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EAN : 9782020967990
128 pages
Seuil (16/10/2008)
4.75/5   4 notes
Résumé :
Le poète hongrois Attila Jozsef, dans sa brève vie (1905-1937), fut une sorte de comète fulgurante dont on ne cesse de redécouvrir l’œuvre, "entièrement placé sous le signe d'une insurrection contre la laideur du monde".
Ce livre-CD reproduit 22 poèmes choisis et nouvellement traduits par Kristina Rády, interprétés par Denis Lavant et mis en musique par le guitariste Serge Teyssot-Gay (dont on se souvient le travail sur Georges Hyvernaud).
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Attila József, le coeur pur

Le livre-CD “À coeur pur : Poésie Rock” a paru aux éditions du Seuil en 2008. C'est la regrettée Kristina Rády qui fut l'initiatrice de ce formidable projet. Soeur de langue de cet immense poète hongrois méconnu, elle voulut lui faire remonter le Danube jusques en France.

Comme elle le rappelle, « […] le hongrois est, dit-on, la seule langue que même le diable respecte… mais ne parle pas ». Cet ouvrage comporte 22 poèmes retraduits pour l'occasion par Kristina Rády elle-même. La poésie d'Attila József est un coeur battant, un coeur battu. En 1937, alors âgé de 32 ans, le poète s'en alla faire rouler son corps sous le train de la mort. Et ce n'est point ici une creuse métaphore puisqu'il s'allongea littéralement sur des rails devant une de ces machines en partance vers l'au-delà du verbe.

Son compatriote Arthur Koestler, écrira d'ailleurs ces mots quelques jours après le suicide du poète (la citation suivante est extraite de la préface de cet ouvrage) : « […] Attila József fut considéré comme un grand poète dès l'âge de 17 ans, nous savions tous qu'il était un génie et pourtant nous l'avons laissé s'effondrer sous nos yeux… Je parle de cette affaire, car elle est caractéristique de par son acuité. Elle s'est passée dans cette Hongrie “exotique”, au milieu de ce petit peuple qui est le seul à n'avoir aucun parent de langue en Europe et qui se trouve ainsi le plus solitaire sur ce continent. Cette solitude exceptionnelle explique peut-être l'intensité singulière de son existence… et la fréquence avec laquelle ce peuple produit de tels génies sauvages. Pareils à des obus, ils explosent à l'horizon restreint du peuple, et puis on ramasse leurs éclats […] Ses véritables génies […] naissent sourds-muets pour le reste du monde. Voilà pourquoi c'est à peine si j'ose affirmer […] que cet Attila József dont le monde […] ne va pas entendre beaucoup parler […] fut le plus grand poète lyrique d'Europe. C'est un stupide sentiment du devoir qui m'oblige à déclarer cette mienne conviction, bien que cela ne profite à personne. Cela n'arrêtera pas le train non plus. »

Le comédien Denis Lavant incarne la parole toujours vivante de cet homme tourmenté, de ce frère humain qui, du fond de la terre, a tant de choses essentielles à nous clamer. Quant à Serge Teyssot-Gay, sa guitare est une clef de voûte : elle exhausse la voix du poète transvasée dans la bouche habitée du comédien. Et c'est alors qu'il nous semble battre encore à nos oreilles l'incomparable chant de ce « coeur pur ».

© Thibault Marconnet
09/07/2014
Lien : http://le-semaphore.blogspot..
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Éveil

I

Depuis la terre l’aube délie le ciel,
à son appel tendre et pur
les fourmis et les enfants
s’égrènent au monde du jour ;
en l’air : nulle buée,
une brillante légèreté de cil oscille.
Pendant la nuit sur les arbres se sont perchées,
comme des papillons, les feuilles.

II

Dans mes rêves je vis des tableaux
barbouillés de rouge, de jaune et de bleu,
et je sentis que c’était l’ordre –
un grain de poussière volant ne m’étourdit guère.
Dans mes membres à présent mon rêve prend son essor,
comme une obscurité montante, et l’ordre est le monde de fer.
Le jour une lune se lève en moi, et si dehors
C’est la nuit – un soleil brille à l’intérieur.

III

Je suis bien maigre et je ne mange que du pain
parfois, parmi ces esprits loquaces et légers
gracieusement je cherche ce qui serait enfin
plus certain que les dés.
Pas plus de chair tendre à frotter contre
mes dents que d’enfant contre mon cœur –
il peut ruser, le chat n’aura guère
de souris à la fois au-dehors et à l’intérieur.

IV

Tout comme un tas de bois coupé,
le monde gît sens dessus dessous,
serré, pressé et enlacé
l’un est contre l’autre, et, du coup,
tous sont déterminés.
Seul s’épanouit ce qui n’est point,
seul ce qui sera est fleur, mais
ce qui est déjà part en morceaux.

V

À la gare de marchandises
je me blottis au pied d’un arbre,
comme un bout de silence ; une ivraie grise
effleura mes lèvres d’une saveur douceâtre.
Mort, j’épie le gardien, ce qu’il ressent,
et sur les wagons taciturnes
son ombre entêtée qui fond sur le charbon luisant,
frais de rosée.

VI

Voici la souffrance au-dedans,
mais son sens reste dehors.
Ta plaie, le monde – toujours plus ardent,
et tu ressens ton âme, fièvre d’éclore.
Captif tu demeures, tant que ton cœur se soulève –
et tu ne saurais t’affranchir que si, pour ton confort,
tu ne t’élèves de maison, de château fort,
dont le maître se mue en propriétaire.

VII

Du fond du soir, j’ai levé les yeux
vers le rouet denté des cieux –
de fils de hasard spéculaire
le passé tissa la loi séculaire ;
du fond des brumes de mes rêves épars,
et j’ai vu que la texture de la loi
se déchire toujours quelque part.

VIII

Le silence dressa l’oreille – il sonna un coup.
Tu pourrais revoir ta jeunesse ;
au milieu d’humides murs cimentés
tu peux t’imaginer un brin de liberté –
pensai-je. Et voilà qu’au moment de me lever,
les astres, les Chariots nocturnes
brillent comme autant de barreaux serrés
sur la cellule taciturne.

IX

J’entendis le fer pleurer,
j’entendis rire la pluie.
J’ai vu se fendre le passé,
tous les faux-semblants qu’on oublie,
et je ne puis jamais qu’aimer,
ployé sous mes fardeaux en souffrance –
à quoi bon fondre une arme mordorée,
avec toi, or pur de la conscience !

X

Est un homme celui qui
en son cœur n’a ni mère, ni père,
et sait qu’il n’a la vie
qu’en plus de la mort,
et la rend comme un objet trouvé
n’importe quand – pour cela il la garde bien ;
qui n’est ni un dieu, ni un prêtre
ni pour lui-même, ni pour son prochain.

XI

Moi, j’ai vu le bonheur,
il fut tendre, blond et de trois centaines de livres.
Sur la pelouse sévère de la cour
se dandinait, frisé, son sourire.
Il se vautra dans une douce flaque tiède d’émoi,
papillota et grogna encore vers moi –
je vois encore comment la lumière tâtonna
dans son duvet, en hésitant.

XII

J’habite près du chemin de fer. Par ici
bien des trains vont et viennent, et de temps à autre
je regarde les vitres illuminées
fuir dans l’obscurité ouatée.
Ainsi les jours lumineux s’enchevêtrent
et filent dans la nuit à jamais.
Je suis là dans chaque lueur de fenêtre,
je m’y accoude et je me tais.

(p. 41-46)

https://youtu.be/30eOHcC4oqA
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Auprès du Danube

I

Assis sur le quai de pierre au bout du port,
je regardais une écorce de pastèque flotter.
À peine entendis-je, plongé en mon sort :
la surface en murmure, mais le fond si muet.
Comme à travers mon cœur se frayant un passage
le Danube s’avançait trouble, immense et sage.

Semblable aux muscles lourds de l’homme à l’œuvre,
soit qu’il frappe, ou qu’il creuse ou pose du ciment,
chaque remous des flots, la moindre des manœuvres
éclatait, se tendait, se détendait en mouvement.
L’eau me berçait comme ma mère me murmurant des contes
tout en lavant le linge, le linge de tout le monde.

Il se mit à tomber quelques gouttes de pluie,
mais comme si ce n’était rien, la pluie cessa soudain.
Pourtant, tel celui qui du fond d’une grotte épie
la longue averse – je scrutais les confins :
comme la pluie éternelle, il tombait fade et gris
ce qui pourtant fut diapré, le passé, le jadis.

Le Danube coulait simplement.
Enfant au sein de la mère féconde
dont la pensée divaguerait un instant,
jouaient et folâtraient, me souriant, les ondes.
Au fil du temps elles allaient frémissant,
telles des cimetières aux tombeaux chancelants.

II

Ainsi je suis ainsi fait que je regarde depuis des millénaires
ce dont tout à coup je m’aperçois.
Un instant, et le temps retrouve sa forme plénière
que des milliers d’ancêtres contemplent avec moi.

Je vois ce qu’ils n’ont guère vu, quand ils labouraient la terre,
s’entretuaient et s’enlaçaient, faisaient ce qu’il fallait.
Ils voient, eux, plongés dans la matière,
ce que je ne vois point, s’il faut avouer ce qui est.
Nous nous connaissons comme plaisir et peine.
J’ai le passé et eux détiennent le présent.
Ensemble, nous tenons la plume du poème,
alors je les ressens, alors je me souviens.

III

Ma mère fut cumane, mon père sicule à moitié,
ou Roumain tout à fait, peut-être, qui sait.
Pris de la bouche de ma mère, doux fut le manger,
de la bouche de mon père, beau fut le vrai.
Lorsque je m’émeus, ils s’étreignent en moi.
Je m’en attriste parfois –
c’est le dépérissement – ce dont je me compose. « Tu verras,
m’interpellent-ils, quand nous ne serons plus là !... »

Ils m’interpellent, car à travers, je les suis déjà, ces ombres,
ainsi dans ma faiblesse, je tiens ma force d’eux,
moi qui me souviens être davantage que le grand nombre,
étant jusqu’à la cellule primitive tous mes aïeux, –
je suis l’Aïeul même, qui se partage pour se multiplier d’amour :
bienheureux, je deviens mon père et ma mère aimés,
et mes parents se scindent eux-mêmes, à leur tour,
afin que je puisse me reproduire en Un Seul Animé !

Je suis le monde – tout ce qui fut, ce qui est là :
les nombreux lignages qui s’affrontent.
Les conquérants du pays natal, morts, triomphent en moi
et la peine des vaincus me tourmente.
Árpád et Zalán, Werbőczi et Dózsa –
Turc, Tartare, Slovaque et Roumain tournoient
en ce cœur, qui doit à ce passé déjà
un avenir aimable – Magyars d’à présent !

... Moi, je veux me mettre à l’œuvre. Cela devrait suffire
pour tout combat qu’il faille avouer le passé.
Du Danube, tout entier, passé, présent et avenir,
les tendres flots viennent à s’enlacer.
Malgré le combat que se livrèrent nos anciens,
avec le souvenir, la paix saura les rejoindre.
Arranger enfin notre affaire en commun,
c’est notre tâche, et non la moindre.

(p. 35-38)

https://youtu.be/OCqRRqWYGeQ
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Complainte tardive

D'une fièvre de trente-six degrés, toujours, je brûle,
sans tes doux soins, ma mère.
La mort t'a étendue contre son ventre,
comme les filles que l'on hèle, lestes et légères.
D'un tendre automne et bien des femmes aimées,
je tente, ma mère, de te recomposer ;
mais en vain, on n'échappe pas au temps écoulé,
le feu finit par nous consumer.

En dernier lieu, je partis en province,
la guerre touchait à sa fin,
Budapest était en peine, sens dessus dessous,
les magasins béaient, sans pain.
Sur le toit du train, à plat ventre couché
je t'apportais des patates et du millet
têtu que j'étais, un poulet entier j'ai trouvé,
et tu n'étais plus nulle part, éternité.

Tu m'as pris et jeté aux vers
tes doux seins et toi-même, ma mère !
Tu consolais ton fils, le reprenais,
mais ta charmante parole fut perfide et mensongère.
Tu soufflais sur ma soupe et la remuais,
disant : Mange, tu grandiras pour moi, mon ange !
À présent tes lèvres vides goûtent à la grasse moiteur livide –
tu m'as donné le change.

J'aurais dû te manger, toi !... Tu m'apportais
ton repas – l'avais-je demandé, moi ?
Pourquoi courber le dos au lessivage ?
Pour l'aplatir au fond d'un coffre d'épave ?
Ah, si tu pouvais me fesser encore une fois,
je rétorquerais, pris d'un bonheur fou :
Bonne à rien ! Tu t'empresses à n'exister pas,
ombre, tu gâches le tout !

Tu es plus friponne que toute ces femmes
qui nous trompent et mènent par le bout du nez !
En douce, tu as vidé tes amours
de ta foi vivante, à force de douleur enfantée.
Tsigane ! Vaurienne ! Tous tes dons,
à l'heure funéraire, tu les retires, revoles !
L'enfant a envie de te couvrir de colère –
l'entends-tu, mère ? Fais-moi donc taire !

Petit à petit mon fol esprit s'éclaire,
le mythe s'efface, le charme se brise.
L'enfant cramponné à l'amour de sa mère
a saisi enfin sa sottise.
Enfanté d’une mère, on finit tous par s'abuser,
même en leurrant les autres on se leurre :
qu'on choisisse de lutter ou d'aller en paix
à la fin, tout de même, on en meurt.

(p. 55-57)

https://youtu.be/CfN1fLBUsNQ
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Ça fait mal

Au dehors et au dedans,
guetté à mort, en fuyant
(tel le souriceau effaré dans son trou)

Tant que dure ton ardeur,
la femme te donne sa chaleur,
ses bras, ses genoux, ses seins te protègent

Ce n’est pas que le plaisir
et ce n’est pas que le désir,
mais aussi le besoin d’amour –

Et voilà pourquoi tous étreignent
tous embrassent la femme qu’ils aiment,
jusqu’à ce que bouche ne flétrisse.

Qu’il faille aimer,
double fardeau, double trésor en peine.
Qui aime et cherche en vain son pareil

Est aussi dépaysé,
tout aussi désemparé,
que le fauve faisant ses besoins.
Nul autre abri,
tu as beau pointer, ahuri,
ton couteau vers ta mère, héros !

Et, vois-tu, il y avait
une femme pour comprendre ces mots,
et qui pourtant m’a repoussé sitôt.

Je n’ai point de place ainsi
parmi les vivants. Ma tête bourdonne,
agitant tous mes soucis et mes tourments ;

Comme le hochet qui, souvent,
grelotte aux mains de l’enfant,
laissé tout seul.

Que devrait-on faire
pour elle ou au contraire ?
Je n’ai guère de peine à le deviner,
Et puisque le monde éconduit
celui qu’un songe étonne
et que le soleil étourdit.

La culture
je m’en déshabille
comme un couple de ses parures

Mais où se trouve écrit qu’elle regarde encore
comment me malmène la mort,
et que je doive toujours seul en souffrir ?

L’enfant farouche
le souffre aussi, lorsque la femme est en couches.
L’humilité doublée calme la double peine.

Mais pour moi ce pénible chant
je le tends contre de l’argent
et la honte m’escorte.

Aidez-moi !
Vous, les gamins, que vos yeux cèdent
en éclatant là où elle passe.

Innocents,
que sous les bottes s’écrie votre sang
clamez-lui : Ça fait mal.

Vous, chiens fidèles,
échouez sous les roues
glapissez-lui : Ça fait mal.

Femmes, qui portez
votre enfant, avortez
et pleurez-le : Ça fait mal.

Hommes valides,
trébuchez, écrasez-vous dans le vide
et bafouillez-lui : Ça fait mal.

Vous, les hommes,
en vous déchirant pour une femme,
ne le taisez pas : Ça fait mal.

Chevaux et taureaux,
quand pour traîner jougs et fardeaux,
on vous châtre, sanglotez-lui : Ça fait mal.

Poissons taciturnes et tenaces,
happez l’hameçon sous la glace
et bâillez sur lui : Ça fait mal.

Les vivants, tout
ce qui frémit de peine, partout,
que brûle votre demeure, jardin, contrée animale –

Et tout autour de son lit,
si, consumée, elle s’assoupit,
vagissez avec moi : Ça fait mal.

Qu’elle l’entende à vie, à jamais.
Elle se refusa dans ce qu’elle valait.
retirant pour son bon plaisir intime

Au vivant qui fuyait
par dehors par dedans
son refuge ultime.

(p. 99-103)

https://youtu.be/dZh7H2Ar9Oc
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Maman

Maman depuis huit jours déjà
m’arrête en songe à chaque pas.
Je vois le linge et le panier
montant, grinçant vers le grenier.

J’étais un être fruste encor
et piaffant dur et criant fort.
J’emplissais de moi ses oreilles :
« Moi, je veux être la corbeille ! »

Mais que je pleure ou que je crie,
mot, ni regard, ni gronderie :
la corbeille et le linge ailé,
luisants, sans moi, s’en sont allés.

Je me tairai : il est trop tard.
gigantesque dans mon regard,
cheveux gris en haut du ciel pur,
elle met au bleu tout l’azur.

(p. 61-62)

https://youtu.be/X7qt3BMX-vk
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Vidéo de Attila Jozsef
Sans espoir
Lentement, pensivement
Enfin l’homme arrive au plateau et consent à ce paysage de tristesse, de sable et d’eau. Sans espoir est sa tête sage.
À mon tour, je veux, m’allégeant, tout regarder avec franchise, l’éclair de la hache d’argent dans le fin peuplier se brise.
Dessus la branche du néant, mon cœur grêle tremble en silence, et les doux astres le voyant, les doux astres vers lui s’avancent.
Dans le ciel couleur de fer
Froid et laqué, un moteur vrille dans le ciel gris couleur de fer. Entre mes dents les mots scintillent. constellations, silence clair !
Comme une pierre dans le vide le passé tombe en moi. Et bleu, le temps s’enfuit muet, liquide. Un glaive brille : mes cheveux.
Une chenille est ma moustache sur ma bouche elle va rampant. Mon cœur est dur, les mots se glacent mais à qui confier mon tourment ?
http://le-semaphore.blogspot.fr/2014/...
Attila József, le cœur pur
Le livre-CD Attila József / À cœur pur est paru aux Éditions du Seuil en 2008. C'est la regrettée Kristina Rády qui fut l'initiatrice de ce formidable projet. Sœur de langue de cet immense poète hongrois méconnu, elle voulut lui faire remonter le Danube jusques en France.
Comme elle le rappelle, « [...] le hongrois est, dit-on, la seule langue que même le diable respecte... mais ne parle pas ». Cet ouvrage comporte 22 poèmes retraduits pour l'occasion par Kristina Rády elle-même. La poésie d'Attila József est un cœur battant, un cœur battu. En 1937, alors âgé de 32 ans, le poète s'en alla faire rouler son corps sous le train de la mort. Et ce n'est point ici une creuse métaphore puisqu'il s'allongea littéralement sur des rails devant une de ces machines en partance vers l'au-delà du verbe.
Son compatriote Arthur Koestler, écrira d'ailleurs ces mots quelques jours après le suicide du poète (la citation suivante est extraite de la préface de cet ouvrage) : « [...] Attila József fut considéré comme un grand poète dès l'âge de 17 ans, nous savions tous qu'il était un génie et pourtant nous l'avons laissé s'effondrer sous nos yeux... Je parle de cette affaire, car elle est caractéristique de par son acuité. Elle s'est passée dans cette Hongrie "exotique", au milieu de ce petit peuple qui est le seul à n'avoir aucun parent de langue en Europe et qui se trouve ainsi le plus solitaire sur ce continent. Cette solitude exceptionnelle explique peut-être l'intensité singulière de son existence... et la fréquence avec laquelle ce peuple produit de tels génies sauvages. Pareils à des obus, ils explosent à l'horizon restreint du peuple, et puis on ramasse leurs éclats [...] Ses véritables génies [...] naissent sourds-muets pour le reste du monde. Voilà pourquoi c'est à peine si j'ose affirmer [...] que cet Attila József dont le monde [...] ne va pas entendre beaucoup parler [...] fut le plus grand poète lyrique d'Europe. C'est un stupide sentiment du devoir qui m'oblige à déclarer cette mienne conviction, bien que cela ne profite à personne. Cela n'arrêtera pas le train non plus. »
Le comédien Denis Lavant incarne la parole toujours vivante de cet homme tourmenté, de ce frère humain qui, du fond de la terre, a tant de choses essentielles à nous clamer. Quant à Serge Teyssot-Gay, sa guitare est une clef de voûte : elle exhausse la voix du poète transvasée dans la bouche habitée du comédien. Et c'est alors qu'il nous semble battre encore à nos oreilles l'incomparable chant de ce « cœur pur ».
Thibault Marconnet 09/07/2014
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