du Graal dans un geste de ferveur et de désespoir qui figure un des symboles les plus ramassés que puisse offrir le théâtre – un instantané des plus poignants que recèle l’art – de la condition de l’homme, qui est, seul entre tous les êtres animés, de sécréter pour lui-même de l’irrespirable, et, condamné à ce tête à tête fascinant et interminable avec ce que de lui-même il a tiré de plus pur, de ne pouvoir faire autre chose que de répéter l’exaltante et désespérante formule : " Je ne puis vivre ni avec toi, ni sans toi. " La température d’orage que dégage ce tête à tête sans rémission est à elle seule d’une nature assez attirante, je le crois, pour conduire à donner au personnage d’Amfortas la place centrale : c’est de ce changement de perspective que je m’autorise pour le titre que j’ai donné à cette pièce. Dans ce nouvel éclairage, il m’a paru qu’il pouvait n’être pas sans intérêt de suivre une fois de plus le héros dans une démarche dont tout le mythe tend à démontrer qu’elle est au dernier point dangereuse et semée d’embûches, et de s’arrêter avec lui à quelques-uns des écueils dont sa route était jalonnée. Ces écueils sont de nature spirituelle et leur garde remise tout naturellement aux mains les grands naufrageurs. Le personnage du prêtre ne saurait se séparer de la silhouette essentiellement noire qui lui est échue dans une représentation populaire finalement bien avisée : il se présente ici sous deux formes : l’homme de sage, mais borné conseil, dont le héros trouve traditionnellement la main secourable – et vaine – tendue au bord le sa route au moment où il aborde le dernier tournant. L’autre a l’orgueil du gardien et du détenteur les objets sacrés : lieu de contact du divin et du terrestre, il a deux faces : par l’une il sécrète et répand l’ombre comme la seiche son encre, il embrouille, il est par vocation le grand avorteur — par l’autre il est le point d’attache à la terre d’un climat difficilement soutenable, le lieu d’un écartèlement absorbant, une de ces pierres de foudre exemplaires qui jalonnent une des frontières — et non la moins brûlante — de la condition humaine. Les propos qui lui sont prêtés souhaitent de n’emprunter quelque force qu'à l’impartialité apparente, mais dans une certaine mesure loyale, que doit l’auteur à ses personnages, à partir du moment où il leur fait assez de crédit pour leur enjoindre de se manifester. Si peu d’intérêt qu’en définitive cela représente, je tiens tout le même à dire que c’est Kundry qui porte mes couleurs. » [Extrait de l’avant-propos de Julien Gracq] ///// Notre EXTRAIT : " — KUNDRY : " Tu vois cette fenêtre..... là-haut ? Tu peux y grimper ? " — KAYLET : " Mais c'est très haut. " — KUNDRY : " Poltron !..... tu es très agile. Tu grimpes à tous les arbres de Montsalvage. Tu grimpes même sur le dais du trône d'Amfortas. Je t'y ai vu perché, quand il n'est pas là ! " — KAYLET : " Il ne faut surtout pas le dire. " — KUNDRY : " N'aie pas peur. Mais alors grimpe à cette fenêtre, Kaylet. Grimpe vite ! Tu verras dans la grande salle. Il faut que je sache. " — KAYLET : " Je n'ose pas..... Si on me voyait ! " — KUNDRY : " Personne ne te verra. Tu es trop petit..... " — KAYLET : " Mais c'est défendu de suivre l'office !... " — KUNDRY : " Monte ! Je prendrai tout sur moi ! " (Kundry le pousse en hâte. Kaylet escalade la fenêtre et regarde.) " ..... Tu vois ? " — KAYLET : " Oui. " — KUNDRY : " Le chevalier est là ? " — KAYLET : " Oui. Il est près du roi..... Oh ! c'est si beau, Kundry..... si tu voyais. Je vois Léhelin, Yvain, Kingrival..... tous ! " — KUNDRY : " Et le chevalier ? Tu le vois bien ? " — KAYLET : " Oui..... Il est tout pâle..... " — KUNDRY : " Regarde ! Regarde de tous tes yeux — regarde bien ! " — KAYLET : " Il y a tout un cortège qui entre dans la
7. La Littérature à l'estomac
Julien Gracq
3.89★ (247)

"La littérature à l'estomac" [pamphlet], Librairie José Corti (Paris), 74 pages, 1949. ///// ARGUMENT : « C'est sur cette adhésion donnée dans le secret du coeur que se fonde la prise d'un écrivain sur son public, la "société secrète" qu'il a peu ou prou créée, sur laquelle il n'a que de très vagues indices, et qu'il ne dénombrera jamais (heureusement). C'est par elle seule qu'il est, s'il est quelque chose. C'est là toujours que reviennent s'agacer ses doutes, quand il s'interroge sur le plus ou moins fondé de l'idée singulière qui lui est venue d'écrire ; il intéresse, ce n'est pas douteux, il a un public, une "situation", on parle de lui, il reçoit des lettres, des coupures de presse — qui sait, il gagne peut-être même de l'argent (que de fantômes obligeants, et remplaçables, autour de sa table de travail, pour rassurer), mais là n'est pas la question ; il y a un "tout ou rien" lancinant auquel il n'échappera pas : a-t-il été, ne fût-ce qu'une brève minute, "un dieu pour eux", pénétré, ne fût-ce qu'une fois, au coeur de la place, a-t-il provoqué cette sensation insolite, en effet, de "vent autour des tempes", oui le coeur hésite, les a-t-il suspendus, un instant irrespirable, à ce quitte de l'éternité ? » ///// Notre EXTRAIT : "De ce que l'écrivain dispose aujourd'hui de mille manières de se manifester qui portent souvent infiniment plus loin que ses livres, il se trouve que sa mise en place gagne infiniment en rapidité à emprunter d'autres voies que la lente pénétration, la lente digestion d'une oeuvre écrite par un public que la faim ne dévore pas toujours. Mille impressions sensibles — dans notre civilisation amoureuse de graphiques, d'images parlantes — inscrivent aujourd'hui pour l'oeil plus que pour l'intelligence et le goût un ordre de préséances obsédant qui n'est pas celui de la lecture, et qui va jusqu'à déclencher une espèce d'automatisme de répétition : grosseur des caractères dans les journaux, fréquence des photographies, manchettes des revues, "présidiums" de congrès d'écrivains, comme une salle de distribution des prix, "ventes" littéraires publiques, dont on diffuse les chiffres, apposition de noms au bas de manifestes, grandes orgues radiophoniques, séances de signatures où le talent de l'écrivain, de manière obscure, triomphe aux yeux dans l'étendue de sa performance, comme un champion d'échecs qui donne des simultanées. Le grand public, par un entraînement inconscient, exige de nos jours comme une preuve cette transmutation bizarre du qualitatif en quantitatif, qui fait que l'écrivain aujourd'hui se doit de représenter, comme on dit, une surface, avant même parfois d'avoir un talent." [extrait choisi par milgoul, "Babelio", juill. 2010]
8. Le Rivage des Syrtes
Julien Gracq
4.19★ (2658)

"Le Rivage des Syrtes" [roman], Librairie José Corti (Paris), 321 pages, 1951. ///// ARGUMENT : "À la suite d'un chagrin d'amour, Aldo se fait affecter par le gouvernement de la principauté d'Orsenna dans une forteresse sur le front des Syrtes. Il est là pour observer l'ennemi de toujours, replié sur le rivage d'en face, le Farghestan. Aldo rêve de franchir la frontière, y parvient, aidé par une patricienne, Vanessa Aldobrandi dont la famille est liée au pays ennemi. Cette aide inattendue provoquera les hostilités... Dans ce paysage de torpeur, fin d'un monde où des ennemis imaginaires se massacrent, le temps et le lieu de l'histoire restent délibérément incertains dans un récit à la première personne qui semble se situer après la chute d'Orsenna. Julien Gracq entraîne son lecteur dans un univers intemporel qui réinvente l'Histoire et donne lieu à une écriture qui s'impose avec majesté, s'enflamme au contact de l'imagination. Pour "Le Rivage des Syrtes", Julien Gracq obtint en 1951 le prix Goncourt, qu'il refusa." [Nathalie Jungerman] ///// Notre EXTRAIT : "C'était une sorte d'iceberg rocheux, rongé de toutes parts et coupé en grands pans effondrés avivés par les vagues. Le rocher jaillissait à pic de la mer, presque irréel dans l'étincellement de sa cuirasse blanche, léger sur l'horizon comme un voilier sous ses tours de toile, n'eût été la mince lisière gazonnée qui couvrait la plate-forme, et coulait çà et là dans l'étroite coupure zigzagante des ravins. La réflexion neigeuse de ses falaises blanches tantôt l'argentait, tantôt le dissolvait dans la gaze légère du brouillard de beau temps, et nous voguâmes longtemps encore avant de ne plus voir se lever, sur la mer calme, qu'une sorte de donjon ébréché et ébouleux, d'un gris sale, qui portait ses corniches sourcilleuses au-dessus des vagues à une énorme hauteur. Des nuées compactes d'oiseaux de mer, jaillissaient en flèche, puis se rabattant en volutes molles sur la roche, lui faisaient comme la respiration empanachée d'un geyser ; leurs cris pareils à ceux d'une gorge coupée, aiguisant le vent comme un rasoir et se répercutant longuement dans l'écho dur des falaises, rendaient l'île à une solitude malveillante et hargneuse, la muraient plus encore que ses falaises sans accès." [extrait choisi par Nastasia-B, "Babelio", janv. 2015]
9. Les terres du couchant
Julien Gracq
4.12★ (123)

"Les terres du couchant" [ébauche de roman], années d'écriture : 1953-1956, publication posthume, José Corti éditeur (Paris), 258 pages, 2014. ///// ARGUMENT : " En 1953 Julien Gracq entreprend un roman qui se situe comme "Le Rivage des Syrtes" dans cette zone rêveuse où Histoire et Mythe, imaginaire collectif et destins individuels s'entrelacent. Il y travaille pendant trois étés. Travail lent, hésitant, suspendu en 1956 pour écrire "Un balcon en forêt" et dont témoignent les quelque 500 pages manuscrites du fonds Gracq à la Bibliothèque Nationale. Le texte que nous publions est très proche d'une version définitive, même si aux yeux de l'auteur il n'a pas trouvé sa forme dernière. On est toujours tenté de présenter la publication posthume d'une oeuvre comme une découverte sensationnelle, qui change l'image établie d'un écrivain. Pourtant, ce récit ne bouleverse pas la vision que nous pouvons avoir de l'oeuvre de Gracq. Mais il la complète d'une manière significative et nécessaire. Il conduit à une compréhension plus intime, plus précise, de l'écrivain, des chemins qu'il emprunte, de son regard sur le monde et de son imaginaire. Ce constat, suffisant sans doute pour présenter ce texte au lecteur, n'est pas pourtant la raison première de sa publication. Ce qui compte le plus, c'est la singularité de ce récit qui trouve ses péripéties dans les incidents de la route et dont la narration se confond tout naturellement avec la vie des chemins et des saisons. Ce manuscrit trouvé dans une malle, et qui pour Gracq était une étape, est pour le lecteur un de ces beaux cadeaux que l'histoire littéraire offre parfois à la postérité." ///// Notre EXTRAIT : "En somme, nous vivions bien. Chaque saison amenait ses fruits et ses plaisirs, et la Terre du Couchant n'était pas avare. Les vices dans le gouvernement du Royaume étaient si vieux, et leurs méfaits si capricieux dans leur enchevêtrement qu'ils finissaient par participer des hauts et des bas qui donnent sa variété à tout spectacle naturel : si on formait le voeu parfois de les voir « s'arranger », c'était de la même lèvre pieuse dont on souhaite que le temps « s'arrange » après la grêle ou la gelée. Comme l'habitué des alpages a cessé de réfléchir au caractère fâcheusement raboteux des montagnes, simplement on naissait à Bréga-Vieil au coeur d'un paysage social accidenté. Le secret conseil du Royaume était l'absence complète de mouvement, et la connaissance que l'homme accroche son champ et le laboure sur des pentes dix fois plus fortes que celles qu'il supporterait d'un pont de navire, quand celui-ci va sur la mer." [extrait choisi par johnfool, "Babelio", oct. 2014]
10. Un balcon en forêt
Julien Gracq
4.22★ (1125)

"Un balcon en forêt" [récit], Librairie José Corti (Paris), 253 pages, 1958. ///// ARGUMENT : "1939, ce sont les premiers mois de ce que l'on appellera la drôle de guerre. Période de suspens, d'attente particulièrement dans les Ardennes où l'aspirant Grange a pour mission d'arrêter les blindés allemands si une attaque se produisait. A la fois île déserte et avant-poste sur le front de la Meuse où montent des signes inquiétants." ///// Notre EXTRAIT : "Quand Mona s'éveillait, avec cette manière instantanée qu'elle avait de passer de la lumière à l'ombre (elle s'endormait au milieu d'une phrase, comme les très jeunes enfants), cinglé, fouetté, mordu, étrillé, il se sentait comme sous la douche d'une cascade d'avril, il était dépossédé de lui pour la journée ; mais cette minute où il la regardait encore dormir était plus grave : assis à côté d'elle, il avait l'impression de la protéger. Le froid se glissait dans la pièce malgré le feu mourant ; à travers les volets mal joints suintait une aube grise; un instant, il se sentait porté au creux d'un monde éteint, dévasté par de mauvaises étoiles, tout entier couvé par une pensée noire : il promenait les yeux autour de lui comme pour y chercher la coûteuse blessure qui faisait le matin si pâle, refroidissait cette chambre triste jusqu'à la mort. « Qu'elle ne meure pas », murmurait-il superstitieusement, et le mot éveillait dans la pièce aux volets fermés un écho distrait : le monde avait perdu son recours ; on eût dit que de son sommeil même une oreille s'était détournée." [extrait choisi par litolff, "Babelio", déc. 2010]
11. Préférences
Julien Gracq
4.25★ (104)

"Préférences" [essai], Librairie José Corti (Paris), 276 pages, 1961. ///// ARGUMENT : "Ces deux séries d'entretiens ne feront pas mentir la légende d'un Julien Gracq, aussi secret qu'il est célèbre. Chez lui, à Saint-Florent-le-Vieil, il répond aux questions de Jean Paget en 1969 et de Jean Daive en 1977. Ce recueil regroupe la plus grande partie des essais de Julien Gracq parus entre 1947 et 1960 dont "La littérature à l’estomac". ///// Table : — La littérature à l’estomac — Les yeux bien ouverts — Pourquoi la littérature respire mal — Lautréamont toujours — Spectre du “Poisson Soluble” — Le Grand Paon — Un centenaire intimidant — Edgar Poe et l’Amérique — À propos de “Bajazet” — ”Béatrix” de Bretagne — Ricochets de conversation — Le printemps de Mars — Symbolique d’Ernst Jünger — Novalis et ”Henri d’Ofterdingen” ///// Notre EXTRAIT : « Tout livre pousse sur d’autres livres, et peut-être que le génie n’est pas autre chose qu’un apport de bactéries particulières, une chimie individuelle délicate, au moyen de laquelle un esprit neuf absorbe, transforme, et finalement restitue sous une forme inédite non pas le monde brut, mais plutôt l’énorme matière littéraire qui préexiste à lui. » (p. 82) [extrait choisi par johnfool, "Babelio", mars 2013]
12. Lettrines 1
Julien Gracq
4.41★ (83)

"Lettrines" [essai], Librairie José Corti (Paris), 256 pages, 1967. ///// ARGUMENT : "Avec "Lettrines", si Julien Gracq inaugure un style d'écriture qui échappe à une définition classique, il ne paraît pas exagéré de penser qu'il renouvelle une forme d'expression originale — appréciée de certains romantiques allemands — que d'autres écrivains vont emprunter après lui. Littérature en fragment, aphoristique, c'est « un ensemble très libre, une mosaïque de notes de lecture, de réflexions, de souvenirs », dira-t-il dans une interview. Très éloignée de ce que peut être l'écriture du diariste — pas d'introspection ni d'extrait d'œuvre en cours ou à venir —, les "Lettrines" proviennent de cahiers tenus au jour le jour." ///// Notre EXTRAIT : "Grèves de la Loire dans l'île Batailleuse — Dès qu'on est couché au niveau de l'eau, champs et maisons cachés au regard, les berges s'ensauvagent, et les heures passent au long d'une espèce d'Orénoque ou de Sénégal, gris ou bleu selon le moment, troué de grèves qui rendent ici plus frappant qu'ailleurs le vers de Baudelaire : « Cieux déchirés comme des grèves. » [extrait choisi par nadejda, "Babelio", janv. 2011]
13. La presqu'île
Julien Gracq
4.13★ (294)

"La presqu'île" [nouvelles], réunissant les 3 textes suivants : "La route" ; "La presqu'île" ; "Le Roi Cophetua", Librairie José Corti (Paris), 240 pages, 1970. ///// ARGUMENT : "Trois récits composent ce volume : "La route" (avait été publié par André Dalmas dans "Le Nouveau Commerce", cahier 2, automne-hiver 1963, p. 7-23). Dans ce court texte, "La Route", Julien Gracq signe une dérive onirique, sur décor de catastrophe et de civilisation — on pense au "Rivage des Syrtes" ou au "Désert des Tartares" de Buzzati — au cœur de ce sentiment d’amarres larguées qui est partout sa force et son objet romanesque. [Revue 303] /// "La presqu’île" (« C’est le tissu d’une page qui m’intéresse plutôt qu’une histoire. », Julien Gracq, entretien avec Philippe Colas, 9 juin 1970). Durant les quelques heures qui le séparent de l’arrivée du train et d’une rencontre autant redoutée qu’espérée, Simon, sillonne en voiture la presqu’île de Guérande. /// "Le Roi Cophetua" (« Mon dessein est de démontrer qu’aucun point de la composition ne peut être attribué au hasard ou à l’intuition, et que l’ouvrage a marché, pas à pas, vers sa solution, avec la précision et la rigoureuse logique d’un problème mathématique. », Julien Gracq, entretien avec Jean Daive, 19 février 1972) ///// Notre EXTRAIT : "Cette voie forestière perdue, sous son gazon fin parfois rougi de fraises, avec ses passées de bêtes, ses flaques d'eau noire, son odeur de mousse humide et de champignon frais, si entièrement reprise par la sauvagerie des bois qu'on luttait difficilement contre l'impression qu'elle allait finir là en impasse, que les arbres allaient se refermer sur sa fente étroite, mais la digue de pierre, le mur invisible que le chemin enfonçait sous lui dans le sol, avait contenu obstinément l'assaut de la forêt, et la Route indéfiniment s'enfonçait, amicale et vaguement fée, filtrant à travers le sous-bois sa lumière calme et rassurante d'éclaircie, pas à pas écartant devant nous comme une main le rideau des branches." ["La route" — extrait choisi par Wyoming, "Babelio", nov. 2017]
14. Lettrines 2
Julien Gracq
4.65★ (60)

"Lettrines 2" [essai], Librairie José Corti (Paris), 244 pages, 1974. ///// ///// ARGUMENT : "Avec "Lettrines", si Julien Gracq inaugure un style d'écriture qui échappe à une définition classique, il ne paraît pas exagéré de penser qu'il renouvelle une forme d'expression originale — appréciée de certains romantiques allemands — que d'autres écrivains vont emprunter après lui. Littérature en fragment, aphoristique, c'est « un ensemble très libre, une mosaïque de notes de lecture, de réflexions, de souvenirs », dira-t-il dans une interview. Très éloignée de ce que peut être l'écriture du diariste — pas d'introspection ni d'extrait d'œuvre en cours ou à venir —, les "Lettrines" proviennent de cahiers tenus au jour le jour." ///// Notre EXTRAIT : "Nantes. Je feuillette un recueil d'anciennes photographies de la ville, au temps où j'étais pensionnaire au lycée. S'il est une ville dont la forme ait changé plus vite que le coeur d'un mortel... Mais « fourmillante cité, cité pleine de rêves » pour moi, oui, toujours ! J'ai davantage rêvé là, entre onze et dix-huit ans, que dans tout le reste de ma vie : que faire d'une vie commencée de vivre si irrémédiablement sur le mode de l'ailleurs." [extrait choisi par Grapheus, "Babelio", déc. 2016]
15. Les eaux étroites
Julien Gracq
4.12★ (228)

"Les eaux étroites" [récit], Librairie José Corti (Paris), 75 pages, 1976. ///// Notre EXTRAIT : « Les images que déroule tout voyage initiatique renvoient chacune en énigme à une rencontre préfigurée qu'elles font pressentir et qui les achèvera ; la puissance d'envoûtement des excursions magiques, comme l'a été pour moi celle de l'Evre, tire sa force de ce qu'elles sont toutes à leur manière des « chemins de la vie ». [extrait choisi par nadejda, "Babelio", janv. 2011]
16. En lisant en écrivant
Julien Gracq
4.19★ (511)

"En lisant en écrivant" [essai], Librairie José Corti (Paris), 302 pages, 1980. ///// ARGUMENT : "Le titre de cette œuvre est le plus explicite des quatrième de couverture ; l’absence de virgule entre les deux gérondifs rend le glissement de l’un à l’autre logiquement équivalent, tant il est vrai qu’ « on écrit d’abord parce que d’autres avant vous ont écrit »." ///// Notre EXTRAIT : « Si je pousse la porte d'un livre de Beyle, j'entre en Stendhalie, comme je rejoindrais une maison de vacances: le souci tombe des épaules, la nécessité se met en congé, le poids du monde s'allège; tout est différent : la saveur de l'air, les lignes du paysage, l'appétit, la légèreté de vivre, le salut même, l'abord des gens. Chacun le sait (et peut-être le répète-t-on un peu complaisamment, car c'est tout de même beaucoup dire) tout grand romancier crée un "monde" — Stendhal, lui, fait à la fois plus et moins : il fonde à l'écart pour ses vrais lecteurs une seconde patrie habitable, un ermitage suspendu hors du temps, non vraiment situé, non vraiment daté, un refuge fait pour les dimanches de la vie, où l'air est plus sec, plus vivifiant, où la vie coule plus désinvolte et plus fraîche — un Éden des passions en liberté, irrigué par le bonheur de vivre, où rien en définitive ne peut se passer très mal, où l'amour renaît de ses cendres, où même le malheur vrai se transforme en regret souriant. » [extrait choisi par keisha, "Babelio", juin 2011]
17. La Forme d'une ville
Julien Gracq
4.02★ (223)

"La Forme d'une ville" [essai & carnet de voyage], Librairie José Corti (Paris), 213 pages, 1985. ///// ARGUMENT : « Cela se passait pendant les années de la guerre de 1914-18 ; le tramway, la savonnerie, le défilé glorieux, majestueux, du train au travers des rues, auquel il ne semblait manquer que la haie des acclamations, sont le premier souvenir que j'ai gardé de Nantes. S'il y passe par intervalles une nuance plus sombre, elle tient à la hauteur des immeubles, à l'encavement des rues, qui me surprenait ; au total, ce qui surnage de cette prise de contact si fugitive, c'est — montant de ses rues sonores, ombreuses et arrosées, de l'allégresse de leur agitation, des terrasses de café bondées de l'été, rafraîchies comme d'une buée par l'odeur du citron, de la fraise et de la grenadine, respiré au passage, dans cette cité où le diapason de la vie n'était plus le même, et depuis, inoublié — un parfum inconnu, insolite, de modernité. Et ce parfum reste lié, est toujours resté lié pour moi à une saison, saison élue, où tous les pouvoirs secrets, presque érotiques, de la ville se libèrent. J'ai aimé, certes, par la suite, le Nantes reclus, encapuchonné, des pesantes brumes d'hiver, le dé perforé, rougeoyant à tous ses trous, au coin des rues, du brasero des marchands de marrons grillés et des marchands de galettes de blé noir. Mais l'été reste pour moi, depuis mon premier contact avec elle, la saison fatidique de la ville qu'on a appelée Nantes la Grise. Dès que les chandelles roses et blanches des marronniers commencent à illuminer les Cours, dès que les feuilles des magnolias du Jardin des Plantes retrouvent leur luisant neuf, ces indices à peine perceptibles de la saison élue me montent à la tête, et ce que même l'explosion orchestrale du printemps de la campagne ne pourrait me faire éprouver, le simple sentiment de la soudaine mollesse de l'air le réalise: la chaleur sensuelle d'un lit défait se répand et coule pour moi à travers les rues. » ///// Notre EXTRAIT : "Quand je poussai une dernière fois derrière moi la porte du jardinet de la rue Haute-Roche, le jour qui se levait avait cette rémission limpide, bénigne, d'après-matines, encore peuplée par le seul chant des oiseaux, qu'évoque pour moi le titre d'un roman d'André Dhôtel que je n'ai pas lu : « Les Rues dans l'aurore »."[extrait choisi par dourvac'h, "Babelio", juin 2015]
18. Autour des sept collines
Julien Gracq
4.19★ (92)

'Autour des sept collines" [essai & carnet de voyage], Librairie José Corti (Paris), 147 pages, 1988. ///// ARGUMENT : « Je n’ai jamais été à Rome », écrivait Julien Gracq dans "Lettrines 2", et il poursuivait : « Un jour ou l’autre me verra bien sur ses chemins, puisqu’il paraît que tous y mènent, mais qu’y trouverai-je ? » Cette probabilité, envisagée sans excès d’enthousiasme, trouva à se réaliser au printemps 1976. (Cité par Bernhild Boie) /// « Quelle étrangeté que d’enclore l’idée d’empire universel dans un nom de ville ! et de l’y laisser oubliée depuis quinze cents ans. Il y a une atmosphère de déshérence distraite qui est propre à Rome. On se promène dans ses rues, on est retenu par l’échelonnement démesuré au long des siècles des souvenirs monumentaux, par la prolifération des édifices insignes, par l’entassement des œuvres d’art — cependant que le sentiment diffus d’une absence, d’une vacance centrale se fait jour. Comme si on parcourait les salles d’un palais où le maître fabuleux de céans, par quelque lubie incompréhensible, se fait celer, et n’y est plus pour personne. Singulière ville, qui a évacué sur la pointe des pieds l’ordre des tableaux chronologiques et des annales historiques, pour ne plus relever sérieusement que des computations apocalyptiques, millénaristes, de Malachie, de Joachim de Flore, et de Nostradamus. Avec cet air sournois qu’elle conserve de rêver les yeux mi-clos par-delà les siècles. A la Troisième Rome ? … Cependant la Sibylle au visage latin Est endormie encor sous l’arc de Constantin Et rien n’a dérangé le sévère portique. » ///// Notre EXTRAIT : "C'est un « work in progress », Rome, un bric-à-­brac somptueux de matériaux urbains dépareillés en instance d'assemblage et de réemploi ; seulement ce chantier en rumeur, c'est surtout celui du travail négateur du temps."[extrait choisi par DelphineMa, "Babelio", avril 2017]
19. Carnets du grand chemin
Julien Gracq
4.20★ (185)

"Carnets du grand chemin" [essai & carnet de voyages], Librairie José Corti (Paris), 308 pages, 1992. ///// ARGUMENT : "Inlassable marcheur autant que fin observateur de la vie secrète du monde, des paysages et de la littérature, Julien Gracq, dans ses "Carnets du grand chemin", distille pour le plus grand bonheur de ses admirateurs des notes de voyages et de lectures empreintes de poésie, d'humour et surtout de nostalgie. Celle d'un homme qui a connu plusieurs mondes, qui en a vu disparaître certains, et qui s'efforce, par la magie de la création littéraire, d'en prolonger l'existence le temps de courts textes dans lesquels on retrouvera tout ce qui fait le prix de l'écriture de l'auteur du "Rivage des Syrtes" : une majesté singulière et onirique à la précision parfaite. Au terme de ces promenades, on en sera convaincu : Julien Gracq est un immense écrivain parce qu'il n'a jamais cessé d'être un grand voyageur." ///// Notre EXTRAIT : "Je me promène le long de la plus haute crête de ce massif de dunes forestier. Du côté de l'ouest, la mer à l'horizon apparaît en festons isolés dans les échancrures du tapis grumeleux que mon - il surplombe ; le bleu lavé, évanescent, le vert pelucheux, argenté comme le duvet qui vêt la coque de l'amande, prennent sous le soleil de dix heures une immobilité, une fixité contemplative de lavis chinois qui ne semble pas appartenir à nos climats : je marche dans une forêt du pays du Matin Calme. De temps en temps, une pomme de pin, à quelques mètres devant moi, percute le tapis d?aiguilles avec un choc mat : peu de promeneurs y prêteraient attention, mais dix ans de familiarité avec la pinède me font dresser l'oreille : une pomme de pin en sève ne choit pas d'elle-même, une pomme de pin sèche n'a pas cet impact alourdi. Je ramasse la pomme, et je distingue à la base l'éraflure fraîche des incisives aiguës. Ni le bruit clair des griffes sur l'écorce, ni le geignement hargneux de la grimpée n'ont signalé de fuite : la bête est là encore, tapie de toute sa longueur derrière une branche. Il me faut parfois trois ou quatre minutes pour distinguer le bout de queue révélateur qui dépasse, ou le museau pointu avec l'oeil rond qui guette de profil : vérification faite - avec la sagacité comblée et discrète de Derzou Ouzala dans sa taïga - je m'éloigne sans déranger plus longtemps l'animal menu dont le coeur doit battre si vite. " [extrait choisi par michfred, "Babelio", juill. 2015]
20. Entretiens
Julien Gracq
4.71★ (97)

"Entretiens" [recueil de six entretiens], José Corti éditeur (paris), 2002. ///// ARGUMENT : "Dix ans après la parution des "Carnets du grand chemin", ce recueil d'entretiens avec Julien Gracq constitue un événement pour tous ceux qui, au fil des ans, ont suivi cet écrivain, un des rares contemporains accueillis par la Pléiade. Ces entretiens s'échelonnent sur plus de 30 ans. La variété des interlocuteurs comme celle des questions aboutit à un ensemble cohérent et complet - sinon exhaustif — où Julien Gracq s'exprime sur les sujets les plus divers. Que Julien Gracq se soit très rarement prêté au jeu de l'interview rend ce choix d'autant plus marquant, d'autant plus significatif. ///// Notre EXTRAIT : "Il y a, sous la croûte obscure de la langue, comme dans les profondeurs de la mer et les hauteurs du ciel, des châteaux et des presqu'îles. L'objet de la littérature est leur « magique étude »." [extrait choisi par manolle, "Babelio", 2012]
21. Noeuds de vie
Julien Gracq
3.87★ (101)

"Noeuds de vie" [carnets manuscrits inédits], publication posthume, José Corti éditeur (Paris), 176 pages, 2021. ///// ARGUMENT : "En 1980, au moment de la parution de "En lisant en écrivant", Angelo Rinaldi, dans « L’express », souligna que Julien Gracq figurait parmi les contrebandiers habiles à faire passer les « frontières séparant les époques ». Plus de 40 ans après, ce constat reste d’actualité, comme si le temps avait eu peu de prise sur ses fragments, toujours devant nous. Ce qui est frappant avec les textes inédits de Julien Gracq, rassemblés ici, par Bernhild Boie, son éditrice en Pléiade, c’est qu’il est aussi étonnant dans le grand angle (ses centres d’intérêt sont aussi bien historiques que géographiques) que dans le plan rapproché (tous ses textes sur des paysages ou des événements) ou le gros plan (certains textes sur des écrivains, des villes ou des phénomènes littéraires). Gracq est un observateur pénétrant, sensible, perspicace. Aucune nostalgie ou lamentation dans cette vision du monde. Avec une liberté de ton et de regard inimitables, il nous invite à revoir à neuf nos propres jugements sur l’histoire, les écrivains, les paysages, l’accélération du temps, la détérioration de la nature, le passage des saisons, les jardins potagers, la vieillesse, le bonheur de flâner comme celui de lire. Cette lucidité sereine donne d’ailleurs à certains fragments une allure prophétique : « (…) la Terre a perdu sa solidité et son assise, cette colline, aujourd’hui, on peut la raser à volonté, ce fleuve l’assécher, ces nuages les dissoudre. Le moment approche où l’homme n’aura plus sérieusement en face de lui que lui-même, et plus qu’un monde entièrement refait de sa main à son idée — et je doute qu’à ce moment il puisse se reposer pour jouir de son œuvre, et juger que cette œuvre était bonne. » /// " Un livre qui aurait constitué le moins cher et le plus envoûtant des cadeaux de Noël pour un jeune lecteur (une jeune lectrice) soucieux de s’abstraire des réalités pesantes et des perspectives utilitaires. Car il s’agit d’un ouvrage gratuit, en ce qu’il n’a pas pour visée l’amélioration du monde, bien qu’il ne s’interdise nullement l’analyse ou le jugement. Tout y est subordonné au travail de l’écriture, auquel il est demandé d’abord de produire de la beauté. (...)" [Maurice Mourier, “Les heures retrouvées de Julien Gracq”, EaN, 7 janvier 2021] /// "Nœuds de vie" est une ode à la littérature vraie telle que l’entend l’écrivain – celle où la vérité ne s’oppose pas à l’erreur mais à l’informe. L’originalité, l’unicité du style priment : « Ce qui n’a jamais été dit ainsi n’a jamais été dit. » La forme de l’œuvre idéale ne vient nullement d’un plan préétabli, au contraire elle jaillit de l’intuition, qui fait des « choix éclairs » pour donner à entendre « une langue ré­sonante avant d’être signifiante ». [Camille Laurens, Le Feuilleton, "Le Monde", 7 janvier 2021] /// "Ouvrir un « nouveau » Julien Gracq, un matin d’hiver... Retrouver le parfum délicat de ses passages secrets, l’élixir enivrant de sa langue si particulière, le chatoiement charpenté de son style." [Jean-Claude Raspiengeas, "La Croix", 7 janvier 2021] /// “Nœuds de vie” de Julien Gracq : tout simplement un immense plaisir de lecture où résonne à nouveau “cette voix ouatée, secrète, qui chuchote là de ses phrases”, évoquée par son ancien élève, Jean-René Hugunin." [Thierry Clermont, Le Figaro, 7 janvier 2021] ///// Nos EXTRAITS : "Le moment approche où l'homme n'aura plus sérieusement en face que lui-même, et plus qu'un monde entièrement refait de sa main à son idée — et je doute qu'à ce moment il puisse se reposer pour jouir de son oeuvre, et juger que cette oeuvre était bonne. " [extrait choisi par ninamarijo, "Babelio", 2021] /// "De ce qui « fait vivre » un roman (comme on dit), il n'y a jamais trace dans le plan préalable de son auteur. [...] C'est de l'école buissonnière de l'écriture, et non de l'impeccable programme scolaire de sa construction, que le roman tirera seulement son charme et sa saveur. " /// " La pensée tue tout ce qu'elle touche : quoi d'étonnant que le roman en meure, à son tour." [extraits choisis par dourvac'h, "Babelio", 2021]
22. Gracq : Oeuvres complètes, tome 1
Julien Gracq
4.50★ (138)

Julien GRACQ : "Oeuvres complètes", tome 1 : "période 1938 à 1957", éditions Gallimard (Paris), coll. "Bibliothèque de la Pléiade", 1.449 pages, 1989. ///// ///// Ce volume contient : "Au Château d'Argol" ; "Un beau ténébreux" ; "Liberté grande" ; "le Roi pêcheur" ; "André Breton. Quelques aspects de l'écrivain" ; "La littérature à l'estomac" ; "Le Rivage des Syrtes" ; Préférences" ; APPENDICES. ///// Notre EXTRAIT : "Quand j'étais petit, notre vieux serviteur allait se coucher dans le grenier sans lumière. Il était si habitué qu'il marchait dans le noir sans tâter, aussi vite qu'en plein jour. Eh bien ! que veux-tu, à la fin la tentation a été trop forte : il y avait une trappe sur son chemin, je l'ai ouverte... Le vieillard sembla réfléchir avec difficulté. — ... Je pense que c'est énervant, les gens qui croient trop dur que les choses seront toujours comme elles sont. Il ferma à demi les yeux, et se mit à hocher la tête, comme s'il allait s'endormir. — ... Et peut-être ce n'est pas une bonne chose, que les choses restent toujours comme elles sont. " ["Le rivage des Syrtes" — extrait choisi par Nastasia-B., "Babelio", janv. 2015] ///// Une CRITIQUE : "Je n'ai lu, à ce jour, qu'un roman de Julien Gracq, "Le rivage des Syrtes", et il y a plusieurs années de cela. Il me souvient en avoir retiré un immense plaisir et ce, de façon curieuse. Car tout n'est qu'attente et l'on aurait pu penser, ennui. Or dans ce roman où il ne se passe presque rien, aucun bâillement n'est venu brouiller ma lecture. Sans doute était-ce dû à la magnificence d'une écriture qui m'avait transporté, alors. J'y ai vu, à ce moment-là, l'un des grands romans européens du XXème siècle. Et je m'étais contenté de l'assimiler à une allégorie de la transgression qui conduit l'homme, de toute éternité, à faire reculer son horizon propre, en-deçà duquel, tout le conduit à demeurer, sa sécurité, la tradition, le conservatisme, la peur de l'inconnue, etc. J'ai considéré que cette transgression était, au fond, le principal moteur de l'aventure humaine. En cherchant à connaître ce qu'il y a derrière la limite de son regard, en bravant le danger de la curiosité, l'homme s'est conformé à son destin qui le pousse à explorer l'univers qui l'entoure, au-delà des mers, au-delà des cieux, au-delà de ses propres croyances, et ce, malgré les dangers, malgré les catastrophes annoncées, malgré l'angoisse de l'inconnue. Je n'ai pas cherché à déceler, dans ce roman, une allusion au contexte historique de l'époque, ni une philosophie particulière de l'Histoire, encore moins à identifier une cité-Etat à laquelle pourrait renvoyer Orsenna, quand d'autres l'ont rapprochée de la Vénitie, ni les plages de Libye baignées par la mer de Syrte, ou la ville de Syrte elle-même. Comme beaucoup de lecteurs, peut-être, j'ai vérifié ma géographie méditerranéenne, pour me rendre compte, comme l'a si bien exprimé un commentateur (Antoine Blondin) que J. Gracq a écrit un magnifique « imprécis d'histoire et de géographie à l'usage des civilisations rêveuses. » Rarement livre a donné lieu à autant d'analyses : renvoie- t-il à une conception particulière de l'Histoire ? D'aucuns ont tenté d'y déceler un Occident courant à sa perte, en raison de ce déclin dont on dit qu'il est amorcé depuis longtemps. D'autres y ont vu une allégorie de la transgression qui favorise le changement. Ou bien encore, l'ont rattaché au symbolisme, en ce qu'il transcenderait l'histoire phénoménale, la réalité identifiée dans le temps et l'espace, pour seulement en saisir « l'esprit ». Le style et la langue ont été décortiqués, une langue magnifique pour les uns, trop « classique », pour les autres, déniant à la prose de Gracq, le qualificatif de poétique. Sa filiation avec d'autres auteurs a été recherchée, Junger, par exemple, a-t-il été une source d'inspiration ? etc., etc. J'ai simplement trouvé que c'est un très grand et très beau roman, magnifiquement écrit. Je l'ai aimé ; le reste n'est que rhétorique bavarde..." [critique de PatrickCasimir, "Babelio", nov. 2017]
23. Gracq : Oeuvres complètes, tome 2
Julien Gracq
4.68★ (91)

Julien GRACQ : "Oeuvres complètes", tome 2 : "période 1958 à 1992", éditions Gallimard (Paris), coll. "Bibliothèque de la Pléiade", 1.757 pages,1995. ///// Ce volume contient : "Un balcon en forêt" ; "Lettrines" ; "Lettrines 2" ; "La Presqu'île" ; "Les eaux étroites" ; "En lisant en écrivant" ; La forme d'une ville" ; "Autour des sept collines" ; "Carnets du grand chemin" ; APPENDICES. ///// Nos EXTRAITS : "Rien dans cette guerre ne ressemblait aux autres ; c'était une dégénérescence molle, un crépuscule mourant, indéfiniment prolongé, de la paix, si prolongé qu'on pouvait rêver malgré soi, après cette étrange demi-saison, cette plongée dans la lumière de nuits blanches, d'un jour neuf se soudant à l'autre sans solution de continuité. " ["Un balcon en forêt" — extrait choisi par zaphod, "Babelio", août 2015] ///// "La situation imaginative préférée d'un écrivain de fiction ne coïncide pas, dans mon esprit du moins, avec sa manière de vivre. Il faut une tension liminaire, qui exige plus ou moins de dépaysement : il s'agit toujours quant au lieu de l'action, et même s'il y a des ressemblances avec des lieux familiers, d'un "pays où l'on n'arrive jamais", pour parler comme André Dhôtel. Confins, lisières, frontières, effectivement, sont des lieux qui m'attirent en imagination. "["Entretiens" — extrait choisi par dourvac'h, "Babelio", juin 2015]
24. L'Herne : Julien Gracq
Les Cahiers de l'Herne
4.43★ (18)

"Julien Gracq", ouvrage collectif dirigé par Jean-Louis LEUTRAT, L'Herne éditeur (Paris), coll. "Cahiers de L'Herne", 404 pages, 1972 ; rééd., 405 pages, 1997. /// ARGUMENT : "Julien Gracq, de son vrai nom Louis Poirier, né le 27 juillet 1910 à Saint-Florent-le-Vieil (Maine-et-Loire) et mort le 22 décembre 2007 à Angers, était un écrivain français. Si "Au château d'Argol", son premier roman, fortement influencé par le romantisme noir et par le surréalisme, avait attiré l'attention d'André Breton, c'est avec "Le Rivage des Syrtes", et surtout le spectaculaire refus de son auteur de recevoir le prix Goncourt en 1951, que Julien Gracq s'est fait connaître du public. Reconnaissance paradoxale pour cet écrivain discret qui s'est effacé derrière une œuvre protéiforme et originale, en marge des courants dominants de la littérature de son époque (voire en opposition), qu'il s'agisse de l'existentialisme ou du nouveau roman. Après avoir abandonné l'écriture de fiction, Julien Gracq publie à partir de 1970 des livres qui mélangent bribes d'autobiographie, réflexions sur la littérature et méditations géographiques. Traduites dans vingt-six langues, étudiées dans des thèses et des colloques, proposées aux concours de l'agrégation, publiées dans la Bibliothèque de la Pléiade, les œuvres de Julien Gracq ont valu à leur auteur une consécration critique presque sans équivalent à son époque." /// "Cahier Gracq", dirigé par Jean-Louis Leutrat : "Ce Cahier propose une approche à l’œuvre protéiforme et originale de Julien Gracq, auteur en marge des courants dominants de la littérature de son époque. Il est accompagné de textes inédits, un interview et des témoignages des intellectuels qui l’ont rencontré. Textes de Julien Gracq : "Chemins", "Éclosion de la pierre", "Lettre-préface", "Le surréalisme et la littérature contemporaine", "L’œuvre d’Ernst Jünger en France". Textes de : Jünger, Corti, Margerit, Mansour, Perrelet, Béalu, Pieyre de Mandiargues, Marquet, Pollmann, S. Roudiez, Pfeiffer, Boie, Denis, Riese Hubert, Balmas, Riffaterre, Berthier, Buzzati, Blanchard, Almuro, Sion, Fini, de Decker, Ernst, Hellens, Nérault, Eigeldinger, Van Laere, Leutrat, Guiomar, Gaubert, Juin, Didier, Vuarnet, Humeau, etc."
25. Le rivage des Syrtes, tome 1 : Le roman des noms propres
Michel Murat
5.00★ (6)

"Le Rivage des Syrtes" de Julien Gracq. Etude de style" par Michel MURAT [essai - thèse d'Etat, 1983] ; tome I : "Le roman des noms propres" ; tome II : "Poétique de l'analogie", Librairie José Corti (Paris), coll. "LES ESSAIS", 140 pages et 282 pages, 1989. /// ARGUMENT : "Si l'on adopte, pour "Le Rivage des Syrtes", le même schéma d'observation que pour Le roi pêcheur, il convient, là aussi, d'opérer une distinction entre l'analyse interne qui s'emploie à cerner et à décrire le référent socio-historique propre à l'œuvre et l'analyse externe qui s'applique aux déterminations contextuelles de celle-ci, qu'elles soient sociales ou historiques. Mais l'un et l'autre points de vue ne vont pas sans difficulté, dès lors que se trouvent prises en compte les visées poursuivies et reconnues par l'auteur lui-même: "Ce que j'ai cherché à faire, entre autres choses, dans Le Rivage des Syrtes, plutôt qu'à raconter une histoire intemporelle, c'est à libérer par distillation un élément volatil, «l'esprit de l'Histoire», au sens où on parle d'esprit-de-vin, et à le raffiner suffisamment pour qu'il pût s'enflammer au contact de l'imagination." Dénué de toute référence explicite à l'actualité immédiate et faiblement pourvu de signes ou d'indices qui l'inscriraient assurément dans une période historique précise, ce roman de J. Gracq, en marge du genre appelé "roman historique", représente donc une entité socio-historique parfaitement imaginaire, la Seigneurie d'Orsenna en guerre contre le Farghestan voisin. Le récit qui décrit la décadence de cette société fictive aux repères temporels et géographiques particulièrement difficiles à cerner n'est pourtant pas sans lien avec des réalités de l'Histoire. En effet, même si l'ouvrage ne se présente pas comme un "roman historique à clé" invitant le lecteur à identifier, à travers les éléments de la fiction, des faits historiques précis et homogènes, il reste que la toponymie d'Orsenna (Maremma, Vezzano, Ortello, Sagra, Selvaggi...) et son anthroponymie (Aldo, Orlando, Vanessa, Marino, Danielo, Aldobrandi...) sont italiennes, "l'onomastique fictive d'Orsenna [obéissant] à la morphologie de la langue italienne: finales du masculin en -o, du féminin en –a". On peut donc penser à Venise et à ses démêlés avec l'Orient, d'autant que la référence vénitienne se trouve insinuée dès la première page du roman ("La Seigneurie d'Orsenna vit comme à l'ombre d'une gloire que lui ont acquise aux siècles passés le succès de ses armes contre les Infidèles et les bénéfices fabuleux de son commerce avec l'Orient") et explicitement rappelée, sous forme métaphorique, à l'occasion de l'évocation de Maremma et de sa description. Par ailleurs, comme le note M. Murat, "la constitution politique d'Orsenna, avec ses caractéristiques d'« état mercantile »: manie du secret et de l'espionnage, défiance à l'égard du pouvoir militaire [...], partage des responsabilités à l'intérieur d'une oligarchie patricienne, paraît typique de la Sérénissime République". Mais d'autres références historiques viennent se superposer à celle de la Venise de la Renaissance ou du déclin. Parmi celles-ci, figurent, à l'évidence, la période décadente de l'Empire romain, mais aussi celle des Grandes Invasions, sans oublier l'âge technique des navires à vapeur ou des automobiles, lesquelles "roulent dans un pays où, par ailleurs, la communication télégraphique semble inconnue". Ainsi, même si la présence de l'Histoire est indéniable, voire envahissante, ce qui frappe avant tout, c'est l'hétérogénéité des indices, des références ou des repères, comme si l'auteur avait voulu, par ce moyen, interdire à son lecteur l'identification d'un référent unique et précis."
26. Souvenirs désordonnés
José Corti
3.97★ (35)

"Souvenirs désordonnés" [souvenirs personnels et professionnels] par José CORTI, Librairie José Corti (Paris), 1983 ; rééd. aux éditions Christian Bourgois/10-18 (Paris), 318 pages. /// ARGUMENT : "Quelquefois, nous entendons, familière, la voix d'un écrivain comme s'adressant précisément à nous. Ainsi me fut d'emblée la lecture de Julien Gracq, qui dès lors ne cessa de m'être intime — ardent compagnon d'une jeunesse hantée d'écriture et naturellement plus confiante en l'imaginaire qu'en la raison. Le fil qui, à travers son œuvre, se tend du romantisme au surréalisme me fut au fil des décennies celui d'une bienveillante Ariane auquel je ne manquai pas d'avoir recours. Aussi lui faire l'hommage d'un livre me parut être un juste retour de signe. L'ouvrage ("Voyage en Gracquoland"), qui tentait de le suivre au fil de son œuvre en préférant le résumé au commentaire, disparut vite, avec son éditeur. Le relisant près de vingt ans plus tard, je ne trouvai rien d'essentiel à y changer et je ne le remis sur la table d'écriture que pour l'alléger et le polir. La refonte, toutefois, me parut assez importante pour appeler un nouveau titre."
27. Julien Gracq : Qui êtes-vous ?
Jean Carrière
4.00★ (18)

"Julien Gracq" par Jean CARRIERE [entretiens], éditions La manufacture, coll. "Qui êtes-vous ?", 192 pages, 1990. /// ARGUMENT : "Voici enfin la réédition au Relié d’un ouvrage de référence épuisé depuis longtemps et salué par Jean-Claude Perrier dans "Livres Hebdo" (janvier 2000). L’énigmatique Julien Gracq ( 1910-2007) se livre avec la complicité de Jean Carrière (auteur de "L'Epervier de Maheux", prix Goncourt 1972) dans un ouvrage enrichi d’entretiens passionnants qui jettent de nouvelles lumières sur son œuvre et sa vie."
28. Julien Gracq : Vérité et légendes
Jean Pelletier
4.00★ (12)

"Julien Gracq. L'embarcadère" [essai biographique] par Jean PELLETIER, nombreuses photographies et illustrations N & B, éditions du Chêne (Paris), coll. "Vérités et légendes", 175 pages, 2001. /// "Le lancement du paquebot "Île-de France" auquel Julien Gracq assista à quinze ans en compagnie de son père, à Saint-Nazaire, l'accompagnera toute sa vie comme une initiation aux vastes horizons, à cet incessant départ pour un imaginaire où le temps rémanent ordonne une véritable recréation du monde. Témoin privilégié de la littérature, il livre au fil des décennies des fragments très personnels sur l'écriture et la lecture. A la fois rêveur, distant, tel un guetteur éveillé, il est l'architecte visionnaire d'une littérature expurgée de toute pusillanimité. Cet essai est un témoignage qui accompagne plus qu'il ne commente la lecture de l'oeuvre. Il n'est en soi que le désir d'être l'une des clefs qui permettent d'accéder aux mots, au style et aux figures de l'écriture gracquienne."
29. Le déjeuner des bords de Loire
Philippe Le Guillou
3.95★ (46)

"Le déjeuner des bords de Loire" de Philippe LE GUILLOU [récit / portrait-rencontre], éditions Mercure de France, 96 pages, 2002 ; rééd. aux éditions Gallimard (Paris), coll. "folio" 2002. /// ARGUMENT : " Julien Gracq est sans conteste au nombre des écrivains que j'admire le plus. Je l'ai découvert au lycée en 1976. Je l'ai lu ensuite et l'admiration s'est installée, inentamable. Je lui ai écrit plus tard et j'ai écrit sur son travail. Ma première visite à Saint-Florent-le-Vieil, sur les bords de la Loire, remonte à février 1992. D'autres l'ont suivie, régulières, ferventes. Un jour — c'était en février 1998 — j'ai éprouvé le besoin de raconter le cours d'une de ces journées désamarrées du flux ordinaire des jours. Comme cela, sans désir d'effraction, loin du prosaïsme du reportage, simplement pour rendre témoignage. C'est le sens de ce récit qui narre quelques heures entre deux trains, au bord du fleuve, un jour d'hiver glacial et lumineux, en compagnie du dernier des très grands, quelques heures magnifiques et aimantées qui restent pour moi comme une leçon de littérature et de vie."
30. Julien Gracq
Ariel Denis
5.00★ (6)

"Julien Gracq. Présentation et anthologie" [essai] par Ariel DENIS, éditions Seghers (Paris), coll. « Poètes d'aujourd'hui », 1979 ; nouvelle édition augmentée, 222 pages, 2003. /// ARGUMENT : "Depuis la première édition de cet ouvrage en 1979, J. Gracq a cessé d'écrire des romans et a cédé la place à l'essayiste, à la fois critique et paysagiste. Cette nouvelle édition met donc l'accent sur la figure de l'essayiste dont la langue reste ancrée dans la poésie la plus haute et tente d'approcher l'ensemble de l'oeuvre sous l'horizon du temps." [©Electre 2022] "Ni poèmes romanesques ni romans poétiques, les textes de Julien Gracq contribuent à déplacer les frontières entre le «roman» et le «poème». Ici, les genres échangent leurs prestiges pour créer un enchantement nouveau : les mythes du récit d'aventures se trouvent placés dans une lumière entièrement différente ; le style purement narratif est évacué au profit d'une prose aussi lente que somptueuse, qui retarde sans cesse l'événement, jusqu'à le dissoudre dans le scintillement d'une langue devenue souveraine : c'est Stevenson et Jules Verne réécrits par Chateaubriand et André Breton. Un quart de siècle après la parution de la monographie qu'il avait consacrée à Julien Gracq dans la collection «Poètes d'aujourd'hui», le romancier Ariel Denis a écrit un nouveau texte, qui complète le précédent en mettant l'accent sur la figure de l'essayiste — dont la langue reste ancrée dans la poésie la plus haute. Familier de Gracq depuis longtemps, Ariel Denis s'exprime avec les mots de l'amitié et tente d'approcher l'oeuvre sous l'horizon du temps."
31. Julien Gracq, la forme d'une vie
Hubert Haddad
5.00★ (11)

"Julien Gracq, la forme d'une vie" [essai biograghique] par Hubert HADDAD, éditions Zulma (Honfleur), 256 pages, 2004. /// ARGUMENT : "L'auteur du "Rivage des Syrtes" n'a jamais cherché ailleurs que dans son art la reconnaissance ou la légitimité. Son pamphlet la Littérature à l'estomac et son refus du prix Goncourt en 1951 en attestent. Après une riche période créatrice — du romantisme douloureux d' "Au château d'Argol" à la réconciliation avec le monde d' "Un balcon en forêt" — Julien Gracq s'engage sur une autre voie. Celle des essais et mémoires littéraires tels que "La Forme d'une ville", "En lisant en écrivant" ou "Carnets du grand chemin"... Pour aborder et déchiffrer cet univers riche et complexe, il fallait un familier des mêmes labyrinthes : un écrivain. Hubert Haddad allie ici l'esprit de méthode à l'instinct du chasseur de sens. Il offre un essai pénétrant et personnel, entièrement revu, corrigé et augmenté, sur l'œuvre romanesque et critique de Gracq, ses rapports avec Breton et le surréalisme, mais aussi la ville de Nantes, les voyages et tous les points forts d'un itinéraire exceptionnel dans la littérature française contemporaine."
32. L'enchanteur réticent : essai sur Julien Gracq
Michel Murat
4.00★ (6)

"L'enchanteur réticent. Essai sur Julien Gracq" [essai] par Michel MURAT, José Corti éditeur (Paris), coll. "LES ESSAIS", 359 pages, 2004. /// ARGUMENT : "Du "Château d'Argol" (1938) aux "Carnets du grand chemin" (1992), l'oeuvre de Julien Gracq déploie devant nous un paysage littéraire qu'il est désormais impossible d'embrasser du regard et de parcourir, tel « un chemin de la vie qui serait aussi un chemin de plaisir. » Gracq est l'enchanteur réticent : le don qu'il nous fait ne peut être séparé d'un retrait. Le livre de Michel Murat respecte ce partage, et réserve la vie privée. Il s'attache à éclairer l'oeuvre, en dégageant ses lignes de force : la fascination des lieux où se joue, entre pressentiment et mémoire, « le litige de l'homme avec le monde » ; le goût du romanesque, doublé d'une réflexion aiguë sur les possibilités actuelles du genre ; le développement progressif de la dimension d'un style qui signe chaque page comme nul ne sait faire aujourd'hui. Ni marginal, ni intempestif, Gracq appartient à notre histoire ; il est de ceux qu'une rupture précoce avec le communisme a laissés comme en déshérence au lendemain de la guerre. Si son oeuvre se construit dans un dialogue tendu avec le surréalisme , elle oppose un refus tranchant à tout « engagement » et tient à distance jusqu'au succès public. L'histoire a voué Gracq à la littérature : il en fait sa vraie morale, et n'a cessé d'avoir souci de sa destination. C'est en cela qu'il a quelque chose à nous dire. On trouvera également ici une présentation critique de tous les livres de Julien Gracq, une chronologie, et une bibliographie sélective. Michel Murat enseigne la littérature française. Spécialiste du surréalisme, il est notamment l'auteur de la première thèse d'Etat sur "Le Rivage des Syrtes", publiée chez José Corti en 1983, et d'un "Art de Rimbaud".
33. Julien Gracq : En extrême attente
Gilles Plazy
3.00★ (4)

"Julien Gracq. En extrême attente" [essai] par Gilles PLAZY, éditions Duguay-Trouin, coll. "La part commune", 2006. /// ARGUMENT : "Quelquefois, nous entendons, familière, la voix d'un écrivain comme s'adressant précisément à nous. Ainsi me fut d'emblée la lecture de Julien Gracq, qui dès lors ne cessa de m'être intime — ardent compagnon d'une jeunesse hantée d'écriture et naturellement plus confiante en l'imaginaire qu'en la raison. Le fil qui, à travers son œuvre, se tend du romantisme au surréalisme me fut au fil des décennies celui d'une bienveillante Ariane auquel je ne manquai pas d'avoir recours. Aussi lui faire l'hommage d'un livre me parut être un juste retour de signe. L'ouvrage ("Voyage en Gracquoland"), qui tentait de le suivre au fil de son œuvre en préférant le résumé au commentaire, disparut vite, avec son éditeur. Le relisant près de vingt ans plus tard, je ne trouvai rien d'essentiel à y changer et je ne le remis sur la table d'écriture que pour l'alléger et le polir. La refonte, toutefois, me parut assez importante pour appeler un nouveau titre."
34. Julien Gracq : La littérature habitable
Bernard Vouilloux
4.00★ (6)

"Julien Gracq. La littérature habitable" de Bernard VOUILLOUX [essai], 146 pages, éditions Hermann, 2007. /// ARGUMENT : "Habiter poétiquement la terre, c'est, comme les livres de Julien Gracq y invitent, se montrer attentif au courant d'échanges qui rattachent l'un à l'autre l'organisme et son habitat ; mieux, si le poète est celui qui fait, c'est réactiver ce courant. Ce qui, pour l'écrivain, se pratique avec les moyens dont il dispose, dans cette activité particulière qui a nom "littérature". Littérature habitable ? Ce serait d'abord une littérature où le lecteur trouve à se loger, un peu comme ces organismes qui colonisent une coque qu'ils n'ont pas formée, mais qui, s'y glissant, s'aperçoivent que, oui, elle leur va comme un gant. Le lecteur peut alors se dire qu'il y a là une forme qu'il pourrait habiter, comme s'il l'avait de lui-même formée."
35. Julien Gracq : 3, rue du Grenier à Sel
Roger Aïm
4.00★ (3)

"Julien Gracq, 3, rue du Grenier à Sel" [essai biographique] par Roger AÏM, éd. Portaparole (Roma), coll. "Petites biographies/ Littérature", 95 pages, 2012. /// ARGUMENT : "Qui est Julien Gracq ? C'est un écrivain, à part, qui a dominé la littérature du XXe siècle. "Plus exacte que Chateaubriand, plus musicale que Stendhal, plus sensuelle que Proust", son écriture visuelle et charnelle enchante. Qu'il s'agisse de romans, de récits, de nouvelles ou d'autres genres littéraires, la précision de son écriture "est toujours possédée de l'intérieur par la poésie". Le romantisme allemand, la littérature fantastique et le surréalisme ont fortement inspiré l'univers Gracquien et fait naître "ce sentiment magique" que nous éprouvons à le lire. Julien Gracq s'inscrit, sans conteste et sans aucun doute, comme le meilleur des paysagistes qui a hissé au sommet de la littérature française l'art d'évoquer les lieux. Cet homme du retrait, secret, éloigné des médias jusqu'à l'oubli n'offrira que de rares conférences et interviews. Le physique mince aux allures d'ascète, il apparaît sévère, même austère, dans sa veste à chevrons gris. Sur les photos auxquelles il a dû se soumettre, l'objectif paraît le saisir à contrecoeur avec souvent une lueur d'ironie à la commissure des lèvres. Ce livre se propose de faire découvrir l'oeuvre et l'itinéraire du "dernier de nos classiques". ///// « Je suis resté longtemps, cette nuit, à ma fenêtre, à regarder la lune mystérieuse monter sur la mer. » [Julien Gracq]
36. Histoire d'un refus
Roger Aïm
"Julien Gracq, prix Goncourt 1951. Histoire d'un refus" [essai] par Roger AÏM, éditions La Simarre (Joué-les-Tours), 76 pages, 2020. /// ARGUMENT : "Écrivain discret, secret, rare, hors mode, Julien Gracq, le dernier de nos classiques, l'ermite de Saint-Florent-le-Vieil, l'homme du tête à tête, qui n'aspirait qu'à un anonymat protecteur, a été malgré lui, ce 3 décembre 1951 à 12 h 26, plongé au coeur d'une folle tempête médiatique en refusant pour son roman, Le Rivage des Syrtes, le plus ancien et le plus recherché des prix littéraires français, le prix Goncourt. Une page étonnante de la vie littéraire française retracée ici en trois tableaux de 1948 à 1951."
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