Décidément, on n'arrête pas le progrès !
Marie-Antoinette découvre la nouvelle panacée à la mode : le magnétisme de Monsieur Mesmer. le voilà, le traitement miracle qui va lui permettre d'offrir un héritier à la France. Un seul hic : son prix.
Il faut rapidement trouver quelqu'un qui pourrait financer ses soins. Et pourquoi pas Madame Cottin de Melville, cette fermière générale qu'on dit riche à millions ? La reine lui envoie donc ses fidèles enquêteurs secrets. Hélas pour eux, la route s'avérera jonchée de cadavres, et peut-être, bientôt, des leurs ?
Comme je sors du ghetto de Varsovie (en lecture seulement, par bonheur), il me faut un peu de légèreté, d'humour, bref, de la bonne humeur. Et, par chance,
Frédéric Lenormand publie le quatrième volume de la série d'enquêtes menées tambour battant par
Rose Bertin et Léonard Autier. Pas d'hésitation. C'est exactement ce qu'il me faut.
Comme dans les autres épisodes, on le sait, Rose et Léonard passent leur temps à se chamailler et s'envoient la tête foule d'insultes bien réjouissantes (pour nous s'entend). Belle occasion d'enrichir son vocabulaire d'expressions fleuries du Siècle des Lumières, telles que « frelampier », « frippe-sauce », « larronnesse » ou « mordondienne ». J'adore.
Pour l'action, on est servi. Nos deux compères ont le chic pour se fourrer dans des situations rocambolesques, telles que se retrouver enfermés dans les caves d'anciennes teintureries, ou être confrontés à des individus louches, comme cet aubergiste dont la carte ne propose qu'un choix d'inoffensives tisanes. Mais chaque théière est « améliorée » par divers alcools frelatés.
Comme à son habitude,
Frédéric Lenormand laisse libre cours à son imagination débridée, ce qui ne l'empêche pas de se documenter consciencieusement et de mêler au fil tortueux de son histoire épisodes et personnages bel et bien historiques (quoique accommodés à la sauce Lenormand).
Dès les premières pages, on fait la connaissance du magnétiseur Mesmer, qui pratique sur ses patients une sorte de psychanalyse. Il laisse aux « valets-toucheurs » le soin de poser la pointe d'une baguette, sinon magique du moins bienfaisante, sur les « endroits où le flux guérisseur devait s'exercer ».
A chaque détour des couloirs de Versailles, on tombe sur le comte Fersen qui se meurt d'amour pour
Marie-Antoinette, tout en souhaitant partir en Amérique en découdre avec l'ennemi. Quant au comte de Provence (futur
Louis XVIII), qui « rêvait de monter sur le trône à la place de leur aîné », on le voit échafauder mille plans pour se débarrasser du roi ou pour faire fortune.
On apprend ce que sont ces « fermiers généraux » qui collectent les impôts, sans oublier, au passage, d'en laisser glisser une partie dans leur escarcelle.
Rose et Léonard découvrent avec horreur un réseau de traite des noirs, qui a réellement existé.
Mais qu'en est-il du pistolet d'or qui donne son titre au livre, me direz-vous. Son inventeur, qui porte le même nom que l'auteur, a fait faillite en France, mais, exilé en Angleterre, il a réussi en rebaptisant sa création « revolver ».
Bien évidemment, vous l'avez compris dès le titre qu'il emprunte à James Bond, l'auteur adresse plus d'un clin d'oeil au septième art. Il n'est donc pas surprenant qu'avant de partir en mission, Léonard doive passer chez la dame d'atours de la reine qui a reçu « un vaste échantillon d'accessoires truqués destinés au contre-espionnage, notamment des souliers pourvus d'une lame rétractile qui sortait par-devant quand on appuyait sur le talon ». Mais, au lieu de s'en servir, le pauvre Léonard, mis en fâcheuse posture, préfère se comporter en McGyver en utilisant son imagination et les objets qui l'entourent pour se débarrasser de ses adversaires.
Sous le couvert de l'humour, l'auteur donne quelques coups de griffe à notre société actuelle. Il parle de métiers typiquement virils, comme la coiffure. En effet, « il fallait manier des lames et autres instruments coupants, brûlants des outils de précision, ce n'était pas une activité pour les personnes fragiles et délicates, son art était réservé à de fortes natures (…) capables de rester debout des heures durant. »
Plus loin, Rose s'offusque d'une couturière qui brode son patronyme sur ses créations : « on reconnaissait une robe de chez Bertin à sa perfection (…) Pourquoi pas signer aussi l'argenterie, les carrosses, les meubles ? On ne vivrait plus que parmi les noms des fabricants, les labels, les... les marques ! Quelle vulgarité ! »
J'ai donc passé un très bon moment en compagnie de nos deux héros qui m'ont bien fait rire. Car
Frédéric Lenormand parsème son récit de touches d'humour : le fermier général des vinaigres s'appelle « Cornuchon ». de jeux de mots : celui qui gère l'herbe à Nicot « a fait plusieurs séjours dans de discrètes maisons de repos pour personnes fatiguées du cigare, mais ça n'a pas fait un tabac. Pourtant, il n'avait pas mégoté sur les frais. » Ou de piques : « Si l'on mettait au musée tout ce qui est vieux, moche et inutile, je ne pourrais plus sortir de chez moi. »
Sur ce, je pars au musée. Quant à vous, lisez ce livre, il apporte un rayon de soleil dans la grisaille ambiante.