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EAN : 9782743647940
330 pages
Payot et Rivages (08/05/2019)
3.4/5   10 notes
Résumé :
2012. Carlos Ripoll, le narrateur, est chez lui à Barcelone. Il reçoit sur Facebook deux messages anonymes qui le ramènent à un passé de violence et le mettent au défi de retourner à Buenos Aires. Un événement grave l'a marqué à jamais: il a tué la femme qu'il aimait par accident, en jouant avec une arme.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Juan Hiram Gutiérrez a appartenu à un réseau clandestin argentin. Quand la répression d'état s'est accentuée, les membres de son réseau ont été capturés, torturés et assassinés par les escadrons de la mort de la Triple A. L'Amérique du sud étant devenue sous la houlette de la CIA une gigantesque souricière, Gutiérrez est parvenu à s'enfuir en Espagne. Là il a pris pour nom Carles Ripoll, a travaillé comme ouvrier anonyme au milieu d'autres réfugiés échoués à Barcelone, puis comme conseiller politique profitant du capitalisme triomphant des années 80, aux cours desquelles il a pondu un best-seller au titre évocateur, « L'Art d'être un Gros Pourri et de réussir en politique ».
C'est en 2012 que son destin bascule de nouveau lorsque des messages sur Facebook l'informent que l'on sait qui il est, et qu'il est prié de revenir à Buenos Aires où l'attendent d'anciens camarades. La vie de Gutiérrez/ Ripoll est dans une impasse. Malheureux, nostalgique, coupable d'être vivant alors que dans d'autres sont morts, il décide de rentrer.

Raúl Argemí est sans conteste l'un des grands noms du polar contemporain. Si la quatrième de couverture d'A Tombeau ouvert nous fait penser à L'Ombre de ce que nous avons été de Luis Sepúlveda, le lecteur se détache très vite de ce souvenir pour plonger dans cet excellent roman noir qui restitue l'extrême violence de la dictature argentine.
Gutiérrez/ Ripoll a échappé au pire, reconstruit sa vie en Europe, tenté d'oublier un passé noir comme le souvenir, pour paraphraser Mocky. Il a vécu l'Argentine par procuration via les journaux, les mondiaux de foot, la guerre des Malouines… essayé de comprendre tant bien que mal son nouveau pays d'adoption:
« En bas, ça s'appelait la movida madrilène. En haut, la monarchie, la transition vers la démocratie l'oubli des meurtres de Franco participaient aussi à la fête. Au milieu régnait un drôle de mélange. Il y avait ceux qui osaient dire qu'on vivait mieux sous Franco, et qu'il y avait plus de moralité, et ceux qui voyaient le destape et sa prolifération de salles de porno hard en live comme un modernisation. Tout n'était que réjouissance dans un pays qui accusait un demi-siècle de retard par rapport à l'Europe et à l'Occident en général. Un pays dont quelqu'un avait dit, pour définir la transition: nous avons troqué l'âne et le béret contre la moto et le casque. »

Portrait implacable d'un exilé désabusé qui file « à tombeau ouvert » vers les emmerdements et la violence, le roman construit sur les flash-back est aussi le bilan d'une vie façonnée par la dictature, la radiographie d'une époque révolue où tous sont sortis perdants, ceux qui ont résisté, comme ceux qui ont collaboré. Qu'importent les faux noms, les fausses identités, les faux passeports, le passé se rappelle toujours à votre bon souvenir, et l'affronter chez Raúl Argemí, c'est aussi marcher avec la mort. Surtout lorsqu'on se définit soi même comme un "cul bénit" et que l'on veut expier ses fautes qui pèsent sur la conscience comme une chape de plomb.
Déstabilisant, violent et désespéré, A Tombeau ouvert est un roman noir comme on les aime. Avec du style et beaucoup d'ironie.
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Dans les années 1970, Juan Hiram Gutiérrez et ses camarades, membres d'un groupe armé en lutte contre la dictature, ont déposé pour servir la cause une somme importante dans une banque suisse. Poursuivis par les escadrons de la mort de la Triple A, l'Alliance anticommuniste argentine, ceux qui n'ont pas été arrêtés, retournés ou exécutés, se sont enfoncés plus profondément dans la clandestinité ou ont fui. Gutiérrez a rejoint l'Espagne en 1975 où il est devenu Carles Ripoll, conseiller politique occulte et cynique au service d'une clientèle qui ne l'est pas moins et auteur d'un livre à succès, L'art d'être un Gros Pourri et de réussir en politique. En 2012, alors qu'il vit à Barcelone, il reçoit sur Facebook deux messages anonymes. Il a été reconnu et on le défie de revenir à Buenos Aires. Fatigué de se cacher, tiraillé par la honte d'avoir fui, attiré par l'argent qui dort dans la banque suisse et aiguillonné par ce message qui sous-entend qu'il ne serait pas le dernier survivant du groupe, il décide de retourner en Argentine pour solder ses comptes.
Cela faisait longtemps que l'on attendait un nouveau roman de Raúl Argemí après le déstabilisant Ton avant-dernier nom de guerre traduit en 2013 aux éditions Rivages. À tombeau ouvert, à sa manière, et en particulier à cause d'incessants aller-retour entre les différentes époques de la vie de Gutiérrez/Ripoll, peut aussi être parfois déstabilisant ou, à tout le moins, labyrinthique. Surtout, il est d'une profonde noirceur. Juan Hiram Gutiérrez n'a rien d'un héros et il le sait. Ce qui le porte avant tout est une colère, intense, à l'égard de ceux pour qui il travaille, à l'égard de ceux qui l'ont poussé à l'exil et enfin et peut-être surtout à l'égard de lui-même qui ne s'est jamais pardonné cet exil qu'il considère comme une trahison à la cause qu'il défendait. Dès lors son parcours professionnel comme sa vie amoureuse chaotique apparaissent comme des manières de continuer à se punir et son retour en Argentine comme un moyen de se racheter ou de payer enfin pour les fautes qu'il a commises.
Particulièrement sombre, donc, À tombeau ouvert porte aussi en lui une véritable mélancolie et une profonde colère qui touchent d'autant plus que l'on ne peut éviter, lorsque l'on connaît un peu le parcours de Raúl Argemí, d'imaginer que sa propre histoire et ses propres sentiments se mêlent à ceux de son personnage. Si l'humour que l'on connaît chez l'auteur argentin n'est pas totalement absent et si son ironie touche souvent juste, on est bien là face au roman le plus noir et désespéré d'Argemí et peut-être aussi le plus émouvant.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Si vous ne connaissez pas encore Raul Argemi, foncez sur ces polars, vous ne le regretterez pas.
Il est l'auteur de plusieurs romans noirs dont l'inénarrable Patagonia tchou-tchou. Lui que l'on a comparé avec ses premiers romans à Jean-Patrick Manchette.
Ici il revient avec un roman plus sombre qu'à son habitude.
Carlos est chez lui à Barcelone lorsqu'il reçoit deux messages anonymes via Facebook évoquant son passé violent et le mettant au défi de retourner à Buenos Aires.
Il nous propose un roman noir qui rompt avec les codes du genre, délaissant la pure intrigue policière pour s'attarder sur les blessures du passé de son héros, blessures qui l'ont privé d'un futur depuis qu'il a tué son épouse en jouant avec une arme...
Dans ce noir récit, on alterne entre temps enfui et traque mortelle.
Quand le passé qui tient prisonnier le personnage principal resurgit on retrouve le style froid et caustique de Raul Argemi qui peut à la fois être drôle et décalée et virulent aussi. Un style qui colle parfaitement avec ce roman
Noir psychologique et politique. Car oui, on retrouve tous les ingrédients caractéristiques de son univers : humour, rebondissements, folie et violence, ce qui n'exclut pas la satire sociale et politique. Et avec sa folie baroque, ses rebondissements, son humour grinçant et sa chute inattendue, ce roman confirme de manière éclatante que notre auteur est l'un des auteurs les plus créatifs du roman noir latino-américain.
A lire et faire lire de toute urgence

Lien : https://collectifpolar.com/
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critiques presse (1)
LeSoir
10 juin 2019
Dans ce nouveau roman, Raúl Argemi vire cette fois du côté de la noirceur totale.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
Je peux comprendre que les films sont doublés à la télé. Mais au cinéma, cela m'est insupportable. Quand le sujet arrivait sur la table ou que je l'y amenais exprès pour les emmerder, j'étais radical: voler la voix à un acteur était un crime. Et je leurs proposais, dans un souci de cohérence, que quand Liza Minelli, Tom Jones, Bruce Springsteen ou les Stones donnaient un concert en Espagne, ils soient doublés par Julio Iglesias ou un de ses abominables fils.
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- T'es une véritable encyclopédie de trucs bizarres, mon pote.
- J'avais un ami, un camarade mort au combat qui avait la même manie. Negro Ezequiel, on l'appelait. Il disait qu'il avait une "conneriethèque"dans la tête, des tas de connaissances qui ne servent à rien.
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- C'est juste que mes grands-parents, qui étaient galiciens, ont émigré là-bas, ils ont vécu une dizaine d'années en Argentine. Alors mon père dit qu'il est allé naître à Buenos Aires, tellement il est galicien!
- On dit que les Galiciens naissent où ça leur chante.
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– Bonjour, je voudrais parler à M. Regules, je vous prie.
– M. Regules ne travaille plus chez nous depuis longtemps, mais j’ai repris ses dossiers. Je suis M. Carlos Pérez Urrieta. Je vous écoute…
– C’est pour une transaction signée à plusieurs il y a quelques années.
– Pourrais-je connaître votre nom, je vous prie, afin de pouvoir vous situer ?
J’ai décliné sans hésiter le nom d’utilisateur que j’avais donné à l’époque, Meursault, ainsi que mon code alphanumérique.
– Veuillez rester en ligne le temps que je procède à quelques vérifications…
– Prenez votre temps.
Pendant quelques minutes, j’ai eu droit à un extrait en boucle d’une quelconque symphonie, jusqu’au retour de M. Carlos Pérez Urrieta.
– Permettez que je vous pose quelques questions. Dans quelle ville est née votre mère ?
– Dans la commune de Trenque Lauquen.
– Quelle a été votre première mascotte ?
– Une chienne qui s’appelait Terry.
– Bien. Merci. Vous comprendrez, je suppose, la nécessité de ces mesures de sécurité. Que puis-je faire pour vous ?
– Je dois me rendre à Buenos Aires. J’aimerais vous rencontrer… Pour faire le point.
– Parfait, a-t-il répondu, puis on a fixé un rendez-vous.
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Contrairement à ce que j’imaginais, le bureau du représentant de la banque suisse ne se cachait pas dans l’arrière-boutique d’une teinturerie japonaise, comme dans les films sur la mafia – où les teinturiers seraient plutôt chinois –, mais dans un des gratte-ciel qui se dressent à Retiro, à quelques pas du Río de la Plata.

Jorge m’avait prévenu qu’au rez-de-chaussée je trouverais sept ascenseurs différenciés par des lettres. Je devais impérativement prendre le « F ». Il devait y avoir une raison, mais cela ne m’empêcha pas, car on n’est jamais trop prudent, d’arriver en dernier, de monter jusqu’au vingtième par l’ascenseur indiqué et de redescendre trois étages par l’escalier.

Ils étaient tous là, trépignant à cause de mon retard, dans une salle d’attente anonyme dont on aurait dit que les meubles sortaient à peine du magasin. Nous étions quasiment les mêmes que lors de notre dernière réunion sous la boutique de cadeaux : Lucas, Fernando, Silvia et Pedro, Negro, Tordo, Pelado, Paula, Jorge et moi-même, pour la première fois depuis bien longtemps sous l’identité de Juan Hirám Gutiérrez.
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