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EAN : 9782021182637
282 pages
Seuil (08/01/2015)
3.89/5   23 notes
Résumé :
"Nous savions. Le monde en avait entendu parler. Mais jusqu'à présent aucun d'entre nous n'avait vu. C'est comme si nous avions enfin pénétré à l'intérieur même des replis de ce coeur maléfique." Buchenwald, Dachau, Bergen-Belsen...
La découverte des camps de concentration nazis par les Alliés en avril et mai 1945 se fit au hasard de la progression des troupes. Libérer les déportés n'était pas un but de guerre et rien ou presque n'avait été prévu pour eux. D... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
J'ai apprécié le titre - 1945 La découverte -
Un titre sobre , percutant, éloquent :
Couvrir : co ( préfixe augmentatif) et operire : couvrir totalement= cacher. Découvrir c'est voir c'est aussi révéler.

Pour rédiger ce livre, l'historienne Annette Wieviorka s'appuie, notamment, sur le travail de correspondants de guerre mené par l'américain Meyer Levin et un photographe français, travaillant pour l'AFP Eric Schwab, tous les deux de confession juive, qui vont, de février à mai 1945, couvrir la libération des camps allemands : Ohrdruf, Buchenwald, Dachau…
Nous apprenons que la libération de ces camps n'était pas une priorité, ils furent découverts au hasard des opérations militaires et ils ne représentaient pas une cible prioritaire pour aucun des Alliés, la victoire militaire étant l'objectif primordial.
Ils furent ainsi parmi les premiers à pénétrer au coeur de l'enfer. Les écrits de l'un, les photos de l'autre, sont des témoignages irréfutables sur les crimes commis par les nazis dans ces univers concentrationnaires.
Quand les Américains pénétrèrent dans certains camps (Struthof, Lublin-Majdanek, Natzweiler-Struthof ), ils avaient été, en totalité ou pour une grande partie , évacués : Pour les Nazis, les détenus étaient des témoins gênants . En effet, les représentants de huit gouvernements en exil, ainsi que ceux du Comité national français, réunis dès janvier 1942 au Palais St. James, à Londres, avaient affirmé « leur volonté de poursuivre, de rechercher, de juger et de condamner les criminels, sans distinction d'origine, et de veiller à l'exécution des sentences dans le cadre d'une juridiction internationale
Il fallait donc faire disparaitre ces témoins oculaires survivants. Par ailleurs, ces transferts résultaient aussi de l'avancée des alliés et certains nazis souhaitant poursuivre, coûte que coûte la guerre avaient besoin d'esclaves pour poursuivre leurs industries de mort.

Ce récit évoque aussi le sort des prisonniers une fois le camp libéré. Aucun dispositif spécifique n'était prévu pour venir en aide, soigner les malades, les mourants. Il a fallu improviser. de nombreux prisonniers sont restés livrés à eux-mêmes alors qu'ils nécessitaient des soins vitaux d'extrême urgence. Des vies auraient pu être sauvées. Certains (les Français notamment) purent rejoindre leur pays plus ou moins rapidement, d'autres durent séjourner encore longtemps dans des camps de transit, dans des conditions précaires.

La mère d'Eric Schwab avait été déportée, il n'avait aucune nouvelle et ignorait bien sûr si elle était toujours en vie. Il la retrouva dans le camp-ghetto de Theresienstadt.

Quelques pages sont consacrées à « l'après », et notamment à la parution du Journal d'Anne Franck qui créa une controverse houleuse entre Otto Franck, son père rescapé et Meyer Levin.

Un livre remarquable, concis, qui permet de mieux connaitre ce que fut la vie dans ces camps, leur état quand Alliés y pénétrèrent. Un document historique d'une incontestable valeur.
Enfin, les quelques photographies d'Eric Schwab insérées au texte disent, hurlent, l'horreur de « cette découverte »
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Alors que les célébrations du 70e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz s'achèvent, paraît 1945 la découverte d'Annettte Wieviorka.

Il s'agit de raconter, pour l'historienne spécialiste de la Shoah, la découverte des camps de concentration par l'armée américaine, au fil de son avancée en Allemagne, durant le premier trimestre 1945. Elle s'attache pour cela la narration de Meyer Levin, journaliste américain, et le regard d'Eric Schwab, photographe français. Tous deux couvrent les dernières semaines du IIIe reich dans le sillage des unités américaines. Et tous deux sont Juifs.
Et de découvrir, stupéfaits le premier camp d'Ordhruf, puis celui de Buchenwald, puis celui de Dora, Dachau et de Thekla et d'autres... Annette Wieviorka, dans une langue limpide, rend compte de ce double regard, de cette double stupéfaction. On y redécouvre ce que nous hommes du XXIe siècle savons (ou croyons savoir, en fait).
Elle décortique la mise en place de mécanismes de narration initiés par l'armée américaine pour rendre compte de leurs découvertes. Elle explique les automatismes qui se mettent en place, la "monstration de l'horreur". On y découvre l'unité du système concentrationnaire nazie et la singularité de l'histoire de chaque camp.
Meyer Levin cherche à comprendre le sort des Juifs d'Europe pour en faire état à sa communauté outre-atlantique et au monde. Eric, lui, cherche sa mère qui est enfermée dans un de ces camps, sans savoir lequel. Ils les découvrent aux premières heures de leurs libérations, y participent. Annette Wieviorka donne à voir, dans un ouvrage à hauteur d'homme, de la plume et du regard, ce que furent ces libération et découverte.
En les contextualisant à l'aune d'un savoir historique précis, l'historienne nous plonge dans une fin de guerre sidérante et permet d'accéder à la compréhension qu'en ont eu les acteurs, mais aussi leurs limites.
Meyer Levin, par sa quête du destin des Juifs d'Europe sera un des grands promoteurs du journal d'Anne Frank jusqu'à se brouiller avec le père de celle ci. Inlassable avocat de la compréhension de la singularité de la Shoah, il en précède ainsi la reconnaissance de plusieurs dizaines d'années.
J'avais déjà indiqué l'accessibilité de l'écriture d'Annette Wieviorka au sujet de l'ouvrage Auschwitz, la mémoire d'un lieu. La langue est ici encore plus limpide, semblant dérouler un fil quasi-narratif et construisant un ouvrage d'historien débarrassé de toute tentation d'académisme ou d'effet d'accumulation. Il y a une évidence de l'écriture, qui autorise le "je", celui de l'historienne dans son oeuvre, dans son travail avec ses contraintes, ses limites et celui des sources.

Mais cette (re)découverte des camps est aussi la notre. Qu'en savons-nous ? de ces camps ? de ce qui s'y est passé ? Que croyons nous savoir ? L'historienne nous invite à questionner notre propre savoir et mesurer à quel point celui ci est parcellaire, incomplet. Que savons-nous, au-delà des images de bulldozers poussant les corps, image réitérée ad nauseam et saturant l'espace des représentations ? En décortiquant les mécanismes de monstration de l'horreur, la mise en place d'un "tourisme concentrationnaire" dans l'immédiat après ouverture des camps (alors même que certains déportés restent enfermés par les américains dans ces mêmes camps pour des raisons de prophylaxie) et les logiques narratives à l'oeuvre, l'historienne dévoile comment, nous, savons ce que nous croyons savoir.
Au delà du sujet traité, l'historienne pose ainsi implicitement la question du savoir, de la culture historique des citoyens, en dehors du cercle des historiens de métiers.
Par ses choix d'écriture, Annette Wieviorka fait oeuvre de pédagogie au sens le plus noble du terme. L'exigence du propos alliée à la précision de l'écriture fait de 1945 la découverte un grand livre d'histoire.

Un formidable ouvrage.
Lien : http://leslecturesdecyril.bl..
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En 1945, la libération des camps par l'Armée rouge provoqua une onde de choc. L'historienne Annette Wieviorka la fait revivre à travers le périple du reporter américain Meyer Levin, premier à prendre la mesure de l'univers concentrationnaire. À la mémoire des survivants succèdera, des années après, une mémoire de la Shoah.
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critiques presse (2)
LeFigaro
02 février 2015
Parmi les premiers témoins, il y eut deux hommes qui partagent une jeep: un journaliste-écrivain, Meyer Levin, correspondant de deux agences de presse juives auprès de l'armée américaine, à la recherche des «restes d'Israël», et un photographe, Éric Schwab [...]. De Paris jusqu'à Terezin, en passant par Buchenwald, Leipzig, Dachau, l'historienne Annette Wieviorka nous fait suivre avec eux la découverte des camps entre le 5 avril 1945 et la fin du mois de mai 1945.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Liberation
12 janvier 2015
Dans son style habituel, très précis, naturel, sensible, Annette Wieviorka raconte la médiatisation de la découverte du camp d’Ohrdruf et sa disparition quasi immédiate des médias (comme on ne les appelait pas encore).
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Comme le chewing-gum, la jeep est inséparable du Débarquement. Elle est l’un des symboles des libérateurs américains. Dans le cadre de leur préparation à une entrée en guerre contre les puissances de l’axe que l’administration démocrate estimait inévitable, les Etats Unis avaient travaillé à l’élaboration d’un véhicule de reconnaissance léger, donc minimaliste et sans aucun confort, maniable, tout-terrain, qui avait ensuite été produit en série. Ce véhicule vert olive, sans toit, au pare-brise mobile, devait pouvoir transporter trois hommes, donc disposer de trois sièges « baquet » : un pour le chauffeur, deux pour ses passagers. Il doit en principe être conduit par un chauffeur de l’armée et être affecté pour des raisons d’économie à deux hommes.
Page 40
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Pour Meyer Levin, cette expérience
s’intègre à sa « quête personnelle » d’identité. Elle la
dépasse aussi. Ce qui a eu lieu est « source de peur
et de culpabilité pour chaque être humain demeuré
vivant ». Car – il fait le même constat que Robert
Antelme, survivant de Buchenwald, Gandersheim et
Dachau, en employant les mêmes mots – « les hommes
avaient en eux ce qui leur a permis de faire cela, et
nous étions de la même espèce », l’espèce humaine.
Le coeur maléfique, « the vicious heart » : l’expression
a servi de titre au premier ouvrage consacré par un
historien américain à la découverte des camps par ses
compatriotes. Mais nul, sinon Mikael Levin, le fils
de Meyer, n’a compris que celui-ci,
en usant de cette
expression, se référait à un conte hassidique que son
père avait transcrit en 1932. Un vrai coeur humain,
identique à celui qui bat en chacun de nous, est le
sujet de ce « conte étrange, plein de sens caché, qui
nous dit comment le jeune Israël tint entre ses mains
le coeur qui était le noyau des Ténèbres [kernel of
Darkness] ».
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La découverte (du camp) d'Ohrdruf a été l'objet d'une véritable opération de communication, d'une intense médiatisation, pour utiliser des expressions tout à fait anachroniques. Cette opération est fondatrice d'une image unifiée des camps nazis : tous identiques, tous lieux de mort de masse pour l'ensemble des internés, tous lieux de torture où s'exerçaient le sadisme des nazis, ce qui n'est pas faux, bien sûr, mais gomme les différences entre les camps et entre les internés eux-mêmes.
page 88
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Videos de Annette Wieviorka (23) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Annette Wieviorka
A quelques jours de la panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian, "La Grande Librairie" propose une réflexion sur la mémoire. Pourquoi et comment se souvenir ? Deux historiennes, deux témoins et une romancière livrent autant de récits sensibles et nécessaires. Augustin Trapenard accueille ainsi Michelle Perrot pour "S'engager en historienne", publié chez CNRS Editions, Annette Wieviorka pour "Anatomie de l'Affiche rouge", paru au Seuil, Robert Birenbaum pour "16 ans, résistant", édité chez Stock, Marie Vaislic pour "Je ne savais pas que j'étais juive", publié chez Grasset, et Claire Deya pour "Un monde à refaire", paru aux Editions de l'Observatoire.
+ Lire la suite
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