33 leçons de philosophie par et pour les mauvais garçons

Alain Guyard, c'est de la triche, mais je l'ai vu en vrai ;-)) donc la lecture de ce livre ne m'a pas surprise car je le voyais très bien déambuler, les doigts dans la ceinture, le torse bombé, assenant la philo avec la vigueur d'un coup de poing au petit déjeuner.
C'est que ça rigole pas la philo.
Enfin, oui et non. Parce ce qu'avec la langue que Guyard utilise dans ce livre, on s'amuse qd mm pas mal. Guyard c'est du Audiard façon puzzle pour les connaisseurs. Rien que ça, c'est une sacré gageure que d'écrire tout un livre sur les philosophes avec ce genre de verbe. Il faut se laisser porter, construire les images comme elles viennent et se laisser raconter cette nouvelle histoire de la philosophie.
Car le fond de l'histoire de ce livre c'est quoi ? Son propos ? C'est de nous faire comprendre que les philosophes ne sont pas des gens tout propret et bien mis sur eux, que souvent ils naviguent en eaux troubles, voir crapoteuses et que la réflexion , la nécessité de la réflexion ne se fait imperieuse que dans l'urgence et la confrontation à la vie. Donc vous pouvez jeter votre chemise blanche et couper votre mèche de cheveux, ça ne sert à rien et commencer plutôt à essayer de pratiquer les exercices que Guyard nous conseille à la fin de chaque chapitre. Quoique à mon avis, si vous l'avez fait, c'est en taule que vous devez lire ma critique.
Petit clin d'oeil à Guyard, quand j'avait 15 ans, j'écrivais aux taulards. J'avais trouvé des annonces dans le magazine " Antirouille " et c'est à Knolbelspiess que j'ai écrit. Je n'avais aucune idée de qui était cette personne, pour moi c'était juste un taulard. Je l'ai très vite su lorsque la police a débarqué à la maison pour expliquer à mes parents qu'une mineure ne pouvait pas écrire à un taulard. Bizarrement, il avait qd mm eu le temps de m'écrire une lettre, que mes parents ont vite récupéré. Honte sur la famille ;-))

Vivons heureux en attendant la morsure de la vie !
Enervé par la récupération de la philosophie servie à toutes les sauces de la bien-pensance, Alain Guyard se fait « philosophe forain », saltimbanque de la discipline, contorsionniste des concepts. Il rend habitable la philosophie en l'assaisonnant d'argot et de calembours afin de la présenter plus aimablement aux marginaux et autres exclus sociaux, entre autres. Ses « 33 leçons de philosophie » présentent des penseurs classiques incontournables (Socrate, Epicure, Descartes, Spinoza, Platon, Nietzsche, etc.) et d'autres, plus périphériques (Sade, Orwell, Debord, Dubuffet, Cossery, etc.) jusqu'à d'illustres inconnus. Quelques pages de présentation par tête de pipe sont suivies d'exercices d'application.
Le lecteur peut s'énerver du procédé répétitif et de la manière démagogique d'autant que des soubassements culturels sont indispensables pour savoir et apprécier de quoi on cause. Pourtant, en acceptant le parti-pris de l'auteur, on est vite happé par la faconde et enthousiasmé par la visée humaniste. En extirpant la philosophie du gotha, on peut espérer lui insuffler une vitalité neuve, la rendre audible et peut-être l'enrichir mais les systèmes de pensée n'ont jamais su apporter la moindre sagesse aux hommes. Au moins, Alain Guyard y met le ton et ses tripes pour servir un caviar aux laissés-pour-compte du monde marchandisé.

Enfin une philosophie qui rentre dedans ! On est ici loin des discussions pédantes entre pseudos-philosophes surmédiatisés !
Un grand bravo à l'auteur !
Car derrière le style "tonton flingueurs", il y a une vraie remise en cause de la philosophie telle qu'elle est aujourd'hui pratiquée dans les lycées, les cafés philo mondains ou les plateaux de télévision. Contre cette "philosophie spectacle" bien pensante qui ne débat toujours qu'avec courtoisie, Alain Guyard démontre que les vrais philosophes font fi de cette bienséance, que la vraie philosophie est là pour remettre en question, pour soulever les problèmes, pour les mettre à jour, pour en montrer toute la portée. La vrai philosophie dérange, bouleverse et agresse !

Alain Guyard nous présente quelques philosophes de son panthéon personnel (Diogène, Epicure, Maitre Eckhart, Spinoza, Nietzsche, Orwell, Foucault, Cossery ...) avec la gouaille des tonton-flingueurs. Une bonne tranche de rigolade qui réchauffe l'intellect autant qu'un vieux whisky ... ou que le "vitriol" des tontons flingueurs.

Lisez-le bien sûr, et si vous pouvez, allez l'écouter haranguer les foules lors d'apéro-philo rigolos et décapants. Si après cela, vous n'aimez toujours pas la philo, laissez-tomber, ce n'est pas pour vous. Mais c'est dommage, vraiment !

Impossible de résumer ce livre qui revisite l'histoire et les grands noms de la philo, mais voici quelques titres de chapitres, pour vous mettre en appétit :Platon, professeur remplaçant pour tueur en série (ch 14) Spinoza II, le retour . Il revient et nique sa race à Rousseau (ch13), Hegel de bois (ch 18)...