Bloomendaal-am-Zee, une ville nouvelle en bord de mer, à une demi-heure d'Amsterdam. Tout y est neuf, propre, moderne et suinte l'ennui des bourgades sans âme. L'
inspecteur van der Valk, maintenant rattaché à la brigade des mineurs d'Amsterdam, se dit que c'est le décor parfait pour susciter des vocations de voyous chez les jeunes gens gâtés du coin. En effet, il recherche une bande qui s'attaque aux appartements bourgeois de la capitale en les dévastant et se replie sans laisser de traces. L'agressivité du gang semble croître au fil des semaines et leur dernier saccage s'est accompagné d'un viol collectif.
L'inspecteur suit son intuition et se met à enquêter sur la jeunesse dorée de Bloomendaal dont le lieu de rencontre est l'Ange Gabriel, un établissement qui appartient à Jansen, un restaurateur qui a pignon sur rue dans la cité balnéaire. van der Valk ne tarde pas à découvrir qu'un groupe de jeunes s'est constitué en société secrète, choisissant le nom de corbeaux pour les garçons et de chats pour les filles. Jansen met à leur disposition son appartement afin qu'ils puissent se retrouver loin des oreilles et des regards indiscrets.
Nous retrouvons le personnage de van der Valk au meilleur de sa forme : quand il s'adonne à ses réflexions déconcertantes et hétérodoxes sur la société dans laquelle il vit et sur l'utilité de son rôle de policier. C'est un être compliqué, sinon complexe. Il est assez hermétique à la morale d'une société qu'il méprise pour son matérialisme et sa cupidité (la description de Bloomendaal dans les premières pages du roman est un sommet sarcastique). Toutefois, il a une conception assez rigide de l'éthique personnelle : courage physique, opiniâtreté, détermination à mener ses actes jusqu'au bout, telles sont les qualités qui définissent une personne digne de ce nom. Cela n'a rien à voir avec la loi qu'il est chargé de faire respecter, ni même avec l'ordre collectif, mais avec la capacité de l'individu à agir selon ses convictions profondes.
Cette particularité de van der Valk est assez dangereuse pour les témoins ou les suspects qui croisent sa route. Ainsi, il relâche le jeune Kees van Sonneveld pour le confronter à ses atermoiements, ce qui provoque sa mort, il humilie Jansen qu'il trouve lâche et immature, ce qui le pousse au suicide. Quant aux policiers, van der Valk les a en piètre estime, qu'ils portent l'uniforme ou exercent des responsabilités comme Marcousis, le commissaire de Bloomendaal. Autre paradoxe, l'inspecteur imputerait volontiers toute la responsabilité de leurs agissements non pas aux jeunes délinquants, mais à leurs parents trop riches, trop pris par leur carrière. Quand ils commencent à percer les manoeuvres criminelles des chats, il doit quand même admettre que le cynisme ou la corruption des jeunes filles n'est pas à mettre au seul compte des adultes.
van der Valk apparaît aussi comme le plus traditionnel des maris. Il aime la cuisine de sa femme française Arlette et apprécie ses talents de mère comme ses qualités de décoratrice et de gestionnaire des budgets serrés. Ce qui ne l'empêche pas d'admirer Feodora, la prostituée russe, tant il déteste le bourgeois.
le fil de l'intrigue est inégalement tendu. Après un démarrage efficace, l'histoire s'enlise un peu en s'efforçant d'éclairer les motifs des jeunes délinquants. L'ascendant exercé par Jansen sur eux relève un peu du Grand Guignol, mysticisme et révolution ne font pas toujours bon ménage.
La force de
Nicolas Freeling réside dans sa capacité à camper des personnages et à cerner en quelques lignes, au scalpel, leur laideur ou leurs faiblesses. du grand art.