Max Blecher est souvent comparé à Kafka ou
Bruno Schulz. Pour le côté « fantastique » de ce roman, c'est assez exact. Cependant, quelques distinctions qui me paraissent importantes : Blecher a la même simplicité que dans "
Coeurs cicatrisés", au moins jusqu'à l'approche de la fin, qui est un peu plus symbolique. En clair : cela se lit bien plus facilement dans l'ensemble que Kafka à mon sens. Noter aussi que le sexe « explicite » est loin d'être absent. L'auteur roumain me paraît aussi moins personnel que Schulz et donne bien plus le sentiment d'une composition et, bien qu'il écrive à la première personne, la fameuse « suspension volontaire de l'incrédulité » qui pour certains définit la fiction. Pour le reste, le titre définit très bien ce qui vous attend à la lecture : un jeune homme est victime d'hallucinations, positivement qualifiées d'aventures. Celles-ci ont lieu dans son quotidien et sont en lien immédiat avec ses expériences familiales, d'amitié, d'attirance sexuelle ou autres. Présentées sous forme de petits chapitres (une suite d'historiettes en quelque sorte, autre point commun avec "
Coeurs cicatrisés"), elles produisent dans l'ensemble une forte impression, malgré la grande sobriété du style : pas vraiment de recherche de situations ou termes choquants ou vulgaires, de manière générale Blecher évite le larmoyant, le mélodrame, tout ce qui suscite exagérément l'émotion. Il montre comment la conscience, donc la vie, l'espace d'un instant, bascule, du fait, à mon sens car finalement nous ne sommes pas véritablement informés sur ce point, de la santé de son propriétaire. Ce faisant, il dédramatise non pas la maladie, mais le malade (dieu sait que l'auteur ne manquait pas d'expérience en la matière) et le réintègre, comme on dirait aujourd'hui, en tant qu'aventurier des temps modernes.