Assia (janvier 1858) a parfois été traduit sous le titre
Anouchka. Assia (Ася), achevé en 1857 et publié en 1858, nous rend témoins d'un amour malheureux entre le narrateur
N. N. et la jeune Assia, née hors mariage, d'un gentilhomme décédé au moment du récit, et de sa femme de chambre. Cette nouvelle, écrite par
Tourguéniev après un silence d'un an dû à la maladie et à un épisode dépressif, a donc été publiée en français sous les titres Asya ou
Anouchka, souvenir des bords du Rhin. Les nombreuses variantes du manuscrit montrent les hésitations de l'auteur, notamment sur le personnage d'Assia dont le profil évolue beaucoup entre la version initiale, où elle a un esprit plus enfantin, et la version définitive.
Le récit remonte à un épisode de jeunesse, procédé habituel chez
Tourguéniev, et est consacré à l'un de ses thèmes favoris: l'amour impossible. le narrateur, âgé alors de vingt-cinq ans, quitte la Russie pour un voyage qui le mène à Z. au bord du Rhin, près de la Lorelei (la description correspond à Sinzig, décrite très finement, où
Tourguéniev s'est reposé en juillet 1857). le narrateur tente de s'y remettre d'une déception amoureuse après qu'une jeune veuve lui ait préféré un rival. Une certaine Frau Louise, lui présente deux compatriotes qu'il finit par retrouver presque tous les jours, Gaguine et
Anouchka (diminutif d'Anna ou Assia), qui se présentent comme frère et soeur, mais qui sont bien différents. Tous deux voyagent en Europe. Elle est solitaire, éprise de liberté, et comme
Tourguéniev se réfugie dans la nature, mais aussi chez cette Frau Louise, une vieille dame sensible qui cherche à la comprendre. Les deux hommes se lient vite d'amitié, tandis qu'Assia évite d'abord le narrateur avant de ressentir pour lui des sentiments plus tendres. Lui, de son côté, est également attiré par cette jeune fille de 17 ans, spontanée mais farouche et déconcertante. Comme souvent chez
Tourguéniev, c'est la femme qui fait le premier pas. Elle lui offre une branche de géranium, mais elle rentre ensuite dans sa coquille quand son frère évoque la «dame des pensées» du narrateur, sans préciser qu'elle appartient au passé, d'où un terrible malentendu. On apprend bientôt que Gaguine est le fils d'un aristocrate, et qu'
Anouchka est sa demi-soeur, née des amours de son père et d'une servante. Gaguine l'a recueillie quand elle est devenue orpheline. C'est à Gaguine et non à Assia que le narrateur confie ses sentiments amoureux. Assia, lui donne rendez-vous pour lui dévoiler son amour (dans la dernière version, elle va même jusqu'à lui dire «Je suis à vous»), mais
N.N. explique à son frère qu'il hésite à s'engager et à l'épouser, à l'instar d'
Eugène Onéguine de
Pouchkine. Après avoir atermoyé et pensé qu'ils doivent se séparer, il s'apprête finalement à demander sa main, mais remet sa démarche au lendemain. Quand il arrive chez elle, la maison est vide. La jeune fille attendait depuis trop longtemps «un mot, un seul mot» qui n'est jamais venu, et elle est partie avec son frère sans laisser de trace. le narrateur se mord les doigts, et les cherche à Cologne et à Londres, mais en vain. Il raconte tout cela des années plus tard, maintenant qu'il est resté seul toute sa vie, et contemple nostalgiquement la branche de géranium qu'il a conservée.
Le fait qu'Assia soit la fille d'un gentilhomme et d'une domestique rappelle la fille que
Tourguéniev a eue d'une serve de sa mère, mais l'écrivain a écrit que le portrait qui en est fait est en réalité celui de la fille illégitime de son oncle. Elle s'appelait Anna.