AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Sabine Porte (Traducteur)
EAN : 9782267015652
219 pages
Christian Bourgois Editeur (31/01/2001)
4.08/5   12 notes
Résumé :


Face au chaos, à l'énigme du monde, Au présent est une interrogation en forme d'éclatement, où s'entrecroisent des fragments de récits autobiographiques, de chroniques et de lectures, des réflexions philosophiques et théologiques, des descriptions de la nature ou encore des statistiques.

Cette tentative de décryptage se déploie au travers de thèmes récurrents repris tout au long des sept chapitres comme autant de champs d'exploration. ... >Voir plus
Que lire après Au présentVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
"Dans quel dessein ces milliards d'olibrius que nous sommes venons-nous au monde ?
[...]
Je ne sais pas. Je ne sais fichtre rien de Dieu."

Ces deux phrases anodines de Annie Dillard, isolées parmi les deux cent vingt pages de ce livre dense et curieux, en récapitulent le ressort. Les questions irrésolues hantent chacun : l'humanité en chiffres donne le vertige, les discours des religieux, Dieu où et pourquoi, les fléaux, les drames à côté des grâces de la nature, comment les vivre ? Que sommes-nous, minuscules mais si importants à nos propres yeux ?

"...si elle était parfaitement rangée, la population humaine actuellement sur terre tiendrait juste dans le lac de Windermere, dans le district des lacs."

Dans "Au présent", l'Américaine a choisi d'éclater ses thèmes qu'elle présente comme une vaste mosaïque sans transition. Cette forme de zapping, qui séduira ceux qui aiment musarder, n'induit pas un sentiment de dispersion car l'auteur se maintient autour des lignes de force sans diverger. Elle chemine néanmoins sur six pistes sans rapport apparent: les nombres vertigineux liés aux générations humaines, les malformations de naissance, la pensée des Juifs hassidiques de l'est de l'Europe, une histoire naturelle du sable, les explorations paléontologiques de Teilhard de Chardin, et des nuages aussi, que certains ont voulu décrire comme pour en figer à jamais la fluidité. Au bout des quatre ou cinq chapitres, le lecteur, familier de ces thèmes, mesure qu'ils forment un tableau complexe de notre monde.

[...]

Il est sûr qu'il peut y avoir quelque ennui à lire le mécanisme des érosions naturelles et la formation des sables sous lesquels des générations reposent, comme l'armée enterrée des soldats de l'empereur Qin, qu'il peut s'entendre des soupirs à parcourir la répétition d'anecdotes du Talmud ou du Zohar. On sent néanmoins derrière tout cela un travail méthodique de recherche qui sollicite un regard, une interprétation. Comme des cartes de tarot étalées sur la table, disposées au hasard : trouvez-y un sens, une résolution.

À l'attention de ceux qui, comme moi, à nos âges matures, pensent que nous en savons assez sur toutes ces questions métaphysiques et existentielles, nous qui avons résolu tant bien que mal nos questionnements, je veux terminer par une pirouette personnelle : faut-il continuer de secouer le prunier, même s'il n'y a pas ou plus de fruits dessus ? Il le faut, absolument, ne fût-ce que pour entendre le bruit des feuilles qui nous tient en éveil et nous enchante quand il est sincère.
(Billet complet sur Marque-pages)
Commenter  J’apprécie          120
"Dans quel dessein ces milliards d'olibrius que nous sommes venons-nous au monde ?"
C'est à partir de ce questionnement universel et intemporel qu'Annie Dillard nous livre une mosaïque de réflexions divisée en sept chapitres (chiffre symbolique ?) lesquels ressemblent un peu à sept vagues qui, sous l'apparence de la succession, ne sont que les éléments d'une même mer.
Ses supports sont Teilhard de Chardin, la science, la religion, les voyages, la littérature, l'histoire, une grande culture et une belle intelligence… mais surtout la présence de la vie et de ce qu'elle en observe… et des chiffres (le tout s'harmonise et fait mouche)
Ce n'est pas un roman, une nouvelle, une poésie ou un essai… aussi cet ouvrage iconoclaste pourra en rebuter certains ou se révéler ennuyeux pour d'autres, mais faites un effort… c'est une lecture qui ne fait pas perdre de temps à son lecteur… c'est peut-être même le contraire...
" Des hyènes aux bactéries, les êtres vivants se chargent d'évacuer les morts comme les machinistes escamotent les accessoires entre les scènes."
Commenter  J’apprécie          70

Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Il n'y a pas d'anciens temps héroïques, il n'y a pas d'anciennes générations pures. Il n'y a que nous autres ici, pauvres poltrons, et il en a toujours été ainsi: un peuple affairé et puissant, bien informé, ambivalent, important, effrayant et conscient de lui-même; un peuple qui manoeuvre, influence, trompe, conquiert; qui prie pour ceux qui lui sont chers et rêve de fuir le malheur et d'échapper à la mort. C'est une vision édulcorée et démoralisante que d'imaginer un peuple rustique qui aurait eu jadis la chance de connaître Dieu personnellement - ou ne serait-ce que l'altruisme, le courage ou encore la littérature - alors que pour nous, il serait trop tard. En réalité, l'absolu est à la portée de tous et en tout temps. Jamais époque ne fut plus bénite que la nôtre, et jamais époque ne le fut moins.
La sainteté n'est pas moins répandue aujourd'hui - à l'heure où vous lisez ces lignes - qu'elle ne l'était au temps où les eaux de la mer Rouge se divisèrent, ou encore en ce jour de la trentième année, du quatrième mois, du cinquième jour du mois, où Ezéchiel qui se trouvait alors retenu en captivité sur les rives du fleuve Kebar vit les cieux s'ouvrir et contempla des visions divines. L'arbre de votre rue est tout aussi propice à l'éveil spirituel que le figuier pippal de Bouddha. Les forces du ciel et de la terre tout aussi puissantes que le jour où Jésus dit " Fille, lève-toi" à la fille du centurion, le jour où Pierre marcha sur les eaux, ou encore cette nuit où Mahomet s'enfuit à cheval au paradis. A tout instant, le sacré peut vous effleurer du doigt. A tout instant, le buisson peut s'enflammer, vos pieds se soulever, vos yeux découvrir une colonie d'âmes dans un arbre. A tout instant, vous pouvez user du pouvoir d'aimer vos ennemis, d'accepter l'échec, la calomnie ou la douleur de la perte, ou encore d'endurer la torture.
La pureté appartient toujours au présent.
Commenter  J’apprécie          93
Dieu est l'esprit, l'esprit tel qu'il s'exprime infiniment dans l'univers et, ne donne pas comme le monde donne. Sa demeure est l'absence et c'est là qu'il nous trouve. Dans les replis de l'absence nous le rencontrons en nous mettant en quête de lui. Dieu élève nos âmes jusqu'à leur racine dans son silence. Les matières naturelles entrent en collision et se répliquent, façonnant nos destins. Nous perdons ceux que nous aimons, nous perdons notre vigueur, et nous perdons notre vie. Peut-être, et au mieux, Dieu ne sait-il rien de ces accidents temporels et ne connaît-il que les âmes. Ce Dieu-là ne dirige pas l'univers, il le sous-tend. Ou il s'y "prolonge", selon la formule de Teilhard. Ou encore, selon ce cher doux-dingue de Joël Goldsmith, Dieu est la conscience de l'univers. La conscience de la divinité est la divinité elle-même. Plus nous nous éveillons à la sainteté, plus nous lui donnons naissance, plus nous l'introduisons, plus nous la répandons, plus nous la multiplions sur terre, plus Dieu est "sur le terrain".
Commenter  J’apprécie          80
L'attachement aux biens de ce monde est tel de nos jours, écrivit en 1570 sainte Thérèse d'Avila à son frère, que je déteste tout simplement posséder quoi que ce soit.
Commenter  J’apprécie          120
Si la science ne se préoccupe guère de la culture humaine, si elle n'a exploré que récemment la conscience humaine et laisse à d'autres disciplines, si tant est qu'il y en ait, le soin d'étudier la pensée humaine - la science, et Dieu sait son exactitude, est néanmoins incapable d'aborder cette question pour nous primordiale : Que faisons-nous ici ?

p.107
Commenter  J’apprécie          50
Nuages. Nous autres humains possédons des traces semblables à des stèles de nuages précis avec la date à laquelle ils sont apparus.
En 1824, John Constable emmena à Brighton, au bord de la mer, son épouse bien-aimée, Maria, qui était atteinte de tuberculose. Ils espéraient que l'air marin la soignerait. Le 12 juin, il brossa à l'huile une esquisse de nuages de pluie au-dessus de la plage de Brighton. Les nuages gris descendaient sur l'eau dans le jour qui déclinait. Ils tournoyaient autour d'une vrille noire.
En 1828, alors que Maria agonisait à Putney, John Constable alla à Brighton chercher certains de leurs enfants. Le 22 mai, il consigna un nuage oblique bleuté qui s'effilochait haut dans le ciel devant un soleil blême. Plus bas, l'horizon était barré de deux fines traînes de nuages rouges. Sous les nuages, il peignit une vaste côté dénudée constellée de gens isolés éparpillés ça et là.
Maria Constable mourut en ce mois de novembre. Nous possédons encore ces nuages datés.
Commenter  J’apprécie          10

Video de Annie Dillard (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Annie Dillard
Le choix des libraires vous invite à la rencontre de Sylvie Labas, la propriétaire de la librairie « Folie d'Encre » à Saint-Denis. Avec elle, partagez ses coups de c?urs et ses auteurs favoris comme James Baldwin, Daniel Arsand ou encore Annie Dillard.
Dans la catégorie : EssaisVoir plus
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature américaine en anglais>Essais (33)
autres livres classés : essaiVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (36) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

amoureux
positiviste
philosophique

20 questions
848 lecteurs ont répondu
Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

{* *}