Voici mon roman. Il devait culminer à deux cent quatre vingt pages, pour faire sérieux. Il en a quarante sept, c’est mieux que vain. L’histoire. Ben c’est toujours pareil, la mort, la vie et tout ce qui va avec. Voilà. Que dire de plus. Ah il est écrit en français –je dis ça pour la traduction future- si ça nécessite de passer les frontières. Il ne devrait pas être trop coûteux. Pour la parution, au vu du nombre de mots absents, et tenir facilement sur un carnet transportable dans tous les lieux communs. Le genre de littérature, je veux parler de la classification, de l’étagère sur laquelle il sera entreposé. Si vous avez quatorze ans et demi il vous paraîtra chiant fatalement, je vous laisse trouver pourquoi. Si vous en avez trente vous direz qu’il ne vous cultive pas, à quarante c’est pire, à cent vous seriez choqués. Comme quoi. Il y a plusieurs lectures possibles, et il se peut que vous le pensiez profondément con, je ne vous cache pas qu’à moi aussi ça m’est arrivé. Par contre, s’il vous fait rire c’est que vous êtes atteint de ma maladie. Normalement. Et à ce moment-là vous le croirez presque raisonnable.
Bija ne resterait pas très longtemps auprès des Dissidents puisque son exemplaire reconversion rayonnait au sein de l’Onju. L’année finissante verrait son Étage enrichi d’un autre supplémentaire, confirmant pleinement son intégration et son acceptation au sein de Varanville. Après quelques années d’errance il avait incorporé la vraie vie et son irréprochable conduite ainsi qu’un sérieux engagement lui avait conféré le statut d’habitant. Il ne se sentait pourtant pas à sa place. Nulle part d’ailleurs dans ce Monde. Les frontières établies ne correspondaient pas aux siennes, et au cœur du campement, il cloisonnait les effluves de Dissidence qui végétait en lui, tout en regardant inquisiteur et inquiet ceux qui en survivaient encore.
L’Hydrolice venait d’annoncer une coupure d’eau. C’était la troisième fois ce mois-ci. Elle aurait lieu à midi, heure locale. Aucun renseignement quant à sa durée n’avait été donné. Les Activateurs avaient reçu une circulaire que chaque habitant se devait d’accepter. Age, nom, fonction. Formulaire à retourner instantanément sous peine de graves sanctions. L’Hydrolice y spécifiait qu’elle se déchargeait de toutes responsabilités en cas d’évènements malheureux, et toute plainte portée postérieurement à l’heure de la signature resterait inécoutée. Il était vivement conseillé d’éviter tout incident durant la coupure. Nul ne devait prendre de risques, tomber malade, s’égarer ou se faire tuer. Les Secours de l’Organisme n’interviendraient pas. La Garde de la Liberté non plus. Tous les services du Gouvernement du Monde seraient interrompus puisque l’eau ne serait plus distribuée.
Chaque fois qu’une personne s’enrichissait ou grimpait à l’échelle citadine, elle avait droit à un Etage supplémentaire. Les villes étaient ainsi constituées de cubes disposés tantôt par deux ou trois ou dix, ou cent, et des Tours gigantesques juxtaposaient des cubes simples qui venaient d’être construits ou que leur occupant n’avait pas su élever. Sora avait fait de chaque Etage une pièce à part entière. Et cela lui suffisait. Elle n’éprouvait pas le besoin de s’étendre davantage dans de plus ambitieuses hauteurs. Elle avait déjà refusé par deux fois la construction d’un Etage supplémentaire, et elle tenait, pour le moment tout du moins, à en rester là de son intérieur.