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EAN : 9782330109448
224 pages
Actes Sud (22/08/2018)
3.7/5   614 notes
Résumé :
Par une soirée d’août, Antonia, flânant sur le port de Calvi après un samedi passé à immortaliser les festivités d’un ma­riage sous l’objectif de son appareil photo, croise un groupe de légionnaires parmi lesquels elle reconnaît Dragan, jadis rencontré pendant la guerre en ex-Yougoslavie. Après des heures d’ardente conversation, la jeune femme, bien qu’épuisée, décide de rejoindre le sud de l’île, où elle réside. Une embardée précipite sa voiture dans un ravin : ell... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (146) Voir plus Ajouter une critique
3,7

sur 614 notes
Le livre s'ouvre avec un premier chapitre sublime, où la pudeur d'un homme refuse de partager son intimité, dans un monde où pudeur et intimité ont quasiment disparu. Un début qui m'a émue, et m'a donnée plein d'espoirs pour la suite, n'étant pas un fan de Ferrari.
Antonia, jeune femme corse, est photographe. Elle n'a que trente-huit ans quand elle disparaît au détour d'un virage, suite à une nuit blanche. Une mort prématurée qui “constitue toujours, et d'autant plus qu'elle est soudaine, un scandale aux redoutables pouvoirs de séduction.”
Le temps de ses funérailles, Ferrari remonte le temps, à travers des épisodes de la vie de la jeune femme, se servant de sa relation à la photo, pour en faire une profonde méditation sur l'image.

Il part du lien intime qui unit dès l'origine la photographie à la mort......

Des actes brutalement arrachés à la sphère de l'intime pour être exposés en pleine lumière,
Où commence le viol de la sphère intime, l'indécence, l'obscénité ?
“des photos des cadavres, des porcs, des traînées de sang dans la neige.......ils aiment ça, ils adorent ça, tous, et moi aussi.”

Un témoignage nécessaire pour lutter contre « le silence et l'oubli »?....
“Il est encore là quand on vient décrocher les corps pour les entasser sur une charrette, il prend des photos qui ressemblent à des tableaux religieux, des pietà, des descentes de croix.... ”,

L'incarnation de la mort en personne, suspendant le temps,
“Sur les photographies, les vivants mêmes sont transformés en cadavres parce qu'à chaque fois que se déclenche l'obturateur, la mort est déjà passée.”,

L'occasion pour conserver les souvenirs de notre passé, en bien et en mal ,
“....curieusement, les hommes aiment à conserver le souvenir émouvant de leurs crimes, comme de leurs noces, de la naissance de leurs enfants ou de tout autre moment notable de leur vie, avec la même innocence. L'idée qu'ils portent ainsi contre eux-mêmes le plus accablant des témoignages, ne les effleure apparemment pas “,

La mesure de sa puissance bien au-delà de l'Art,
“À Corfou, à la fin du mois de décembre 1915......... il n'a pas seulement pris la photo d'un soldat famélique à l'agonie mais qu'il a capté une fois pour toutes, en une seule image saisissante, le visage du siècle.”,

Pour en arriver, “à Son image “, l'impossible représentation de l'idée de Dieu,....

La mort, la photo, la Corse, le FLNC, et la religion chrétienne sont les ingrédients de ce court roman, qui soulignent l'absurdité de la Vie. Traversant à vol d'oiseau l'histoire du XX iéme siècle, la photo, fil rouge du récit, valide « une mise en scène qui n'a rien à voir avec la réalité mais n'existe que dans l'attente de sa transformation en images. ». Elle souffre « toujours d'un excès ou d'un déficit de signification. »
Les livres de Ferrari m'attirent, par leur sujet et par leur côté qui me défie par les réflexions qu'ils suscitent. Là je suis comblée, et remercie Merik , dont le billet m'a poussée à renouer avec Ferrari, dont je n'avais pas eu l'envie de lire les deux avant-derniers livres.

“.....car Dieu a fait l'homme à Son image......les images sont une porte ouverte sur l'éternité. Mais la photographie ne dit rien de l'éternité, elle se complaît dans l'éphémère, atteste de l'irréversible et renvoie tout au néant.”
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Original dans son approche de la littérature, captivant par son style et les idées qu'il déploie, Jérôme Ferrari a décidément une source d'inspiration très religieuse… Après le Sermon sur la chute de Rome qui lui avait valu le Prix Goncourt en 2012 puis deux autres romans que je n'ai pas lus, hélas, il nous entraîne dans une messe de funérailles peu ordinaire dans cette Corse qu'il connaît si bien et où il situait aussi le Sermon sur la chute de Rome.

À son image, comme le titre le laisse deviner, traite de la photographie, de son pouvoir et du métier de ceux qui gagnent leur vie en fixant sur pellicule, comme autrefois, ou dans une carte-mémoire aujourd'hui, des instantanés de vie ou de mort…
Antonia, héroïne du roman, a pu se consacrer à sa passion de la photographie et gagner un peu sa vie en travaillant pour un quotidien régional mais ne fait plus que des photos de mariage après une expérience traumatisante en ex-Yougoslavie.
L'auteur ne ménage aucun suspense, nous plongeant d'emblée dans le drame de la mort brutale d'Antonia, sur la route du retour chez elle : « La mort prématurée constitue toujours, et d'autant plus qu'elle est soudaine, un scandale aux redoutables pouvoirs de séduction. »
Intervient alors le personnage le plus important du roman : son parrain, un oncle du côté maternel devenu prêtre et à qui revient la redoutable charge de célébrer la messe servant de trame au récit de la vie d'Antonia.
Pas forcément en ordre chronologique, les souvenirs d'une vie brève mais intense remontent. Cela n'empêche pas les digressions, les références à des photos des guerres coloniales, le pouvoir de la presse mais c'est la Corse qui tient la vedette malgré l'épisode de la guerre civile entre Serbes et Croates.
C'est la période où les morts violentes se succèdent sur l'île de Beauté, des jeunes fauchés par un clan rival à cause de dissensions, de scissions, de différents que plus personne ne comprend. Antonia assiste à tout cela et constate comment son collègue plus expérimenté traite le crime : « Sa longue carrière dans la presse régionale lui ayant permis de développer des talents sans aucun doute innés, le journaliste cultivait désormais l'art de parler pour ne rien dire avec une virtuosité qui touchait au génie. Il combinait magistralement lieux communs, clichés, expressions toutes faites et considérations édifiantes de façon à produire sans coup férir et sur n'importe quel sujet des textes rigoureusement vides. »

Ainsi, dans À son image, Jérôme Ferrari explore tout un monde. D'abord celui de la photographie, celui des correspondants de guerre mais surtout le drame de cette jeunesse corse emportée par le mirage nationaliste. Les visages masqués, les armes en évidence mais surtout les règlements de compte sans fin, abrégeant de vies à peine entamées, d'une jeunesse brisée dans son élan ; morts voulues, programmées, alors que celle d'Antonia reste tellement injuste et révoltante.
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Antonia ne croyait pas en Dieu, mais son oncle, qui lui avait offert son premier appareil photo, en célébrant la messe des morts peut pleurer et espérer qu'elle est auprès du Seigneur. A la lumière de photographies, associées à chaque moment de la liturgie de la messe de requiem pour la jeune photographe corse morte accidentellement, se dévoile « ...le lien intime unissant la photographie à la mort ». Un sujet dont Antonia est souvent le lien charnel.

En 1983, Antonia photographie les flammes qui menacent de ravager le village de ses parents et la peur des habitants. Bien avant en 1911, pour un journal Italien Gaston C. photographie à Tripoli des corps suppliciés et des pendaisons qui l'impressionnent mais lui font sentir à quel point il est vivant. A la même époque dans Les Balkans, Rista M. photographie la guerre et les supplices. Quand Antonia est devenue photographe professionnelle, en 1984, réduite à photographier des joueurs de pétanque, elle fait pour elle des photos des morts de la lutte armée des indépendantistes corses. Des jeunes gens à qui elle trouve un manque de crédibilité, bien que proches d'eux et maîtresse d'un des leurs. Et puis comme « Il est des appels auxquels on ne peut que répondre » Antonia part, contre l'avis de sa famille, photographier la guerre en Yougoslavie. Elle ne développera jamais les photos : impossibles à regarder.


Ces épisodes présentés sans chronologie, qui ont pour point commun la photographie et la mort, sont autant de prétextes pour une réflexion sur la foi, sur le nationalisme corse, sur le rôle de la photographie dans les guerres. Avec ce livre remarquable tant dans la forme que dans le fond, une manière pour Jérôme Ferrari de nous pousser à réfléchir sur l'image du réel à laquelle on s'attache, en réalité un instantané déjà dépassé au moment où il est fixé : ... « Sur les photographies, les vivants mêmes sont transformés en cadavres parce qu'à chaque fois que se déclenche l'obturateur, la mort est déjà passée. » Une image de la mort, quand il s'agit des guerres, souvent manipulée, tout aussi incapable de dire leur atroce réalité, de nous faire réfléchir pour qu'elles cessent : « la photographie ne dit rien de l'éternité, elle se complaît dans l'éphémère, atteste de l'irréversible et renvoie tout au néant. »
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« À son image » renvoie celle d'un monde désespérément noir et plombé, porté par la beauté d'une plume majestueuse, adepte de longues phrases comme des salves de mots incessantes.
L'on y entre sur les pas d'Antonia la photographe corse qui sort d'un reportage de mariage pour n'en plus revenir, un banal et stupide accident de voiture et de falaise au bout d'une nuit blanche. C'est son oncle et parrain qui officiera la messe de son enterrement, point d'ancrage final du récit dans une narration qui semble débridée mais ne perd pas le lecteur, à base de retours en flash-back (et d'avancées en contre flash-back). Un parrain devenu prêtre sur le tard, très proche d'Antonia au cours de sa vie, qui a initié sa passion pour la photographie en lui offrant son premier appareil pour ses 14 ans. Jeune adulte elle sera photographe insatisfaite d'être cantonnée à un rôle d'observatrice du quotidien corse, amoureuse insatisfaite de voir son double dans ce nationaliste corse manquant d'envergure en dehors de leur village natal. Elle rêvera d'aller voir ailleurs, de liberté, de Yougoslavie.
Les éléments se mettent en place naturellement dans un puzzle où se mêle tout à la fois photographie de guerre et de quotidien, guerre de scission entre nationalistes corses du FLNC, mais aussi guerre en Yougoslavie, ou religion.

« À son image » semble questionner la photographie dans son rapport à la vie et à la mort : «Sur les photographies, les vivants mêmes sont transformés en cadavres parce qu'à chaque fois que se déclenche l'obturateur, la mort est déjà passée.». Les bios de deux photographes méconnus du début du siècle dernier (Gaston Chéreau et Rista Marjanovic) - « ou plutôt leur contreparties fictives », surgissent dans la narration et élargissent le propos à l'image de guerre : « Car en 1969, il ne peut plus ignorer que ce jour-là, sous la tente d'un hôpital de campagne, au bord du cimetière bleu de la Méditerranée, il n'a pas seulement pris la photo d'un soldat famélique à l'agonie (en 1915) mais qu'il a capté une fois pour toutes, en une seule image saisissante, le visage du siècle. ». Une vision générale sur le monde et ses guerres (et en filigrane l'impact de l'image de guerre), qui m'a semblé pessimiste, limite aquoiboniste. On pourrait y objecter que selon certains (dont Harrari), il y a tout de même de moins en moins de guerres dans le monde.

« Le parrain d'Antonia faisait le tour du cercueil, l'encensoir à la main, en pensant que jamais plus il ne voulait porter en terre quelqu'un qu'il avait connu enfant. S'il restait ici, il lui faudrait pourtant le faire à nouveau. Car rien ne changeait, rien ne cessait, rien ne commençait.»
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L'histoire se passe en Corse où l'on assiste à l'office funèbre d'Antonia. C'est son oncle et parrain, devenu prêtre, qui le célèbre. Antonia s'est tuée dans un accident de voiture, elle qui aimait avant tout la photographie.
Dans ce roman, Jérôme Ferrari nous parle de ce beau lieu qui unit Antonia avec son parrain mais il nous parle avant tout de l'usage de la photographie et de la mort. Il évoque aussi le nationalisme corse et la violence des guerres modernes.
À son image est un livre bouleversant, d'une très grande profondeur de réflexion sur la guerre. L'écriture de ce roman court et riche sur fond de sacré est belle et élégante.
Le récit s'articule autour de douze chapitres qui marquent la cérémonie religieuse. C'est le côté mystique et religieux sur lequel s'appuie tout le roman qui est, en fait, un huis-clos dans l'église corse où est célébrée cette messe des morts en l'honneur d'Antonia, que je n'ai pas vraiment apprécié.

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critiques presse (10)
LeFigaro
07 septembre 2018
Rythmé par la liturgie catholique des obsèques, le nouveau roman de Jérôme Ferrari mêle le destin d'une femme libre, une ­chronique de la Corse et l'intemporel des ­paroles sacrées.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Bibliobs
05 septembre 2018
En racontant les funérailles d'une jeune femme, le Goncourt 2012 signe un beau roman sur la Corse, la photo et la violence.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LaCroix
31 août 2018
À travers l’histoire d’une photographe corse, Jérôme Ferrari dresse un tableau aigu de l’obscénité des guerres fratricides devant l’Éternel.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeDevoir
29 août 2018
Le nouveau roman de Jérôme Ferrari, À son image, plonge le lecteur dans l’ambiguïté de la photographie, le confrontant à l’arme à deux tranchants des images, qui, tout en conscientisant le public, risquent aussi, à la longue, de l’immuniser contre la laideur du monde.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Actualitte
27 août 2018
A son image est aussi sombre que riche. Pas de faux-semblant. Pas de flagorneries. La complaisance est exclue. Ne pas s'attendre à flâner rêveusement dans les tendres villages corses.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Bibliobs
24 août 2018
Le Goncourt 2012 crée le personnage troublant d'une femme happée par la passion de l'image. La photo, à la source de son émancipation (de sa famille, de son île corse, d'un amant nationaliste), va l'entraîner vers la guerre en Yougoslavie. Lumineux et crépusculaire.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Telerama
24 août 2018
Photographe, Antonia immortalisait le monde, tragique ou heureux. Après sa mort, les siens sont démunis. Une fiction mystique et politique.
Lire la critique sur le site : Telerama
LeMonde
23 août 2018
Avec « A son image », l’histoire d’une photoreporter corse, le Prix Goncourt 2012 porte un regard tendre et sardonique sur la faiblesse humaine. Somptueux.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Lexpress
22 août 2018
Jérôme Ferrari happe au plus près des branle-bas émotionnels le basculement des êtres, quand les certitudes s'effondrent et qu'apparaît une vérité longtemps guettée. Chaque révélation en appelle une autre et d'autres encore, dans un bouillonnement envoûtant.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Culturebox
22 août 2018
"A son image" (Actes Sud) est une oraison funèbre à la mémoire d'Antonia, ancienne photographe de guerre morte à 38 ans sur une route corse. Un des grands livres de cette rentrée, qui s'interroge, avec virtuosité, sur l'impuissance des images à changer nos vies.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (146) Voir plus Ajouter une citation
" Quel rapport entretenez-vous avec la religion ?

-J.F. Je n'ai pas du tout aimé le catéchisme, je trouvais ça niais. (...) En revanche, j'ai toujours apprécié le rituel- j'ai dû être enfant de choeur au village deux ou trois fois-et j'adorais sonner les cloches ! J'ai découvert les textes en latin-qui, eux, ne sont pas du tout niais- par le chant corse.
Ils sont sublimes. Je dois dire que s'il y a bien une chose magnifique en Corse, ce sont les différentes messes chantées en polyphonie. Même si, pour moi, ça ne s'accompagne pas de la foi, elles provoquent quelque chose de très profond.

- A Son image met en scène une messe de funérailles. Que représente pour vous le rituel de la messe ?

-J.F. En Corse, il s'agit encore d'une affaire sociale. Tout le monde se retrouve dans un événement qui dépasse le cercle familial. Dans les moments de deuil, la société nous rappelle que la cérémonie n'est pas réservée aux proches. En même temps, c'est l'aspect le plus rituel et
collectif des chants qui dit le mieux la peine personnelle. " (p. 43)

Interview de Jérôme Ferrari par Baptiste Liger [ cf. Lire- n° 468- septembre 2018]
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Dans la prière que le Christ lui-même a enseignée aux apôtres, il est dit « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». La phrase grecque originale que conserve le texte de la liturgie en latin, devrait pourtant être traduite ainsi : « Remets-nous nos dettes comme nous les remettons aussi à nos débiteurs ». Cette distorsion flagrante s’explique peut-être par la répugnance que nous inspire l’image d’un Dieu se livrant à de sordides calculs de comptabilité. C’est au fond sans importance. Car les hommes qui récitent cette prière traitent les offenses comme les dettes : ils ne remettent pas plus les unes qu’ils ne pardonnent les autres. Au moment où Antonia discutait avec Pascal, les deux camps du mouvement nationaliste inscrivaient scrupuleusement dans leurs livres de compte chaque offense, chaque manquement, chaque parole insultante, chaque menace qui tous attendaient d’être remboursés plus tard, avec les intérêts afférents, en monnaie de sang.
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Elle lui parle des photos qu'elle a prises. Du choc qu'elles vont certainement provoquer si elles sont publiées. Il essaye de la détromper gentiment. Aucune photo, aucun article n'a jusqu'ici provoqué aucun choc si ce n'est peut-être le choc inutile et éphémère de l'horreur ou de la compassion. Les gens ne veulent pas voir ça et s'ils le voient, ils préfèrent l'oublier. Ce n'est pas qu'ils soient méchants, égoïstes ou indifférents. Pas seulement, du moins. Mais c'est impossible de regarder ces choses en sachant qu'on ne peut strictement rien y changer. On n'a pas le droit d'attendre ça d'eux. La seule chose qui est en leur pouvoir, c'est détourner le regard. Ils s'indignent. Et puis ils détournent le regard.
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Interview avec Baptiste Liger - Lire n°468- septembre 2018

Enfin , le café est un lieu très récurrent dans votre oeuvre. Pourquoi ?

J.F. Je vais vous étonner : j'adore les bars ! En Corse, ils rassemblent les habitants. A cause de la particularité sociale liée à l'île, on se retrouve dans un endroit minuscule dans lequel non seulement tous les villageois sont réunis, mais aussi les touristes. On découvre alors une variété sociologique que, personnellement, je n'ai jamais vue ailleurs. Un berger peut boire avec un mec qui sort de taule et un agrégé de lettres classiques. Leur point commun est qu'ils vivent tous dans le même patelin. (...) Une unité de lieu formant un concentré de la société, qui est tout à fait réel. Difficile de rêver mieux pour un écrivain. (p. 45)
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Elle persistait à guetter l'apparition de ces photos qui ne devraient pas exister mais dont elle ne pouvait pas détourner le regard. En cette même année, un photographe sud-africain, Kevin C., remporta le prix Pulitzer pour l'une d'entre elles. On y voit un enfant, le ventre gonflé et les membres squelettiques, prostré sur le sol et, posé derrière lui, un vautour qui le fixe de ses yeux vides. Très rapidement, apparurent des photomontages sur lesquels la tête de Kevin C. remplace celle du vautour. De bonnes âmes indignées lui reprochaient d'avoir actionné le déclencheur au lieu de secourir l'enfant. Que la photo soit obscène, c'était indiscutable pour Antonia, comme ce devait être également indiscutable pour Kevin C. lui-même et c'était sans doute la raison pour laquelle il l'avait prise, afin que nul ne puisse prétendre ignorer l'obscénité du monde dans lequel il consentait à vivre. Kevin C., quant à lui, n'y consentit pas bien longtemps. Peut-être ne supportait-il plus d'avoir dû regarder si souvent la Méduse en face.
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Videos de Jérôme Ferrari (45) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jérôme Ferrari
Jérôme Ferrari, prix Goncourt 2012, est à l'honneur de cette nouvelle séance du cycle « En lisant, en écrivant ».
Qui est Jérôme Ferrari ? Professeur de philosophie, Jérôme Ferrari obtient en 2012 le prix Goncourt pour le Sermon sur la chute de Rome, saga familiale inspirée par une phrase de saint Augustin : « le monde est comme l'homme, il naît, il grandit, il meurt.» Son dernier roman, À son image (2018), se penche, à travers l'histoire d'une photographe de guerre, sur le pouvoir évocateur – mais aussi l'impuissance – de la photographie.
En savoir plus sur les Masterclasses – En lisant, en écrivant : https://www.bnf.fr/fr/master-classes-litteraires
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