- Ivre de vin, de poésie et de petites vertus - (remarques complètes sur le blog)
Avant même d'avoir lu la moindre bulle, une préface de l'auteur
Fred van Lente m'a fait hausser un sourcil intrigué : « Je venais de terminer une série sur Hercule, qui chez Marvel est un bagarreur qui a du mal à contrôler ses pulsions. Je voulais différencier Armstrong en faisant de lui un poète en herbe, quelqu'un qui veut éviter de se battre autant que possible. » (je souligne).
Tout lecteur méfiant sait bien que les poètes fictifs sont souvent le prétexte choisi par un auteur pour écrire quelques mauvais vers de son invention.
Mais le personnage de van Lente est surtout un alcoolique immortel qui a le bon goût, en pleine baston, de réciter les vers d'autrui sans trop oublier de nommer ses sources.
Dès le numéro 1 de la série et sa première apparition dans un bar où il est videur, le personnage d'Armstrong est défini par quelques traits : alcool, paresse, humour potache et culture poétique, celle-ci se manifestant par une citation latine : « mater saeva cupidinum », que loin d'être snob il traduit aussitôt [5] : « Forbear, cruel mother of soft desires ».
Soit, d'après la traduction française : « Tu me fais fléchir, mère de mes désirs ».
Il s'agit en fait d'une citation d'une ode d'Horace [6], où il est très logiquement question de Bacchus (« l'enfant de la Thébaine Sémélé ») et de Vénus, autant dire les dieux du vin et de l'amour charnel. Voici l'ode en question :
"Ode XIX. — À GLYCÉRA.
La mère cruelle des Désirs, et l'enfant de la Thébaine Sémélé et la Licence lascive me commandent de rendre mon coeur à des amours finies. L'éclat de la splendide Glycéra, plus blanche que le marbre de Paros, me brûle ; sa fierté gracieuse et son visage trop voluptueux à regarder me brûlent. Vénus, désertant Cypros, s'est ruée en moi tout entière ; et elle ne souffre pas que je dise les Scythes et le Parthe irrité faisant retourner ses chevaux, car ces choses ne la touchent en rien. Enfants, posez ici un vert gazon, des verveines, de l'encens et une patère pleine d'un vin de deux ans. Vénus sera apaisée par le sacrifice d'une victime."
Des vers interrompus sont toujours révélateurs. Il n'est sans doute pas innocent que
Fred van Lente ait choisi un texte dans lequel le poète constate que Vénus « ne souffre pas que je dise les Scythes et le Parthe irrité », formule qui renvoie à la guerre et donc à la bagarre en arrière-plan de la case.
Armstrong déclame, si je puis dire, pour indiquer qu'il préfère boire en compagnie des filles que d'aller se battre. Une citation latine fait un antihéros, avec une couche de culture classique de surcroît.
Mais la patronne du bar ne l'entend pas de cette oreille et a une scène d'action à lancer : « No more poetry ! » ordonne–t-elle au videur, « plus de poésie ! », ce qui implique qu'Arsmtrong est un habitué des citations littéraires, contribuant encore à définir sa personnalité.
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