Si
Abraham Lincoln fascine, non sans raisons, difficile de faire un choix dans le nombre incalculable d'ouvrages qui lui sont consacrés.
C'est pourquoi lorsque j'ai vu cette biographie de
Thomas Keneally proposée lors du dernier Masse Critique, je n'ai pas hésité à tenter ma chance. le sujet d'une part m'intéressait et je n'oubliais pas que keneally est l'auteur du poignant «
La liste de Schindler » que j'ai dévoré l'année dernière et dont je ne suis pas encore tout à fait remise.
J'attendais beaucoup donc, de cette lecture…
Abraham Lincoln était pour moi essentiellement l'homme qui avait aboli l'esclavage et à ce titre l'une des figures politiques les plus dignes d'intérêt et d'admiration.
Alors, ce livre a-t-il détruit mes illusions ou au contraire a-t-il contribué à les affermir ?
Tout le début s'intéresse à la jeunesse de Lincoln et à ses origines rurales. le portrait dressé par Keneally est touchant et montre comment sa naissance en un milieu rude a dessiné l'homme politique qu'il serait plus tard.
Et c'est de cet homme dont traite l'essentiel du récit. On assiste donc à l'ascension de ce jeune homme dégingandé, timide -surtout avec les femmes-, dépressif, amoureux des livres mais aussi déterminé et ambitieux non forcément pour lui mais pour son pays.
Le récit relate les principaux événements qui l'ont amené à la présidence des Etats-Unis. On assiste avec intérêt à son évolution, ses prises de position pas toujours populaires, la naissance de son idéal politique, ses hésitations, ses doutes comme ses certitudes. Ses contradictions aussi.
L'ensemble est très vivant. Keneally raconte sans fioritures les différentes étapes qui ont jalonné sa vie politique comme sa vie privée sans jamais alourdir le récit par de longues démonstrations politiques ou économiques. Ce qui pourrait d'ailleurs en gêner certains. L'Histoire ne s'encombre pas de détails et cela peut être frustrant mais dans le même temps c'est ce qui la rend abordable au plus grand nombre.
L'auteur revient souvent sur le caractère de Lincoln et met en évidence certaines de ses contradictions les plus frappantes. Anti-esclavagiste convaincu il semble par exemple qu'il n'accorde pas au génocide Indien le même caractère d'immoralité qu'à l'esclavage, bien au contraire, il le cautionne.
De plus son anti-esclavagisme apparaît comme très modéré, du moins au début où il ne prône qu'une limitation du système et non son abolition.
Puis plus tard : « Je n'ai jamais été et ne serai jamais favorable à ce que l'on fasse des noirs des électeurs, des jurés, ni à ce qu'ils obtiennent les qualifications nécessaires pour exercer des fonctions officielles, ou puissent épouser des femmes blanches. »
Mais par ailleurs : « Je considère que l'esclavage est un mal, et je crois en toute politique qui naîtrait de la volonté d'enrayer l'expansion de ce mal. ».
Propos à replacer dans leur époque bien-sûr… L'auteur justement dresse un tableau passionnant de cette période où l'on voit peu à peu Lincoln planter les germes de l'Amérique d'aujourd'hui tant sur le plan économique que politique.
De nombreux extraits de discours ou de correspondances ainsi que des anecdotes émaillent et animent le récit. L'auteur s'est considérablement documenté et a ajouté en fin d'ouvrage des annexes bien utiles pour se repérer. Ici point de légende, que des faits avérés. Keneally n'a pas édulcoré ni romancé. Et au final c'est une oeuvre passionnante qu'il nous livre pour qui s'intéresse à l'homme d'abord, à l'époque ensuite. A compléter peut-être avec l'une des nombreuses références citées en fin de bouquin....
Quand à savoir si cette lecture a détruit mes illusions ou au contraire a contribué à les affermir, sans aucun doute la seconde hypothèse est la bonne car certes
Abraham Lincoln n'était pas en tous points parfait et son héritage peut ne pas être au goût de tous, je crois en sa sincérité et ai découvert dans ce portrait un homme attachant et fascinant, surtout profondément humain et proche de son peuple.
Merci à Babelio et aux éditions Belin…